Une santé branchée
sur la recherche
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sur la recherche
Perspectives du Conseil
de la recherche en santé
pour le développement
Publié par le Centre de recherches pour le développement international
BP 8500, Ottawa (Ontario) Canada K1G 3H9
http://www.idrc.ca
© Centre de recherches pour le développement international 2001
Données de catalogage avant publication de la Bibliothèque nationale du Canada
Vedette principale au titre :
Une santé branchée sur la recherche : perspectives du Conseil de la recherche en santé
et développement
Publ. aussi en anglais sous le titre : Forging links for health research.
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 0-88936-954-2
1. Santé publique — Recherche — Pays en voie de développement.
2. Soins médicaux — Recherche — Pays en voie de développement.
3. Santé publique — Pays en voie de développement.
4. Soins médicaux — Pays en voie de développement.
I. Centre de recherches pour le développement international (Canada)
II. Conseil de la recherche en santé et développement.
RA441.5F67 2001 362.9'07'21724 C2001-980278-1
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Le présent ouvrage examine l'apport de la recherche en santé au développement et, plus particulièrement, au développement équitable. Il fait suite au rapport de 1990 de la Commission sur la recherche en santé au service du développement intitulé La recherche en santé: Élément essentiel d'un développement équitable. Dans ce rapport, la Commission soutient que la recherche donne aux pays en développement la capacité de renforcer les interventions en santé et de découvrir de nouveaux moyens plus efficaces de régler les problèmes de santé (CHRD, 1990). Elle y traite également de la nécessité d'établir des liens plus étroits entre tous les intervenants du processus de recherche en santé pour que celle-ci fasse réellement partie intégrante du développement.
La Commission a mis sur pied le Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED) chargé de collaborer avec les pays en développement à la mise en œuvre de la stratégie de Recherche nationale essentielle en santé (RNES). Celle-ci vise à favoriser l'équité en santé et dans le domaine du développement. Le COHRED offre aux pays en développement le soutien technique nécessaire pour mettre en œuvre la RNES et collabore avec les chefs de file nationaux en matière de recherche pour faire de la recherche en santé un instrument de développement, établir les priorités en matière de recherche, consolider les mécanismes de soutien à la recherche et renforcer les capacités des chercheurs et des utilisateurs. Le COHRED s'emploie également à favoriser l'interaction entre les chercheurs en santé, à l'intérieur des pays et entre ceux-ci, afin de faciliter la communication d'expériences et de points de vue sur la mise en œuvre de la RNES.
Le présent ouvrage présente les points de vue et les expériences d'un certain nombre de particuliers, de groupes et d'institutions qui se sont intéressés à la RNES au cours des dix dernières années. Il met en relief les principales réalisations, mais aussi les revers des années 1990, ainsi que les perspectives d'avenir de la recherche en santé au cours des décennies à venir. Il est divisé en trois parties. La première compte trois chapitres. Le chapitre 1 donne un compte rendu des principaux événements qui ont marqué la dernière décennie dans le domaine de la recherche en santé pour le développement. Le chapitre 2 explique l'évolution des perceptions des inégalités en santé. Le chapitre 3 analyse l'apport de la recherche en santé au développement humain. La deuxième partie met surtout l'accent sur les expériences des pays en ce qui concerne trois aspects du processus de recherche en santé : participation communautaire (chapitre 4), utilisation de la recherche pour l'adoption de mesures concrètes et de politiques (chapitre 5) et renforcement des capacités des réseaux nationaux de recherche en santé (chapitre 6). Le chapitre 7 donne un aperçu de l'état de la recherche en santé dans plusieurs régions et analyse l'apport des mesures prises au niveau régional aux initiatives nationales de recherche en santé. La troisième et dernière partie porte sur les perspectives d'avenir: le chapitre 8 relate l'historique du COHRED, notamment les mesures qu'il prend pour évaluer ses propres apports et trouver des moyens de relever les défis de demain, et présente le point de vue des chefs de file de la recherche en santé des pays en développement. Le dernier chapitre résume les réalités importantes auxquelles fait face le milieu de la recherche en santé à l'aube du XXIe siècle et présente les grands défis qu'auront à relever les responsables des systèmes nationaux de recherche en santé, en particulier ceux qui sont résolus à faire de la recherche en santé un instrument plus solide de développement équitable de la santé.
Comme en témoignent la liste des auteurs (annexe 1) et les remerciements qui suivent, le présent document est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes, particulièrement de gens des pays à faible revenu et des pays à revenu moyen. La plupart des chapitres ont été rédigés selon le principe de la rédaction participative en vertu duquel un groupe de collègues fait part de ses commentaires aux rédacteurs principaux. Par ailleurs, les chefs de file de la recherche en santé d'un certain nombre de pays en développement ont exprimé leur point de vue sur l'avenir lors d'entrevues approfondies.
À la fois rétrospective et prospective, la présente étude s'appuie sur le passé pour tenter de découvrir ce que nous réserve l'avenir dans le domaine de la recherche en santé pour le développement. Nous espérons qu'elle contribuera à la poursuite du dialogue entre tous les intervenants et un développement plus équitable de la santé.
Charas Suwanwela, Président, conseil du COHRED
Yvo Nuyens, Coordonnateur du COHRED
Outre les auteurs, de nombreuses personnes ont collaboré à la réalisation du présent ouvrage. Nous remercions chaleureusement les personnes suivantes pour leur sagesse et leur aide. Si cette liste contient des erreurs ou des omissions, nous nous en excusons.
Mohamed Said Abdullah
National Health Research and Development Centre, Kenya
Gopal Prasad Acharya
Nepal Health Research Council, Népal
Joselito Acuin
Université De La Salle, Philippines
Sam Adjei
Health Research Unit
Ministry of Health, Ghana
Aikan Akanov
Centre national de la santé et des modes de vie sains, Kazakhstan
Tasleem Akhtar
Provincial Health Services Academy
Northwest Frontier Province, Pakistan
Bienvenido Alana
Centre for Economic Policy Research, Philippines
Eusebbe Alihonou
Centre Régional pour le Développement et la Santé, Bénin
Celia Almeida
Réseau de recherches sur les systèmes et services de santé
Fondation Oswaldo Cruz, Brésil
Said Ameerberg
Institute of Health, Maurice
Asuncion Anden
Tuklas Pangkalusugan Foundation
Essential National Health Research Program
Department of Health, Philippines
Isao Arita
Agency for Cooperation in International Health, Japon
Hilda Bastían
Cochrane Collaboration Consumer Network, Australie
Dennis Batangan
Tuklas Pangkalusugan Foundation
Essential National Health Research Program
Department of Health, Philippines
Boungnong Bhoupa
Conseil des sciences médicales
Ministère de la Santé, Laos
Abbas Bhuiya
Centre international de recherche
sur les maladies diarrhéiques, Bangladesh
Robert Chambers
Institute of Development Studies, Royaume-Uni
Steve Chandiwana
Ministry of Health and Child Welfare
Blair Research Institute, Zimbabwe
Abu Yusuf Choudhury
Program for the Introduction and Adaptation of Contraceptive Technology, Bangladesh
Peter Czerny
Société canadienne de santé
internationale, Canada
Sylvia Dehaan
Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève, Suisse
Don de Savigny
Centre de recherches pour le développement international, Tanzanie
Alpha Amadou Diallo
Ministère de la Santé publique, Guinée
F. Binta Diallo
Consultante, Guinée
Pham Huy Dung
Centre de la recherche en sciences sociales pour la santé
Ministère de la Santé, Vietnam
Patrick Okello Emegu
Makerere Medical School, Ouganda
E.M. Essien Haematology Department
Université d'lbadan, Nigeria
John Evans
Torstar Corporation, Canada
Mario Festin
Université des Philippines (Manille), Philippines
Norbert Forster
Ministry of Health and Child Welfare, Namibie
Claudette Francis
Psychologue clinicienne, consultante, Trinité
Lucinda Franklin
Conseil de la recherche en santé pour le développement, Afrique du Sud
Lennart Friej
Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève, Suisse
Ansgar Gerhardus
Département de l'hygiène tropicale et de la santé publique
Université de Heidelberg, Allemagne
Izzy Gerstenbluth
Département de l'épidémiologie et de la recherche
Service médical et de santé
publique de Curaçao, Curaçao
Vilius Grabauskas
Université médicale de Kaunas, Lituanie
Samia Yousif Idris Habbani
Direction de la recherche
Ministère fédéral de la Santé, Soudan
Jan Hatcher-Roberts
Société canadienne de santé internationale, Canada
Manikavasagam Jegathesan
Malaysia
Matthias Kerker
Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève, Suisse
Andrew Kitua
National Institute for Medical Research, Tanzanie
Mary Ann Lansang
Université des Philippines (Manille), Philippines
Adetokunbo Lucas
Consultant indépendant, Londres, Royaume-Uni
Peter Makara
Organisation mondiale de la santé
Bureau régional pour l'Europe, Copenhague, Danemark
Angelito Manalili
College of Social Work and Community Development
Université des Philippines (Manille), Philippines
Adolfo Martínez-Palomo
Centro de Investigación y de Estudios Avanzados Del Instituto Politécnio Nacional, Mexique
Laura McDougall
Public Health and Primary Care Unit
University of the West Indies, St. Augustine, Trinité
Cary Miller
United States Agency for International Development, États-Unis
Hanne Mogensen
Institut d'anthropologie
Université de Copenhague, Danemark
Rajanenath Mohabeer
Ministère de la Santé, Maurice
Fernando Munoz
Centre latino-américain d'étude des systèmes de santé, Chili
Francisco Muzio
Project for Foot and Mouth Disease Control and Eradication in the River Plate Basin
Pan American Foot-and-Mouth Disease Center
Organisation panaméricaine de la santé, Washington, Etats-Unis
Stella Neema
Makerere Institute of Social Research, Makerere University, Ouganda
Soumare Absatou N'iaye
Département de santé communautaire, Mali
David Okello
Organisation mondiale de la santé
Bureau régional de l'Afrique
Harare, Zimbabwe
Greit Onsea
Conseil de la recherche en santé pour le développement, Kenya
Raphael Owor
Faculty of Medicine
Makerere University, Ouganda
Tikki Pang
Organisation mondiale de la santé
Politiques de recherche et coordination, Données et information pour les recherches, Genève, Suisse
Michael Phillips
Research Centre of Clinical Epidemiology
Hôpital Hui Long Guan de Beijing, Chine
Kamashwar Prasad
All India Institute of Medical Sciences, New Delhi, Inde
Akhtar Ali Qureshi
Health Services Academy
Ministry of Health, Pakistan
V. Ramalingaswami
All India Institute of Medical Sciences, New Delhi, Inde
Laurie Ramiro
Université des Philippines (Manille), Philippines
Duangjai Sahassananda
Tropical Medicine and Public Health Center
South East Asian Ministers of Education Organization, Thailande
Bassiouni S. Salem
Amélioration des services de santé primaires
Ministère de la Santé publique, Égypte
Roberto Salvatella
Universidad de la República, Montevideo, Uruguay
Delia Sánchez
Grupo de Estudios en Economía Organización y Políticas Sociales, Uruguay
Anita Sandstrom
Organisation suédoise pour le développement international, Suède
Lye Munn Sann
Institute of Medical Research, Malaysia
Eugene Smolensky
Université de Californie à Berkeley, États-Unis
Paing Soe
Ministère de la Santé, Myanmar
Agus Suwandono
Centre de recherche et de développement des systèmes de santé
Ministère de la Santé, Indonésie
N'ah Djénab Sylla
Ministère de la Santé publique, Guinée
Peter Tugwell
Université d'Ottawa, Canada
Ma. Theresa Ujano-Batangan
Tuklas Pangkalusugan Foundation
Essential National Health Research Program
Department of Health, Philippines
Tissa Vitarana
Ministry of Science, Technology and Human Resources Development, Sri Lanka
Steven Wayling
Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales
Organisation mondiale de la santé, Genève, Suisse
Dennis Willms
Université McMaster, Canada
Richard Wilson
France
Victor Neufeld
Nancy Johnson
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« La recherche exploite la méthode scientifique pour établir des faits concrets et pour découvrir les interrelations qui existent entre eux, de façon à faire ensuite une application pratique de ce nouveau savoir dans des situations réelles. C'est cette démarche qui a permis d'inventer le moteur à réaction, d'obtenir la fission de l'atome et d'engager la révolution verte des 25 dernières années. La recherche contient la même promesse en ce qui concerne la santé, promesse dont on a vu la réalisation dans le développement de nouveaux outils comme les antibiotiques pour combattre la maladie, les vaccins pour sa prévention, et les insecticides pour contrôler les vecteurs responsables de sa transmission. Malheureusement, pour les plus vulnérables d'entre les habitants de la planète, les avantages potentiels de la recherche ont essentiellement été négligés. »
— CHRD, 1990, p. xii
Ce constat, qui remonte à un peu plus de 12 ans, a motivé une étude importante par un organisme international indépendant, la Commission sur la recherche en santé au service du développement, dans le but d'en déterminer les raisons et d'établir les mesures à prendre. Après deux années de consultations et de débats intensifs, la Commission a présenté ses constatations et ses recommandations lors d'une conférence internationale à l'Institut Karolinska de Stockholm, en Suède, en février 1990. Sa principale constatation a été que seulement 5 p. 100 de la recherche en santé à l'échelle mondiale porte sur les conditions responsables de 95 p. 100 du fardeau de la maladie dans le monde. Elle a recommandé quatre mesures :
— Encourager tous les pays à participer à de la recherche nationale essentielle en santé (RNES);
— Aborder les problèmes de santé communs par l'entremise de partenariats internationaux qui unissent les efforts des pays en développement et des pays industrialisés;
— Obtenir un soutien financier plus important et plus soutenu de sources internationales afin de compléter les investissements des pays en développement;
— Établir un mécanisme international pour surveiller les progrès et favoriser le soutien technique et financier de la recherche sur les problèmes de santé dans les pays en développement.
Le Groupe de travail sur la recherche en santé pour le développement; mis sur pied à la suite de la conférence de Stockholm, a commencé à collaborer avec les pays en développement à la mise en œuvre de la stratégie de RNES et à l'instauration d'un mécanisme plus permanent pour soutenir leurs efforts : le Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED), une organisation non gouvernementale (ONG) établie en mars 1993 et dont le siège est à Genève.
Au cours des années 1990, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est également employée à renforcer le rôle de la recherche dans l'étude des problèmes de santé des populations nécessiteuses de la planète. C'est ainsi qu'a été menée une analyse concertée des priorités mondiales en matière de recherche en santé qui a abouti au rapport de 1996 intitulé Investing in Health Research and Development (Comité ad hoc, 1996). En 1993, pour la première fois, le Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale portait sur la santé (Banque mondiale, 1993). Depuis, la Banque mondiale investit de plus en plus dans le développement de la santé, y compris dans la recherche en santé. Une autre institution, le Forum mondial pour la recherche en santé (Global Forum for Health Research — GFHR), a été créée en 1996. Il s'agit d'une tribune qui permet aux intervenants d'examiner les priorités en matière de recherche en santé à l'échelle mondiale, de favoriser l'analyse continue de l'état de la recherche en santé à l'échelle internationale et de faciliter l'établissement de coalitions. L'objectif central du Forum mondial pour la recherche en santé est de contribuer à réduire l'écart 10/90 (GFHR, 1999).
Le présent chapitre donne d'autres exemples des initiatives visant à renforcer la recherche en santé et ses applications aux importants problèmes de santé nationaux et internationaux, et traite de plusieurs programmes internationaux, notamment l'International Clinical Epidemiology Network (INCLEN), le Programme international de la politique de santé (PIPS), le projet Applied Research on Child Health (projet de recherche appliquée à la santé des enfants; ARCH) et la Multilateral Initiative on Malaria (initiative multilatérale de lutte contre le paludisme; MIM). Il présente également des exemples d'initiatives spéciales prises dans certains pays industrialisés, notamment la Swedish Agency for Research Cooperation with Developing Countries (SAREC), le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) et la Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement (KFPE).
Nous concluons que le « système » est encore trop fragmenté et mal coordonné, même si l'écart 10/90 est de plus en plus reconnu depuis une dizaine d'années et que les interventions se sont multipliées aux niveaux national, régional et mondial. Il y a donc lieu de se demander à quel point la recherche mondiale en santé a profité aux populations les plus vulnérables pendant cette période, question abordée aux chapitres suivants.
Au cours des 10 à 15 dernières années du XXe siècle, les spécialistes du développement international ont étudié le rôle de la recherche en santé dans le développement humain durable. À la tête de cette initiative se trouvait la Commission sur la recherche en santé au service du développement, organisme international indépendant qui a présenté un rapport fondamental lors de la conférence Nobel tenue à Stockholm en février 1990. Plusieurs autres organismes ont fait part de leurs préoccupations et ont lancé des programmes spéciaux, y compris des organismes des Nations Unies, notamment l'OMS et la Banque mondiale. Ces intervenants se sont entendus sur les défis et les stratégies possibles pour les relever.
À l'aube d'un nouveau siècle, il est logique que les spécialistes de la recherche-développement (R-D) en santé se rencontrent à Bangkok, en Thaïlande, en octobre 2000. Ils se pencheront sur les progrès réalisés au plan de la mise en œuvre des mesures recommandées il y a dix ans et mettront à jour leurs objectifs et leur programme d'intervention pour les années à venir.
Dans ce contexte, un groupe de collègues pour qui la recherche en santé constitue un « maillon essentiel » du développement équitable a rédigé le présent document, qui compte parmi les nombreuses contributions à l'examen mondial de la recherche en santé pour le développement. Il expose avant tout des perspectives nationales, notamment les expériences et les points de vue des pays en développement. Il complète d'autres documents rédigés en prévision de la conférence internationale qui mettent davantage l'accent sur les enjeux mondiaux, tels que la structure future de la collaboration en matière de recherche en santé ou encore l'état actuel et les perspectives des flux financiers internationaux.
Dans le présent chapitre, les auteurs :
— réitèrent les problèmes, ou les défis, tels qu'ils étaient décrits il y a dix ans;
— résument les constatations et les recommandations de la Commission et retracent les mesures de suivi, en précisant ce qui a été fait pour faciliter la RNES dans les pays en développement;
— soulignent les rôles et activités d'autres intervenants clés dans le domaine de la R-D en santé au cours des dix dernières années environ, notamment l'OMS, le Banque mondiale, le GFHR, certains programmes internationaux et des pays subventionnaires;
— commentent l'état du système de recherche en santé à l'échelle internationale au début du XXIe siècle, notamment sa capacité de faire face aux principaux problèmes de santé dans le monde.
Il y a dix ans, la Commission décrivait les problèmes auxquels les spécialistes internationaux de la recherche en santé faisaient face et les défis qu'ils auraient à relever. Au plan du développement, elle estimait que les gens comprenaient mal ou sous-estimaient le rôle de la santé comme élément clé du développement humain durable. Elle a également constaté que des phénomènes tels que l'augmentation continue de la population et son vieillissement, l'insécurité et les conflits civils ont tous d'importantes répercussions sur notre compréhension des facteurs déterminants de la santé et l'apport de ces facteurs à l'amélioration de la santé.
Au plan de la santé, la Commission a reconnu que les disparités continuent de s'accroître aux plans national et international. Cette observation s'applique aussi bien aux pays en développement qu'aux pays industrialisés. Elle a également décrit l'évolution rapide du contexte de la santé, notamment le phénomène de la transition et son « double fardeau de la maladie », les effets de la crise économique des années 1980 sur l'état de santé des populations, la demande accrue de services curatifs, la hausse des coûts de santé provoquée par l'avènement de nouvelles technologies et la panoplie de nouvelles interventions sanitaires.
Au chapitre de la recherche, la Commission estimait que les décideurs et les collectivités, considérant la recherche en santé comme secondaire pour leurs intérêts et leur subsistance, ne lui ont pas accordé l'importance qu'elle méritait. Dans les pays en développement surtout, mais également dans les pays industrialisés, la recherche en santé s'appuyait rarement sur les préoccupations et réalités locales, et quand ils étaient accessibles, les résultats des études n'étaient pas pris en compte dans l'élaboration des politiques ou l'identification des mesures à prendre. L'encadré 1.1 reproduit les principales constatations contenues dans le rapport de la Commission qui, globalement, saisissent la majeure partie des préoccupations et des descriptions des problèmes que l'on retrouvait dans d'autres documents publiés à la même époque. Cependant, la principale constatation de la Commission était que le système international de recherche en santé témoignait d'un « brutal déséquilibre entre le fardeau de la maladie, qui frappe particulièrement le tiers monde, et les investissements dans la recherche sur la santé, qui se concentrent principalement sur les problèmes des pays industrialisés » (CHRD, 1990, p. xvii-xviii).
L'idée de mettre sur pied une commission indépendante sur la recherche en santé remonte à 19851. Elle reposait sur trois croyances répandues : de nombreux besoins en santé des pays en développement sont insatisfaits; les activités de R-D en santé à l'échelle internationale pourraient répondre plus efficacement à ces besoins; les bailleurs de fonds ignorent souvent les occasions prometteuses d'apporter leur contribution financière. Quarante-sept personnes venues du monde entier ont participé à une réunion de planification tenue à Céligny, Suisse, en juillet 1987, pour cerner les problèmes et faire des recommandations sur l'opportunité de mettre sur pied une commission internationale indépendante et la nature de cette commission (Secrétariat de la Commission, 1987). Les 16 organismes commanditaires ont mis sur pied un comité de 12 personnes, trois femmes et
1 Un compte rendu des discussions, rédigé par Joseph Cook de la Fondation Edna McConnell Clark, est annexé au rapport de la réunion de planification, tenue à Céligny, en Suisse, du 15 au 17 juillet 1987.
Encadré 1.1 |
Constatations majeures de la Commission sur la recherche en santé au service du développement « 1. Les apports mondiaux en ressources qui supportent la recherche sur les problèmes de santé des pays en développement sont très limités, et leurs applications ne réussissent pas à combler diverses lacunes très significatives. L'application des ressources doit être plus massive et plus efficace pour appuyer l'expansion et l'amélioration radicales des activités et des capacités de recherche dans les pays en développement eux-mêmes. 2. L'énorme diversité des circonstances sanitaires plaide en faveur d'une définition rigoureuse des priorités aux niveaux national et international. Plusieurs problèmes importants obtiennent l'attention voulue; d'autres semblent relativement négligés. D'importantes lacunes restent à combler en matière d'information et en ce qui concerne le contrôle et l'évaluation des futurs développements de la situation sanitaire mondiale. Il faut davantage de cohérence dans les réponses que la recherche apporte aux problèmes de grande priorité nationale et internationale. 3. Les scientifiques et les institutions des pays en développement poursuivent une vaste gamme d'activités de recherche, mais pour obtenir une meilleure productivité, il faudra surmonter de sérieuses contraintes professionnelles, institutionnelles et environnementales. Il sera également nécessaire d'obtenir des engagements nationaux et des appuis internationaux à l'égard de la recherche en santé, d'encourager des actions précises pour faire face aux contraintes, et de développer et maintenir des capacités au sein des pays en développement. 4. Il faudra étendre le champ d'action des contributions des pays industrialisés, et concentrer les efforts sur la formation et le perfectionnement, la recherche de pointe, l'interaction technique, et la participation à des ententes internationales de partenariat. Plutôt que d'envisager un système de nouveaux centres internationaux indépendants, il faudra "mettre le paquet" sur le renforcement des centres nationaux pour parvenir à une "masse critique" et à des objectifs partagés dans le cadre de réseaux internationaux constitués de centres nationaux. 5. Le nombre et les types de programmes internationaux de promotion de la recherche sont en pleine expansion. Ils constituent le premier jalon d'un système mondial de recherche en santé. Les organismes des Nations Unies ont fait de remarquables efforts conjoints, et bien des activités à parrainage privé ont été productives. L'action globale devra être plus cohérente afin de réduire la fragmentation et la concurrence provoquées par une multitude d'initiatives de recherche trop étroitement ciblées. 6. On a accordé trop peu d'importance à la question critique du développement et du maintien des capacités individuelles et institutionnelles de recherche sanitaire des pays en développement. Pour corriger ce problème, les gouvernements nationaux devront faire preuve de leadership et d'engagement, et quant aux organismes internationaux, il leur faudra offrir des appuis à plus long terme. » Source : CHRD, 1990. p. 86-87. |
neuf hommes, qui constituait un éventail remarquable de personnalités éminentes dont quatre seulement provenaient de pays industrialisés. Le travail de la Commission bénéficiait du soutien d'un secrétariat situé à l'Université Harvard avec des bureaux à Londres et à Tokyo.
Pourquoi cette commission était-elle indépendante? Les notes de la réunion de Céligny font état d'un débat vigoureux sur la question de savoir si les organismes des Nations Unies devaient commanditer. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) participait déjà directement à la discussion et au soutien financier de la Commission. Cependant, l'attitude de nombreux participants envers l'OMS a été décrite comme « ambiguë ». Certains croyaient que l'OMS accueillerait mal des recommandations sur la recherche en santé venant d'un groupe extérieur. En fait, d'après certains commissaires, il y aurait eu une tension continue entre les représentants de la Commission et ceux de l'OMS pendant toute l'étude de deux ans. Par exemple, du côté de l'OMS, on s'opposait à l'idée de distribuer le rapport de la Commission à l'Assemblée mondiale de la Santé de 1990. De même, les responsables de l'UNICEF défendaient de toute évidence les initiatives orientées vers l'équité mais hésitaient à investir directement dans la recherche. En définitive, le PNUD fut le seul organisme des Nations Unies sur la liste des commanditaires de la Commission, même si la Banque mondiale l'a également financée en partie.
La Commission a commencé ses travaux à la fin de 1987, utilisant plusieurs stratégies, telles que des assemblées (huit en 27 mois, dans différentes régions du monde), des ateliers en collaboration, des ateliers du Secrétariat et diverses consultations. Les dirigeants des pays en développement ont notamment participé aux ateliers de concertation tenus dans leur pays. Beaucoup de documents de travail ont été présentés sous forme, à la fois, de rapports par pays et de communications. Plus de 600 personnes ont contribué à la formulation de l'objectif global de la Commission, à savoir l'établissement d'un « système pluraliste de recherche sur la santé à l'échelle mondiale, qui alimenterait des groupes scientifiques nationaux productifs, liés entre eux par des réseaux transnationaux, afin de s'attaquer à des problèmes mondiaux autant que nationaux » (CHRD, 1990, p. xviii-xix). La section des remerciements du rapport énumère ces personnes.
La Commission a présenté son rapport La recherche en santé: Élément essentiel d'un développement équitable (CHRD, 1990) lors d'une conférence internationale parrainée par l'Assemblée Nobel et soutenue par la SAREC. La conférence a eu lieu à l'Institut Karolinska de Stockholm du 21 au 23 février 1990. Elle avait trois objectifs : obtenir un point de vue indépendant au sujet des travaux de la Commission (environ 80 p. 100 des 83 participants n'avaient pas travaillé directement à la Commission), définir les prochaines étapes et cerner les questions à approfondir ultérieurement. David Bradley, rapporteur de la conférence, a déclaré dans son compte rendu que les participants avaient souscrit en masse aux quatre principales recommandations de la Commission, énumérées dans la section « Sommaire » ci-dessus. Une présentation détaillée des recommandations contenues dans le rapport de la Commission se trouve dans l'encadré 1.2. Ces recommandations reflètent le message essentiel de la Commission, à savoir que la recherche peut, en fait, contribuer à l'amélioration de la santé et du bien-être des populations des pays en développement, qu'il faut mettre l'accent sur le renforcement des capacités au niveau national et que les coalitions de producteurs et d'utilisateurs d'études devraient s'attaquer aux problèmes prioritaires en matière de recherche.
La première conférence internationale sur la recherche en santé au service du développement, qui a eu lieu à Stockholm, comprenait des exposés de représentants de cinq pays qui s'occupent déjà de RNES : l'Indonésie, le Mexique, les Philippines, la Thaïlande et le Zimbabwe. En ce qui concerne l'avenir, les participants à la conférence ont unanimement convenu de deux activités parallèles : aider immédiatement les pays engagés dans la RNES à continuer sur leur lancée, renforcer les capacités de recherche et encourager d'autres pays à se lancer dans la RNES d'une part, et déployer des efforts continus à l'échelle internationale pour défendre et soutenir la RNES, mobiliser les ressources et faciliter les réseaux de soutien, d'interaction et de collaboration dans le domaine de la recherche (SAREC, 1990). Plus précisément, les participants à la conférence ont recommandé la création d'un groupe de travail provisoire avec un mandat de deux ans afin de permettre la création de mécanismes plus permanents (un secrétariat et un conseil). La dernière phrase du compte rendu de la conférence en appelait aux dirigeants des pays en développement pour qu'ils jouent un rôle de premier plan dans la mise en œuvre des recommandations du rapport (SAREC, 1990). (Dans l'encadré 1.3, deux anciens membres de la Commission décrivent les principaux effets de la Commission et de son rapport de 1990.)
En mai 1990, peu après la Conférence de Stockholm sur la recherche en santé au service du développement, les discussions techniques de la 43ème Assemblée mondiale de la Santé tenue à Genève ont porté sur le rôle de la recherche en santé dans la stratégie de « Santé pour tous d'ici l'an 2000 ». À cette réunion, la Commission a d'abord distribué son rapport, malgré la résistance initiale de l'OMS. Les participants ont convenu que la recherche en santé devrait faire partie intégrante des stratégies nationales visant à atteindre la Santé pour tous d'ici l'an 2000. La résolution 43.19 de l'Assemblée sur le rôle de la recherche en santé comprenait un appel à tous les États membres pour qu'ils entreprennent des activités de RNES appropriées à leur besoins nationaux (Davies et Mansourian, 1992). La plus grande partie du libellé de la résolution soutenait les recommandations de la Commission.
Avant la fin de l'année (novembre 1990), une conférence internationale sur la RNES a eu lieu à Pattaya, en Thaïlande. À cette conférence, les participants des pays en développement ont identifié les sept composantes de la mise en œuvre de la RNES: promotion et défense, mécanisme de RNES, établissement des priorités, renforcement des capacités, réseautage, financement et évaluation. Par la suite, le Groupe de travail sur la recherche en santé pour le
Encadré 1.3 |
Incidence des travaux de la Commission sur la recherche en santé au service du développement et de son rapport de 1990 L'ancien président de la Commission, le Dr John Evans, et l'un des membres, le Dr Adetokunbo Lucas, ont récemment parlé à des représentants du COHRED (Newsletter, 2000) de l'incidence qu'auraient eue, selon eux, la Commission et son rapport de 1990, La recherche en santé : Élément essentiel d'un développement équitable (CHRD, 1990). Dr John Evans La principale conclusion de la Commission était que chaque pays doit disposer d'une capacité d'analyse ancrée dans la métrologie, les sciences sociales et les sciences biomédicales pour prendre des décisions éclairées sur l'utilisation des ressources qui sont limitées pour répondre aux besoins en matière de santé de sa population. La Commission a attiré l'attention sur les besoins, ou la demande, de politiques et de programmes de santé et sur l'importance de prendre en compte les situations locales dans la mise en œuvre des programmes de santé. Les investissements énormes qui se font dans les pays industrialisés au chapitre de la recherche en santé ont permis de réaliser une foule de progrès biomédicaux et technologiques, mais ceux-ci ne répondent guère aux besoins prédominants des trois quarts de la population mondiale vivant dans les pays en développement. La Commission a fait avancer l'idée non seulement du renforcement des capacités locales de recherche en santé dans les pays du Tiers-Monde, mais également de l'élargissement des sciences pertinentes, particulièrement la métrologie et les sciences sociales, comme éléments importants du renforcement des capacités institutionnelles. En outre, elle a mis en relief le fait que les données ne débouchent pas systématiquement sur des politiques et qu'il s'agit plutôt d'un processus actif qui demande beaucoup de compétences. De façon plus générale, la Commission a souligné que la recherche n'est pas simplement un processus universitaire qui fait fi des grands objectifs des organismes de santé mais plutôt une composante essentielle de leurs stratégies visant à répondre aux besoins en santé et à gérer les programmes de santé (Newsletter, COHRED, 1999). Dr Adetokunbo Lucas L'un des principaux effets du rapport de la Commission a été de susciter un intérêt pour la nécessité de faire de la recherche au niveau national. Pour la première fois, à mon avis, la recherche et l'idée que nous ne devons pas faire de la recherche par simple plaisir mais pour promouvoir la santé et l'équité en santé devenaient un élément clé de l'équité en santé et dans le développement. La Commission a réussi à établir un certain nombre d'objectifs qui, au minimum, ont fourni des repères qui nous permettent de mesurer les progrès réalisés pour parvenir à l'équité en santé. |
développement a diffusé ces sept composantes dans un ouvrage paru en 1991 intitulé Essential National Health Research : A Strategy for Action in Health and Human Development (TFHRD, 1991) qui comprenait des descriptions du processus de RNES au Mexique, au Mozambique, aux Philippines et en Thaïlande.
Comme ils en avaient reçu le mandat lors de la Conférence de Stockholm sur la recherche en santé, le CRDI et la SAREC ont collaboré à la mise sur pied du Groupe de travail. Ses membres avaient également siégé à la Commission, notamment le professeur V. Ramalingaswami (Inde), président du Groupe de travail. Un secrétariat qui se trouvait dans les bureaux du PNUD à Genève a fourni des services de soutien au Groupe de travail. À l'origine, ce dernier envisageait de collaborer en profondeur avec un petit nombre de pays. Cependant, le processus de RNES a suscité un vif intérêt et, en deux ans, le Groupe de travail a collaboré avec plus de 20 pays. Pour ces pays, la RNES représentait une stratégie puissante et novatrice de planification et de gestion de la recherche au niveau national en santé, permettant d'en établir les priorités et d'en mobiliser les trois principaux groupes d'acteurs : les chercheurs, les décideurs et les collectivités.
Suivant un modèle instauré par la Commission, le bureau du CRDI à New Delhi a publié et distribué un bulletin mensuel (ENHR Forum). Des équipes de travail ont été formées, dont une avait pour tâche de recommander des mécanismes à long terme pour soutenir la RNES. Une autre équipe s'est occupée de surveiller les progrès.
Ces équipes de travail ont consulté beaucoup d'intervenants, dont l'OMS. Les efforts du Groupe de travail ont abouti à la deuxième conférence internationale sur la recherche en santé au service du développement qui a eu lieu à Genève en mars 1993 (COHRED, 1993). (L'encadré 1.4 donne une liste des principaux événements qui ont marqué la R-D en santé au cours des 15 dernières années.)
Lors de la conférence de 1993, des représentants de 18 pays (et des pays des Antilles du Commonwealth en tant que groupe) ont fait part de leurs expériences en matière de RNES. Les actes de cette conférence décrivent le débat intensif dont a fait l'objet la création d'un mécanisme continu visant à faciliter et à coordonner la RNES. Les participants à la conférence ont fini par adopter une « déclaration sur la recherche en santé au service du développement » en faveur d'un mécanisme appelé le Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED). Il s'agissait là d'une réponse directe à l'une des recommandations de la Commission quant au soutien des initiatives par pays. Immédiatement après la conférence, le 10 mars 1993, l'assemblée constituante a officiellement adopté les statuts et
Encadré 1.4 | |
La recherche en santé pour le développement : principaux événements | |
1986 | Rapport du Comité consultatif de la Recherche en Santé (CCRS) de l'OMS : Health research strategy |
1987 | Réunion de Céligny (avant la création de la Commission) Première réunion de la Commission |
1990 | Présentation du rapport de la Commission à Stockholm 43ième Assemblée mondiale de la Santé ayant pour thème le rôle de la recherche en santé dans la stratégie de « Santé pour tous d'ici i'an 2000 » Conférence internationate sur la RNES à Pattaya, Thaïlande |
1991 | Le Groupe de travail sur la recherche en santé pour le développement commence ses travaux. |
1993 | Création du Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED) La Banque mondiale publie Rapport sur le développement dans le monde 1993 : Investir dans la santé, Indicateurs du développement dans le monde Conférence d'Ottawa : Partenariat futur pour i'accélération du développement de la santé |
1996 | Le Comité ad hoc publie Investing in Health Research and Development Évaluation provisoire du COHRED |
1997 | Rapport du CCRS de l'OMS : A research policy agenda for science and technology to support global health development Étude n° 1 du Forum mondial pour la recherche en santé Publication de la Banque mondiale : Sector strategy : health, nutrition, and population |
1998 | Étude n° 2 du Forum mondial pour la recherche en santé |
1999 | Étude n° 3 du Forum mondial pour la recherche en santé Création d'un service de politiques et de coopération en matière de recherche à i'OMS |
2000 | Conférence internationale sur la recherche en santé au service du développement, Bangkok |
les règlements de mise en œuvre, et le COHRED était né. À la fin du mois de juin, il comptait un conseil de 17 membres et était enregistré comme ONG en Suisse (même s'il maintenait ses liens officiels avec le PNUD). Entre-temps, cinq pays avaient élaboré leurs plans de RNES et étaient prêts à les présenter à des partenaires éventuels.
Au fil des ans, le COHRED a continué d'aider un nombre sans cesse croissant de pays à explorer et à mettre en oeuvre la RNES. En Afrique, en Asie et dans les pays des Antilles du Commonwealth, il a créé des réseaux régionaux de RNES pour faciliter le travail au niveau national. En outre, une série d'équipes de travail et de projets, régionaux aussi bien que mondiaux, ont profité de l'expérience de la RNES et renforcé leurs capacités dans ce domaine. Au moyen de plusieurs stratégies de communication (telles qu'un bulletin trimestriel, un site Web et un éventail de publications), le COHRED a tenté de saisir les expériences de RNES et de contribuer à l'établissement d'une base de connaissances de plus en plus importante concernant cette stratégie. Il a également pris des initiatives pour renforcer les capacités en RNES, souvent par l'entremise de partenariats avec d'autres réseaux et organismes ayant une optique commune. (Le chapitre 8 décrit les activités du COHRED.)
À la veille de la prochaine conférence internationale sur la recherche en santé au service du développement, le COHRED continue à jouer un rôle important, étant l'un des organismes partenaires chargés d'examiner la recherche en santé pour le développement au cours des dix dernières années et de concevoir une stratégie mondiale pour les premières années du nouveau millénaire.
À titre de principale ONG dans le domaine de la santé, l'OMS se perçoit toujours comme un organisme qui doit avoir une vision plus globale et assumer de plus grandes responsabilités que d'autres institutions et organes qui s'occupent de recherche en santé. Comme il en est fait état dans le rapport de 1986 de son Comité consultatif de la Recherche en Santé (CCRS), l'OMS est en mesure de voir les problèmes de santé d'un point de vue historique et mondial et, par conséquent, d'évaluer les déterminants de la santé et parvenir au juste équilibre entre les mesures préventives et thérapeutiques, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, entre les besoins des pays industrialisés et ceux des pays en développement (CCRS, 1986). Même si l'OMS n'est pas à proprement parler un organisme de recherche, elle facilite et soutient la recherche en collaboration avec d'autres organismes par l'entremise de programmes comme le Programme spécial de recherche, de développement et de formation à la recherche en reproduction humaine et le Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales (TDR). L'OMS intègre également ses recherches dans ses programmes courants tels que ceux qui portent sur les maladies diarrhéiques et les médicaments essentiels. Ses différents programmes techniques et leurs comités d'experts sont chargés d'élaborer et de surveiller sa stratégie de recherche. Les comités consultatifs mondiaux et régionaux de la recherche en santé établissent les lignes directrices générales.
Pendant la dernière partie des années 1980 et au début des années 1990, l'objectif de l'OMS « Santé pour tous d'ici l'an 2000 » a façonné sa stratégie de recherche. En 1984, le directeur général de l'OMS a demandé au Comité consultatif de la Recherche en Santé (qui s'appelait alors le Comité consultatif de la recherche médicale [CCRM]) d'énoncer une stratégie de recherche en santé à la lumière de l'objectif « Santé pour tous d'ici l'an 2000 ». Présidé par le professeur T. McKeown, un sous-comité spécial du CCRM a recommandé que l'OMS fasse la promotion de la recherche dans cinq secteurs prioritaires afin d'amener la santé de toute la population à un niveau acceptable aussi rapidement que possible (CCRS, 1986). Le CCRM a recommandé que la priorité de l'OMS soit d'encourager la recherche sur les maladies causées par la pauvreté et les maladies tropicales. Il a également recommandé que l'OMS aborde les maladies d'affluence (c'est-à-dire les maladies non transmissibles qui prédominent dans les pays industrialisés et risquent de se propager dans les pays en développement), le traitement et les soins des malades ainsi que la prestation des services de santé. Le CCRM a également adopté une résolution voulant que l'OMS s'emploie à améliorer la qualité de la recherche pour que certaines normes minimales soient respectées partout dans le monde et qu'elle continue de soutenir les stagiaires en recherche des pays en développement.
L'OMS a révisé son rôle dans le domaine de la recherche en santé six ans plus tard, en mai 1990, lors des discussions techniques de la 43ème Assemblée mondiale de la Santé (où la Commission a distribué son rapport pour la première fois). Ces discussions techniques portaient sur la recherche touchant les systèmes de santé, le renforcement des capacités en recherche, la nutrition et les progrès réalisés en sciences et en technologie. L'Assemblée a demandé à l'OMS de jouer un rôle de leadership plus actif dans le contrôle des modèles de maladies, des progrès réalisés dans le domaine de la recherche et du flux des ressources; la formation d'un programme mondial de recherche; la coordination des politiques de recherche en santé de différents intervenants internationaux; i'encouragement de certaines orientations dans le domaine de la recherche en santé, en particulier la recherche sur les systèmes de santé nationaux et la nutrition. Elle a demandé au directeur général de travailler en collaboration avec les CCRS mondiaux et régionaux et d'utiliser les mécanismes appropriés pour évaluer les nouveaux secteurs des sciences et de la technologie ainsi que ceux qui sont en train de prendre forme, d'enquêter sur les problèmes en évolution ayant une importance critique pour la santé et de déterminer les méthodes appropriées pour évaluer et prévoir les tendances, y compris l'épidémiologie (Davies et Mansourian, 1992). Ce type de suivi devait permettre à l'OMS de promouvoir l'harmonisation des politiques scientifiques et des politiques de recherche en santé de l'OMS et celles du réseau des Nations Unies et des autres organismes internationaux (Davies et Mansourian, 1992). En outre, elle encourageait l'OMS à améliorer sa capacité à soutenir les pays qui élaborent un programme de recherche sur les systèmes de santé nationaux et de donner l'exemple en intégrant ce type de programme dans ses propres programmes d'intervention. De même, elle pressait l'OMS d'accorder une plus grande attention à la nutrition pour que les États membres emboîtent le pas.
L'OMS a collaboré avec la Banque mondiale à la rédaction du Rapport sur le développement dans le monde 1993 : Investir dans la santé, Indicateurs du développement dans le monde (Banque mondiale, 1993) (voirci-dessous). Elle a notamment contribué à une évaluation conjointe du fardeau mondial de la maladie, un élément majeur du rapport. Peu après la publication du rapport, le CRDI a tenu une conférence internationale à Ottawa sur les prochaines étapes (CRDI, 1993). Le CRDI, l'OMS et la Banque mondiale ont parrainé conjointement cette conférence qui a eu trois issues principales :
— L'OMS servirait de secrétariat pour un examen spécial des priorités en matière de recherche en santé (voir ci-dessous);
— Avec l'appui du gouvernement du Canada, le CRDI lancerait un projet de recherche visant à évaluer l'élaboration de programmes d'intervention en santé définis nationalement, la réforme des politiques de santé et l'amélioration de la coordination des bailleurs de fonds, comme le recommandait le Rapport sur le développement dans le monde 1993 (qui est devenu le Projet d'interventions essentielles en santé en Tanzanie [PIEST]);
— La Banque mondiale dirigerait une initiative visant à examiner les enjeux qui découlent de l'augmentation et de la réorientation des investissements dans le développement de la santé orienté vers l'équité.
Trois ans plus tard, l'OMS publiait le rapport de 1996 de son Comité ad hoc sur la recherche en santé concernant les futurs choix d'interventions intitulé Investing in Health Research and Development (Comité ad hoc, 1996). Le Comité ad hoc a été mis sur pied sous les auspices de l'OMS à la demande d'un certain nombre de bailleurs de fonds qui avaient investi dans la recherche en santé, notamment des gouvernements, des agences de développement bilatérales et multilatérales et des fondations privées présents à la conférence d'Ottawa de 1993. Il a examiné les besoins en santé et les priorités connexes concernant la R-D dans les pays à faible revenu et à revenu modéré. Son rapport visait à contribuer à un programme d'intervention international selon lequel les programmes de chaque pays façonnaient les priorités mondiales et l'expérience et les besoins mondiaux influaient sur les programmes nationaux (Comité ad hoc, 1996). Les questions d'affectation des ressources et d'efficience, omniprésentes dans les discussions techniques de 1990 alors que l'on parlait de faire plus avec moins, ont été au cœur du rapport de 1995 du Comité ad hoc. Celui-ci soutenait la nécessité de faire des choix difficiles pour orienter les ressources limitées vers les secteurs où les besoins, de même que les promesses, étaient les plus grands.
Le Comité ad hoc a presenté une approche systématique pour l'affectation des fonds à la recherche en santé. Sa stratégie en cinq points consistait à calculer le fardeau de la maladie, à déterminer les raisons de la persistance de ce fardeau, à juger si la base de connaissances actuelle était suffisante, à évaluer les perspectives des initiatives de R-D (en portant une attention particulière au rapport coût-efficacité) et à évaluer ce qui avait déjà été fait pour régler le problème. Il en est résulté une liste d'investissements clés et d'initiatives portant sur quatre problèmes de santé non encore réglés : la santé maternelle et infantile, les menaces microbiennes en perpétuel changement, les traumatismes et les maladies non transmissibles, et les politiques et systèmes de santé.
Parmi ces investissements clés se trouvaient trois nouvelles initiatives : recherche et formation dans le domaine des maladies non transmissibles et du vieillissement sain; recherche, formation et renforcement des capacités dans le domaine des traumatismes; recherche et formation dans le domaine des systèmes et des politiques de santé. Ils comprenaient également un mécanisme visant à revoir les besoins en santé mondiaux, à évaluer les possibilités de R-D et à vérifier la circulation des ressources. Les responsables du mécanisme proposé recevraient des conseils de groupes consultatifs scientifiques déjà engagés dans l'établissement de capacités de recherche en santé aux échelons national et international, tels que les CCRS régionaux et mondiaux de l'OMS, les groupes scientifiques et consultatifs de programmes existants de recherche internationale et des organismes tels que le COHRED, l'INCLEN et le PIPS. Le mécanisme en question, qui deviendrait plus tard le Forum mondial pour la recherche en santé, présenterait ensuite ses recommandations et ses conclusions sur les programmes existants.
Le rapport du Comité ad hoc démontre qu'au milieu des années 1990, le problème auquel faisaient face les spécialistes internationaux de R-D en santé avait été reformulé non seulement pour que soient inclus les déséquilibres bruts du fardeau de la maladie, l'investissement dans la recherche en santé et le renforcement des capacités de recherche à l'intérieur des pays et entre ceux-ci, mais également pour que soit prise en compte la nature fragmentée du système lui-même ainsi que les inefficacités et l'absence de coordination des initiatives et des ressources qui en résulte. En substance :
La répartition des ressources et des initiatives entre les différents problèmes de santé est considérée comme reflétant une intervention inégale et des demandes spéciales plutôt que des mesures nationales et coordonnées pour répondre à un besoin. Certains travaux sont reproduits, des écarts importants demeurent et la dispersion des ressources limite la capacité d'orienter celles-ci vers les problèmes prioritaires.
— Comité ad hoc, 1996
Le défi que représente la création d'un système international pluraliste de recherche en santé tel que l'envisage la Commission, c'est-à-dire un système où les différents partenaires échangent des renseignements, unissent leurs efforts et fondent l'affectation des ressources sur une analyse explicite des priorités, a été relevé sur deux fronts : par le CCRS de l'OMS et par le nouveau Forum mondial pour la recherche en santé. En 1997, le CCRS a publié A research policy agenda for science and technology to support global health development (CCRS, 1997). Ce programme mettait en lumière un certain nombre d'occasions et d'impératifs mondiaux de recherche par domaine, témoignant de l'étendue et de la variété de la recherche nécessaires plutôt qu'une liste de priorités mondiales de recherche par maladie2. Le programme de recherche faisait état d'une stratégie visant à lancer et à soutenir un processus systématique et dynamique de dialogue,
2 Le profil sanitaire du CCRS propose cinq domaines déterminants de la santé mondiale : environnement; alimentation et nutrition; facteurs socio-culturels; systèmes de santé; états pathologiques et détérioration de la santé.
de planification conjointe et de participation multidisciplinaire à la recherche (CCRS, 1997). L'OMS exploiterait des technologies modernes d'information et de communication pour créer un réseau mondial de planification de la recherche en santé comprenant des réseaux de recherche « intelligents3 » fondés sur des thèmes communs et des enjeux essentiels. Pour amorcer l'élaboration d'un tel réseau de planification mondial, le CCRS a parrainé, au nom de l'OMS, le projet de réseau de planification de la recherche en santé.
En 1998, l'OMS nommait Dr Gro Brundtland au poste de directrice générale. En quelques mois, l'OMS entreprenait une restructuration majeure à son siège social de Genève, comprenant un examen des mécanismes internes de soutien à la R-D. Par ailleurs, fin 1998, l'OMS mettait sur pied un groupe de travail interne ainsi qu'un comité consultatif externe. Le groupe de travail a recommandé que l'OMS crée un service de politiques et de coopération en matière de recherche qui ferait partie du groupe Données et information pour les recherches, et ce nouveau service a commencé ses activités en août 1999. Son objectif est en substance le suivant4 :
Stimuler la recherche pour, avec et par les pays en développement, notamment :
— Cerner les tendances en termes des connaissances scientifiques ayant le potentiel d'améliorer la santé;
— Mobiliser les chercheurs mondiaux pour s'attaquer aux problèmes de santé prioritaires;
— Élaborer des initiatives visant à renforcer les capacités de recherche dans les pays en développement dans le but ultime de faire de la recherche un fondement des politiques.
Le Comité ad hoc a présenté ses conclusions à Genève en juin 1996 lors d'une réunion de chercheurs, de représentants gouvernementaux et de représentants des ONG et des organismes subventionnaires. Les participants ont souscrit aux conclusions du Comité ad hoc, particulièrement à la création d'un mécanisme pour revoir les besoins mondiaux en santé, évaluer les occasions de R-D et surveiller le flux des ressources. Un an plus tard, en juin 1997, le Forum mondial pour la recherche en santé commençait ses travaux. Le Forum avait
3 C'est-à-dire l'établissement de liens par le réseautage et les technologies de communication, le savoir-faire technique des chercheurs pour résoudre des problèmes de recherche spécifiques en utilisant une structure minimale (CCRS, 1997).
4 OMS (Organisation mondiale de la santé), Strategic Plan : Department of Research Policy and Cooperation, 20 mars 2000. Note de service inédite.
notamment pour fonctions de fournir aux intervenants une tribune leur permettant d'examiner les priorités en matière de recherche en santé à l'échelle mondiale, de favoriser l'analyse continue de l'état de la recherche en santé à l'échelle internationale (y compris du flux des ressources) et de faciliter l'établissement de coalitions pour la recherche sur des problèmes mondiaux importants. Le Forum est donc devenu partie intégrante du mécanisme international que la Commission avait recommandé pour susciter et surveiller les débats sur des thèmes d'envergure mondiale, permettant au COHRED de collaborer directement avec les pays pour faciliter la mise en œuvre d'une stratégie de RNES (voir encadré 1.2).
Le Forum mondial pour la recherche en santé est un organisme indépendant inscrit comme fondation suisse. Il est géré par un conseil de 20 membres représentant des décideurs gouvernementaux, des agences de développement bilatérales et multilatérales, des fondations, des ONG internationales, des associations de femmes, des établissements de recherche et le secteur privé. Le secrétariat du Forum, situé au siège social de l'OMS à Genève, a commencé ses activités en janvier 1998.
Le Forum a pour mandat de veiller à corriger la disparité alarmante dans les dépenses mondiales pour la recherche en santé (souvent appelée l'« écart 10/90 »). Cette disparité fait référence au fait que 90 p. cent des 56 milliards de dollars américains consacrés à la recherche en santé sont affectés à des recherches sur des problèmes qui ne concernent que 10 p. cent de la population mondiale. Le Forum a choisi cinq stratégies pour atteindre son but : organiser un forum annuel, entreprendre une analyse pour l'établissement des priorités, favoriser les partenariats dans les domaines prioritaires de recherche en santé, diffuser l'information concernant l'écart 10/90, et évaluer et surveiller les progrès accomplis pour combler cet écart.
Parmi les produits du Forum, on relève un cadre pratique pour établir les priorités dans le domaine de la recherche en santé, publié dans le rapport 10/90 Report on Health Research 1999 (GFHR, 1999). Ce cadre repose sur le processus en cinq étapes que le Comité ad hoc avait mis de l'avant en 1996. Il utilise le profil visuel de l'information en santé, que le CCRS de l'OMS avait préconisé dans son programme de politiques sur la recherche, pour évaluer les secteurs de recherche prioritaires aux échelons local, national, régional et mondial. Il fait également partie d'une série d'initiatives concertées visant à juguler des problèmes de santé prioritaires, notamment l'initiative mondiale sur la recherche en matière de tuberculose de l'OMS, l'initiative sur la santé cardiovasculaire dans les pays en développement, l'initiative multilatérale de lutte contre le paludisme (MIM), l'initiative internationale pour un vaccin contre le sida (International AIDS Vaccine Ini-taitive [IAVI]) et l'alliance pour la recherche sur les services et les systèmes de santé. L'initiative spéciale de partenariats publics et privés cherche à améliorer l'accessibilité des médicaments et des vaccins pour les pauvres. Le Forum a créé un secrétariat visant à évaluer ces partenariats et à faciliter la création de nouveaux partenariats, comme la nouvelle initiative de médicaments pour la lutte contre le paludisme (GFHR, 2000).
Comme elle est d'abord et avant tout une institution financière, la Banque mondiale soutient ou finance des programmes ou des initiatives de recherche en santé, tels que le TDR, la MIM et l'IAVI. Ses activités de recherche internes portent sur les politiques économiques telles qu'elles sont appliquées au secteur santé, nutrition et population (SNP). Également orienté sur les systèmes de santé plutôt que sur la recherche en santé, le Rapport sur le développement dans le monde 1993 : Investir dans la santé, Indicateurs du développement dans le monde (Banque mondiale, 1993) a eu d'importantes répercussions sur ce secteur. Il réitérait la recommandation de la Commission d'établir un mécanisme mondial pour mieux coordonner la recherche internationale en santé. Il soutenait également l'affectation de ressources à la recherche épidémiologique et à la recherche sur les politiques de santé afin d'accroître la prise de décisions fondée sur les faits ainsi qu'à la recherche sur les priorités nationales en matière de recherches. La Banque s'intéresse également à la mauvaise affectation des ressources et au gaspillage (en plus des inégalités) dans les dépenses pour la recherche en santé. Le rapport préconise la réduction des inefficacités et l'amélioration de la rentabilité, ce qui a amené à élargir la formulation des problèmes auxquels font face les spécialistes de la R-D en santé dans le monde.
Depuis la publication de ce rapport important, la Banque mondiale augmente constamment ses investissements dans la réforme du secteur de la santé. Des représentants du groupe chargé des questions de santé à la Banque mondiale participent activement à bon nombre de discussions et d'initiatives dans le domaine de la recherche en santé pour le développement. La Banque est également devenue une source importante de financement de la recherche en santé. Par exemple, son rapport de 1997 intitulé Stratégie sectorielle : santé, nutrition et population dit en substance :
La valeur des travaux de recherche et d'analyse des questions de santé, nutrition et population soutenus par la Banque se situe entre 50 et 75 millions de dollars américains par année, ce qui représente de 5 à B p. 100 des prêts totaux et de loin la source la plus importante de financement externe de la recherche sur la santé, la nutrition et la population dans les pays clients.
— Banque mondiale, 1997
En outre, le service de la recherche sur les politiques stratégiques de la Banque consacre chaque année plus d'un million de dollars américains par année aux questions de santé, nutrition et population.
Au cours des 10 à 15 dernières années, un certain nombre de programmes internationaux ont été créés pour renforcer les capacités de recherche dans les pays en développement. S'ajoutant aux programmes existants associés à l'OMS, ils jouent un rôle important dans tous les aspects de la recherche en santé pour le développement. Par exemple, au début des années 1990, lorsque la Commission était sur le point de publier son rapport, les responsables de neuf programmes internationaux ont fait une déclaration conjointe, la déclaration de Puebla, qui soutenait les grandes orientations recommandées par la Commission, en particulier pour ce qui est du renforcement des capacités (TFHRD, 1991). Chacun de ces programmes avait suivi sa propre évolution pendant cette période. Certains d'entre eux sont décrits brièvement ci-dessous.
L'INCLEN a commencé ses activités en 1982, sous la direction du Dr Kerr White, qui s'inquiétait de l'écart qui subsistait entre la santé publique et la médecine clinique. L'objectif du Dr White était de former des cliniciens provenant d'universités de pays en développement en santé publique et en épidémiologie. Soutenu en grande partie par la Fondation Rockefeller, l'INCLEN a formé quelque 300 personnes dans 30 pays pour mener des recherches dans des secteurs prioritaires et enseigner les méthodes de recherche en santé. Au départ, l'INCLEN comptait quatre centres de formation en Australie, au Canada et aux États-Unis, puis il s'est développé au point que des centres établis dans les pays en développement ont pris la relève. Au cours des deux dernières années, les priorités de l'INCLEN sont passées du renforcement des capacités à la recherche multinationale en santé sur des questions particulières et sa structure s'est régionalisée.
Lancé en 1986, avec le soutien de Pew Charitable Trusts (et plus tard de la Carnegie Corporation et de la Banque mondiale), l'International Health Policy Program s'inquiète des problèmes associés aux ressources pour des politiques de santé efficaces orientées vers l'équité. Sa principale activité consiste à apporter son soutien aux groupes qui analysent et élaborent des politiques de santé en Afrique et en Asie. Il offre également des bourses de perfectionnement professionnel, parraine des réunions de participants et des ateliers d'auteurs et diffuse les conclusions des recherches sur les politiques.
Le projet ARCH succède au Applied Diarrheal Disease Research Project qui a soutenu 150 études dans 16 pays. Situé au Harvard Institute for International Development et financé en grande partie par l'entremise de l'Agence des États-Unis pour le développement international, le projet ARCH met l'accent sur les principales causes de morbidité et de mortalité infantiles et juvéniles. Il soutient la recherche dans les pays en développement au moyen de subventions et d'aide technique à des groupes de chercheurs en sciences sociales et en santé.
L'initiative la plus récente, la MIM, a vu le jour après constatation de la fragmentation de la recherche sur le paludisme, différents organismes finançant indépendamment des projets de recherche distincts. Une réunion tenue en janvier 1997 à Dakar, Sénégal, pour examiner le problème du paludisme en Afrique a établi les priorités et cerné les besoins en recherche. Peu après, les responsables de la MIM invitaient le Wellcome Trust de Londres à assurer le secrétariat de coordination de ses activités qui comprennent maintenant l'intervention, la collecte de fonds, la facilitation de la coordination et de la collaboration, et l'échange de renseignements. À titre d'exemple de ses initiatives, mentionnons le Centre de recherche et de ressources en réactifs de référence sur le paludisme à Dakar. Elle a organisé d'importantes conférences à Durban (en 1999) et à Abuja (en 2000). En collaboration avec le TDR, la MIM a créé un groupe de travail sur le renforcement des capacités de recherche en Afrique. S'étant engagés à collaborer étroitement avec les responsables du projet faire reculer le paludisme de la Banque mondiale, les responsables de la MIM contribuent à assurer des liens entre la recherche et la lutte contre cette maladie (le paludisme). Les différents organismes en cause semblent avoir bien accueilli la MIM, favorisant la synergie entre les chercheurs, les bailleurs de fonds et d'autres intervenants déterminés à lutter contre ce grave problème régional.
Depuis plus de vingt ans, un certain nombre de pays industrialisés mettent en œuvre des initiatives spéciales visant à soutenir la recherche dans les pays en développement. En voici quelques exemples :
Suède — Stimulé par l'inclusion d'un programme d'action mondial en sciences et technologie dans la Seconde décennie des Nations Unies pour le développement (les années 1970), le parlement de suède a commandé une étude sur l'organisation de la recherche sur les problèmes dans les pays en développement. Un rapport intitulé Research for Development a été publié en 1973. Ce rapport précisait, entre autres recommandations, certains principes directeurs pour la recherche pour le développement : orientation du problème, étude multidisciplinaire ou interdisciplinaire, valeur (ou pertinence) pour le développement et focalisation sur les pays en développement. S'appuyant sur ces principes, la Suède a créé en 1975 la SAREC, dont la principale tâche consiste à contribuer au renforcement des capacités de recherche dans certains des pays les plus pauvres du monde, par l'entremise d'un soutien aux universités. Dans le secteur de la santé, cette politique s'est traduite par un soutien à long terme de la recherche en santé dans des universités situées dans des pays comme l'Éthiopie, le Mozambique et la Tanzanie. La SAREC soutient également la collaboration directe entre les institutions dans les pays en développement et la Suède.
Au milieu des années 1990, la SAREC comptait 380 projets conjoints faisant intervenir plus de 100 départements d'universités suédoises. Au moment de son intégration dans l'Organisation suédoise pour le développement international, au milieu des années 1990, la SAREC a réévalué son soutien à long terme au renforcement des capacités de recherche. Elle a reconnu la nécessité de prendre des mesures de soutien en faveur du milieu universitaire dans son ensemble en plus de ses efforts pour promouvoir la coopération dans la recherche, notamment par l'entremise d'un soutien plus global à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'administration universitaire. Dans l'ensemble, ces 25 années de soutien à la recherche pour le développement se sont révélées fructueuses.
Canada — Le Canada soutient la recherche pour le développement par l'entremise du CRDI, société publique autonome établie en 1970 par une loi du Parlement canadien. Le CRDI a été le premier organisme d'aide au développement à se concentrer exclusivement sur la recherche pour le développement des sciences et de la technologie. Au cours des années 1970 et 1980, il a mis en œuvre des programmes dans des secteurs tels que l'agriculture et la santé. En 1988, par le truchement de sa Division des sciences de la santé, le CRDI a beaucoup appuyé la Commission. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, il a adopté une nouvelle stratégie : s'affranchir par le savoir, qui met l'accent sur l'importance du renforcement des capacités de recherche. En 1992, lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement tenue à Rio de Janeiro, il a été décidé d'élargir le mandat du CRDI pour y inclure la mise en œuvre d'Action 21 (par l'entremise d'un programme institutionnel révisé). En 1995, à la suite de compressions budgétaires fédérales, le CRDI a rationalisé ses activités et remplacé sa structure à quatre divisions par six thèmes de programmes.
En 1997, le CRDI a dévoilé un nouveau programme institutionnel qui reflétait les leçons tirées de 25 années de réussites, d'échecs et de persévérance (CRDI, 1997). Il a relevé trois leçons : les sociétés bâtissent elles-mêmes leur avenir; le savoir est la clé du développement humain (et l'information ne peut se substituer au savoir); les démarches isolées ne donnent pas de résultats (seule une approche pluridisciplinaire permet de s'attaquer à des problèmes complexes). Par exemple, le CRDI mène actuellement une recherche sur les programmes d'ajustement macro-économique, la réforme du secteur de la santé et l'accessibilité des services de santé dans le Sud. Plus récemment, le CRDI a assuré la coordination de la recherche sur les problèmes de santé causés par le tabac à l'échelle mondiale.
Suisse — En 1994, la Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement (KFPE) a été établie sous les auspices de la Conférence des académies scientifiques suisses. Elle a pour mandat de définir et de promouvoir la stratégie suisse pour l'encouragement de la recherche dans les pays en développement (KFPE, 1998) et d'encourager les scientifiques suisses à participer à cette entreprise. La KFPE vient d'élaborer le Guide du partenariat scientifique avec des pays en développement : 11 principes (KFPE, 1998) (voir encadré 6.3).
Au cours des 10 à 15 dernières années, la sensibilisation au déséquilibre qui existe dans le domaine de la recherche en santé pour le développement et l'analyse du problème ont de toute évidence pris de l'ampleur et, dans une certaine mesure, un plus grand nombre d'interventions ont également eu lieu. Aujourd'hui, des organismes comme le COHRED (qui travaille directement avec les pays en développement) et le Forum mondial pour la recherche en santé (qui fournit un mécanisme mondial de discussion et de contrôle), qui n'existaient pas il y a dix ans, ont établi les priorités en matière de recherche en santé aux échelons national et international. En outre, des organismes importants (comme l'OMS), des programmes internationaux et des pays (en développement et industrialisés) ont intensifié leurs efforts pour travailler en collaboration avec d'autres afin d'aborder ces priorités de recherche aux niveaux national et international.
Cependant, le mécanisme international actuel est encore trop lent et trop fragmenté, et la coordination est lacunaire. En outre, le système ne réussit pas à contrôler les progrès, à promouvoir le soutien financier et technique, ni à accélérer le renforcement des capacités aussi bien qu'il le pourrait.
En revanche, une institution internationale du secteur agricole a réussi à jeter les bases de la révolution verte au cours des 15 dernières années (Banque mondiale, 1999). Il s'agit du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Créé en 1971, le GCRAI compte parmi ses membres des pays en développement et des pays industrialisés, des fondations privées et des organismes internationaux comme la FAO des Nations Unies. Sa principale stratégie consiste à créer et à soutenir 16 centres de recherche internationaux et à former un grand nombre de scientifiques et de techniciens. Selon le Rapport sur le développement dans le monde 1998-1999 : Le savoir au service du développement (Banque mondiale, 1999), le GCRAI a beaucoup contribué au développement et à l'utilisation de nouvelles technologies agricoles. Par conséquent, grâce à l'augmentation du rendement des cultures, la production mondiale d'aliments a pu répondre à la demande sans cesse croissante, dans un monde où il faut nourrir 90 millions de nouvelles bouches chaque année (Banque mondiale, 1999). Au cours de la dernière décennie, le GCRAI a élargi la portée de ses activités pour y inclure des recherches sur les questions environnementales, la foresterie, les ressources aquatiques et les relations entre ces facteurs et la recherche agricole. À titre d'organisme mondial financé par les deniers publics, il a également accru constamment son interaction avec les institutions de recherche du secteur privé. Cependant, il n'a pas contribué à assurer de solides systèmes nationaux de recherche et de production agricoles et l'insécurité alimentaire est toujours un problème pour 790 millions de personnes. Reconnaissant la nécessité de s'adapter à de nouvelles conditions, le GCRAI est en train d'établir de plus en plus d'institutions « virtuelles » et met davantage l'accent sur l'évaluation des impacts.
Pouvons-nous réellement dire qu'au cours des 10 dernières années, la recherche en santé a contribué directement à une révolution sanitaire, semblable à la révolution verte? Compte tenu de la difficulté d'apporter des changements sur une période de 10 ans, où avons-nous fait un apport significatif? Où avons-nous échoué? Quels facteurs ont facilité les choses et lesquels ont été nuisibles? Les investissements recommandés ont-ils été faits et bien ciblés? Pourquoi la coopération entre les différents organismes et institutions est-elle encore perçue comme inadéquate?
Les chapitres qui suivent abordent certaines de ces questions, surtout du point de vue des pays en développement. D'autres questions seront abordées lors de la conférence internationale d'octobre 2000. Le débat doit nous amener à trouver des façons novatrices à la question d'intensifier nos efforts au cours des dix prochaines années pour faire en sorte que la recherche en santé contribue le plus possible au développement équitable et qu'elle en constitue un maillon essentiel.
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L'équité est généralement reconnue comme essentielle à la santé et au développement. Pourtant, on hésite à en faire un objectif explicite et réaliste dans le domaine de la santé et à prendre les engagements nécessaires à sa réalisation. Cette réticence représente actuellement l'obstacle le plus important aux progrès et à l'élimination des inégalités dans le domaine de la santé.
Les sociétés doivent s'entendre sur deux questions fondamentales :
— L'égalité de quoi (de la santé, de l'accès, de l'utilisation, des dépenses)?
— L'équité pour qui (les classes de revenu, le sexe, l'appartenance ethnique et religieuse, la géographie)?
Cependant, le dilemme qui se pose est de décider à quel moment l'inégalité devient inéquitable. La façon dont une société résout ce dilemme reflète sa conception de ce qui est juste ainsi que le degré de mauvaise santé qu'elle juge évitable.
La longévité, avec la santé pour tous, est un but commun. En raison de sa nature, la santé ne peut cependant pas être répartie également. Au mieux, nous pouvons répartir les chances d'obtenir de bons résultats sanitaires par l'entremise d'une intervention. Dans son acceptation la plus étroite, l'égalité signifie l'accès égal aux soins ou l'utilisation égale des services de santé. Si on prend le terme dans un sens plus large, cependant il faut prendre en compte des facteurs d'équité horizontale, en vertu desquels des personnes ayant des besoins semblables bénéficient de services semblables, et d'équité verticale, en vertu desquels les personnes qui ont plus de besoins reçoivent plus de services. Amartya Sen (1992) défend la notion d'égalité des capacités, selon laquelle la société s'assure que chaque personne a la capacité de convertir une possibilité en avantage concret. Cette notion élargit le concept de besoin en incluant des facteurs autres que médicaux et celui de possibilité en incluant plus que les soins de santé.
L'égalité ne comporte pas de jugement de valeur, tandis que l'équité est normative. L'inégalité décrit un phénoméne, mais l'attribution d'un écart à l'effet systématique d'une variable peut avoir pour objet de transformer la description en jugement. Si la variable est un phénomène qui touche un groupe social et qui est jugé injuste, et si l'écart est vu comme important et évitable, alors l'inégalité devient inéquitable.
Lorsqu'une personne ne choisit pas ses conditions de vie ou de travail, la mauvaise santé qui en résulte ou le manque d'accès éclairé aux remèdes peut être considéré comme injuste. La mesure dans laquelle la mauvaise santé est jugée évitable dépend souvent de ce qui est perçu comme abordable ou efficace à l'intérieur ou à l'extérieur du système de santé. Par conséquent, certaines personnes voient la santé des riches comme un point de repère qui permet de déterminer le degré de mauvaise santé évitable. D'autres préfèrent établir une norme minimale acceptable tout en défendant le droit d'une personne d'acheter des services qui vont au-delà de cette norme. L'équité en santé suppose donc que la société s'engage à donner aux particuliers la possibilité d'être en bonne santé; elle est tributaire du respect de la diversité et de l'autonomie de ces personnes et est réalisée par la prise de mesures favorable à la santé des personnes injustement défavorisées.
Les données substitutives ont leurs limites en ce qui concerne la mesure de l'inégalité, mais elles donnent une image convaincante de la prévalence généralisée des iniquités en santé. Une nouvelle analyse des données sur le fardeau mondial de la maladie datant de 1990 démontre que les maladies transmissibles causent 47,3 p. 100 des décès et 49,8 p. 100 des années de vie corrigées de l'incapacité (AVCi) perdues dans le quintile le plus pauvre de la population (20 p.100) au regard de 4,2 p. 100 et 2,6 p.100 respectivement dans le quintile le plus riche. Pour d'autres indicateurs de santé, l'écart entre les riches et les pauvres va du double au décuple. Les études démontrent des gradients de santé entre les groupes socioéconomiques, même dans les pays industrialisés, où les principales causes de décès sont les maladies non transmissibles et où le quintile le plus pauvre peut être composé en réalité de quasi-pauvres ou de travailleurs à faible revenu.
Les effets de la pauvreté sur la santé peuvent facilement être attribués à ses conséquences sociales — sentiments de risque, d'impuissance, de vulnérabilité ou de faible estime de soi — ainsi qu'à l'incidence absolue de la privation matérielle. Les données empiriques démontrent que ce ne sont pas seulement les revenus des particuliers, mais également la répartition de ces revenus dans une société, qui influent sur la santé. Ainsi, en plus de l'incidence absolue de la privation matérielle, un gradient socioéconomique a un effet indépendant sur la santé. Certains soutiennent que la perte de capital social (c'est-à-dire la cohésion et la solidarité d'une société) constituerait une explication plausible de nombreux effets délétères sur la santé.
C'est donc dire que les nouvelles constatations ont suscité de l'enthousiasme à l'égard d'un modèle social de la santé qui repose sur les notions suivantes :
— le bien-être de la collectivité est aussi important que la santé des particuliers;
— au niveau des particuliers, les aspects interpersonnels des services de santé sont aussi importants que les aspects techniques.
Le modèle social de la santé reconnaît l'importance de créer des occasions d'intervention communautaire, de bâtir le capital social et de mettre en valeur, dans les soins de santé, la dignité et l'autonomie des personnes.
Ce passage du modèle biomédical au modèle social permet d'élargir l'objectif d'équité pour y inclure l'équité matérielle, obtenue par l'égalisation de la capacité des personnes, et particulièrement des personnes défavorisées, de profiter des mesures sanitaires et l'équité procédurale, possible si la structure ou les procédés nécessaires pour réaliser l'équité matérielle sont justes.
Au début du XXIe siècle, il existe encore des iniquités en santé. Pourtant, un certain nombre d'études ont permis de mieux comprendre la pauvreté et la mauvaise santé aux niveaux individuel et collectif. La définition de la pauvreté comprend maintenant les conséquences sociales du risque, de la vulnérabilité et de l'impuissance. Nous associons maintenant la santé de la personne à celle de la collectivité et c'est ce qui nous a permis d'élaborer un modèle social de la santé et de nouvelles approches de la santé qui transcendent le modèle biomédical.
L'an dernier, un hebdomadaire international relatait l'histoire d'un père qui avait vendu un de ses reins pour payer l'hospitalisation de son enfant (qui était atteint d'une rougeole grave). Du coup, un étranger a pu obtenir un nouveau rein qui lui a sauvé la vie (Baguioro, 1999). Ce récit raconte une tragédie réelle concernant deux personnes, chacune cherchant désespérément à sauver sa propre vie ou celle d'un être cher. Liées par des choix forcés, l'une devient l'acheteur et l'autre le vendeur dans le marché illicite des organes. Cependant, ce récit comporte un thème sous-jacent : celui de la justice et de l'écart dans l'accès aux connaissances et aux ressources. Une de ces personnes peut se permettre d'acheter les soins évolués dont elle a besoin pour prolonger sa vie; l'autre, démunie, n'a que son corps pour empêcher son enfant de mourir prématurément. Ce père de famille ignorait probablement qu'un vaccin très répandu suffit à prévenir la rougeole, ou s'il le savait, il ne pouvait quand même pas se le procurer. C'est peut-être là l'aspect le plus tragique de cette histoire.
Partout dans le monde les cas semblables abondent1. Est-ce équitable? La société devrait-elle s'en inquiéter? Que doit la société à chacun d'entre nous au plan de la santé? Sait-on déjà les réponses à ces questions?
Le principal obstacle aux progrès vers une plus grande équité en santé est l'absence de consensus explicite sur ce qui constitue l'équité, peut-être même surtout ce qui constitue l'iniquité. Aujourd'hui, le mot équité est au goût du jour; il a d'emblée droit de cité en politique et personne ne remet en question l'importance de l'équité. En raison des contrecoups découlant des compressions budgétaires aveugles effectuées dans les années 1980 et de la crainte omniprésente, bien que diffuse, qui accompagne la mondialisation, l'équité en santé est devenue une question primordiale.
Équité est un mot normatif et, contrairement à l'égalité qui qualifie, sans jugement de valeur, une distribution, l'équité suppose un jugement (voir encadré 2.1). Ainsi, la société doit s'entendre sur la conceptualisation de l'équité. Bien que les concepts d'équité ne soient
1 Le présent chapitre met l'accent sur les inégalités en santé selon la classe économique. Beaucoup de documents traitent également des inégalités en santé fondées sur le sexe, l'appartenance ethnique et la géographie, mais nous n'avons pas la place d'étudier en profondeur les autres variables qui reflètent les écarts sociaux.
ni bons, ni mauvais, les méthodes utilisées pour le suivi et la poursuite de l'équité sont plus ou moins cohérentes (Mooney, 1994). Chaque société doit parvenir à un consensus sur deux grandes questions concernant la conceptualisation de l'équité en santé : égalité de quoi (santé, accès aux soins de santé ou utilisation des services de santé)? et équité pour qui (classe socioéconomique, hommes, femmes, race, géographie)? Dans tous les cas, pour obtenir ce consensus, il faudra clarifier le cadre philosophique et les valeurs de chaque société.
En 1990, la Commission sur la recherche en santé au service du développement publiait ses conclusions dans le rapport La recherche en santé : Élément essentiel d'un développement équitable (CHRD, 1990). Dans l'introduction, la Commission donne des exemples de disparités en matière de santé, entre les pays et au sein de ceux-ci (pays industrialisés par rapport aux pays en développement, Noirs par rapport aux Blancs, pauvres par rapport à la classe moyenne ou aux riches, milieu rural par rapport au milieu urbain), surtout du point de vue de la durée de vie qu'elle soit décrite en termes de risques de mortalité, d'espérance de vie ou de taux de mortalité infantile. Même si
Encadré 2.1 |
Égalité ou équité Si la santé est un élément essentiel du bien-être humain, ce sur quoi la plupart des gens s'entendent, on se demande pourquoi les inégalités dans le domaine de la santé ne sont pas considérées comme intrinsèquement importantes, indépendamment de leur corrélation avec d'autres éléments du bien-être. (Murray et coll., 1999) Compte tenu de cet argument, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté comme position que l'un des buts intrinsèques du système de santé est d'assurer une répartition égale de la santé, mesurée par l'espérance de vie corrigée de l'incapacité (OMS, 2000d). La figure 2.1, par exemple, présente la répartition de l'espérance de vie des hommes au Japon, au Mexique et aux États-Unis, les États-Unis témoignant d'une répartition beaucoup plus inégale. Selon l'OMS, cette situation est inquiétante. Le but est de rétrécir la base de la courbe de distribution. D'autres soutiennent que ce sont les différences systématiques en santé qui comptent et qu'elles devraient être abordées explicitement dans les politiques (Braveman, 2000). L'approche analytique de l'OMS n'empêche pas l'étude des différences systématiques qui résultent de l'appartenance à un groupe social (Murray et coll., 1999). Cependant, le fait qu'elle fasse de la répartition égale de la santé un but intrinsèque du système de santé plutôt qu'un but d'équité révèle un cadre philosophique différent de celui qui préconise la démonstration et la réduction des différences sociales en santé. |
l'équité constituait le but général visé au chapitre du développement, la Commission n'a pas réussi à définir avec précision des objectifs en matière d'équité. Elle n'a pas réussi non plus à préciser les mécanismes de contrôle de l'évolution du degré d'équité, c'est-à-dire ce qui devrait être considéré comme une amélioration importante si les recommandations de la Commission sur la recherche en santé devenaient des politiques.
Qu'est-ce qui devrait être réparti également? Voulons-nous avoir le même niveau de santé? Qu'est-ce que cela signifie réellement? Que nous avons tous la même durée de vie? La même qualité de vie? Est-ce réellement souhaitable? Est-ce possible? De prime abord, il semble qu'avoir le même niveau de santé signifie que chacun obtient ce à quoi il a droit d'une société juste. Cependant, que faudrait-il pour atteindre l'égalité en santé pour tous? Un scénario extrême supposerait que tous accordent une valeur égale à la santé et fassent les mêmes choix parmi les interventions en santé disponibles. Or, malgré les renseignements qu'ils ont à leur disposition pour fonder leurs choix, les gens ont toujours diverses aspirations et préférences. Comme Mooney (1994) l'a écrit, un tel scénario représente une trop grande ingérence dans les valeurs individuelles.
Même si des personnes très bien informées faisaient librement les mêmes choix, tout le monde n'obtiendrait pas les mêmes résultats des mêmes interventions sanitaires. Les chances d'éviter la mort ou de réduire la gravité ou la durée d'une déficience par une intervention sanitaire donnée sont fonction de différents facteurs (comorbidité, gravité de la maladie et autres). Nous sommes arrivés à la conclusion, qui n'étonnera personne, que la santé elle-même ne peut être répartie également. Au mieux, les chances d'obtenir de bons résultats à la suite d'une intervention peuvent être réparties également.
Pour certaines personnes, cela signifie que le but visé est l'égalité d'accès aux soins de santé et d'utilisation des services de santé. Ces paramètres sont différents mais connexes. Lorsqu'une personne est malade, elle devrait avoir accès aux soins de santé appropriés. L'accès suppose la disponibilité des occasions et est surtout perçu comme une responsabilité du secteur de l' « offre ». L'expression utilisation des services de santé transcende l'accès et comprend le secteur de la « demande ». Cependant, l'utilisation est encore mesurée en fonction des taux d'utilisation et constitue donc encore une évaluation de ressources comme l'accès. Les liens simples avec la santé sont donc absents (Pereira, 1993). Certains ont contourné cette difficulté en ajoutant un qualificatif : accès aux soins de santé et utilisation des services de santé « selon les besoins », ce qui n'est pas sans rappeler les concepts d'équité horizontale et d'équité verticale. Alors que l'équité horizontale exige les mêmes soins pour les mêmes besoins de santé, l'équité verticale exige plus de soins pour des besoins plus grands. Encore une fois, de prime abord, l'équité horizontale et l'équité verticale semblent des buts louables.
Mais qu'est-ce qu'un besoin? Amartya Sen (1992) souligne que pour assurer la véritable égalité, il ne suffit pas qu'une société offre des possibilités (c'est-à-dire des soins de santé) que les personnes peuvent utiliser. La société doit également s'assurer que les personnes ont la capacité de convertir une possibilité en avantage si elles le souhaitent. On peut donc interpréter plus globalement l'équité horizontale et l'équité verticale. En supposant qu'une personne présente les mêmes signes médicaux qu'une autre personne, en vertu des principes d'équité horizontale, ces deux personnes devraient recevoir les mêmes traitements. Cependant, de l'avis de Sen, si l'une des deux n'est pas aussi instruite que l'autre, par exemple, et est incapable de prendre ses médicaments selon les directives du médecin, alors ces personnes ne devraient pas recevoir le même traitement. Cette situation devient alors une question d'équité verticale, puisqu'une personne a plus de besoins, au-delà de la perspective médicale, que l'autre et devrait donc recevoir plus de renseignements. Dans un sens, cette perspective qualifie la notion d'égalité de la santé en la définissant comme la capacité d'obtenir de bons résultats de mesures sanitaires globales qui transcendent les soins de santé.
Pour résoudre la question de l'équité pour qui, il faut pouvoir déterminer si une inégalité est systématiquement due à la pauvreté, au sexe, à la discrimination raciale ou à d'autres facteurs. Les facteurs choisis pour expliquer les écarts reflètent notre perception de ce qui est juste et injuste, ce qui influe sur notre interprétation de la mesure dans laquelle une inégalité est inéquitable.
Ce qui est jugé injuste le sera nécessairement selon le contexte, mais un critère utile, conforme au cadre de Sen, est la notion de disponibilité des choix. Si quelqu'un choisit délibérément un mode de vie malsain, c'est alors son choix et il n'y a pas d'injustice si cette personne est en moins bonne santé que d'autres. Cependant, lorsqu'une personne n'a pas le choix de ses conditions de vie ou de travail, l'état de santé inférieur ou le manque d'accès éclairé aux remèdes possibles qui peut en résulter peut alors être jugé injuste par rapport à une mauvaise santé qui résulterait d'un risque pris volontairement et sciemment. De façon plus concrète, le sentiment d'injustice augmente dans le cas des groupes qui subissent des désavantages qui se combinent et se renforcent mutuellement, rendant ces groupes très vulnérables aux problèmes de santé (Whitehead, 1992).
La question de savoir à quel moment une inégalité devient une iniquité est véritablement au cœur des discussions sur les politiques qui, idéalement, devraient permettre de délimiter quels problèmes de santé sont évitables. Cependant, le fait de décider si la science suffit pour prévenir ou guérir la maladie ou améliorer la santé n'est pas une question objective. C'est plutôt un problème complexe, qui procède souvent d'une question de coût ou d'efficacité à l'intérieur ou même à l'extérieur du secteur de la santé (Ubel et coll., 1996; Choudhry et coll., 1997).
Les sociétés devront délimiter clairement les cas de mauvaise santé qu'elles jugent évitables. Pour certaines, la santé des riches témoigne des possibilités de bonne santé possibles et, à l'opposé, des problèmes de santé évitables. D'autres préfèrent établir un niveau de santé minimal acceptable ou adéquat et protéger le droit des personnes d'acheter des services de santé qui dépassent ce minimum (Buchanan, 1995). Quel prix la société devrait-elle payer pour rendre accessibles des technologies médicales efficaces? Dans quelle mesure la société est-elle disposée à s'attaquer aux autres déterminants socioéconomiques de la santé? Il s'agit de faire des choix difficiles parmi des priorités opposées. C'est la capacité d'une société d'adopter une définition réaliste de la justice et des problèmes de santé évitables qui la distingue de ses voisins qui, comme elle, revendiquent l'équité.
Qui dit équité en santé dit par conséquent une société qui s'engage à donner aux particuliers des capacités égales d'être en bonne santé, une société qui respecte la diversité humaine et l'autonomie individuelle et des interventions sanitaires destinées aux personnes défavorisées. De façon plus pragmatique, cela revient à dire que tous devraient avoir la possibilité d'être en santé (Whitehead, 1992).
Après avoir clarifié ses valeurs et son cadre philosophique et s'être engagée à définir ce qui doit être également réparti (égalité de quoi) et pour qui (équité pour qui), la société doit déterminer à quel moment une inégalité devient inéquitable, et établir sur cette base une
Figure 2.1. Répartition de la population selon l'espérance de vie moyenne chez les hommes à la naissance. Source : OMS (2000d). Nota : E(N): espérance de vie à la naissance.
série d'objectifs d'équité et entamer des mesures d'évaluation, d'interprétation et d'intervention.
Malheureusement, le choix des indicateurs pour évaluer l'iniquité en santé se limite souvent à ceux qui sont couramment disponibles : des mesures traditionnelles de l'état de santé pouvant être désagrégées selon des variables indépendantes communément étudiées. À ce titre, la variable dépendante qu'est l'égalité des capacités à obtenir de bons résultats de santé ne peut être évaluée qu'approximativement au moyen des mesures de l'état de santé qui reflètent les occasions d'intervention sanitaire et les différences dans la richesse et les préférences humaines. Ces mesures comprennent les espérances de vie, le nombre d'années de vie corrigées de l'incapacité (AVCi) et les taux de mortalité infantile et juvénile. Parmi les autres données substitutives, on relève les indicateurs d'accès et d'utilisation et les dépenses en santé. Ces données se limitent habituellement aux descriptions du financement et de la disponibilité ou de l'utilisation des soins, surtout médicaux.
Les variables dépendantes (l'équité pour qui) comprennent le statut économique, le sexe, le groupe ethnique et la géographie (milieu rural ou urbain). Elles se présentent sous formes de variables nominales uniques (p. ex., pauvres ou riches, hommes ou femmes). Ces études présentent donc deux limites. La première, c'est qu'elles laissent tomber des détails valables en transformant des variables assorties d'une répartition intrinsèquement continue en catégories nominales. Comme Sen (1992) le fait remarquer, le fait de classer quelqu'un dans la catégorie « pauvres » ne signifie pas grand-chose puisqu'il existe de nombreux degrés de pauvreté. De nouvelles approches ont donc tenté de décrire les résultats pour la santé en fonction de quintiles de revenu ou de richesse. La seconde limite tient au fait que les effets synergiques d'une combinaison de ces variables chez une même personne sont difficiles à éclaircir (p. ex., pauvres et femmes et rurales).
Les indicateurs d'équité sont parfois combinés en un seul indice sommaire qui vise à refléter la situation globale d'une société du point de vue de l'équité en santé. Les contrastes à deux variables (p.ex., ratio les plus riches : les plus pauvres) sont utiles et évocateurs, comme le démontre le tableau 2.1, mais ils font abstraction de 60 p. 100 de la répartition restante. Mackenbach et Kunst (1997) et Gakidou et coll. (2000) ont élaboré certains indices sommaires complexes qui permettent de saisir entièrement les renseignements disponibles et de contrôler les progrès globaux réalisés vers l'équité.
Comme on peut le constater d'après les études précitées, les travaux précédents sur l'équité utilisaient des renseignements recueillis à d'autres fins. Malgré les limites de ces données substitutives, des conclusions probantes revêtent déjà des iniquités généralisées en matière de santé. Cependant, la plupart des études qui mesurent les
Tableau 2.1 Exemples d'indicateurs d'inégalité présentés selon le quintile le plus riche et le quintile le plus pauvre de la population
Pays | Période (années) | Plus pauvres (20 %) | Plus riches (20 %) | Moyenne | Ratio les plus riches/les plus pauvres |
Taux de mortalité pour 1 000 chez les enfants âgés < 5 ans (Wagstaff, 2000) | |||||
Brésil | 1996–1997 | 113,3 | 18,7 | 63,5 | 6 |
Népal | 1996 | 126,8 | 64,6 | 91 | 2 |
Pakistan | 1991 | 160,1 | 145,2 | 147,2 | 1,1 |
Vietnam | 1992–1993 | 53,5 | 47,4 | 50,7 | 1,1 |
Pourcentage de personnes qui n'achètent ou ne reçoivent pas de médicaments adéquats (Makinen et coll., 2000) | |||||
Burkina Faso (3 provinces) | 1994 | 26 | 38 | 33 | 0,68 |
Kirghizistan (2 régions) | 1996 | 8 | 14 | 12 | 0,57 |
Paraguay (6 départements) | 1996 | 50 | 28 | 38 | 1,78 |
Afrique du Sud | 1993 | 11 | 31 | 17 | 0,35 |
Thaïlande | 1991 | 47 | 38 | 43 | 1,2 |
Dépenses du ménage consacrées à la santé, par habitant, exprimées en pourcentage des dépenses non consacrées à la nourriture (Castro-Leal et coll., 2000) | |||||
Cote d'Ivoire | 1988 | 13,4 | 6,3 | — | 2,1 |
Ghana | 1992 | 12,7 | 7,5 | — | 1,7 |
Madagascar | 1993–1994 | 6,9 | 1,5 | — | 4,6 |
iniquités en santé sont transversales. Aucun suivi systématique des indicateurs d'équité qui permettent une analyse des tendances temporelles n'a encore été entrepris. Quelques pays tentent l'expérience, notamment l'Afrique du Sud qui a présenté des données par région historiquement défavorisée (http://www.hst.org.za/hlink/equity0400.htm). L'Organisation mondiale de la santé a également commencé à recueillir de telles données en 2000 tout en contrôlant le rendement des systèmes de santé (particulièrement pour étudier la répartition de la santé) et a annoncé son intention de recueillir de telles données chaque année.
Récemment, Gwatkin et Guillot (2000) ont réexaminé les données de 2000 sur le fardeau mondial de la maladie et ont comparé les taux et les causes d'invalidité entre les riches et les pauvres. Ils ont défini les riches comme le cinquième (20 p. 100) de la population totale du monde résidant dans les pays où le revenu par habitant est le plus élevé et inversement pour les pauvres. Ils ont démontré que les maladies transmissibles sont à l'origine de 59 p. 100 des décès et 64 p. 100 des AVCI parmi les pauvres de la planète, par rapport à 7,7 p. 100 et 10,9 p. 100 respectivement chez les riches. Un pourcentage de 47,3 p. 100 du total des décès attribuables à des maladies transmissibles et 49,8 p. 100 des AVCI se produisent chez les pauvres contre seulement 4,2 p. 100 et 2,6 p. 100 respectivement chez les riches. Gwatkin et Guillot ont également examiné l'écart entre les pauvres et les riches en fonction des différences dans les taux normalisés de décès et d'invalidité en surnombre selon l'âge et le sexe des deux groupes.
La Banque mondiale a appliqué la même méthodologie en comparant le cinquième le plus riche de la population et le cinquième le plus pauvre mais en utilisant une autre source de données, les enquêtes démographiques et sanitaires menées dans 48 pays en développement. Les séries de données par pays sont disponibles sur le site Web de la Banque mondiale sur la pauvreté et la santé à http://www.worldbank.org/poverty/health/, les données y étant désagrégées selon l'âge, le sexe et les quintiles de richesse (calculés comme un indice). L'écart entre le quintile supérieur et le quintile inférieur, saisi au moyen d'un indice riches-pauvres, est de deux à 10 fois supérieur.
L'iniquité en santé existe même dans les pays industrialisés comme les États-Unis et le Royaume-Uni, où les principales causes de décès et d'invalidité sont les maladies non transmissibles et où le quintile le plus pauvre peut comprendre surtout les quasi-pauvres et les travailleurs à faible revenu (Marmot et coll., 1997). Des preuves convaincantes de ce phénomène sont également fournies dans l'étude de Whitehall auprès des fonctionnaires britanniques. Celle-ci démontre la présence des gradients de santé à mesure que l'on monte dans la bureaucratie britannique (mesure socioéconomique) (Marmot et Shipley, 1996).
Le fait que la pauvreté conduise à la mauvaise santé ne surprendra personne. Il suffit de penser aux privations matérielles et au cercle vicieux qu'elles entraînent. Une étude menée dans un village de Guinée (Evans 1989, cité dans Skòld, 1999) sur l'incidence de l'onchocercose (cécité des rivières) retrace l'effet débilitant de cette maladie à travers le temps sur les particuliers, les ménages et les villages (voir encadré 2.2). Un jeune homme devient vulnérable et est exposé
Encadré 2.2 |
Onchocercose : le cercle vicieux d'une maladie — Cécité due à l'onchocercose — Ratios de dépendance (rapport entre le nombre de membres du ménage qui consomment et le nombre de membres productifs) de plus en plus grands — Détérioration de l'état de santé et de l'état nutritionnel de tous les membres du ménage et vulnérabilité à d'autres maladies — Diminution de la somme de travail — Réduction de la capacité à participer au marché de l'emploi traditionnel — Diminution de la superficie cultivée — Diminution de la production alimentaire et de la capacité du ménage à se nourrir — Durée accrue des pénuries alimentaires — Diminution de la capacité de s'adapter aux pénuries alimentaires — Augmentation des dépenses de santé, en particulier pour le problème de cécité, et recours accru aux maigres ressources du ménage — Réduction de la viabilité du ménage — Augmentation du stress et des conflits familiaux — Plus grande dépendance envers le régime d'aide sociale du village et la famille élargie L'onchocercose est presque éradiquée, mais de nombreuses autres maladies entraînent le même cercle vicieux. Source : Sköld (1999, p. 16) |
à l'onchocercose. Étant pauvre, il n'a pas accès au traitement que nécessite son infection— qui est au dessus de ses moyens financiers. Il subit donc les complications de la maladie.
Plus récemment, les défenseurs d'une hypothèse sur le revenu relatif ont présenté des données empiriques qui démontrent que ce n'est pas seulement le revenu personnel qui influe sur la santé, mais également la répartition des revenus au sein d'une société. Ainsi, un gradient socioéconomique a un effet indépendant en plus de l'effet absolu de la privation matérielle (Wilkinson, 1992). Au moyen de l'indice Robin Hood, qui représente la proportion du revenu global à redistribuer des riches aux pauvres pour parvenir à l'égalité des revenus, Kennedy et coll. (1996) ont démontré qu'une augmentation de 1 p. 100 de cet indice se traduit par un taux de mortalité supplémentaire de 21,7 décès par 100 000 habitants (P < 0,05).
La majeure partie du travail analytique se fait à partir de données provenant des pays en développement. Dans un sens, ces données démontrent que la disponibilité et l'utilisation des soins de santé dans ces pays ne peuvent que partiellement atténuer les effets des iniquités et non les empêcher de se produire. Même avec un accès universel aux soins de santé, les écarts dans le domaine de la santé persisteront tant que l'on n'élucide pas les mécanismes d'action des gradients socioéconomiques sur la santé.
Kawachi et Kennedy (1997) ont postulé que la perte de capital social, c'est-à-dire de la cohésion et de la solidarité sociales, associée aux gradients socioéconomiques de plus en plus abrupts, représentait un fil conducteur entre la pauvreté, l'iniquité et la mauvaise santé. Le capital social désigne les éléments de l'organisation sociale — tels que les réseaux, les normes et la confiance — qui facilitent la coordination et la coopération au profit de tous et chacun (Putnam et coll., 1993, cité dans Harrison, 1999). Certains croient que les conséquences sociales de l'inégalité des revenus se manifestent par voie de ségrégation résidentielle, tel que l'illustre la « concentration » de désavantages pour les personnes vivant dans des ghettos (Kawachi et Kennedy, 1997).
Une étude récente de la Banque mondiale intitulée La Voix des Pauvres fait écho à ce message, élargissant la notion de pauvreté au-delà de la simple privation de biens matériels pour inclure la perte de solidarité sociale (www.worldbank.org/poverty/voices/listen-findings.htm#6):
Personne n'aide. Personne. J'aimerais bien aider quelqu'un, mais comment, puisque j'ai moi-même besoin d'aide. C'est la misère. Notre esprit, notre âme sont morts.
— Vares, Bosnie-Herzégovine
Certaines données d'études écologiques démontrent également le lien entre le capital social et la santé. Une étude menée par Kawachi et coll. (1997) dans 38 États des États-Unis établit par exemple une corrélation entre la mortalité globale (r- 0,4, P < 0,01) et le dépérissement du capital social tel que mesuré par la méfiance des citoyens (révélée par un sondage) et la faible densité de participation des gens aux organismes communautaires.
Depuis que la Commission a publié son rapport en 1990, aucune initiative systématique n'a été mise en œuvre pour contrôler l'évolution des iniquités en santé à l'échelle internationale, encore moins pour démontrer des liens de cause à effet et l'incidence de la recherche en santé sur eux. Cependant, certaines initiatives régionales importantes sont en cours, notamment EQUINET, le réseau régional d'Afrique australe sur l'équité en santé (voir encadré 2.3).
Bien des pays hésitent à définir explicitement l'iniquité pour leur société ou, de façon plus pratique, I'inégalité inacceptable. Par conséquent, aucun n'a fixé d'objectifs ni pris d'engagement politique pour évaluer les iniquités en santé.
Dans les années qui ont suivi la publication du rapport, des chercheurs ont néanmoins réussi à démontrer la prévalence des iniquités en santé, mesurée par des données substitutives (p. ex., état de santé, accès et utilisation des services de santé) ou les dépenses. Un certain nombre d'études révèlent les iniquités entre les riches et les pauvres dans les pays en développement et les pays industrialisés, ou entre ces pays. D'autres études soulignent les iniquités en santé selon le sexe, le groupe ethnique ou la géographie. Des études tout aussi importantes ont également été menées pour expliquer le mécanisme par lequel le gradient socioéconomique influe sur la santé. Même si un modèle intégral de causalité reste encore à élaborer et valider, des chercheurs ont présenté plusieurs propositions visant à faire passer le modèle de la santé d'un modèle biomédical à un modèle social tout à fait compatible avec la notion d'égalité des capacités mise de l'avant par Sen. Les vérités familières retrouvent droit de cité dans le modèle social, mais s'appuient sur de nouvelles données.
Encadré 2.3 |
EQUINET : exploration des iniquités en santé en Afrique australe Les perspectives fondées sur l'efficacité dominent les débats internationaux sur les politiques de santé et détournent l'attention des questions de pertinence, de l'interface entre les services et les collectivités ou de la répartition des ressources à ce niveau. — Dr Rene Loewenson, coordonnateur d'EQUINET EQUINET, le réseau régional d'Afrique australe sur l'équité en santé, est issu de l'inquiétude suscitée par les conséquences négatives des pressions exercées pour rendre plus efficace la gestion des services de santé, notamment l'aggravation des iniquités. EQUINET est un réseau d'institutions et de particuliers qui s'occupent d'équité en santé en Afrique australe. Il vise à : — développer le cadre conceptuel et les questions stratégiques qui concernent l'équité en santé en Afrique australe; — recueillir et analyser des renseignements pour soutenir les débats scientifiques et les décisions sur l'équité en santé en Afrique australe; — obtenir l'engagement des intervenants et, notamment, des groupes sociaux dont les intérêts seraient mieux servis si des mesures d'équité en santé étaient mises en œuvre; — utiliser tous les mécanismes précités pour donner son point de vue sur les politiques touchant la santé au niveau national et dans le milieu du développement en Afrique australe. Les priorités d'EQUINET comprennent un examen approfondi de ce qui suit : — La capacité de différents groupes de la région de faire des choix en matière de services de santé et d'exercer ces choix, et l'incidence des politiques et des mesures sur cette capacité; — La possibilité de différents groupes de participer et d'orienter les ressources vers leurs besoins en santé, et les politiques qui influent sur cette possibilité. Le financement d'EQUINET est assuré par le Centre de recherches pour le développement international. Le réseau est orienté par un comité directeur composé de représentants du Botswana, d'Afrique du Sud, de Tanzanie, de Zambie et du Zimbabwe, et mise sur la collaboration de collègues en Suède et au Royaume-Uni. Son coordonnateur est le Dr Rene Loewenson, directeur du Training and Research Support Centre au Zimbabwe. Pour de plus amples renseignements, voir http://www.equinet.org. |
Deux de ces vérités sont résumées ci-dessous :
1. Le bien-être de la collectivité est aussi important que la santé des particuliers —
Dans beaucoup de cultures africaines traditionnelles, et certainement dans la culture bantoue, l'autonomie du particulier ne procéde pas du dicton « cogito, ergo sum » (je pense, donc je suis) comme en Occident, mais bien de la philosophie « sumus, ergo sum » (nous sommes, donc je suis), l'appartenance à un groupe d'une importance capitale qui améliore l'individu (Nasseem, 1992). Certains mots bantous qui reflètent l'esprit sont « uglolana », qui signifie se construire les uns les autres, et « uakana », s'aiguiser les uns les autres.
— Sen, B. (1999)
Le modèle social de la santé reconnaît que les déterminants de la santé en amont (inégalités dans les revenus, par exemple) sont des caractéristiques collectives et des déterminants indépendants de la santé. Dans ce contexte, les interventions sanitaires comprennent des mesures communautaires intersectorielles pour s'attaquer aux causes des iniquités. Par ailleurs, le capital social peut être bâti en permettant systématiquement aux collectivités de participer à la prise de décisions sur les services (y compris les services de santé) à offrir et la façon de les offrir et en favorisant le bénévolat pour la prestation de ces services. La santé moyenne est améliorée non pas en redistribuant une certaine quantité de santé (par la redistribution des stocks actuels de biens favorisant la santé), mais en réduisant le fardeau psychosocial de la privation relative (Wilkinson, 1997).
2. Au niveau individuel, les aspects interpersonnels des services de santé sont aussi importants que les aspects techniques.
Dans les hôpitaux, les soins dispensés aux populations indigènes ne sont pas aussi bons qu'ils devraient l'être; parce qu'elles sont illettrées, on les traite mal... Ils nous donnent des médicaments qui ne conviennent pas au problème de santé que nous avons, déclare un jeune homme de La Calera, Équateur.
-http://www.worldbank.org/poverty/voices/listen-findings.htm#4
Dans le secteur de la santé, les initiatives visant à s'attaquer aux iniquités devraient mettre l'accent sur l'amélioration de la prestation des services et des soins, mais également sur l'amélioration des relations interpersonnelles qui s'y rattachent. Par exemple, prendre soin d'un patient pauvre signifie non seulement pourvoir à ses besoins physiques, mais également s'occuper des conséquences sociales de la
Encadré 2.4 |
La santé : le bien te plus précieux Invité par le Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED) à commenter certains messages clés pour les spécialistes de la recherche-développement en santé, le Dr Robert Chambers de l'Institute of Development Studies a fait les observations suivantes : 1. Pour bien des personnes pauvres, le corps est l'atout le plus précieux. Il est indivisible et non assuré, c'est-à-dire que les risques de lésions ou d'invalidité peuvent avoir des conséquences désastreuses pour leur survie et leur bien-être. À la suite d'un accident ou d'une maladie, le corps peut devenir un lourd fardeau pour une famille pauvre (qui doit encore être nourrie et soignée). Les personnes pauvres sont plus exposées que les autres aux risques de blessure et de maladie et sont moins capables ou désireuses que les autres de suivre un traitement et de le payer; et si elles suivent un traitement, ce dernier sera peut-être moins efficace. Message — Des traitements gratuits, accessibles et efficaces peuvent représenter une mesure très rentable de lutte contre la pauvreté. ll est beaucoup plus facile d'aider les personnes pauvres à éviter de s'appauvrir qu'à remonter la pente lorsqu'elles se sont appauvries. 2. Beaucoup de personnes pauvres ne suivent pas de traitement parce qu'elles craignent d'être traitèes cavalièrement et d'être humiliées par le personnel de santé. Message — Dans le cadre de toute politique de lutte contre la pauvreté, il est essentiel d'apprendre au personnel de santé à accueillir les personnes pauvres et à les traiter de façon équitable et avec respect. 3. Au regard du bien-être, les coûts d'opportunité du temps des personnes très pauvres sont souvent beaucoup plus élevés que pour les personnes moins pauvres, et particulièrement pour les femmes qui, depuis une dizaine d'années, sont de plus en plus souvent le soutien de famille (cette tendance semble mondiale). Pourtant, ce sont les personnes qui sont pauvres et qui en ont l'air qui sont marginalisées dans les centres de traitement et que l'on fait attendre pendant que ceux qui sont mieux vêtus ou qui ont de l'influence passent avant tout le monde. Par exemple, une pauvre femme qui est au bord du désespoir et qui doit travailler d'arrache-pied tous les jours pour gagner suffisamment d'argent pour se nourrir et nourrir ses enfants pourrait souffrir de la faim car pendant qu'elle attend pour faire soigner un de ses enfants, elle ne gagne pas d'argent. Message — Les personnes très pauvres devraient être traitées en priorité ou, du moins, sur le même pied que les autres. |
Encadré 2.5 |
Application du modèle social de la santé : prévention du sida Wolffers (2000) soutient que le modèle biomédical et les paradigmes de développement ont tous deux un rôle à jouer dans la prévention du sida. Pour lui, il est dangereux que le modèle biomédical domine l'intervention sanitaire et que, partant, la prévention du sida et la lutte anti-sida soient surtout perçues comme la recherche d'un vaccin, la distribution de médicaments et de condoms. « Le sida est à la fois un problème social et une affection biologique; on ne peut en comprendre ou en modifier le cours sans s'attarder au contexte sociopolitique dans lequel il s'inscrit. » (Fee, 1993, cité dans Wolffers, 2000, p. 268). Le condom s'est révélé efficace pour réduire l'infection à VIH chez les personnes qui avaient des relations sexuelles non protégées. Cependant, les personnes les plus vulnérables sont celles qui se retrouvent dans des situations d'exploitation qui rendent difficile l'utilisation du condom. Compte tenu de ce paradigme risque-vulnérabilité, il a fallu concevoir et mettre en œuvre des programmes de réduction des risques parallèlement à d'autres programmes qui, à court et à long termes, augmentaient la capacité et l'autonomie de personnes particulièrement vulnérables aux infections à VIH (Tarantola, 2000). Ainsi, la distribution de condoms devrait se faire parallèlement à des mesures d'amélioration de l'estime et du contrôle de soi, au renforcement des réseaux sociaux et à des interventions pour que soient adoptées des lois visant à prévenir le harcèlement des travailleuses et des travailleurs du sexe par la police et les clients. La prévention de l'infection néonatale à VIH nécessite l'examen de routine des femmes enceintes et l'administration de médicaments contre le sida avant l'accouchement. Les femmes séropositives pour le VIH risquent de faire l'objet de discrimination et de violence si leur état est dévoilé. Le lancement d'un programme de dépistage doit donc s'accompagner de mesures visant à rendre la société tolérante envers le VIH et le sida et dont les membres comprendront que toute personne de la collectivité peut être infectée au lieu d'isoler celles qui ont été identifiées (Wolffers, 2000). Des réseaux de soutien devraient également être établis compte tenu du fait que même si l'enfant survit, sa mère et son père mourront probablement sous peu et la société aura à prendre en charge l'enfant qui ne sera peut-être pas porteur du VIH mais sera orphelin. Wolffers s'est opposé à la déclaration consensuelle sur la prévention de l'infection néonatale à VIH qui a été publiée dans le Lancet et signée par 11 auteurs, dont un seul provenait d'un pays en développement, dans le cadre d'un atelier auquel participaient 40 personnes dont sept seulement provenaient de pays en développement. Une rencontre consensuelle où l'on retrouve une poignée seulement de scientifiques de pays en développement ne peut être considérée sérieusement comme un processus de dialogue égal et ne devrait pas être perçue comme crédible (Wolffers, 2000). Il a plutôt proposé que tous les intervenants, y compris les femmes (porteuses et non porteuses du VIH), les orphelins, les membres de la collectivité qui s'occupent des orphelins, les travailleurs locaux de la santé et d'autres personnes à la base, participent à un processus d'établissement des priorités et de prise de décisions afin de déterminer quelles interventions mettre en œuvre et comment s'y prendre. |
pauvreté, de la vulnérabilité, de la perte du respect de soi et de l'impuissance (voir encadré 2.4). Nous avons également besoin d'un financement équitable des soins de santé pour protéger les pauvres contre les sentiments de vulnérabilité et de risque en cas de maladie grave.
Ce passage d'un modèle biomédical à un modèle social de la santé nous permet d'élargir l'objectif d'équité pour y inclure l'équité matérielle et l'équité procédurale. Une société parvient à l'équité matérielle lorsqu'elle établit un mécanisme d'égalisation acceptable de la capacité des personnes, en particulier des personnes défavorisées, de profiter des interventions sanitaires (que ces interventions soient intrasectorielles ou intersectorielles, au niveau du particulier ou à l'échelle de la collectivité). Une société peut parvenir à l'équité procédurale, c'est-à-dire à des structures et des procédés justes pour atteindre l'équité matérielle (Aday et coll., 1998), en favorisant la participation au processus décisionnel et l'habilitation par l'établissement de capital social au niveau de la collectivité et l'amélioration des aspects interpersonnels des services de santé au niveau du particulier (voir encadré 2.5).
Il convient de conclure le présent chapitre en revenant au point de départ et en citant le Dr John R. Evans, président de la Commission. Dans une entrevue qu'il donnait récemment, il faisait allusion à des progrès possibles correspondant au modèle social de la santé :
L'analyse actuelle du mode de réalisation de l'équité reconnaît que l'aspect « offre », c'est-à-dire l'accès aux services, est important, mais qu'il faut également voir comment les gens perçoivent leur propre vie et comment ils peuvent se mobiliser pour poursuivre l'équité au lieu de la voir comme une notion passive.
-COHRED (2000d)
L'enfant atteint de rougeole, dont le père a payé l'hospitalisation en vendant un rein, n'a pas survécu.
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L'expérience des années 1990 révèle que la Commission sur la recherche en santé au service du développement avait vu juste dans son analyse. Lorsqu'elle est liée à l'équité, la recherche en santé peut effectivement être un instrument efficace de développement. Cependant, si le marché ou les incitatifs scientifiques sont les seuls facteurs qui la façonnent, la majorité des percées auront peu de pertinence pour la majeure partie de la population mondiale.
S'inspirant de l'expérience par pays1, le présent chapitre passe en revue les récentes réflexions sur la santé, le développement et la recherche. Il place notamment la santé dans le contexte de trois grandes perspectives des années 1990. Premièrement, les théories des effets de retombée concernant la croissance économique et le développement ont été définitivement enterrées. Beaucoup conviennent que l'investissement dans la santé est essentiel à la productivité économique et au développement humain. Deuxièmement, les événements qui ont marqué cette décennie ont donné raison aux militants de l'équité et de la lutte contre la pauvreté. Les pays où l'on retrouve les écarts les plus grands entre les riches et les pauvres ont failli à la tâche en ce qui concerne la croissance économique et le développement, handicapés par les divisions de leurs propres
1 Les exemples par pays reposent sur des études de cas élaborées dans le cadre du projet de profil de la recherche en santé (voir encadré 3.1, sous « Tirer le meilleur parti possible des investissements dans la recherche en santé »).
sociétés. Le leitmotiv qui est sur toutes les lèvres, de Michael Camdessus, directeur du Fonds monétaire international (FMI), à Amartya Sen, lauréat d'un prix Nobel, c'est que les inégalités ne sont bonnes ni pour l'économie, ni pour la société, ni pour les particuliers. Chacun préconise des solutions différentes, mais en définitive, tous s'entendent pour dire qu'une plus grande équité favorise la croissance économique et le développement humain. Troisièmement, l'application du savoir est essentielle au développement mondial. Les personnes qui parlaient d'économies de marché établies parlent maintenant d'économies du savoir, un changement de point de vue qui n'est pas purement terminologique. L'utilisation du savoir est maintenant considérée comme le facteur de production dominant dans les pays riches, surpassant même le capital matériel. Ce que l'on pense dans les pays en développement, c'est que la prospérité passe par l'adoption des technologies du Nord et leur adaptation aux besoins locaux. Dans ce contexte, la recherche, comme fondement de la production du savoir, prend encore plus d'importance que ne l'avait envisagé la Commission en 1990. Elle représente plus qu'un instrument stratégique pour améliorer la santé; elle est devenue le moteur de tout le développement.
Certains ont prédit que le nouveau mode de production et de diffusion du savoir aura une action égalisatrice qui permettra de réduire les écarts entre les riches et les pauvres. Jusqu'à maintenant, cependant, les données donnent à penser que les processus du savoir, façonnés par la mondialisation, élargissent les disparités dans les revenus. Même si la libéralisation du commerce et des pratiques de travail avait officiellement pour objectif d'aider les pays en développement (par l'investissement de capitaux et le transfert du savoir), elle a plutôt mis en péril les moyens de subsistance de nombreux travailleurs peu spécialisés. Souvent, le passage de la production à fort coefficient de main-d'œuvre à la production de haute technologie ne fait qu'exacerber le problème.
La conversion du savoir en produit commercialisable a détourné les ressources humaines et financières de l'intérêt public, et particulièrement des préoccupations des pauvres. Les droits de propriété intellectuelle des entreprises, enchâssés dans des ententes multilatérales comme l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, peuvent effectivement empêcher les pays à faible revenu de profiter d'une des caractéristiques des découvertes scientifiques, le partage du savoir.
L'analyse de la Commission était exacte, mais son optimisme n'était guère fondé. La situation actuelle est pire qu'il y a dix ans. Le rapport de la Commission signalait que seulement 5 p. 100 des dépenses mondiales consacrées à la recherche en santé qui, en 1986, étaient estimées à 30 milliards de dollars américains, étaient affectées aux recherches sur des problèmes de santé touchant 95 p. 100 de la population mondiale (CHRD, 1990). Dans une étude menée cinq ans plus tard, le Comité ad hoc sur la recherche en santé concernant les futurs choix d'interventions de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a constaté que la situation s'était détériorée : seulement 4,4 p. 100 de tous les fonds publics dépensés au titre de la recherche-développement (R-D) en santé étaient consacrés aux problèmes des pays à faible revenu et à revenu modéré (Comité ad hoc, 1996). Dans un article paru dans Nation, Ken Silverstein ne mâche pas ses mots :
Les calculs de l'industrie pharmaceutique pour déterminer l'allocation de ses ressources sont inhumains, et il ne fait aucun doute qu'un vieux monsieur riche, chauve, bedonnant, eczémateux et impuissant compte davantage que le demi-milliard de personnes qui sont vulnérables au paludisme mais trop pauvres pour acheter les médicaments dont elles ont besoin.
— Silverstein, 1999
Dix ans plus tard, nous pouvons donc dire avec plus de confiance que les investissements en santé sont importants, que l'équité compte et que la recherche en santé constitue le fondement d'une meilleure santé. Pourtant, nous ne pouvons affirmer que ces convictions ont amélioré la situation mondiale.
Pouvons-nous améliorer la santé des pauvres dans le contexte d'un marché international tentaculaire et de la priorité accordée à la recherche qui ne rapporte qu'à ceux qui ont la capacité de payer? Pour répondre à cette question, il serait bon d'abord de comprendre pourquoi les inefficacités dans l'allocation des deniers publics à la R-D ont persisté pendant toutes les années 1990, même si l'on sait que la recherche en santé peut se traduire par une amélioration substantielle de la santé. L'une des causes de cette situation réside dans le fait que la communauté internationale n'a pas réussi à établir des incitatifs efficaces pour corriger les erreurs du marché, même si les effets négatifs généralisés de la maladie et les bienfaits publics de la recherche en santé étaient clairement reconnus. Les organismes multilatéraux ont réagi de façon inadéquate aux incitatifs existants qui favorisent les investissements dans la R-D au profit de la santé des riches, qui sont moins avantageux pour la santé mais plus rentables pour les chercheurs et les fabricants. D'après des indications encourageantes, cette situation serait sur le point de changer : la nouvelle initiative multilatérale de lutte contre le paludisme (Multilateral Initiative on Malaria [MIM]) vise à établir des incitatifs intéressants afin d'accroître les investissements publics et privés dans la R-D sur l'une des pires maladies du monde (PNUD-TDR, 1999). Ce mélange d'initiatives publiques et privées pourrait ouvrir la voie à un nouveau genre d'infrastructure de recherche à l'échelle internationale. Comme la distinction entre les sciences et la technologie est de moins en moins nette, les divisions traditionnelles entre le financement de la recherche en santé publique et privée s'estompent. Les spécialistes internationaux de la recherche en santé sont donc mieux en mesure d'intégrer les travaux des organismes publics et privés et des organisations non gouvernementales.
Pourtant, les incitatifs internationaux à eux seuls ne suffisent pas à motiver les changements nécessaires, et les pays doivent prendre des mesures beaucoup plus décisives pour mettre la recherche en santé à meilleure contribution. Un certain nombre de pays ont établi des priorités nationales en matière de santé et ont tenté d'établir leur programme de recherche en conséquence. Cependant, même si les investissements en R-D sont consacrés aux priorités nationales, ils seront peut-être infructueux si le genre de recherche effectuée ne correspond pas aux besoins du pays. Par exemple, il n'est pas rare que les études exploratoires dominent les portefeuilles de recherche des pays à faible revenu alors qu'il est plus urgent de régler des problèmes concrets, de réduire les inefficacités dans les interventions existantes et de mieux affecter les ressources. C'est donc dire que le portefeuille de recherche d'un pays devrait d'abord établir un équilibre entre la résolution des problèmes à court et à long termes et entre les exigences que comporte l'élaboration de nouveaux instruments par une utilisation plus rationnelle des instruments existants et l'affectation plus équitable des ressources. Dans les pays à faible revenu, les investissements en R-D peuvent rapporter plus si les dépenses correspondent davantage aux priorités nationales et si les investissements se font dans les types de recherche les plus appropriés.
Pour illustrer ce propos, pensons au programme national de recherche comme à un portefeuille d'investissement diversifié qui vise à maximiser les bienfaits sociaux escomptés. Cependant, même si les pays adoptent un portefeuille d'investissement pour améliorer la santé le plus possible, ils n'en obtiendront les avantages que s'ils mettent en œuvre la recherche efficacement, en augmentant la production et en réduisant les coûts. La plupart des initiatives entamées jusqu'à présent sont des stratégies liées à l' « offre » qui visent à augmenter la production en accumulant les ressources aux fins de la R-D. On s'attarde moins à l'amélioration de l'offre par une meilleure utilisation des ressources existantes. Ce qui est encore plus significatif, c'est que l'on néglige les stratégies visant à stimuler la demande de recherche, même si elles représentent un moyen clé de faire des gains substantiels au chapitre de l'efficience. Nous constatons également une plus grande sensibilisation aux coûts inutilement élevés de certaines recherches, notamment au chapitre de la communication de l'information. La réduction de ces coûts peut sensiblement accroître le rendement du capital investi (RCi) dans la recherche.
Pour les pays à faible revenu, le RCI devrait désigner une amélioration de l'état de santé des personnes qui en ont le plus besoin. Même si la R-D contribue à stimuler le système d'éducation d'un pays et peut à long terme contribuer à la productivité économique, ses effets sur le bien-être sont insuffisants pour justifier les investissements dans la recherche en santé. Aux prises avec une foule de besoins de base insatisfaits, un pays ne peut justifier la recherche que si elle aboutit à une meilleure santé dès maintenant.
À la fin des années 1980, le débat sur la théorie des effets de retombée et du développement local était déjà en perte de vitesse, car des données de plus en plus nombreuses (découlant de l'échec des programmes d'ajustement structurel) tendaient à démontrer que les stratégies de retombée ne parviennent pas à elles seules à donner les gains de productivité escomptés et encore moins à réduire la pauvreté. Par conséquent, dans les années 1990, les spécialistes du développement ont adopté une théorie plus sophistiquée, exprimée par des expressions telles que « ajustement structurel humain », « croissance économique de haute qualité », « croissance éclairée » et « développement humain », expressions mises de l'avant par les organismes multilatéraux. Sans égard à l'idéologie de fond, le résultat final était clair. Faute de stratégies visant à promouvoir la santé, l'éducation et la sécurité économique pour les personnes les plus pauvres, les efforts visant à favoriser la croissance de la productivité seraient peu susceptibles de favoriser un développement national soutenu.
Les spécialistes du développement ont appris cette dure leçon au détriment des pauvres. Il semblait acquis et fondé que la croissance de la productivité devait réduire considérablement la pauvreté extrême. Par exemple, les études économétriques de la Banque mondiale prévoyaient qu'un taux de croissance de 3 p. 100 par habitant réduirait de 6 à 10 p. 100 la proportion de personnes vivant avec moins de 1 $US par jour. Pourtant, une comparaison des tendances dans 44 pays en développement menée en 1994 a révélé que la pauvreté mondiale n'avait diminué que légèrement après 1980, en dépit de taux de croissance généralement positifs (Ravallion, 1995). L'incidence de la pauvreté absolue est demeurée statique dans les pays en développement pendant la dernière moitié des années 1980, une personne sur trois vivant avec moins de 1 $US par jour et deux personnes sur trois ayant un revenu de moins de 2 $US par jour. En nombres absolus, la pauvreté augmentait généralement en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, mais son incidence était généralement à la baisse en Asie (Chen et coll., 1994).
En Amérique du Sud et en Afrique, les économistes du FMI se demandaient pourquoi les politiques conseillées avaient échoué. Dans un article de la revue du FMI, Finance and Development, Susan Schadler (1996), conseillère stratégique principale, écrivait en substance que les gains les plus frappants avaient été réalisés dans les secteurs externes; les progrès réalisés au chapitre des objectifs nationaux, qui concernaient l'inflation, l'investissement et la croissance, étaient moins impressionnants. Or, l'incidence sur les pauvres, quant à elle, a été désastreuse. Les économies de nombreux pays se sont contractées, réduisant l'accès aux services sociaux et appauvrissant encore davantage les personnes les plus pauvres.
Pis encore, les avantages des mesures d'austérité, qui étaient censés se produire après la « phase de récession » des ajustements structurels, se sont rarement matérialisés. Comme Susan Schadler (1996) le fait remarquer, pour la plupart des pays hors de l'Europe centrale, il y a eu renforcement de la croissance et, en moyenne, augmentation des taux d'épargne. Pourtant, aucun pays n'a connu d'augmentation marquée de son rythme de croissance appuyée par une épargne accrue. Même lorsqu'il y avait eu une croissance, la situation des personnes les plus pauvres était souvent pire qu'avant les ajustements structurels. En Argentine, au Brésil, au Chili, en Uruguay et au Venezuela, l'ajustement structurel s'est traduit par une plus grande concentration des revenus. La croissance qui a suivi, pendant la phase de relance, n'a pas nécessairement ramené la répartition des revenus à ce qu'elle était auparavant. En fait, seuls la Colombie, le Costa Rica et l'Uruguay (et peut-être le Mexique) ont vu leurs niveaux d'inégalité ramenés à ce qu'ils étaient avant les programmes d'ajustement (Altimir, 1994). Le moment était venu, selon les pontes du développement, de repenser les stratégies.
Pour les théoriciens néoclassiques, « repenser les stratégies » signifiait développer l'importance de la formation de capital humain comme déterminant de la croissance économique et du développement humain. Dans le secteur de la santé, le jalon marquant a été le Rapport sur le développement dans le monde 1993, qui soutenait qu'un lourd fardeau de maladie empêchait la croissance économique en limitant le capital humain. Les gouvernements des pays en développement devaient donc considérer les dépenses efficientes dans le secteur de la santé comme un investissement plutôt que comme un poste de consommation (Banque mondiale, 1993).
Pour les militants du développement humain, en revanche, parvenir à un état de bonne santé est une fin en soi et un bon résultat en termes de développement. La publication du premier rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement en 1990 a conféré de la crédibilité aux efforts déployés par les défenseurs du développement au cours des 50 dernières années. Le développement n'était plus synonyme de croissance économique. Désormais, nous évaluerions le développement national en fonction de la santé et de la scolarité des personnes, de l'alimentation, de l'élimination de la pauvreté, de la sécurité, des droits de la personne et de la protection des groupes vulnérables. Les militants de la base se sentaient justifiés : leurs efforts contribuaient au développement humain; ils n'étaient pas que des figurants dans la tragi-comédie du développement (PNUD, 1999).
À la fin de la décennie, en 1998, la remise du prix Nobel d'économie à Amartya Sen venait entériner de façon différente une définition élargie du développement humain. Son argument central est que le développement dépend de la réalisation des capacités individuelles de chaque personne (Sen, 1999a). La pérennité des inégalités agit donc comme un frein au développement humain et les efforts visant à favoriser l'égalité des capacités humaines servent de stimulus.
Sans égard à l'idéologie, les commentateurs s'entendent pour dire que l'investissement dans la santé est essentiel à la croissance économique et au développement humain, une révélation qui n'a rien de renversant pour les populations des pays en développement. En Côte d'Ivoire et au Ghana, par exemple, 15 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) par habitant a été perdu à cause de la maladie, même avant l'avènement du VIH et du sida. Le paludisme et le VIH-sida sont probablement les maladies qui minent le plus la croissance économique et le développement humain. Dans des pays comme la Tanzanie, la répartition de la pauvreté reflète celle du paludisme, et la Banque mondiale estime que les coûts directs et indirects du paludisme en Afrique s'élèvent à plus de 2 milliards de dollars américains par année. Le VIH et le sida ont été néfastes pour les économies d'Afrique subsaharienne en augmentant les rapports de dépendance et en détournant les dépenses publiques des investissements qui favorisent la croissance. En 1989, la gestion des maladies liées au sida représentait presque 70 p. 100 des dépenses gouvernementales en santé au Rwanda et plus de 40 p. 100 en Tanzanie (Shaw et Elmendorf, 1994). Soulignant que seulement trois des pays à faible revenu du monde se situent hors des zones tropicales et subtropicales, l'économiste Jeffrey Sachs s'est dit d'avis que l'hiver représente la meilleure intervention de santé publique jamais inventée (Sachs, 1999). Sachs ne croit pas pour autant que tout est perdu pour les pays à faible revenu. Les progrès réalisés dans la lutte contre l'onchocercose (cécité des rivières) dans les années 1990 ont fait naître un nouvel optimisme dans la lutte contre d'autres maladies infectieuses. Nous pouvons faire tellement plus en utilisant mieux les interventions existantes, en assurant une affectation appropriée des ressources et en améliorant l'efficacité opérationnelle (Comité ad hoc, 1996).
Ce qu'il faut retenir à l'aube du XXIe siècle, c'est que les investissements en santé ne détournent pas les ressources des « secteurs productifs de l'économie », mais constituent une partie des assises de la croissance économique et du développement humain.
Comment la santé contribue-t-elle à la croissance économique et au développement humain? Le Rapport sur le développement dans le monde 1993 (Banque mondiale, 1993) voit les investissements dans le secteur de la santé comme un moyen de réduire les inefficacités en rehaussant les niveaux globaux de capital humain. Il considère l'amélioration de la santé des personnes pauvres comme un moyen de réduire la pauvreté, en augmentant leur capacité de s'engager dans des activités économiquement productives.
D'après une opinion de plus en plus répandue dans les années 1990, ce n'est pas seulement l'ampleur de la pauvreté qui compte, mais également sa répartition. Il en découle que les stratégies de réduction de la pauvreté devraient viser à réduire les écarts entre les riches et les pauvres et non simplement à augmenter la productivité globale. La théorie économique conventionnelle a été remise en question par des données démontrant que le taux élevé d'inégalité des revenus entrave la croissance économique, alors que l'on croyait que cette inégalité était un élément inévitable de certaines phases du développement national (Kuznets, 1955) ou même un incitatif à l'augmentation de la productivité (Garcia-Peñalosa, 1995; Welch, 1999). Cependant, les analyses économétriques et les études de cas par région et par pays ont produit des données convaincantes qui démontrent qu'une plus grande égalité des revenus favorise la croissance économique. Par exemple, la réussite économique des pays d'Asie de l'Est est communément attribuée à une égalité des revenus supérieure à celle de l'Amérique latine et des Antilles, où l'on a enregistré une croissance plus lente. À l'origine, l'inégalité des revenus était moins grande en Asie de l'Est, où des investissements considérables en éducation et en santé orientés vers l'équité ont été très fructueux (Birdsall et Jaspersen, 1997).
De plus en plus de données démontrent également qu'au moins une partie de la persistance de la pauvreté dans bien des pays est attribuable à un taux élevé d'inégalité des revenus. Les analyses de régression démontrent que la répartition initiale des revenus constitue un bon prédicteur du taux de réduction de la pauvreté. Un pays dont l'indice d'inégalité de Gini2est faible (0,25) peut s'attendre à une baisse de 33 p. 100 du taux de pauvreté à la suite d'une augmentation moyenne de 10 p. 100 par habitant du produit national brut (PNB), tandis qu'une croissance économique semblable dans un pays dont l'indice d'inégalité de Gini est élevé (0,6) verra une réduction de 18 p. 100 de son taux de pauvreté. En fait, les taux de changement du niveau de pauvreté sont encore plus sensibles à la fluctuation de l'indice d'inégalité de Gini que le revenu moyen par habitant : on a constaté que l'élasticité de la pauvreté par rapport à l'indice d'inégalité de Gini est de 3,86 (Bruno et coll., 1998). En d'autres termes, des changements en apparence modestes dans les inégalités globales peuvent se traduire par un changement considérable dans l'incidence de la pauvreté.
Londoño et Széleky (1997), de la Banque interaméricaine de développement, soutiennent que la pauvreté en Amérique latine et dans les Antilles est essentiellement un problème de répartition, non d'insuffisance absolue. En 1982, lorsque l'indice d'inégalité de Gini moyen pour les pays de la région était à son plus bas, l'incidence de la pauvreté a chuté de près de 2 p. 100 pour chaque tranche d'augmentation de 1 p. 100 du PNB par habitant. Dans les années 1990,
2 L'indice d'inégalité de Gini est un indicateur de l'inégalité des revenus qui repose sur la part cumulative des revenus totaux que possède une proportion cumulative de la population.
l'indice d'inégalité de Gini moyen était beaucoup plus élevé et l'élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance économique avait diminué : une amélioration de 1 p. 100 du PIB réduisait le taux de pauvreté de 1,3 p. 100 seulement. Les auteurs soutiennent que si la répartition des revenus était la même dans les pays d'Amérique latine et des Antilles que dans les pays d'Europe de l'Est et d'Asie du Sud, la pauvreté extrême et la pauvreté modérée seraient pratiquement éliminées3.
De simples calculs expliquent la relation positive entre une plus grande égalité des revenus et des taux supérieurs de réduction de la pauvreté. En supposant un taux de croissance positif relativement uniforme à tous les niveaux de revenus4, les pauvres en profiteront moins (en termes absolus) que les riches. Des inégalités plus grandes supposent que les pauvres doivent avoir une part plus mince des revenus totaux et de leur augmentation attribuable à la croissance, et au niveau d'inégalité maximal (indice d'inégalité de Gini de 1,0), la croissance n'aurait aucun effet sur la pauvreté absolue (Ravallion, 1997).
Une plus grande égalité des revenus favorise également la réduction de la pauvreté par l'entremise d'autres mécanismes, notamment une plus grande influence politique pour les personnes qui se situent au bas de l'échelle de la répartition des revenus et un effritement de la stratification sociale qui emprisonne les personnes pauvres dans le cercle vicieux créé par la faiblesse des revenus et le manque de capital social (Bénabou, 1996). La « polarisation », c'est-à-dire la concentration croissante de très riches et de très pauvres, semble être le genre d'inégalité qui entrave le plus la réduction de la pauvreté (Wolfson, 1994; Ravallion et Chen, 1997). Ce phénomène est présent à l'échelle mondiale, la richesse mondiale étant concentrée dans les économies de marché établies, avec une part de plus en plus mince pour les pays en développement. Au sein de nombreux pays en développement, les riches deviennent (relativement) plus riches et les pauvres deviennent (relativement) plus pauvres5.
L'expérience des années 1990 révèle également que ce phénomène n'est pas inévitable. Certains pays ont choisi de réduire
3 La pauvreté extrême et la pauvreté modérée désignent une consommation par habitant de moins de 1 $US et 2 $US par jour respectivement.
4 Cette hypothèse est raisonnable puisque les analyses par pays ne révèlent pratiquement pas de corrélation entre la croissance économique et les inégalités (Ravallion, 1997).
5 Ce phénomène n'est pas nécessairement relevé par l'indice d'inégalité de Gini, mais il est démontré par le coefficient de polarisation de Wolfson (Wolfson, 1994; Ravallion et Chen, 1997).
systématiquement les inégalités et la pauvreté, et ont tout de même prospéré. Un examen de 63 enquêtes statistiques menées entre 1981 et 1992 (touchant 44 pays) n'a démontré aucune relation systématique entre la croissance économique (variable indépendante) et l'inégalité des revenus (variable dépendante). Les pays ont été également divisés entre pays où la croissance s'est accompagnée d'une augmentation des inégalités et ceux où l'inégalité a diminué avec la croissance (Bruno et coll., 1998). Cette constatation donne à penser que ce sont les politiques gouvernementales, et non la croissance économique en soi, qui déterminent la répartition de la richesse. Les contractions économiques s'accompagnent généralement d'une hausse des inégalités, comme on l'a constaté avec les ajustements structurels qui ont causé des récessions en Amérique latine et en Afrique subsaharienne dans les années 1980. Cependant, les mesures gouvernementales appropriées peuvent contribuer à atténuer même cet effet, comme le démontrent les études de cas d'Amérique latine. Altimir (1994) souligne que dans les pays où des objectifs d'équité ont été intégrés dans les politiques, les taux d'inégalité ont diminué, même pendant la phase de récession des ajustements structurels.
Pour les défenseurs du développement humain, la maximisation des capacités de chaque personne est un but en soi. Ils soutiennent qu'il n'est pas nécessaire de justifier l'engagement envers l'équité au moyen de critères économiques (néoclassiques); néanmoins, il est encore pertinent que de nombreux théoriciens et militants de diverses allégeances convergent vers le même principe, c'est-à-dire que l'équité favorise à la fois la croissance économique et le développement humain.
Une troisième perspective des années 1990 procède de l'évolution des économies du savoir réalisée grâce aux percées dans les technologies de l'information et des communications, qui éliminent les frontières nationales et transforment du tout au tout les rapports de force entre les États-nations et les autorités mondiales. Certains considèrent que l'accès au savoir est essentiel à la croissance économique et au développement humain.
Les changements survenus avec la mondialisation des années 1990 auraient-ils pu permettre aux pays à faible revenu de faire un
6 Voir figure A3.1, qui schématise la relation entre la recherche en santé et le développement.
pas de géant vers le XXIe siècle? Certes, la séparation des finances et de la production suppose la possibilité d'une injection massive de capitaux étrangers dans les économies en difficulté; cependant, dans les faits, les capitaux internationaux ne circulent qu'entre les pays industrialisés et une poignée de pays à faible revenu (Bosworth et Collins, 1999). Surtout, beaucoup d'économistes considèrent maintenant l'application du savoir comme un facteur majeur de la productivité mondiale. Certains voient les nouvelles assises de la croissance économique comme une occasion sans précédent pour les pays en développement : quelles que soient leurs capacités actuelles, les particuliers, les entreprises et les pays pourront créer une richesse qui correspondra à leur capacité d'apprendre (Johnson, 1994). Les pays en développement peuvent maintenant exploiter le savoir du monde entier.
Dans les années 1990, les économistes et les théoriciens du développement voyaient l'application du savoir comme un moyen non seulement de favoriser la croissance économique, mais également d'obtenir de meilleurs résultats sociaux. Par exemple, le Rapport sur le développement dans le monde 1998-1999 considère que le Costa Rica a atteint un niveau de santé meilleur que prévu, qu'il attribue à la décision du pays de diffuser et d'utiliser systématiquement les connaissances qui favorisent la santé (Banque mondiale, 1999). Selon Peter Drucker, maître à penser de l'innovation, l'avantage comparatif des pays en développement ne réside plus dans la main-d'œuvre à bon marché mais dans l'application du savoir (Drucker, 1994).
Pourtant, le rôle du savoir dans la croissance de la productivité et du développement humain cadre mal avec la théorie économique néoclassique. D'une part, la croissance de la productivité se produit grâce à l'accumulation de capital humain et matériel, mais indépendamment de l'invention de nouvelles technologies (Rebelo, 1998). D'autre part, les liens entre l'application du savoir et la croissance de la productivité semblent changer avec le temps (Nelson et Winter, 1982). Les théoriciens de l'innovation se sont empressés de souligner les lacunes de la théorie qui fait du savoir un bien tangible. Miller et Morris (1999) soutiennent que le savoir appartient aux personnes, et qu'il doit être converti en nouvelles capacités pour donner lieu à des changements technologiques. Pfeffer et Sutton (2000), quant à eux, rejettent la notion voulant que le savoir puisse être accumulé comme du capital, donnant à penser que le savoir n'a de sens que s'il est mis en application. McDonald (1998) soutient qu'à long terme, la propriété du savoir mine le potentiel de découverte et d'innovation. Même si le savoir est mal adapté à la théorie économique néoclassique, les théoriciens du néolibéralisme lui ont conféré une certaine fongibilité conforme à la privatisation du savoir et à son commerce comme produit.
En outre, la notion de « capital du savoir » a renforcé la croyance selon laquelle le libre-échange et les investissements étrangers profitent aux pays en développement. Certains considèrent que ces activités favorisent non seulement la croissance de la productivité mais également le transfert du savoir comme fondement du développement social et économique. Coe et coll. (1997) ont constaté d'importants transferts de R-D des pays industrialisés aux pays à faible revenu ayant de faibles capacités en R-D. Les analyses de régression de Coe et coll. démontrent qu'en moyenne, une hausse de 1 p. 100 du capital de R-D dans les pays industrialisés augmente la production de 0,06 p. 100 dans les pays en développement. Cependant, il est intéressant de constater que les transferts se produisent surtout en vertu d'ententes conclues dans les conditions normales du marché et que peu de données démontrent que les investissements étrangers directs favorisent la croissance de l'efficacité par les innovations intérieures (Kholdy, 1995; Navaretti et Carraro, 1996). En d'autres termes, un plus grand échange de connaissances et un meilleur rendement se produisent dans les pays à faible revenu lorsque les entreprises étrangères sous-traitent des services aux spécialistes locaux que lorsque les spécialistes locaux sont intégrés dans les mécanismes de R-D des filiales.
La conversion du savoir en produit vendable a également contribué à accélérer l'intégration verticale des sociétés transnationales qui essaient d'exercer un contrôle exclusif sur chaque aspect de la R-D et de la production. Dans le secteur de la santé, cela se constate particulièrement dans l'industrie pharmaceutique et dans le domaine de la biotechnologie (Pisano, 1991). Les entreprises étrangères sont donc davantage intéressées à investir directement qu'à conclure des ententes dans les conditions normales du marché dans les pays en développement.
Les pays à faible revenu sont aux prises avec un dilemme. Les investissements étrangers comportent des avantages clairs au chapitre de la croissance économique et de l'accès aux nouvelles technologies, mais ils suivent habituellement l'élimination des dispositifs de protection du commerce intérieur, ce qui n'est pas nécessairement une bonne chose. L'ouverture commerciale facilite l'entrée de sociétés transnationales dans les pays à faible revenu, souvent au détriment des entreprises ayant des capacités d'innovation intérieures. La libéralisation a mis en péril la subsistance de nombreux travailleurs peu spécialisés et renforcé la mainmise des élites intellectuelles et commerciales dans les pays en développement, particulièrement lorsqu'elle signifie l'élimination des obstacles au commerce international et l'adoption d'approches libérales à l'offre de main-d'œuvre. Par conséquent, elle augmente souvent les inégalités au chapitre des revenus et de la santé, qui sont exacerbées par l'accès inégal aux technologies de l'information et des communications (Lensink, 1996; Ngwainmbi, 1999).
Temple (1999) a constaté qu'il est facile d'envisager un équilibre hypothétique à long terme, dans lequel les pays en développement croissent au même rythme que les pays industrialisés après les avoir rattrapés en important des technologies et en investissant dans le capital matériel et l'éducation. Cependant, dans les faits, l'écart dans les taux de croissance de l'efficience entre les pays en développement et les pays industrialisés s'est élargi au cours des 30 dernières années. Nous devrions examiner de beaucoup plus près notre modèle explicatif avant d'appliquer des gabarits normalisés aux pays à faible revenu. Même si le capital du savoir n'est qu'une analogie, il est difficile d'expliquer comment l'application du savoir conduit à la croissance économique et au développement humain, parce que ce n'est pas toujours le cas.
Impressionnés par le rendement élevé du capital investi dans la R-D dans les économies du savoir, certains théoriciens ont suggéré que les pays en développement augmentent leurs propres investissements dans la R-D afin de pouvoir assimiler parfaitement les nouvelles technologies. La majeure partie des données à l'appui de la théorie liant la R-D à la croissance de la productivité proviennent de pays qui sont au premier plan du progrès technologique, et peu de données donnent à penser que les pays en développement peuvent obtenir le même rendement économique. Pour paraphraser Theodore Schultz, économiste et lauréat d'un prix Nobel, même pour être un parasite, il faut un niveau élevé de compétences scientifiques (Schultz, 1985).
En fait, ce n'est que lorsqu'un pays atteint un certain seuil de prospérité économique que les activités de R-D semblent devenir un facteur de productivité. Au moyen d'analyses de régression de la croissance par pays, Birdsall et Rhee (1993) ont constaté une corrélation positive entre les activités de R-D (dépense) et la croissance économique, mais uniquement dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (Même dans ces pays, rien ne prouve que la R-D cause la croissance.) Dans l'étude de Birdsall et Rhee, les activités de R-D et les revenus par habitant étaient fortement córreles, ce qui donne à penser que la R-D acquiert une importance économique uniquement lorsqu'un pays atteint un certain niveau de développement économique. Cela ne signifie pas que les investissements dans la R-D sont sans importance dans les pays à faible revenu comme mécanisme permettant de faire progresser les sciences et l'éducation et de s'attaquer aux problèmes propres à chaque pays. Cela suppose, cependant, que le niveau d'investissement dans la R-D est un état d'équilibre établi par des compromis et la nécessité d'affecter des ressources à des besoins plus fondamentaux. En soi, des dépenses plus élevées en R-D dans les pays à faible revenu ne sont guère susceptibles d'accélérer la croissance économique ou de réduire la pauvreté. Nous disposons de peu de données pour étayer la thèse selon laquelle le transfert du savoir des pays du Nord constitue en quelque sorte un raccourci vers la croissance économique, remplaçant d'autres facteurs de production rares. Les pays à faible revenu qui s'efforcent d'importer des technologies risquent de négliger l'application du savoir local à l'amélioration des conditions sociales et économiques.
Le portefeuille d'investissement en R-D qu'a constitué la Tanzanie pour répondre à ses besoins en santé illustre cet argument (voir figure 3.1). Lors d'une réunion nationale qui visait à établir des priorités et à choisir des sujets de recherche en fonction de celles-ci, les participants ont proposé que le gros des efforts nationaux en matière de recherche soit consacré à l'amélioration de l'utilisation des ressources (46,5 p. 100) ou à l'amélioration de l'équité dans l'affectation des ressources (17,6 p. 100). Ils estimaient que seulement 16,5 p. 100 des efforts nationaux devaient être axés sur la production de nouveaux produits (Kitua, 1999).
Dans l'ensemble, les pays en développement n'ont pas besoin de nouvelles technologies étrangères pour rendre l'affectation des ressources plus équitable et leur utilisation plus efficace. Le Comité ad hoc de l'OMS (1996) a fait le même constat. Pour beaucoup de priorités en matière sanitaires, telles que la diarrhée aqueuse aiguë, la tuberculose et l'infection pneumococcique, nous obtiendrons les meilleurs gains en identifiant et en éliminant les inefficacités dans l'affectation des ressources et la mise en œuvre (Comité ad hoc, 1996). Le principal problème concernant les autres priorités réside dans le fait que les interventions les plus efficaces ne sont pas économiques dans les pays à faible revenu. Cependant, les innovations locales peuvent changer le rapport coût-efficacité et les pays en développement peuvent certainement tirer la leçon des adaptations mises en œuvre ailleurs. En outre, étant donné les technologies existantes, une certaine proportion du fardeau actuel de la maladie est inévitable et
Figure 3.1 Portefeuille d'investissement dans la recherche en santé de la Tanzanie (qui met davantage l'accent sur l'équité et l'efficacité). Rem.: Le VIH n'est pas couvert par les ITS. ITS = infections transmissibles sexuellement; IVRS = infection des voies respiratoires supérieures.
l'élaboration de nouvelles interventions nécessiterait un effort mondial. La pérennité des taux élevés des maladies les plus importantes dans les pays à faible revenu s'explique surtout par l'incapacité d'utiliser les outils existants de manière efficace et d'affecter les ressources équitablement. Parfois, l'amélioration de l'efficacité exige simplement la volonté et l'intervention gouvernementales, mais souvent, il faut démontrer les inefficacités techniques et les disparités dans les états de santé et la répartition des ressources. Cette démonstration peut être très efficace pour faire avancer les choses dans les pays à faible revenu.
En cherchant à l'étranger des réponses à ces questions nationales, les pays en développement affectent souvent leurs ressources à des technologies inadéquates au détriment des problèmes les plus pressants. Généralement, les solutions de l'étranger exigent de gros investissements et beaucoup de compétences, sont à grande échelle, nécessitent plus de devises et une infrastructure plus complexe, et conduisent souvent à des produits coûteux (Streeten, 1991). Tout cela donne à penser que les pays à faible revenu peuvent tirer les avantages les plus grands en utilisant leur propre savoir et leurs propres technologies. L'exploitation du savoir de sources étrangères constitue un objectif important mais secondaire. Les pays à faible revenu ont quand même besoin d'échanger des idées et des technologies; c'est plutôt une question de priorité et de l'utilité que peuvent avoir les technologies étrangères pour appuyer les initiatives locales.
À cet égard, la « corporatisation » des droits de propriété intellectuelle représente une menace insidieuse pour les pays à faible revenu, qui auront de plus en plus de difficulté à accéder aux renseignements externes et à participer aux initiatives mondiales. L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, administré par l'Organisation mondiale du commerce, exige des signataires qu'ils appliquent à la protection de la propriété intellectuelle les mêmes principes que ceux qui régissent le commerce entre les nations les plus favorisées. Il établit les normes minimales de protection de la propriété intellectuelle (y compris les droits d'auteur, les marques de commerce et les brevets), et fait passer le pouvoir de négociation des utilisateurs du savoir à ceux qui le génèrent (souvent les sociétés transnationales). Tel qu'il est structuré actuellement, l'Accord oblige les pays à faible revenu à acheter les nouvelles connaissances au prix du marché (PNUD, 1999). Il a effectivement fait grimper le coût d'acquisition de renseignements et a été utilisé pour restreindre l'accès des pays à faible revenu aux technologies sanitaires les moins coûteuses, comme ce fut le cas lorsque les États-Unis ont tenté de limiter l'accès de l'Afrique du Sud à des médicaments moins chers.
Dans bien des pays, la hausse des coûts s'est accompagnée d'une baisse des dépenses gouvernementales en recherche. En Lituanie, par exemple, la transition vers une économie de marché s'est traduite par la réduction du financement public de la recherche en santé. Presque tous les fonds servent à payer les salaires des chercheurs et à assumer les frais généraux des institutions, et le milieu de la recherche en Lituanie est en attente d'une reprise économique qui permettra d'investir davantage dans la recherche directe (Grabauskas, 2000).
Dans bien des cas, les prétendus avantages immédiats du savoir mondial pour les pays à faible revenu ne se matérialisent pas, et l'appel aux pays en développement d'« adopter, adapter et prospérer » sonne faux pour toutes les raisons invoquées ci-dessus. Pour la plupart des pays en développement, il est naïf d'espérer un développement rapide ou le passage accéléré au XXIe siècle; une croissance économique qui se ferait lentement mais sûrement et qui s'accompagnerait d'améliorations constantes en éducation et en santé représenterait le fondement le plus réaliste pour le développement à long terme. Malgré cette prévision modeste, il est important de ne pas perdre de vue les possibilités réelles d'améliorer la santé par l'échange et l'application de connaissances. La recherche qui saisit réellement les problèmes de santé spécifiques des pays en développement et des collectivités locales peut être un instrument puissant de développement équitable.
L'investissement dans la santé est important, l'équité compte et la recherche en santé qui répond aux besoins précis de chaque pays peut améliorer la santé et favoriser le développement. Le défi qu'aura à relever chaque pays sera de faire en sorte que la recherche vise à maximiser les bienfaits pour ses résidents.
Encore moins que les pays riches, les pays en développement ne peuvent se permettre de gaspiller leurs rares ressources. Pourtant, ils peuvent difficilement obtenir un bon rendement du capital investi dans la R-D (voir encadré 3.1). Nous constatons également que de plus en plus, il est reconnu que les sciences ne donnent pas nécessairement des résultats socioéconomiques neutres, et nous devons examiner de plus près qui profite de la recherche de pointe et quels intérêts sont négligés dans l'orientation dominante de la science. Le principal défi que les pays à faible revenu devront relever sera de faire en sorte que la recherche en santé contribue à améliorer la santé des personnes les plus nécessiteuses.
Pour évaluer les risques et les avantages possibles de chaque projet, il peut être utile de comparer la gestion des ressources publiques en matière de recherche en santé à celle d'un portefeuille d'investissement diversifié. Cette façon de procéder encourage les gestionnaires à viser constamment un meilleur rendement du capital investi (RCI) en comparant les avantages escomptés des différentes options de recherche (Eyzaguirre, 1996) et leur permet de composer avec l'inévitable incertitude des résultats de la recherche en choisissant un profil de risque qui convient à leur pays. Par exemple, une économie insulaire comme la république de Maurice ou un petit pays comme la Namibie (avec une population de 1,4 million d'habitants) obtiendrait peu d'avantages d'investissements en R-D qui nécessiteraient d'importantes économies d'échelle. À cet égard, l'importance
Encadré 3.1 |
Profil de la recherche en santé Le rapport que la Commission a publié en 1990 avait pour titre La recherche en santé : Élément essentiel d'un développement équitable (CHRD 1990). Le projet de profil de la recherche en santé, parrainé par le Conseil de la recherche médicale au service du développement, représente un pas vers la détermination de la mesure dans laquelle la recherche en santé influe effectivement sur le développement humain. Ce projet pilote a les objectifs suivants : 1. Déterminer la faisabilité d'utiliser les données disponibles pour l'élaboration d'indicateurs visant un profil national de recherche en santé. 2. Élaborer un prototype d'instrument pour le profil national de recherche en santé. L'objectif à long terme consiste à élaborer un modèle permettant de déterminer la puissance de la relation entre les investissements dans la recherche en santé et le développement humain national. Ce faisant, on a l'intention de mettre à la disposition des pays un instrument qui les aidera à répondre à des questions cruciales telles que : — Les initiatives de recherche en santé sont-elles orientées vers les problèmes de santé prioritaires du pays? — Les pays utilisent-ils efficacement les connaissances mondiales et celles de leur pays? Le projet a été lancé en 1999. Voici ce qui a été accompli jusqu'à maintenant : 1. Détermination des pays représentatifs — Dans chacune des quatre régions, trois pays ont été choisis pour représenter le développement humain élevé, moyen et faible selon l'indice du développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement et les améliorations qui lui ont été apportées. Outre ces 12 pays, trois pays industrialisés ont également été choisis. Les pays participants sont le Bangladesh, le Canada, le Chili, l'Équateur, la Hongrie, le Japon, le Kazakhstan, la Corée, la Lituanie, Maurice, la Namibie, les Pays-Bas, le Nicaragua, la Thaïlande et l'Ouganda. 2. Description des éléments clés — Cinq catégories d'indicateurs ont été identifiées, comprenant chacune plusieurs descripteurs secondaires : — Argent consacré à la recherche en santé; — Recherche effectuée sur les iniquités en santé (équité); — Qualité de la recherche; — Capacité de recherche; — Conversion des recherches en politiques et en mesures concrètes. 3. Détermination de la faisabilité d'obtenir des données — Cette phase du projet est en cours. L'équipe chargée du projet présentera ses conclusions préliminaires lors d'une séance spéciale à la conférence de Bangkok en octobre 2000. Pour obtenir de plus amples renseignements, on peut communiquer avec le centre de coordination du projet à Ottawa, Canada, à psquared@interlog.com. |
que la Namibie accorde à la résolution des problèmes, notamment en tentant d'utiliser ses ressources de façon plus équitable et plus efficace, semble fort appropriée (Katjiunanjo, 20007). Par ailleurs, la richesse du Canada et la santé relative de sa population lui permettent de consacrer plus de fonds à la recherche exploratoire et moins à la résolution de problèmes pressants. Pourtant, il peut tout de même avoir un portefeuille conçu pour maximiser les bienfaits sociaux escomptés (IRSC, 2000).
Maximiser la valeur de la recherche en santé consiste à affecter les ressources à des projets qui présentent les bienfaits possibles les plus intéressants, conformément à la formule suivante :
RCI dans chaque projet (conditions idéales) x probabilité de mettre en œuvre chaque étude
Ainsi, même si les ressources sont consacrées aux projets les mieux cotés, dont la mise en œuvre est parfaite, les avantages se concrétiseront uniquement lorsque la recherche aura été mise en œuvre de façon efficace. Essentiellement, maximiser la valeur de la recherche en santé fait donc intervenir deux étapes successives : (1) définir un portefeuille d'investissement en recherche pour obtenir les bienfaits les plus intéressants possibles dans les limites budgétaires; (2) mettre en œuvre le projet de façon efficace.
Pour concevoir un portefeuille d'investissement en R-D, les pays en développement devraient déterminer ce qui suit :
— les secteurs dans lesquels investir;
— le genre d'instrument d'investissement à utiliser pour la R-D; et
— la quantité de fonds publics à investir dans chaque instrument.
Un certain nombre de pays ont utilisé les processus d'établissement des priorités pour déterminer les secteurs dans lesquels ils devraient investir, définissant ainsi avec précision la portée des recherches. Par exemple, le plan de recherche en santé de l'Ouganda (1997-2001) énumère les sujets de recherche prioritaires, qui reflètent
7 P. Katjiunanjo, Health research profile : Namibia, Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève (Suisse), 2000. Étude de cas. (Ébauche)
l'importance des problèmes de santé de l'Ouganda dans les secteurs suivants :
— santé et alimentation des mères et des enfants;
— eau, assainissement et environnement;
— maladies transmissibles sexuellement, VIH, sida et tuberculose.
En outre, le plan circonscrit les priorités touchant les maladies non transmissibles et précise celles concernant la prestation des services de santé (Okello et Emegu, 2000).
L'établissement de priorités générales présente, en regard de la détermination de programmes exclusivement fondés sur les incitatifs existants de la science, l'avantage de mieux exprimer les niveaux globaux de la demande sociale (Dasgupta et David, 1994). Il reflète également la nécessité, voire l'urgence, pour une société de s'attaquer à ses problèmes de santé. Dans les pays à faible revenu, les efforts visant à obtenir des améliorations immédiates dans les soins de santé et dans d'autres services sociaux donnent généralement un rendement élevé à la marge. Pour affecter les ressources avec efficacité, le secteur public doit utiliser un taux d'actualisation élevé pour évaluer la valeur actuelle des projets à long terme. Il en ressort que les projets ayant d'importants avantages à court terme sont préférables à ceux qui ont des avantages semblables à long terme. Dans une certaine mesure, le processus généralement représentatif d'établissement des priorités peut révéler ces préférences « taux d'actualisation sociale ».
Pourtant, même avec des priorités valables au chapitre de la recherche en santé et des investissements répartis de façon appropriée, la recherche dont les bienfaits sociaux escomptés sont peu importants peut encore se tailler la part du lion. Par exemple, des travaux ésotériques sur certains changements biochimiques résultant du paludisme peuvent répondre à une priorité nationale, mais ils échoueraient sûrement à un test coûts-avantages. Même les recherches très pertinentes ne sont pas systématiquement approuvées. Par exemple, il faudrait actualiser la valeur des avantages futurs pour la santé des engagements à long terme envers le développement d'un nouveau produit. Dans un pays ayant un lourd fardeau de maladies evitables, l'incapacité d'appliquer des taux d'actualisation élevés aux avantages futurs prévus se traduira par une allocation inefficace des ressources. Cependant, les investissements mondiaux en R-D consacrés aux maladies qui touchent les pauvres sont lamentables : environ 4,5 p. 100 des dépenses publiques totales au titre de la recherche en santé (Comité ad hoc, 1996). Même si l'on met tout en œuvre pour utiliser efficacement les instruments existants, faute de nouvelles interventions, le fardeau futur de la maladie pourrait être encore plus lourd que prévu. Le paludisme illustre bien ce propos. Parce que la pharmacosensibilité change constamment, le développement de nouveaux produits demeure hautement prioritaire.
L'étape suivante consistera donc à déterminer le profil de la recherche qui devrait apporter le plus de bienfaits à chaque pays. Le Comité ad hoc de l'OMS (1996) soutient que la maladie persiste pour l'une ou l'autre des trois raisons suivantes :
— on connaît mal les processus morbides et les causes des maladies;
— les instruments, ou les interventions, existants sont inadéquats;
— les instruments existants ne sont pas utilisés efficacement.
Le Comité ad hoc a suggéré des instruments de R-D pour combler ces lacunes :
— développement de nouveaux produits ou de nouvelles interventions sanitaires (découverte et invention);
— adaptation des interventions efficaces mais trop coûteuses (innovation); et
— utilisation plus efficace des interventions existantes (mise en œuvre de la R-D).
De l'avis du Comité ad hoc, les notions d'efficacité technique et d'affectation optimale des ressources sont implicites dans le troisième instrument. Cependant, il peut être utile d'établir une distinction plus nette entre l'efficacité technique (utilisation plus efficace des intrants sans égard à leur répartition) et l'affectation optimale des ressources, que le Comité ad hoc définit comme étant le fait d'orienter les ressources vers les secteurs où les besoins sont les plus grands. En termes économiques conventionnels, nous parvenons à l'affectation optimale des ressources au moyen d'incitatifs du marché fondés sur la volonté des gens de payer. Utiliser ce terme pour parler de l'affectation des ressources au fardeau le plus lourd de la maladie peut donc donner lieu à des malentendus. Mais surtout, les groupes d'intérêts visibles qui ont de l'influence politique et un système d'information sur la santé orienté vers les secteurs les plus riches réussiront probablement à détourner l'attention du secteur de la population qui a le plus besoin de ressources. En raison de ces facteurs, il est très difficile de révéler la véritable répartition de la demande sociale, menant les programmes nationaux et mondiaux de recherche en santé à négliger considérablement les problèmes des pauvres. À moins qu'un portefeuille de recherche ne comprenne une composante de redistribution explicite, les tendances actuelles persisteront. Nous devons donc ajouter un quatrième genre d'instrument de R-D aux trois autres précités, c'est-à-dire rendre l'affectation des ressources plus équitable. Pour les pays à faible revenu, les stratégies visant à parvenir à une plus grande efficacité et celles visant une affectation des ressources plus équitable se confondront inévitablement. Cependant, sans programme explicite pour l'équité, l'affectation inefficace des ressources continuera.
Il est important de ne pas définir le genre de R-D en fonction de disciplines traditionnelles, telles que recherche biomédicale, recherche clinique, épidémiologie ou sciences sociales. Le développement de nouveaux médicaments nécessite de la recherche en laboratoire, mais la prestation de nouveaux services peut également nécessiter des politiques sanitaires ou l'étude de systèmes. De même, l'amélioration du rapport coût-efficacité peut, par exemple, exiger que soient apportées des innovations biotechnologiques aux instruments de diagnostic existants. Le fait de définir la R-D en fonction de disciplines plutôt que selon l'objet des projets de recherche pourrait pousser les chercheurs à protéger leurs intérêts ou à négliger la R-D ayant le RCI le plus élevé.
La dernière étape consiste à décider quelle somme consacrer à chaque projet pour maximiser les bienfaits sociaux. En d'autres termes, le portefeuille de recherche doit devenir un portefeuille d'investissement diversifié qui réagit aux nouvelles occasions à mesure qu'elles se présentent tout en tenant compte des contraintes budgétaires et des engagements de financement qui ont déjà été pris. Après avoir évalué les coûts directs de chaque projet de recherche, on peut plus ou moins circonscrire l'éventail de projets possibles. L'établissement des coûts de chaque projet peut sembler un exercice théorique pour les pays qui dépendent beaucoup du financement des organismes subventionnaires, puisque la majeure partie du financement des dépenses directes échappe à leurs propres organismes de gestion de la recherche. Néanmoins, un portefeuille jette les bases de la gestion financière de la R-D, ce qui devrait aider les pays à faible revenu à exercer un plus grand contrôle fiduciaire sur les deniers publics. Sans l'établissement des coûts, le programme de recherche demeure une liste de vœux pieux. Les pays qui ne comprennent pas les flux financiers n'ont aucun moyen de déterminer si leurs ressources sont affectées en fonction des priorités nationales.
Les priorités choisies en Hongrie et en Ouganda témoignent de l'importance de cette étape. Bien que louables, ces priorités étaient trop générales pour que ces pays puissent réellement orienter leurs ressources de manière à ce qu'elles donnent les plus grands bienfaits possibles. En Ouganda, on a choisi comme priorité la santé sexuelle et reproductive chez les adolescents tandis qu'en Hongrie, la priorité a été accordée à l'épidémiologie et à la recherche en santé publique (Makara, 20008; Okello et Emegu, 2000). Ces choix reflètent la première étape, c'est-à-dire préciser la portée de la recherche, mais ils étaient trop mal définis pour faire en sorte que les ressources soient finalement consacrées à des projets qui auraient donné les plus grands bienfaits.
Les chercheurs craignent à juste titre qu'un programme trop prescriptif ne mine les incitatifs typiques de la science, tels que l'autonomie et la curiosité. Pour pallier ces craintes, il serait notamment possible d'établir un programme de recherche détaillé tout en conservant la possibilité de financer des projets lancés par des chercheurs. Cependant, ces projets devraient toujours prévoir des bienfaits sociaux importants.
Avant d'allouer des fonds à des projets de recherche spécifiques, un pays peut réserver une partie de son budget total de recherche en santé au financement de base des institutions. Bien que le financement par appel d'offres favorise la diversité et la découverte et constitue un mécanisme permettant d'aligner la recherche sur les priorités nationales, la plupart des pays ne devraient probablement pas y recourir en exclusivité. Une infrastructure de R-D fragile résistera mal aux fluctuations spectaculaires de financement entre les institutions d'année en année. La capacité de recherche nationale, déjà faible dans certaines disciplines, peut être sérieusement menacée si même une seule institution ne parvient pas à obtenir du financement pendant une période relativement courte. Même si le financement de base des institutions peut réduire la motivation de faire de la bonne recherche, une certaine stabilité et une certaine sécurité peuvent également encourager les chercheurs à prendre des risques (Dasgupta et David, 1994) et réduire la rivalité entre les organismes. Une solution de rechange serait de combiner le financement de base au titre des coûts indirects de maintien d'une institution de recherche et un système d'investissement direct en recherche fondé sur des appels d'offres. La
8 P. Makara, Health research profile : Hungary, Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève (Suisse), 2000. Etude de cas. (Ébauche)
direction de la recherche nécessite une créativité et des compétences considérables pour gérer l'interface entre la concurrence et la collaboration afin de faire en sorte que les scientifiques aient accès à des incitatifs pour l'innovation individuelle et l'innovation collective.
Avec d'autres améliorations, le portefeuille d'investissement peut permettre aux planificateurs de prévoir les problèmes de santé futurs, d'exploiter les occasions isolées qui pourraient avoir des bienfaits importants ou d'éliminer progressivement les projets moins pertinents. Des centres de recettes devraient être instaurés pour canaliser les fonds destinés à assumer les coûts directs et permettre le contrôle des flux financiers.
Chaque pays aurait à décider les secteurs stratégiques sur lesquels il veut mettre l'accent et le profil de R-D qui en résulterait devrait comprendre des estimations approximatives aux fins de l'affectation des deniers publics aux stratégies d'investissement. Par exemple, il faudra sonner l'alarme si l'on s'entend pour que la priorité d'un pays soit d'améliorer l'efficacité des interventions existantes, mais que la majeure partie des ressources soient consacrées à l'élaboration de nouvelles interventions. Le portefeuille définitif reposerait également sur des facteurs pratiques, mais il devrait correspondre de près, au regard de la portée de la recherche et des secteurs stratégiques, aux priorités qui devraient maximiser les bienfaits sociaux. Même si le programme de recherche vise à obtenir les bienfaits sociaux les plus grands, des lacunes au plan de la mise en œuvre feraient disparaître la plupart des gains possibles.
La mise en œuvre efficace d'un portefeuille de R-D en santé consiste à :
— améliorer les produits de la recherche; et
— réduire les coûts de la recherche.
Aux fins de la présente analyse, les produits de la recherche sont améliorés s'ils se traduisent par des bienfaits sociaux plus grands (les coûts demeurant constants). L'argument s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle il faut faire beaucoup plus pour stimuler la demande de recherche. L'offre pourrait également être rehaussée; il suffirait de réaffecter et d'optimiser les ressources existantes.
Gibbons et coll. (1994) soulignent que la recherche comporte, sinon une norme, à tout le moins un marché « social » dans lequel différents types de consommateurs utilisent les produits des chercheurs. Un modèle fondé sur l'offre sous-tend la majeure partie de la recherche dans les pays à faible revenu. À partir de ce modèle, les décideurs de ces pays supposent que s'ils peuvent former suffisamment de chercheurs et bâtir une capacité institutionnelle suffisante, les produits seront utilisés à bon escient. Une hypothèse sous-jacente aux stratégies fondées sur l'offre consiste à croire que les incitatifs du marché (d'ordre économique) favoriseront l'innovation lorsqu'une masse critique en recherche aura été établie.
Cette approche fait fond sur les vues économiques traditionnelles selon lesquelles la principale cause d'échec du marché de la R-D procède d'un sous-investissement dans la recherche fondamentale, parce que celle-ci n'a pas d'application commerciale évidente et nécessite donc du financement public (Pavitt, 1991). Pourtant, dans les pays à faible revenu, le sous-investissement dans la recherche « en amont » n'est pas le seul échec du marché; l'offre surpasse la demande (Alvendia, 1985; Bhagavan, 1992). Les fonctionnaires, les médias, l'industrie, les groupes communautaires et d'autres utilisateurs possibles saisissent rarement les occasions de tirer profit des nouvelles connaissances, et la faiblesse de cette demande se reflète dans la faiblesse des investissements nationaux en R-D, la modicité des salaires des chercheurs et l'utilisation limitée des conclusions des recherches. Les chercheurs nouvellement formés ne sont pas motivés à demeurer dans les universités ou d'autres centres de recherche publics. Ceux qui y restent perdent rapidement leur enthousiasme à l'égard de l'éducation permanente et de l'innovation, et dans bien des cas, ils se limitent à un travail de bureaucrate peu susceptible d'aboutir à de nouvelles découvertes, ce qui diminue encore davantage la demande globale de recherche (Acemoglu, 1997). Les stratégies de renforcement des capacités fondées sur l'offre qui ne stimulent pas la demande de recherche sont peu susceptibles de donner les résultats escomptés, et peuvent en fait fausser davantage l'allocation des fonds en incitant les scientifiques à rechercher les gains personnels. Sans demande publique pour une recherche utile, les mesures visant à renforcer les institutions ne peuvent que contribuer à créer des empires personnels, et les fonds visant à stimuler les initiatives personnelles ne peuvent que mener à une ambition démesurée chez les chercheurs.
Bowles et Gintis (1996) attribuent ce décalage entre l'offre et la demande à un manque de coordination. Les théoriciens de l'innovation font écho à cette explication en ajoutant que la recherche est inefficace parce que chercheurs et utilisateurs tirent la couverture à eux : les chercheurs en fonction de leurs propres intérêts et des incitatifs scientifiques, les utilisateurs en fonction des applications qui donneront les résultats les plus intéressants. Une bonne direction de la recherche peut donc se révéler efficace pour faire converger ces deux motivations opposées (Baskerville et Pries-Heje, 1997).
Stimuler la demande de recherche, qu'est-ce que cela signifie en pratique? Les gestionnaires en sciences et technologie (S-T) se concentrent depuis toujours sur la planification détaillée des aspects financiers et matériels et des ressources humaines : de combien de chercheurs avons-nous besoin? Quelle capacité institutionnelle est requise? Quel niveau d'investissement en R-D est suffisant? Nous nous rendons compte maintenant que l'objet principal de la direction en recherche est de stimuler l'interaction entre les chercheurs et entre ceux-ci et les utilisateurs (Segal, 1987; Neufeld et coll., 1995). Pour une petite île comme la république de Maurice, la nécessité d'organiser l'interaction entre les chercheurs et les utilisateurs ne cause pas de problème : à cause de la rareté des ressources humaines, il arrive souvent qu'une même personne assume différentes fonctions, par exemple, qu'elle soit à la fois chercheur et chef de service (Mohabeer, 20009). Cependant, dans les pays plus grands, il faut établir délibérément des liens entre des personnes qui, traditionnellement, travaillent dans des sphères distinctes. La Lituanie, par exemple, a conçu son programme de santé national de façon à y intégrer les soins de santé, la recherche et l'enseignement. Les synthèses de recherches sont régulièrement intégrées dans la conception et le contrôle du programme de santé national, et elles sont présentées à des sessions plénières du parlement (Grabauskas, 2000).
Dans d'autres pays, des problèmes criants ont motivé la recherche fondée sur la demande. En Thaïlande, en raison des préoccupations soulevées par les fortes concentrations d'iode dans le sel, une nouvelle technique peu coûteuse pour mesurer les niveaux d'iode a été élaborée, et les mesures du gouvernement visant à réduire le coût d'achat des médicaments se sont traduites par un nouveau programme d'acquisition de médicaments (Sitti-Amorn, 200010). Au Bangladesh, la recherche fait partie intégrante du programme intégré d'alimentation, représentant 28 p. 100 des dépenses totales publiques consacrées à la R-D en santé. Son objectif clair est d'améliorer la nutrition (Bhuiya, 200011).
9 R. Mohabeer, Health research profile : Mauritius, Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève (Suisse), 2000. Étude de cas. (Ébauche)
10 C. Sitti-Amorn, Health research profile : Thailand, Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève (Suisse), 2000. Étude de cas. (Ébauche)
11 A. Bhuiya, Health research profile : Bangladesh, Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève (Suisse), 2000. Étude de cas. (Ébauche)
Au fil des ans, la recherche fondée sur la demande devrait rapporter plus de bienfaits à la société ainsi qu'aux chercheurs. À mesure que les salaires des chercheurs augmentent, le coût de leurs recherches pour la société augmenteront également, mais les avantages publics supplémentaires l'emporteront sur ces coûts, et tous gagneront au change.
Favoriser l'offre de recherche en santé représente un moyen important d'augmenter les produits de la recherche, mais les stratégies du côté de l'offre sont souvent trop restreintes. Par exemple, elles mettent souvent l'accent sur l'accumulation de ressources pour la R-D, au détriment d'une allocation plus efficace; les alliances avec des partenaires internationaux, au détriment des consortiums nationaux; l'optimisation des ressources uniquement par l'accès aux fonds des organismes subventionnaires plutôt que par la création d'une synergie entre les initiatives nationales. Une nouvelle façon de voir, fondée sur l'entrepreneuriat, offre de nouvelles possibilités aux pays à faible revenu. Cette approche considère les chefs de file de la recherche en santé non comme des banquiers de l'information, mais comme des « entrepreneurs du savoir » qui ont pour but de tirer le plus de bienfaits possibles de chaque roupie ou shilling dépensé. Nous pouvons voir ces chefs de file de la recherche comme des gestionnaires de portefeuilles d'investissement dont les tâches consistent à :
— réorienter constamment les ressources vers les options qui devraient rapporter le plus;
— saisir chaque occasion dont les bienfaits prévus sont particulièrement importants; et
— réaliser des économies d'échelle et partager les risques par l'entremise de partenariats novateurs.
Par l'exécution de ces tâches, les gestionnaires de la recherche peuvent ajouter beaucoup à la valeur des investissements actuels en R-D.
Un rapport récent sur la recherche en santé au Kazakhstan illustre certaines des difficultés que pose l'établissement d'une approche fondée sur l'entrepreneuriat pour gérer les ressources en R-D. Ce pays a bâti une infrastructure scientifique importante et bien organisée dans 14 centres de recherche et six universités médicales. Akanov, l'auteur du rapport (Akanov, 200012), a souligné qu'en dépit d'un
12 A. Akanov, Health research profile : Kazakhstan, Conseil de la recherche en santé pour le développement, Genève (Suisse), 2000. Étude de cas. (Ébauche)
potentiel scientifique suffisant, la capacité de recherche du Kazakhstan est insuffisante pour répondre aux besoins de base de la population, et des investissements dans les secteurs de la R-D sousfinancés pourraient grandement contribuer à rendre plus efficace l'affectation des ressources. Il s'agirait notamment d'investissements dans l'élaboration de stratégies, la promotion de la santé et une analyse plus claire des déterminants spécifiques de la mauvaise santé au Kazakhstan.
Pour être efficace, la réaffectation des ressources devrait notamment comporter des stimulants appropriés pour inciter les chercheurs à se pencher sur des sujets négligés. Bien que certains chercheurs des pays à faible revenu soient compétitifs sur le plan international, la plupart comportent de faibles coûts d'opportunité et sont moins bien rémunérés que d'autres professionnels dans leurs pays. Étant donné la pauvreté qui sévit dans ces pays, ceux-ci ont peu de chances de pouvoir hausser les salaires des chercheurs. Ils doivent donc rehausser les avantages psychologiques de la profession de chercheur. Cependant, les avantages et les stimulants individuels sont difficiles à instituer et, au demeurant, incompatibles avec l'approche fondée sur le travail en équipes. Alors que l'interaction et la collaboration entre les chercheurs constituent le moteur de l'innovation, les incitatifs financiers personnels peuvent être improductifs, contrairement aux incitatifs d'équipe (Gibbons et coll., 1994).
Amabik (1999) laisse entendre que l'efficacité des incitatifs d'équipe repose sur :
— la mesure dans laquelle ils sont stimulants;
— la marge de manœuvre dont jouissent les chercheurs dans le processus de R-D;
— la composition des équipes;
— le niveau d'encouragement; et
— la nature du soutien organisationnel.
Des incitatifs d'équipe bien conçus peuvent faire augmenter la production en réorientant les efforts vers la création des bienfaits sociaux les plus importants et l'amélioration de la qualité de la R-D. En bref, stimuler la demande de recherche et maximiser les bienfaits sociaux escomptés devraient contribuer à accroître le rendement du capital investi dans la R-D. Pour ce faire, on peut également stabiliser la production tout en réduisant les coûts de la recherche.
Cependant, en termes réels, les chercheurs des pays à faible revenu font face à des coûts plus élevés que leurs collègues des pays plus riches. Ces différences peuvent résulter d'un éventail de coûts plus élevés dans les pays à faible revenu :
— coûts financiers (presque toutes les transactions financières sont plus élevées);
— coûts économiques (les coûts de transaction sont plus élevés, en particulier ceux liés aux communications et aux interactions entre collègues); et
— coûts politiques (les chercheurs peuvent avoir à subir des coûts personnels et professionnels dans des sociétés où la liberté de parole est restreinte).
Dasgupta et David (1994) soutiennent que les principaux coûts de transaction en recherche sont ceux qui concernent la communication de l'information, comme on le constate dans de nombreux pays en développement. Leur infrastructure de communication est médiocre et il est difficile pour les chercheurs de puiser dans les réseaux mondiaux de R-D (qui s'intéressent peu aux pays à faible revenu) (Gibbs, 1995). En outre, le passage de la conception du savoir comme un bien public au savoir comme bien vendable contribue à faire augmenter le coût de l'information. En termes réels, les pays en développement paient beaucoup plus que les pays riches pour les mêmes renseignements. Cependant, certains coûts de communication sont internes et une interaction plus solide entre chercheurs et entre ceux-ci et les utilisateurs réduirait bon nombre des coûts associés aux inefficacités.
En Ouganda, le ministère de la Santé a reconnu la nécessité d'un mécanisme dynamique pour rassembler les chercheurs, les décideurs et le public de manière à améliorer la santé et le développement. L'Uganda National Health Research Organization est chargée de créer des liens et d'éliminer les obstacles qui font augmenter les coûts de la recherche et défavorisent inutilement le pays (Okello et Emegu, 2000).
Au Bangladesh, le Rural Advancement Committee a reconnu le potentiel de l'échange de renseignements pour améliorer le rendement du capital investi dans la recherche. Sa division de la recherche et de l'évaluation met davantage l'accent sur l'échange de renseignements sur place, au niveau du programme et à celui des politiques (BRAC, 2000). Elle a utilisé avec succès de nouveaux mécanismes de transmission de l'information, y compris des ateliers sur place, des tableaux d'affichage bien en vue et la presse populaire. Bien que de telles stratégies nécessitent plus d'argent, elles réduisent les coûts réels de la recherche et augmentent la production.
L'examen des perspectives des années 1990 confirme ce que les militants de la lutte contre la pauvreté et les organisateurs communautaires proclament depuis des dizaines d'années. Nous devons investir dans la santé de tous les peuples et réduire les iniquités qui entravent la croissance économique et le développement humain. En visant ces objectifs, la recherche en santé est encore plus prometteuse qu'il y a dix ans puisque le développement mondial est fondé de plus en plus sur l'application du savoir.
Cependant, l'expérience des années 1990 donne à penser que ce potentiel est gaspillé dans un monde dominé par les intérêts des riches. Les incitatifs actuels de la S-T renforcent ces intérêts et contribuent peu à l'amélioration de la santé des pauvres. Pour les gouvernements nationaux et la communauté internationale, la tâche consistera donc à créer des stimulants pour favoriser davantage la R-D afin de rendre l'affectation des ressources plus équitable et leur utilisation plus efficace. En outre, à mesure que les distinctions traditionnelles entre les sciences et la technologie s'estompent, il devient encore plus crucial de concevoir une nouvelle infrastructure de recherche internationale qui combine les initiatives des secteurs public et privé et des organisations non gouvernementales au profit de tous les habitants de la planète. Compte tenu des occasions exceptionnelles qui s'offrent actuellement pour obtenir un rendement plus élevé du capital investi dans la recherche en santé, il n'y a aucune raison de croire que d'autres incitatifs viendraient miner la capacité actuelle des disciplines de recherche. Au contraire, une meilleure harmonisation de la R-D avec les bienfaits sociaux escomptés devrait, avec le temps, donner lieu à un resserrement de la demande dans tous les domaines de recherche.
Les investissements publics dans la recherche en santé devraient viser à maximiser les bienfaits sociaux, c'est-à-dire une meilleure santé pour les personnes qui en ont le plus besoin. Les pays en développement ne peuvent pas justifier la R-D en santé en fonction de son seul apport aux capacités éducationnelles et scientifiques, malgré les avantages de la recherche fondamentale pour le système d'éducation (Garrett et Gransquist, 1998); à ce titre, les investissements dans l'enseignement primaire et secondaire donneront de meilleurs résultats (Psacharopoulos, 1994). En outre, les pays en développement ne peuvent pas justifier la recherche en santé en fonction de son apport à la productivité économique, malgré les effets de la R-D sur le bien-être social (Temple, 1999). La R-D devient un facteur important de la croissance économique uniquement lorsqu'un pays a atteint un certain seuil de productivité (Birdsall et Rhee, 1993). Les pays à faible revenu ne peuvent justifier la recherche en santé que si elle contribue de façon efficace et équitable à améliorer la santé de leur population.
La figure A3.1 tente de schématiser les liens entre la recherche en santé et le développement. Pour que la recherche en santé soit un instrument efficace de développement, nous devons comprendre les mécanismes qui sont à la base de ses effets. Nous pourrons alors renforcer les maillons qui mènent au développement équitable et contrer la tendance qui veut que la recherche en santé favorise les riches. Tenter de décrire les liens entre la recherche en santé et le développement est un travail ambitieux qui, pour certains, est voué à l'échec. En effet, il est problématique d'établir des liens de cause à effet. Cependant, il faut commencer quelque part, comme si l'on faisait un puzzle, en plaçant les morceaux du mieux que nous pouvons. Je me suis efforcé de résumer les connaissances actuelles telles que je les perçois, et je propose une ou deux notes pour chacune d'entre elles que je juge particulièrement utiles.
Le premier problème consiste à définir le développement. Les formules actuelles utilisées à cette fin portent quatre titres :
— Croissance économique
— Réduction des inégalités (définie ultérieurement);
— Réduction de la pauvreté; et
— Maximisation des capacités individuelles.
Le second problème touche la complexité et l'ordre des liens, qui j'ai tenté de rendre plus simples, mais non simplistes.
Figure A3.1 Recherche en santé et développement
(1) Les approches néoclassiques au développement insistent sur l'importance fondamentale de la croissance économique. Cet argument est bien établi et n'a pas à être développé.
(2) Pour ceux qui voient le développement en termes de croissance économique, l'inégalité désigne habituellement l'inégalité des revenus. Cependant, elle désigne également l'inégalité de la participation politique, des biens économiques (terres, capital humain et ressources communales) et des conditions sociales (logement, éducation, santé). Une distinction est souvent faite entre l'inégalité des occasions (manque d'accès aux intrants essentiels à la productivité) et l'inégalité des résultats (Tobin, 1970). D'autres, comme Amartya Sen, voient le développement comme la maximisation des capacités individuelles. J'ai séparé ces deux approches, parce qu'elles présentent différentes théories sur la façon dont la réduction des inégalités favorise le développement.
(3) La pauvreté peut être définie en termes absolus (p. ex., la Banque mondiale définit l'extrême pauvreté comme un revenu de moins de 1 $US par jour, rajusté pour tenir compte de la parité du pouvoir d'achat) ou en termes relatifs (p. ex., exprimé en tant que proportion du revenu médian). La pauvreté relative représente un indicateur de l'inégalité des revenus; la pauvreté absolue et la pauvreté relative peuvent aller dans des directions opposées.
(4) Amartya Sen définit le développement comme la maximisation des capacités individuelles par l'entremise de stratégies visant l'égalité et l'efficacité (définies selon l'« espace des capacités ») (Sen, 1992).
(5) Les études économétriques n'ont relevé pratiquement aucune corrélation entre la croissance économique et les niveaux subséquents d'inégalité des revenus contrairement à ce que supposait Kuznets (Bruno et coll., 1998). Dans certains pays, la croissance économique a aggravé l'inégalité (p. ex., dans bien des pays d'Amérique latine qui ont mis en œuvre des programmes d'ajustement structurel). Dans d'autres, l'inégalité des revenus s'est atténuée avec la croissance économique. Il en ressort que les politiques nationales déterminent l'issue des inégalités et que les gouvernements peuvent concevoir des stratégies qui contribuent à la croissance économique et à la réduction des inégalités.
(6) Des analyses économétriques et des études de cas par région et par pays soutiennent fermement l'hypothèse voulant que les niveaux élevés d'inégalité des revenus entravent la croissance économique. Cela s'explique notamment par l'accès inefficace aux marchés financiers, ce qui se traduit par un sous-investissement dans la formation du capital humain (Persson et Tabellini, 1994) et l'instabilité sociopolitique qui limite les investissements et les économies (Alesina et Rodrik, 1994). Une autre raison réside dans le fardeau très lourd de la maladie dans un secteur de la population qui mène à une formation inadéquate du capital humain dans ce secteur et à une diminution de la productivité globale.
(7) La réduction de la pauvreté peut également réduire les inégalités sides stratégies ciblées touchent les groupes les plus pauvres ou si des stratégies non ciblées profitent aux pauvres plus qu'aux riches (Subbarao et coll., 1997).
(8) Une diminution des niveaux d'inégalité des revenus accompagne une réduction plus rapide des taux de pauvreté (Ravallion, 1997), et les niveaux élevés d'inégalité peuvent en partie expliquer la persistance de la pauvreté à l'échelle mondiale (Londoño et Széleky, 1997).
(9) L'élimination de la pauvreté constitue la stratégie de base pour maximiser les capacités individuelles en permettant aux particuliers d'obtenir l'éducation, la santé et les conditions sociales dont ils ont besoin pour réaliser leur potentiel (Sen, 1992).
(10) Pour les économies de marché établies, la croissance économique a été un facteur important de réduction de la pauvreté. Cependant, les économies en émergence d'Asie de l'Est nous permettent de mieux comprendre ce lien, et même des organismes comme le FMI demandent maintenant des politiques économiques orientées vers l'équité (sous réserve de conditions « sans distorsions ») (Tanzi et coll., 1999).
(11) La formation du capital humain, par l'éducation, et l'augmentation de la productivité des travailleurs sont des facteurs bien établis de croissance économique.
(12) Le lien ténu entre l'amélioration de la santé et de l'alimentation d'une part et la croissance économique d'autre part est difficile à expliquer et fait maintenant l'objet de travaux d'une nouvelle commission de l'OMS. Cependant, le Rapport sur le développement dans le monde 1993 et les publications subséquentes soutiennent qu'une meilleure santé et une alimentation plus saine améliorent les perspectives d'éducation et d'emploi, ce qui se traduit par une hausse de la productivité totale des facteurs (Banque mondiale, 1993; Temple, 1999).
(13) Les stratégies qui s'attaquent le plus au fardeau de la maladie aux niveaux international et national contribueront inévitablement à réduire les inégalités parce qu'elles sont orientées vers les personnes qui supportent une part disproportionnée du fardeau de la maladie. Cependant, les stratégies mondiales et nationales qui visent surtout à améliorer légèrement la santé des secteurs les plus riches accentuent les inégalités.
(14) À l'inverse, les stratégies qui réduisent les inégalités (des occasions ou des revenus) contribuent presque toujours à l'amélioration de l'état de santé (par un meilleur accès aux soins de santé, une hausse des revenus, une diminution des comportements à risque, etc.).
(15) Une meilleure santé et une alimentation plus saine peuvent se traduire par de meilleurs résultats éducationnels pour les particuliers et les collectivités, qui amélioreront leurs chances d'obtenir des revenus plus élevés. Il faut remarquer que la persistance de la stratification sociale peut entraver cette issue en maintenant les familles les plus pauvres dans un état constant de faible capital humain et de faible revenu (Bénabou, 1996), même après l'amélioration de l'état de santé. Encore une fois, ce problème illustre la nécessité d'un développement orienté vers l'équité.
(16) Le lien entre la réduction de la pauvreté et une meilleure santé est bien établi. La pauvreté est associée à des taux plus élevés de morbidité et de mortalité (Comité ad hoc, 1996; Gwatkin et coll., 1999).
(17) Une bonne santé et une saine alimentation sont des conditions préalables à la réalisation du potentiel individuel (par définition).
(18) La R-D est le moteur des progrès technologiques qui, en retour, favorisent la croissance économique. Un grand nombre d'études ont démontré que les taux de rendement du capital public et privé investi dans la R-D sont élevés. Cependant, d'autres soulignent que les taux de croissance dans les pays de l'OCDE ne connaissent pas nécessairement une tendance à la hausse constante malgré une accélération de la R-D (Jones, 1995). Cela peut s'expliquer par l'importance accrue accordée au développement du capital intellectuel en regard des investissements dans le capital matériel dans les économies de marché établies. Il est évident que dans les économies de marché bien établies, la R-D a d'importants effets à grande échelle, même si le lien entre les niveaux d'investissement dans la R-D et la productivité totale des facteurs est difficile à interpréter (Temple, 1999). Rien ne prouve que des investissements plus élevés dans la R-D mènent à une croissance économique plus grande dans les pays en développement, et le transfert de technologie des pays industrialisés semble être le principal déterminant de la croissance économique (Birdsall et Rhee, 1993). (À remarquer que le transfert de technologie n'est pas un processus passif, mais requiert une capacité en R-D [invention] [Helpman, 1997]. C'est donc dire que les investissements ciblés en R-D seuls [comme moyen de favoriser la croissance économique] ont peu de valeur dans les pays à faible revenu.)
(19) Les nouvelles technologies ainsi que le développement et la diffusion rapides du savoir créent de nouvelles possibilités pour un développement humain plus équitable. Ils peuvent permettre aux particuliers, aux collectivités et aux pays de surmonter beaucoup d'obstacles au progrès humain qui étaient traditionnellement associés à l'industrialisation. Pour l'heure, cependant, la tendance est à l'opposé. L'écart entre les riches et les pauvres s'accentue à cause des modèles d'investissement à l'échelle mondiale. Il est urgent de façonner des stratégies de production et de diffusion des connaissances afin de réduire les inégalités (PNUD, 1999).
(20) La découverte ou l'invention de nouvelles interventions sanitaires procède de nouvelles connaissances sur la santé et les processus morbides, et établit un paradigme dominant concernant l'élaboration de nouveaux produits, l'innovation des procédés et la mise en œuvre (Teece, 1987). Par exemple, la découverte de l'ADN en 1956 a établi un nouveau paradigme pour les diagnostics et les thérapies.
(21) Une fois qu'un paradigme dominant a pris racine, l'innovation des produits suit généralement. L'invention de l'anticorps monoclonal en 1975 et de la technique de l'ADN recombinant en 1980 a précipité d'autres innovations biotechnologiques. De nouvelles méthodes diagnostiques et thérapies spécifiques apparaissent à un rythme phénoménal.
(22) L'innovation des procédés concerne l'amélioration de l'application de nouveaux instruments (l'innovation dans les produits peut être perçue comme une amélioration de l'instrument lui-même). Ensemble, ces processus améliorent l'efficacité des interventions. Une répercussion importante est que cet apprentissage (échange et assimilation de connaissances) constitue un élément crucial de la R-D. Les bienfaits escomptés des stratégies de gestion du savoir qui mettent l'accent presque exclusivement sur la production ont tendance à être moindres.
(23) L'existence d'interventions efficaces ne donne pas nécessairement des résultats efficaces. Le rapport du Comité ad hoc de l'OMS en 1996 a démontré que des interventions connues peuvent éviter une importante proportion du fardeau mondial de la maladie, mais que celui-ci persiste en raison des inefficacités techniques ou d'une affectation non optimale, ou encore parce que les interventions connues sont encore trop coûteuses. Des facteurs sociaux, culturels, économiques, politiques et autres propres à chaque pays influent sur les résultats.
(24) La recherche qui cerne les iniquités dans l'état de santé et l'affectation des ressources publiques, et qui propose et surveille des stratégies visant à réduire les iniquités, peut contribuer à améliorer la santé de ceux qui supportent une proportion exagérée du fardeau de la santé (CHRD, 1990).
(25) Certaines découvertes conduisent rapidement et directement à l'amélioration de la santé, telles que la découverte de la pénicilline.
(26) La persistance des maladies transmissibles, comme la tuberculose et le paludisme, illustre l'importance de l'innovation continue en recherche en santé et de l'élaboration de nouveaux produits. De nouveaux médicaments sont constamment nécessaires pour répondre aux nouveaux modèles de résistance.
(27) À l'heure actuelle, on s'inquiète de ce que le « réservoir » de médicaments de la R-D, tels que les médicaments contre le paludisme, est presque vide (Silverstein, 1999). Les répercussions de ce problème à l'échelle mondiale sont considérables : réémergence de souches résistantes de maladies dans des secteurs où elles avaient été officiellement éradiquées et recul au chapitre de l'éradication des maladies.
(28) La biotechnologie a beaucoup de potentiel en ce qui concerne l'innovation des procédés. Par exemple, les techniques diagnostiques pour détecter une infection microbienne comme la salmonellose peuvent servir de modèle pour les maladies prioritaires dans les pays en développement (Clark, 1990).
(29) Dans les pays en développement, l'innovation des procédés est particulièrement importante pour parvenir à l'efficacité des coûts. Les différences dans les contraintes budgétaires des pays industrialisés et des pays en développement signifient que des interventions jugées économiques dans les pays industrialisés peuvent être coûteuses dans les pays en développement.
(30) Les technologies sont enchâssées dans des situations économiques, organisationnelles et culturelles spécifiques. La diffusion de la technologie tire son importance de l'utilisation et de la combinaison diversifiées de technologies, et non simplement du transfert passif de renseignements. L'identification des obstacles à la diffusion de la technologie (souvent structurels ou organisationnels) dans différents contextes est essentielle à l'amélioration de l'efficience (Watkins, 1991). (La triade du savoir d'IBM repose sur l'intégration des personnes, des processus et de la technologie [Cohen, 1998].)
(31) L'amélioration de l'efficience donne lieu à une amélioration de la santé en orientant les ressources publiques vers les personnes qui supportent la plus grande proportion du fardeau de la maladie (affectation optimale) et en investissant dans les interventions qui donnent les meilleurs résultats (efficacité technique). Dans les pays en développement, il s'agit surtout d'interventions visant à améliorer la santé maternelle et infantile afin de réduire le fardeau actuel de la maladie ainsi que de stratégies de promotion de la santé, comme la lutte contre le tabagisme, pour réduire le fardeau futur de la maladie.
(32) Les stratégies d'amélioration de l'équité et de l'efficience dans les pays en développement sont cohérentes et se renforcent habituellement les unes les autres. Par exemple, répartir uniformément les ressources publiques au titre des soins de santé entre les quintiles de revenus (en d'autres termes, tenter de parvenir à l'équité d'accès, sans compter l'équité des revenus) améliorerait l'efficacité de l'affectation. Cela se produirait par une réduction substantielle du fardeau de la maladie que les pauvres supportent accompagnée d'une légère réduction du bien-être des riches. Les résultats pour la santé seraient plus équitables.
(33) Les stratégies orientées vers l'équité améliorent le bien-être global du pays (réduction de la morbidité et de la mortalité).
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Des points de vue économique, scientifique et moral, il est logique que les collectivités participent à la recherche-développement. Une telle participation peut, par exemple, se traduire par une affectation plus efficace des ressources à la recherche en mettant en relief l'ensemble des ressources dont a besoin la collectivité. De même, une demande plus forte de recherche et d'interaction entre les chercheurs et les utilisateurs peut rendre la recherche plus efficace. La participation des collectivités favorise également l'équité en contrant la tendance de la recherche à refléter les vues d'une élite intellectuelle et en permettant la prise en compte des intérêts des groupes locaux dans les programmes politiques nationaux.
Les collectivités constituent l'un des trois principaux intervenants de la recherche nationale essentielle en santé (RNES), les deux autres étant les chercheurs et les décideurs. Pourtant, les pays font face à différents problèmes : question de savoir qui peut et doit parler au nom des collectivités, préjugés concernant la capacité et la volonté des collectivités de participer et impatience quant au temps et au travail de base nécessaires pour favoriser une collaboration efficace entre les trois intervenants. De leurs expériences se dégage un enseignement qui peut permettre de réaliser cet idéal. Cet enseignement se divise en six catégories, qui correspondent aux six questions examinées dans le présent chapitre, chacune soulignant la nécessité de faire preuve de beaucoup de sensibilité, de sagesse, de persévérance et d'habileté pour faire participer comme il convient les différents groupes à la recherche.
— Qui est le troisième intervenant? — Les collectivités. Il peut s'agir, par exemple, des habitants d'un village ou encore d'un groupe de personnes géographiquement dispersées mais souffrant d'une même maladie ou partageant un intérêt commun dans une ressource particulière. Il est impératif de préciser ce qu'est la « collectivité » et de la conceptualiser en tenant compte du contexte. La collectivité est définie pour une fin spécifique et en relation avec d'autres intervenants dans une situation particulière.
— Que comporte la participation des collectivités à la RNES? — Elle peut varier en intensité et selon les étapes d'une recherche. Pour être efficace, la participation des collectivités fait surtout intervenir la réciprocité et un dialogue continu dans lequel elle prend différentes formes et oriente le changement.
— Qui parle pour qui? — Des représentants élus ou nommés, des représentants d'organisations non gouvernementales (ONG) ou des travailleurs de première ligne, des professionnels de la santé et les hommes parlent souvent au nom des collectivités. Toute représentation est nécessairement partiale, mais les chercheurs doivent la rendre significative. Le choix des représentants et leur façon de participer sont souvent symboliques. Il arrive que les chercheurs et les décideurs perdent de vue le fait que la RNES remet parfois en question les priorités des milieux de recherche traditionnels; la dynamique du pouvoir fait en sorte que les personnes les plus pauvres, celles qui supportent la plus grande part du fardeau de la maladie, sont rarement entendues. Les autres partenaires de la RNES doivent s'assurer qu'ils ne se font pas entendre au détriment des autres.
Les chercheurs et les décideurs peuvent renforcer les formes d'organisation existantes ou aider à en créer de nouvelles lorsqu'ils accueillent certaines personnes à titre de représentants des collectivités mais en négligent d'autres. Pour s'attaquer aux problèmes que pose l'iniquité en santé, il faut identifier les personnes qui ne peuvent se faire entendre et les inclure dans les discussions, faute de quoi le débat sur l'équité risque de demeurer abstrait et théorique. Surtout, il faut trouver des moyens de voir les réalités locales d'un point de vue national : l'établissement d'un solide portefeuille de projets de RNES orientés vers les collectivités fournit la perspective la plus large possible. Les mécanismes nationaux de coordination des recherches devraient établir des lignes directrices ou une politique régissant la recherche participative et les méthodes qui encouragent les collectivités à participer aux projets de RNES.
— Quand la participation des collectivités à la recherche est-elle pertinente? — Les études opérationnelles et la recherche-action se prêtent généralement mieux à la participation des collectivités. Elles visent autant à résoudre des problèmes qu'à faire de la recherche théorique. L'examen conjoint des conditions locales par les membres des collectivités et les chercheurs les incite systématiquement à tenter de trouver de nouveaux moyens de gérer les problèmes. Les sujets des recherches apprécient ce genre d'apprentissage qui vise un but précis. Cependant, la participation des collectivités est également pertinente aux études épidémiologiques et cliniques, aux enquêtes statistiques et à la recherche sur les systèmes de santé.
— Quel genre de relations existe-t-il entre les chercheurs et les collectivités? — La participation des collectivités dépend des relations entre les chercheurs et les collectivités, ainsi que des attentes de chacun des intervenants par rapport à la recherche. La nature des relations entre les chercheurs et les collectivités procède également des cadres et des institutions. La promotion de ces relations ne doit pas relever d'un seul organisme de coordination national. Un mécanisme de RNES devrait comprendre la détermination des cadres nécessaires pour soutenir les contacts et renforcer la capacité des collectivités à utiliser la recherche.
— Quelles attentes et quels compromis la participation des collectivités comporte-t-elle? Il n'y a pas toujours communauté d'intérêts entre les intervenants. La participation des collectivités exige des ressources des chercheurs, particulièrement du temps, pour établir un dialogue et répondre aux intérêts et aux attentes des membres des collectivités qui vont souvent à l'encontre des buts et des méthodes de recherche. Les collectivités sont généralement plus intéressées aux connaissances qui sont pertinentes pour leur vie. Leur temps et leurs ressources matérielles sont sollicités, souvent sans indemnisation. Lorsque leurs efforts semblent ne pas donner de résultats, elles peuvent ressentir de l'amertume ou se désintéresser de la recherche.
Dans l'avenir, il sera peut-être plus utile de voir les relations entre les collectivités, les chercheurs et les décideurs comme une coalition visant à cerner les problèmes et à trouver des solutions. Les relations d'airain entre les intervenants, qui se caractérisent par des communications linéaires et des compromis, devraient céder la place à des coalitions d'apprentissage et d'innovation qui comportent des alliances fondées sur les enjeux, des débats et des négociations entre des parties parfois disparates. De telles coalitions misent sur les connaissances et l'expérience de tous les partenaires pour définir les buts communs, mieux comprendre et trouver des solutions à des problèmes de santé spécifiques. Elles nécessitent de la souplesse et une démarche à long terme.
Au lieu d'envisager des protocoles de recherche individuels conventionnels, assortis d'objectifs spécifiques, les chercheurs devraient penser en fonction d'étapes de recherche, de séries de projets ou d'échanges continus. Pour établir le dialogue, ils doivent rencontrer les collectivités dans différentes circonstances et à différents moments, pour que chacun ait véritablement la possibilité d'apprendre et de communiquer. Il faut également que les chercheurs communiquent l'information concernant leurs recherches de façon appropriée. La diffusion des conclusions et l'amélioration des compétences des chercheurs dans ce domaine sont cruciales. La responsabilité sociale doit être inculquée aux nouveaux chercheurs et encouragée chez les chercheurs expérimentés.
Les organismes des sociétés civiles peuvent avoir un rôle spécial à jouer dans l'établissement des coalitions. Des structures doivent être établies pour favoriser les relations entre les organismes et les chercheurs et, à cette fin, les décideurs devraient prendre des mesures pour établir un organe ou un réseau de communication. Il serait possible, par exemple, d'instaurer des « ateliers scientifiques » à l'image de ce qui se fait en Amérique du Nord et en Europe, qui servent de liens entre les universités et les collectivités.
Faire prendre conscience de ces obligations, susciter chez les membres des collectivités la volonté de prendre en main leur santé et leur bien-être et travailler à mettre en œuvre des changements individuels et sociaux représentent la tâche des coalitions à objectif spécifique et le moyen de parvenir à une plus grande équité en santé et d'établir des liens entre les politiques et les interventions.
La participation des collectivités aux activités de développement constitue un objectif important depuis les années 1970. Cette insistance sur la participation représente un changement de paradigme dans le travail de développement, qui consiste à reconceptualiser la façon dont les planificateurs envisagent les personnes et les problèmes. Au moyen de démarches participatives, les chercheurs ont tenté d'accorder la priorité aux personnes (Cernea, 1991), ou encore à ceux à qui on accorde généralement le moins d'importance (Chambers, 1983) par le biais de la consultation, le dialogue et la collaboration. L'importance de cette démarche dans le domaine de la santé a été clairement reconnue, et la Déclaration d'Alma-Alta de 1978 comprenait, en guise d'idéal fondamental, la participation des personnes. Vingt ans plus tard, on considère encore qu'il s'agit là d'un élément essentiel du développement de la santé, mais on reconnaît de plus en plus que faire participer les collectivités n'est pas une mince affaire (Oakley, 1989; Morgan, 1993; Jewkes et Murcott, 1996; Guijt et Shah, 1998; Zakus et Lysack, 1998).
La participation aux initiatives de développement nécessite une nouvelle approche à la recherche. Une série de techniques de recherche participative sont utilisées à cette fin. Elles ont en commun une réorientation des relations entre « l'étranger » et les sujets des recherches et des activités de développement, c'est-à-dire qu'un processus d'apprentissage réciproque a remplacé le transfert du savoir à sens unique (Mikkelsen, 1995). Cette réorientation signifie plus que l'adoption de nouvelles techniques de collecte de données; elle se base sur le principe de la réciprocité, c'est-à-dire l'établissement d'un dialogue et d'un échange de renseignements à l'intérieur même des cultures politiques (Pottier, 1997).
De plus en plus d'études abordent la recherche participative en santé (Nichter, 1984; Seeley et coll., 1992; De Koning et Martin, 1996; Hardon, 1998). Certaines peaufinent les instruments de recherche; d'autres tentent d'expliquer ce que signifient collectivités et participation. Ces documents illustrent bien les défis que posent les différences entre les sexes et les disparités de pouvoir. Cependant, le présent chapitre explore les questions plus générales concernant la dynamique de la recherche : la recherche participative en santé devrait comprendre un dialogue concernant les objectifs de changement et le programme de recherche ainsi qu'un échange de connaissances (Tan et Hardon, 1998). Ces questions plus générales de réciprocité, d'établissement du programme et d'apprentissage mutuel sont très pertinentes dans le contexte de la RNES.
En RNES, la participation des collectivités constitue un idéal important de la promotion de la santé et du développement fondé sur l'équité et la justice sociale. Les collectivités ne sont qu'un des trois intervenants principaux de la RNES, les deux autres étant les chercheurs et les décideurs, et leur participation représente un élément important de la stratégie de RNES (TFHRD, 1991).
Dans les faits, comment les collectivités participent-elles à la stratégie de RNES? S'agit-il simplement d'un appui de forme à l'égard d'une idée intéressante? Comment cette participation pourrait-elle fonctionner? Le présent chapitre examine comment des personnes ont défini, compris et mis en pratique la participation des collectivités dans les pays qui tentaient de mettre en œuvre la RNES1. Il examine notamment les expériences du Bangladesh, de la Guinée, des Philippines, de Trinité-et-Tobago et de l'Ouganda afin de mettre en lumière certains des écueils qu'il faut éviter pour atteindre cet idéal souvent difficile. Il soulève des questions et propose un nouveau concept de participation des collectivités à la recherche en santé au service du développement en général et à la RNES en particulier.
Un des principes de base de la RNES consiste à créer des partenariats composés de trois intervenants : décideurs, chercheurs et collectivités (TFHRD, 1991). Pourtant, qui est ce troisième intervenant et de qui estil constitué? Qu'est-ce que la participation des collectivités à la RNES comporte? Qui parle pour qui? À quel niveau (national, district ou quartier) les collectivités peuvent-elles participer? Quand la participation des collectivités à la recherche est-elle pertinente et quand ne l'est-elle pas? Pour établir les objectifs et les principes de la stratégie de RNES, le Groupe de travail sur la recherche en santé pour le développement faisait correspondre collectivité à public, population, peuple et utilisateurs des services de santé. Il jugeait importante la participation des collectivités à plusieurs des sept composantes de sa stratégie, notamment à la promotion et à la défense, au mécanisme de RNES et à l'établissement des priorités. Cependant, il a négligé les possibilités de participation des collectivités au renforcement des capacités, au réseautage, au financement et à l'évaluation.
1 Le présent chapitre repose en grande partie sur le rapport du groupe de travail sur la participation des collectivités du Conseil de la recherche en santé pour le développement qui a entrepris une étude de la participation des collectivités à la RNES dans cinq pays (COHRED, 2000b).
Le Groupe de travail considérait les chefs de file communautaires et les représentants des ONG comme d'éventuels éléments moteurs capables de promouvoir le dialogue à différents paliers du système de santé et d'obtenir le soutien nécessaire pour la RNES. Il reconnaissait que le soutien politique envers la RNES et la durabilité de celle-ci dépendaient en partie de la compréhension et de l'engagement populaires. Il a également établi comme objectif la représentation populaire au sein des mécanismes connexes de RNES. Ces mécanismes devraient être constitués de représentants des préoccupations et des intérêts publics, tels que des représentants des gouvernements pertinents et des institutions non gouvernementales, des forums nationaux sur la santé ou la population, des organismes de femmes et d'autres groupes intéressés de la société civile. En outre, selon le Groupe de travail, les changements dans la gestion de la recherche ne devraient pas se limiter au changement superficiel de nom et de titre de personnes et de programmes, ni à la nomination symbolique de quelques personnes qui ne travaillent pas dans le domaine de la médecine à des organismes décisionnels critiques (TFHRD, 1991). Parmi les tâches des mécanismes de RNES, il considérait l'établissement des priorités comme la façon principale de faire participer les collectivités.
La stratégie de RNES suppose une nouvelle démarche ouverte et inclusive d'établissement des priorités touchant la recherche en santé. Elle devrait tenir compte de l'importance que la collectivité accorde aux différents problèmes, parallèlement aux données épidémiologiques sur leur ampleur, aux indicateurs cliniques de leurs effets sur la mortalité et la morbidité et aux analyses des coûts sociaux et économiques pour les collectivités, les familles et les particuliers. Comme la RNES met l'accent sur l'équité, il faut pondérer les critères de sélection des priorités en faveur des pauvres, des groupes mal desservis et des groupes défavorisés de la population. Cependant, en mettant ces principes en pratique, les pays font face à différents problèmes : question de savoir qui peut et doit parler au nom des collectivités, préjugés concernant la capacité et la volonté des collectivités de participer et impatience quant au temps et au travail de base nécessaires pour favoriser une collaboration efficace des trois intervenants. Le processus d'établissement des priorités dans différents pays a été en quelque sorte un laboratoire pour la participation des collectivités à la RNES. En outre, les projets de RNES ont permis de tirer des enseignements sur la nature et la valeur de la participation des collectivités.
Une évaluation provisoire de la RNES menée en 1996 a révélé qu'il n'y avait aucun pays où les trois principaux intervenants, c.-à-d. chercheurs, collectivités et décideurs, ne participait à tous les stades du processus de RNES (COHRED, 1996). Un examen des expériences par pays concernant l'établissement des priorités a révélé que les collectivités sont souvent mises au rancart à une étape ultérieure du processus (COHRED, 1997b). Le degré de participation des collectivités varie énormément d'un pays à l'autre. Deux études de cas portant sur la participation des collectivités dans deux pays sont présentées dans les encadrés 4.1 et 4.2. Elles illustrent quelques-unes des nombreuses approches que différents pays ont adoptées pour obtenir la participation des collectivités. Elles mettent également en lumière la constatation de l'équipe chargée de l'évaluation provisoire selon laquelle pour faire participer les différents groupes de façon appropriée, il faut faire preuve de beaucoup de sensibilité, de sagesse, de persévérance et d'habileté (COHRED, 1996). Le présent chapitre examine six questions soulevées par les expériences vécues dans de nombreux pays.
Les collectivités désignent souvent le public, ou les gens en général. Elles peuvent également faire référence à des entités géopolitiques, p. ex., les habitants d'une localité administrée comme une unité, tel un village. Les collectivités supposent des conditions, des activités et des problèmes communs, et souvent un certain sentiment de solidarité. On peut les décrire selon leurs structures sociales (p. ex., conseils locaux, écoles, nombre de ménages). Comme le révèle l'étude de cas sur l'Ouganda, une collectivité au sens géographique peut représenter la collectivité dans son sens général ou le grand public. Les chercheurs peuvent entreprendre des consultations dans un échantillon de villages qui, à leur avis, sont représentatifs de la collectivité en général.
Des exemples de RNES donnent plusieurs autres sens à la collectivité. Des personnes qui ont des intérêts communs, exercent une même profession ou défendent une même cause peuvent également constituer une collectivité. Prise dans ce sens, la collectivité n'a pas d'emplacement spécifique. Les membres d'un syndicat ou de groupes linguistiques, ethniques ou religieux, les défenseurs du planning familial, ou encore les patients qui souffrent d'une même maladie, bien qu'ils ne vivent pas au même endroit, peuvent néanmoins avoir un sentiment d'identité commune à certains égards. Cependant, ils
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Participation des collectivités à la RNES: l'expérience du Bangladesh Au Bangladesh, la recherche nationale essentielle en santé (RNES) est enracinée dans la société civile. Elle relève du Bangladesh Rural Advancement Committee (BRAC), l'ONG la plus importante du pays. Ses activités sont planifiées et orientées par un groupe de travail composé de 12 membres, provenant surtout des ONG qui font de la planification et de la mise en œuvre de programmes en première ligne. Le coordonnateur de la RNES au Bangladesh est également représentant d'une ONG. Depuis les premières initiatives de promotion et de défense jusqu'à l'établissement des priorités et du réseautage, la société civile est un partenaire actif de la RNES au Bangladesh. Avec le temps, le grand public a été informé et sensibilisé par l'entremise des médias concernant les principes qui sous-tendent la RNES et le mouvement de RNES au Bangladesh. Un atelier national sur la RNES, organisé par le BRAC en collaboration avec le Conseil de la recherche médicale au service du développement en juin 1989, a réuni 43 participants, dont 24 provenaient de différents segments de la société civile, tels que des forums de femmes, des ONG, des universités et des organismes autonomes. Un atelier de suivi tenu sept mois plus tard est venu étayer le rôle des ONG dans la planification gouvernementale des services de santé. Lorsque la RNES a été officiellement lancée au Bangladesh en novembre 1990, par l'entremise d'un atelier national de haut niveau, une conférence de presse a été organisée afin d'expliquer la notion de RNES aux journalistes. Beaucoup de quotidiens anglais et bengalis ont par la suite fait connaître la RNES au grand public. Deux numéros d'un bulletin sur la RNES au Bangladesh intitulés LIAISON : A Link Between Producers and Users of Health Research ont été publiés en 1994 et 1996 et distribués aux ONG, aux groupes d'intérêts et aux universitaires. L'atelier de 1989 sur la RNES a souligné la nécessité d'un programme de recherche communautaire. La participation des collectivités à l'établissement du programme national de recherche en santé a été rendue possible principalement par la représentation de membres de la société civile au sein du groupe de travail, qui est chargé de déterminer les priorités en matière de recherche en santé. La perception qu'ont les collectivités de la santé et des problèmes de santé, cernés par l'entremise de différentes études et enquêtes statistiques communautaires, ont également façonné le processus d'établissement des priorités. En vertu d'un programme de renforcement des capacités, la RNES au Bangladesh a mandaté 18 études à de jeunes chercheurs qui ont recueilli des renseignements dans des collectivités rurales-urbaines. Certains ont eu recours à des méthodes participatives pour recueillir des renseignements. Même si les interactions avec les collectivités étaient, pour la plupart, éphémères, elles ont permis de recueillir de précieux renseignements pour comprendre les besoins en santé. Les activités de réseautage ont englobé la formation d'un réseau multi-disciplinaire global composé de 22 personnes provenant de 20 institutions. Encore une fois, la société civile est bien représentée. La majorité des membres (59 p. 100) de ce forum national sont des dirigeants d'ONG, de forums nationaux sur la santé et d'organismes de femmes, ainsi que des universitaires supérieurs. Source : Choudhury (1999) |
Encadré 4.2 |
Participation des collectivités à la RNES : l'expérience de l'Ouganda D'entrée de jeu, la RNES en Ouganda a profité du soutien de l'Uganda National Council for Science and Technology et du ministère de la Santé. Les deux organismes ont joué un rôle essentiel dans sa mise en œuvre, organisant un atelier national en février 1991. Les participants à l'atelier étaient surtout des cadres supérieurs et des scientifiques. Bien que la nécessité de sensibiliser les collectivités et d'obtenir leur soutien à la RNES ait été reconnue, les activités de promotion et de défense subséquentes ont été orientées vers les établissements de recherche, les représentants sanitaires des districts et les décideurs du ministère de la Santé et d'autres ministères pertinents. Lorsqu'un groupe de travail a été créé pour mener des consultations sur les priorités de recherche, un membre de l'Uganda Community Based Health Care Association a été inclus pour représenter les collectivités. Cependant, jusqu'à maintenant, la participation des collectivités s'est surtout limitée à l'établissement des priorités, qui a été entrepris par un comité ad hoc. Ce comité a mené des consultations distinctes avec chacun des trois groupes d'intervenants. Des entrevues ont été organisées auprès de cadres supérieurs du gouvernement et des chercheurs. En outre, le comité ad hoc a visité trois districts (Iganga, Mukono et Hoima) et tenu un séminaire de deux jours avec le comité de planification et l'équipe sanitaire de district. Certains membres du comité de planification étaient des politiciens locaux représentant des comtés du district. Après le séminaire, des groupes de discussion ont été mis sur pied dans un ou deux villages du district. Les participants aux discussions des villages comprenaient des hommes, des femmes, des jeunes et des vieux. Les personnes étaient très intéressées à parler de leurs problèmes de santé, ce qui a beaucoup impressionné les membres du comité ad hoc. Contrairement aux chercheurs, dont les priorités reposaient sur le fardeau de la maladie, les collectivités avaient une vue plus globale de la santé et de la maladie. Toutes ont soutenu qu'il faudrait mettre l'accent non seulement sur la maladie, mais également sur la lutte contre les facteurs qui prédisposent les gens à être malades. L'amélioration de la participation des collectivités demeure l'un des défis que doit relever la RNES en Ouganda (COHRED, 1997a). Étant donné la politique de décentralisation de l'Ouganda, l'équipe de coordination de la RNES tente maintenant de bâtir la capacité d'établir les priorités de recherche et de mener des recherches pertinentes au niveau des districts. Cela devrait améliorer les possibilités de participation des collectivités. Les équipes sanitaires de district sont encouragées à faire participer les intervenants à la définition des problèmes à étudier propres au district. Dans plusieurs sites pilotes, les membres de l'équipe sanitaire bénéficient d'un soutien pour mener une telle recherche, analyser les résultats, les diffuser et les utiliser à des fins de planification. Source : Neema (1999) |
ne sont pas nécessairement organisés en groupes. De même, la collectivité peut désigner un groupe de personnes qui se mobilisent autour d'une activité ou d'une ressource donnée. Ce point de vue est plus dynamique et reconnaît que des collectivités diversifiées se forment dans différentes situations. Ces personnes peuvent avoir des intérêts divergents dans une ressource plutôt qu'une communauté de vues.
En outre, pour les chercheurs ou les décideurs, la collectivité peut désigner le groupe cible d'un projet ou d'une politique. Lorsqu'ils parlent des collectivités, les chercheurs, les décideurs ou les administrateurs désignent souvent les bénéficiaires prévus d'un programme ou d'une politique comme les « masses », la « base », les « plus pauvres des pauvres », les marginalisés, les utilisateurs des services de santé. La collectivité peut également désigner les sujets d'un projet de recherche (p. ex., les adolescentes enceintes, les tuberculeux). Essentiellement, la collectivité désigne la catégorie de personnes pour qui ou avec qui les chercheurs ou les décideurs veulent faire quelque chose.
La collectivité est un terme général et convivial. De tels concepts génériques peuvent se révéler utiles, mais ils risquent également de devenir superficiels et d'obscurcir la réflexion. Aux fins des futurs travaux de RNES, il est impératif de préciser ce qu'est une collectivité et de la conceptualiser de façon pragmatique et en tenant compte du contexte. En l'occurrence, la collectivité est ce que la collectivité fait. Elle devrait être définie en fonction d'une fin et par rapport à d'autres intervenants dans une situation particulière.
La participation des collectivités peut prendre différentes formes, notamment la cooptation et l'observation, la consultation, la collaboration, l'apprentissage conjoint et l'intervention collective (Cornwall, 1996) (voir encadré 4.3). En Ouganda, par exemple, la consultation des collectivités a façonné le processus national d'établissement des priorités tandis que les projets aux niveaux des districts et des villages faisaient intervenir la collaboration et l'apprentissage conjoint. Ce qu'il faut déterminer en RNES c'est le genre de participation qui est utile, efficace ou valable et les situations dans lesquelles elle est pertinente. Il est fort possible que les collectivités soient plus intéressées à apprendre de la recherche et à l'utiliser qu'à l'effectuer. Pourtant, les chercheurs rendent rarement compte de leurs conclusions aux sujets eux-mêmes ou au grand public. Il n'est pas rare que l'on entende des
Encadré 4.3 |
Formes de participation des collectivités Cooptation et observation Les personnes participent en étant des sujets de recherche consciencieux. Elles répondent aux questions, respectent leurs rendez-vous, donnent des échantillons et fournissent aux chercheurs sur place le soutien nécessaire, notamment en s'occupant de la logistique ou en leur offrant le gîte et le couvert. Consultation Les collectivités sont invitées à présenter le point de vue des gens sur les problèmes qui intéressent les chercheurs. Cela se fait habituellement aux premiers stades de la planification de la recherche et il peut s'agir d'une activité ponctuelle. Collaboration Les membres de la collectivité participent à la planification ou à l'exécution de la recherche ou aux deux. Ils peuvent influencer le genre de recherche qui sera effectuée et la façon de la faire. Dans certains cas, ils peuvent aider à recueillir des données. Apprentissage conjoint Les collectivités acquièrent de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences à partir de la recherche, soit par le dialogue, soit par leur participation au processus. Intervention collective Ensemble, les chercheurs, les membres de la collectivité et les décideurs prennent des mesures pour apporter des changements. De telles mesures sont reliées à la recherche de deux façons : elles misent sur les nouvelles connaissances générées par la recherche, et le processus de mise en œuvre lui-même est une expérience d'apprentissage. Source : adapté de Cornwall (1996) |
remarques comme : « Un professeur est venu et a pris un échantillon de mon urine, mais nous n'en avons jamais entendu parler par la suite. »
Selon un modèle linéaire et mécanique de participation, les collectivités précisent leurs problèmes et aident à effectuer la recherche pertinente aux politiques. Cette approche « classique » présente de multiples variations (voir encadré 4.4), la participation se faisant selon différents degrés d'intensité et à diverses étapes de la recherche. Cependant, pour être efficace, la participation fait surtout intervenir la réciprocité et un dialogue continu dans lequel elle prend différentes
Encadré 4.4 |
Une voie intermédiaire : démarche participative pour l'amélioration des soins néonatals au Népal La démarche classique de participation de la base est ouverte et encourage les collectivités à définir les problèmes. Cette démarche ascendante se distingue de la méthode descendante habituellement utilisée dans le domaine de la recherche en santé en vertu de laquelle les chercheurs déterminent un problème de santé, suggèrent une solution, présentent une intervention à la collectivité et en évaluent l'efficacité. Un projet, basé à l'Institute of Child Health à Londres et à Mother and Infant Research Activities à Kathmandu et financé par le Department for International Development, a été mis sur pied pour éprouver une approche dans les collectivités rurales du Népal. Au départ, les chercheurs ont déterminé que le projet serait axé sur la santé néonatale, mais les collectivités ont été encouragées à trouver des solutions, avec l'aide d'animateurs locaux qualifiés. Le problème sur lequel porte le projet est la mortalité néonatale, c'est-à-dire les décès qui surviennent pendant les quatre premières semaines de la vie. Dans les pays en développement, sept enfants sur 10 meurent pendant cette période. Ce problème touche particulièrement les collectivités les plus pauvres où la majorité des accouchements se font à la maison. Au Népal, 95 p. 100 des femmes accouchent à la maison où, par conséquent, la majorité des décès néonatals se produisent. Pourtant, beaucoup de ces décès pourraient être évités si des changements étaient apportés aux soins néonatals. Les animateurs ont présenté la recherche aux collectivités et les ont encouragées à discuter des raisons pour lesquelles les nouveau-nés deviennent malades ou meurent. Un consensus sur les mesures à prendre a été obtenu, et chaque groupe a élaboré son propre programme d'activités. Les changements dans les pratiques devaient être durables et des femmes de la collectivité ont été nommées chefs de file et chargées de poursuivre les changements après le départ des chercheurs. Source : Costello (2000) |
formes et oriente le changement. Les gens ont besoin de renseignements sur la recherche et les politiques pour être parties prenantes à la RNES. Les chercheurs doivent collaborer avec les médias, les groupes de défense, les professionnels de la santé et les organismes pertinents pour que la participation de la collectivité soit utile en termes d'apprentissage conjoint et d'intervention collective.
La participation des collectivités à la planification et à l'intervention peut se faire à l'échelon national, du district, du sous-district ou du quartier. Elle varie selon les différents contextes de RNES. À l'échelon national, la collectivité peut comprendre des ONG de développement nationales ou internationales, des groupes de défense ou de pression, des groupes de soutien, des téléspectateurs ou des lecteurs de journaux. À ce niveau, la collectivité désigne souvent la société civile, le grand public ou les utilisateurs des services de santé. Au niveau du district ou du sous-district, la collectivité peut comprendre les représentants locaux, les travailleurs de la santé, les travailleurs de la base des grandes ONG, les organismes communautaires, les chefs de file religieux ou des groupes de discussion formés de représentants de différents quartiers du district. Au niveau du quartier, la planification et l'intervention peuvent faire intervenir des femmes qui utilisent certaines sources d'eau, les membres de congrégations religieuses ou les résidents de la zone desservie par un établissement de santé. Souvent la participation des collectivités se fait à plusieurs niveaux.
Lorsqu'on parle des niveaux de participation, la question de la représentation est soulevée. Qui représente les collectivités à un atelier national d'établissement des priorités ou à une assemblée de village? Qui parle et qui ne s'exprime pas? Au Bangladesh, des représentants d'ONG et de différents groupes d'intérêt représentent les collectivités au groupe de travail de RNES et au forum national. D'un côté, une telle représentation assure la participation des collectivités au processus de RNES; par contre, certains seront d'avis que ces personnes ne sont que des politiciens qui ne représentent pas le peuple (voir encadré 4.5). Il n'y a pas de recette; toute représentation est partiale, mais elle devrait être significative.
Le choix des représentants et leur façon de participer sont souvent symboliques. Se contenter de faire parader des représentants des collectivités comme preuve d'inclusion, sans qu'ils n'aient vraiment leur mot à dire, dévalorise tout le processus de participation (COHRED, 1999).
Des commentateurs ont dit et écrit beaucoup de choses concernant l'importance d'atteindre la base et les plus pauvres des pauvres. En fait, cela est essentiel à la RNES et au développement équitable. Les deux autres groupes d'intervenants ont parfois perdu de vue le fait que la RNES remet nécessairement en question les priorités des milieux de recherche traditionnels; la dynamique du pouvoir est telle que les personnes les plus pauvres, celles qui supportent la plus grande part du fardeau de la maladie, sont les moins entendues. Les autres intervenants de la RNES doivent au moins s'assurer qu'ils ne se font pas entendre au détriment des collectivités.
Dans les faits, les personnes qui, en raison de leur travail, sont constamment en contact avec les groupes marginalisés représentent
Encadré 4.5 |
ONG et représentation de la base au Bangladesh Avec une population de quelque 123 millions de personnes dont la vaste majorité vit en milieu rural, la représentation des collectivités pose un véritable problème au Bangladesh. Près de la moitié des citoyens vivent dans la pauvreté et 55 p. cent des personnes âgées de sept ans et plus sont analphabètes. La situation des femmes est particulièrement préoccupante. Les structures des administrations locales sont fragiles en ce qui a trait à la gestion des ressources et au développement (PNUD, 1996). Dans ce contexte, les ONG ont joué un rôle énorme : d'abord, dans les activités liées au bien-être social, puis en favorisant la participation des collectivités au développement. On dit que le Bangladesh est un pays d'ONG. Dans le domaine de la santé et de la population seulement, on compte plus de 2 000 ONG inscrites. Comme il en est question dans l'encadré 4.1, le BRAC a joué un rôle essentiel dans l'établissement de la RNES. Dans les ateliers nationaux sur la RNES, les ONG étaient bien représentées. En fait, elles comptaient le plus de participants. De même, le forum national et le groupe de travail sur la RNES comptent une forte proportion de représentants d'ONG. L'hypothèse semble être que la participation des ONG assure la participation des collectivités. Mais comment les ONG représentent-elles les collectivités? Il est évident que les ONG ont une communauté d'intérêts et qu'elles se représentent elles-mêmes dans le processus de RNES. Cependant, des discussions de groupe tenues en rapport avec l'étude sur le Bangladesh ont laissé transparaître plus de préoccupations concernant la façon dont les ONG pourraient représenter leurs groupes cibles de la base. D'aucuns jugent qu'il y a eu participation indirecte des collectivités à la RNES parce que les représentants des ONG appartenaient à des organismes qui travaillent directement avec les gens de la base et que, par conséquent, ils en reflètent les besoins et les points de vue en matière de santé. Un autre son de cloche, plus critique, veut que les dirigeants des ONG, qui assistent aux ateliers et siègent aux comités, ont peu de contact direct avec les villageois pauvres. Les employés de première ligne des ONG seraient peut-être de meilleurs représentants. Source : Choudhury (1999) |
souvent les intérêts de ces groupes auprès des chercheurs et des décideurs. Il est important de déterminer si les parties engagées dans cette activité sont les mieux placées pour atteindre les buts souhaités dans une situation particulière.
Les organismes comptent parmi ceux qui parlent au nom des personnes marginalisées ou des plus pauvres des pauvres. Dans un certain nombre de pays d'Afrique, les missions religieuses et les ONG qui œuvrent dans le domaine de la santé ont toujours joué un rôle important en améliorant l'accès aux services de santé pour les groupes les plus pauvres des collectivités. Parallèlement à d'autres organismes, elles sont bien placées pour défendre l'équité en santé au nom de leurs clients ou groupes cibles (Jareg et Kaseje 1998).
Les représentants élus ou nommés (en particulier ceux des échelons intermédiaires et inférieurs) peuvent également être les porteparole légitimes de leurs collectivités. Même en cas de doute à cet égard, il est généralement préférable d'obtenir leur participation. D'une part, les travailleurs de la santé font partie des collectivités où ils travaillent et sont bien placés pour représenter les gens et les problèmes auxquels ils font face tous les jours; d'autre part, ils forment eux-mêmes une collectivité. Il ne faut pas oublier que leurs intérêts diffèrent peut-être de ceux de leurs patients, même s'ils comprennent bien les besoins en santé de la collectivité.
Les travailleurs communautaires reconnaissent l'importance des leaders d'opinion locaux qui, en plus de représenter la collectivité, exercent également un pouvoir et une influence, parfois parce qu'ils sont plus riches, qu'ils contrôlent des ressources importantes ou sont plus instruits et éloquents, mais souvent aussi en raison de qualités personnelles comme l'autorité morale, l'intelligence ou le dynamisme. Selon les chercheurs, les leaders d'opinion posent parfois des problèmes dans les projets communautaires : par exemple, dans un projet de recherche en Guinée, on a exclu les chefs de file locaux d'un groupe de discussion parce qu'ils avaient tendance à dominer la discussion (Haddad et coll., 1998). Cependant, dans un autre projet guiñeen, on a insisté sur l'importance de recourir aux chefs de file locaux pour atteindre le groupe cible du projet (Sylla et Diallo, 1999).
Dans bien des pays, les femmes se font rarement entendre dans les assemblées publiques. Les hommes parlent en leur nom. Lorsqu'ils sont plus instruits, ont plus de temps à leur disposition et entretiennent des contacts plus étroits auprès des personnes influentes, ils sont plus susceptibles de représenter leur collectivité que les femmes et de participer à tous les aspects de la recherche. Cette pratique peut être défavorable aux femmes, surtout lorsqu'il serait pertinent d'obtenir leur point de vue sur le problème à l'étude. Cependant, il peut également y avoir un côté positif au fait de faire participer davantage les hommes aux discussions sur les questions de santé, en particulier lorsque les chercheurs et les décideurs ont tendance à voir la santé des familles comme la responsabilité des mères.
Lorsque les chercheurs et les décideurs accueillent certaines personnes plutôt que d'autres comme représentants de la collectivité, ils peuvent contribuer à renforcer les formes existantes d'organisation ou à en créer de nouvelles. S'attaquer aux problèmes d'iniquité en santé consiste à se demander qui n'a pas voix au chapitre et s'employer à inclure ces personnes dans les discussions sur la santé et le développement, faute de quoi l'équité ne sera qu'une notion abstraite. Les chercheurs qui travaillent sur place depuis longtemps et les fournisseurs de services éclairés pourront aider à déterminer qui n'est pas représenté. Il est particulièrement important de créer des occasions de voir les réalités locales du point de vue national. L'expérience locale fournit un point de référence constant pour le contrôle des progrès réalisés vers l'équité et elle devrait être étroitement reliée aux processus nationaux d'établissement des priorités, à l'affectation des ressources à la recherche et à la diffusion des renseignements (COHRED, 1999). L'établissement d'un solide portefeuille de projets de RNES orientés vers les collectivités offre le plus vaste éventail de possibilités. À l'avenir, les mécanismes nationaux de coordination de la recherche devront établir des lignes directrices ou une politique concernant l'utilisation la recherche participative ou les méthodes qui encouragent les collectivités à participer aux projets de RNES. Pour l'heure, peu de pays disposent de mécanismes de RNES dotés de critères sur la participation des collectivités qui pourraient être utilisés pour évaluer les projets.
On établit souvent une distinction entre recherche appliquée et recherche fondamentale. On suppose que la participation des collectivités est surtout pertinente pour la recherche appliquée. Il est peutêtre plus facile pour les gens de voir le potentiel ou la pertinence de la recherche dans leur vie lorsque les problèmes se posent au niveau de l'expérience, tels que l'accès aux services de santé et l'alimentation des enfants, qu'au niveau de la microbiologie ou de la pharmacologie. Ici encore, les chercheurs et les décideurs doivent faire preuve d'une plus grande ouverture d'esprit pour décider ce que signifie la participation des collectivités (voir encadré 4.6).
Les études opérationnelles et la recherche-action se prêtent généralement mieux à la participation des collectivités. Elles visent autant à prendre des mesures pour régler des problèmes qu'à faire des recherches au sens propre du terme. Une recherche systématique de solutions suit l'examen conjoint des conditions locales par les membres de la collectivité et les chercheurs. Ce genre d'apprentissage dans un but déterminé cadre parfaitement avec les projets de recherche.
Encadré 4.6 |
Un autre genre de participation des collectivités à Trinité-et-Tobago À Trinité-et-Tobago, comme dans d'autres pays membres du Caribbean Health Research Council, la participation des collectivités n'est pas un élément central de la recherche en santé. Sur les 337 documents présentés aux réunions scientifiques régionales au cours des trois dernières années, aucun ne fait état de consultations dans les collectivités concernant le choix, la conception ou la mise en œuvre des recherches. Cependant, pendant la même période, un drame se déroulait sur la scène nationale, rappelant que la participation des collectivités peut prendre de multiples formes. Lorsque le pays a été choisi comme site éventuel de la phase II des essais pour le vaccin contre le VIH et le sida, des chercheurs de l'étranger ont donné aux chercheurs de la Medical Research Foundation le mandat de faire des préparatifs au cas où le gouvernement donnerait son consentement aux essais. Le récit qui suit pourrait être décrit comme une tentative de créer une collectivité. Trinité-et-Tobago est un petit pays de 1,2 million d'habitants pourvu d'un secteur médias et communications bien développé. La possibilité que le vaccin contre le VIH et le sida y fasse l'objet d'essais a suscité des débats animés dans les journaux, à la radio et à la télévision, et une publicité pleine page s'y opposant a paru dans un journal national. Les chercheurs ont eu tôt fait de se rendre compte que bien des gens étaient mal informés concernant la recherche et surtout concernant les essais pour le vaccin contre le VIH et le sida. La crainte que des milliers de Trinidadiens servent de cobayes était répandue. À la télévision, on a parlé de la recherche sur la syphilis qui avait été faite sur des Noirs américains à Tuskegee, et les gens ont constaté que la recherche pouvait être risquée et humiliante. Le sida lui-même était mal compris et suscitait parfois des dissensions. Certains groupes religieux s'opposaient à toute discussion de la sexualité. Il ne suffisait plus de donner des renseignements sur les essais pour le vaccin, il fallait aussi informer la population sur la prévention et le traitement du sida, la situation des personnes séropositives et sidéennes et le rôle de la recherche dans le traitement. Avec le concours de deux consultants communautaires et l'appui d'un réseau international de chercheurs et de groupes d'intervention sur le sida, des mesures ont été prises pour informer le public. Un atelier d'une journée a été organisé à l'intention des journalistes. Le personnel de la ligne d'assistance téléphonique sur le sida, établie au début des années 1980, a été formé pour répondre aux questions du public concernant les essais. Les consultants communautaires ont participé à des entrevues télévisées à plusieurs reprises pendant plusieurs mois. Des rencontres ont été organisées avec des organismes professionnels. La population ayant été informée de la tenue de la recherche, des consultants communautaires et des chercheurs ont été invités à s'adresser à des groupes comme l'Organization of Science Teachers. Enfin, un comité consultatif communautaire a été mis sur pied pour défendre les essais pour le vaccin, informer le public et protéger les intérêts du public et des personnes susceptibles de devenir les sujets de la recherche. (à suivre) |
Encadré 4.6 suite et fin |
Le comité consultatif communautaire compte 20 membres, dont la plupart représentent des organismes intéressés, et certains sont des conseillers médias ou des personnes dont la vie a été touchée par le sida. Le processus se poursuit. Même au sein du comité consultatif communautaire, on cherche toujours à parvenir à un consensus et à inculquer le respect de la différence. Les membres ont suivi une formation sur les notions à communiquer et les méthodes pour le faire ainsi que sur la planification des activités à venir. Le ministère de la Santé a établi un comité de déontologie chargé de surveiller les aspects scientifiques et éthiques du protocole d'essai des vaccins et de conseiller le ministère en conséquence. L'opinion publique est toujours divisée et bien des gens sont encore mal informés. Ce qui compte, toutefois, c'est que la recherche a été portée à l'attention du public. Une collectivité s'est formée, même si les intérêts de ses membres sont parfois divergents. Un groupe de défense s'emploie à faire comprendre la nature et la nécessité de recherches sur le sida. Comme l'a expliqué l'un des participants, il s'agit d'un processus éducatif qui vise à amener la collectivité en position de prendre des décisions concernant la recherche et à voir comment celle-ci peut se révéler utile. Source : Francis et Picou (1999) |
Les études épidémiologiques et les enquêtes statistiques laissent peu de place à la participation des collectivités. Parfois les chercheurs donnent une formation d'enquêteur à des membres de la collectivité. En règle générale, les membres des collectivités ne sont que des répondants consciencieux; cependant, il y a des exceptions qui soulignent la nécessité de réévaluer ce point de vue. Community Information, Empowerment, Transparency International, par exemple, a réussi à faire participer les membres des collectivités à titre de co-chercheurs à des enquêtes sentinelles, qui comprennent la gestion de données qualitatives et quantitatives provenant de questionnaires envoyés aux ménages, l'examen de données provenant d'institutions, des entrevues de représentants communautaires, la tenue de groupes de discussion et les systèmes d'information géographique (Andersson, 1996).
Qu'il s'agisse d'économique de la santé ou de la perception de la diarrhée, la recherche en sciences sociales n'est pas nécessairement de la recherche opérationnelle. Dans la recherche sur les systèmes de santé, l'analyse des politiques et les études communautaires, les chercheurs effectuent habituellement la planification et la collecte des données. Les sujets de la recherche n'en deviennent pas les co-chercheurs. (En fait, dans la recherche ethnographique, l'idée est que les chercheurs participent aux projets des gens et non le contraire.) Pourtant, les chercheurs peuvent se demander si leur travail est pertinent pour des personnes extérieures au milieu universitaire. L'identification d'un groupe intéressé et la communication des conclusions de la recherche en vue de susciter de l'intérêt constituent également des moyens de créer un lien avec le troisième intervenant de la RNES.
La recherche fondamentale ou clinique sur des maladies spécifiques demeure le genre de recherche en santé le plus courant dans de nombreux pays. Comment les collectivités peuvent-elles y participer le cas échéant? Les profanes peuvent participer à la collecte et à l'analyse de données biomédicales. Dans le cadre du projet communautaire d'intervention sur le paludisme aux Philippines, par exemple, des profanes ont appris à identifier et à recueillir certains types de moustiques et ont aidé à prélever des frottis sanguins et à les interpréter (Batangan et Ujano-Batangan, 1999). Le Consumer Network du Centre de collaboration Cochrane illustre une autre forme de participation des collectivités à la recherche clinique (voir encadré 4.7).
Les travailleurs en soins de santé primaires, à titre de collectivité, peuvent également être un groupe important avec qui communiquer dans le cadre de recherches sur les maladies. À Trinité-et-Tobago, des chercheurs travaillent de concert avec des travailleurs de la santé locaux à l'élaboration de directives pour le traitement des maladies courantes. Dans certains pays, des groupes de défense et de soutien ont été établis à l'intention des personnes qui souffrent d'une maladie ou d'une incapacité chronique ou permanente, p. ex., VIH-sida, diabète, maladie cardiaque. La collaboration avec de tels groupes peut également favoriser la participation des collectivités. Cependant, celle-ci repose essentiellement sur les liens entre les chercheurs et les collectivités et les attentes de chacun par rapport au processus de recherche.
La demande des collectivités et la durée des projets de recherche sont les deux principaux aspects des liens entre les collectivités et les chercheurs. La majorité des recherches en santé sont de courte durée. Les chercheurs qui travaillent auprès d'un groupe de patients ou dans une unité géopolitique sont satisfaits s'ils parviennent à terminer la collecte et l'analyse des données avant que le financement ne soit épuisé. Parce que les délais sont serrés, il y a habituellement peu de réciprocité dans ce genre de relations. Les chercheurs n'ont aucune obligation envers les collectivités à long terme. Même si les collectivités peuvent être appelées à participer, il n'est pas toujours possible pour les chercheurs de poursuivre le dialogue avec les sujets. Bien sûr, les chercheurs peuvent utiliser ce qu'ils ont appris dans un dialogue avec une autre collectivité. Cependant, le plus souvent, ils estiment avoir rempli leur obligation éthique de diffuser les résultats de leur recherche lorsqu'ils rendent compte à leurs commanditaires, à leurs collègues ou peut-être à une institution nationale.
Certains projets de recherche s'inscrivent dans une relation à long terme avec une collectivité (Das Gupta et coll., 1997). Cela peut être le cas là où des postes de recherche et une formation en santé communautaire ont été établis. L'International Network for Demographic Evaluation of Populations and Their Health, par exemple, regroupe des projets de recherche longitudinale dans 20 sites en Afrique subsaharienne (Tollman et Zwi, 2000). Une série de projets de recherche peuvent être liés à une étude épidémiologique à long terme, des chercheurs suivant des cohortes pendant de nombreuses années. Ce genre de recherche permet davantage aux gens de se familiariser avec la recherche. Ils savent comment rejoindre les chercheurs. Souvent, ce sont les sites où les personnes reçoivent les services de santé, si bien qu'ils associent la recherche avec certains avantages pour leur collectivité.
II est rare que les collectivités demandent spontanément de participer à la recherche. En fait, ce sont généralement les chercheurs qui prennent l'initiative. Les collectivités, ou le public en général, sont considérées comme les bénéficiaires ultimes de la recherche, mais non comme des utilisateurs immédiats qui pourraient en faire la demande (COHRED, 2000e). Pourtant, cela se produirait plus souvent si des cadres étaient établis pour faciliter les contacts et sensibiliser les collectivités aux utilisations possibles de la recherche.
Dans bien des pays, les responsables des projets de développement représentent probablement les utilisateurs de la recherche les plus importants. Lorsqu'un pays dépend de l'aide au développement, ce sont souvent les bailleurs de fonds qui demandent la tenue d'études. À l'occasion, des travailleurs qui s'occupent d'initiatives locales de développement demandent un soutien technique pour l'exécution d'études, comme ceux qui ont participé au projet Pallisa Community Development Trust en Ouganda (Okurut et coll., 1996). Dans un cas comme dans l'autre, les collectivités utilisent la recherche dans la mesure où elles établissent un lien entre l'acquisition de connaissances et la résolution de problèmes concrets.
La recherche orientée vers les utilisateurs doit être sensible aux problèmes et aux intérêts de la collectivité, particulièrement dans les
Encadré 4.7 |
Participation des consommateurs à la prise de décisions plus éclairées en santé Les consommateurs de soins de santé et les professionnels de la santé, en particulier dans les pays industrialisés, sont actuellement inondés de conclusions de recherches, souvent contradictoires, rapportées dans les revues médicales et transmises par les médias. Il est essentiel, mais de plus en plus difficile, de séparer le bon grain de l'ivraie et de se tenir à jour. Le Centre de collaboration Cochrane est une initiative internationale mise sur pied par des chercheurs, des praticiens et des consommateurs pour éplucher la recherche médicale, répertorier le plus grand nombre possible d'essais contrôlés, les analyser et diffuser ces renseignements. Le but est d'aider les gens à prendre des décisions plus éclairées en santé, qu'ils soient praticiens, consommateurs, décideurs ou chercheurs. Les consommateurs participent activement à de nombreux aspects du Centre de collaboration Cochrane en l'aidant à décider de ses orientations, de ses priorités et de ses produits, en participant à la production d'études et en contribuant à la diffusion des renseignements dans leur collectivité. Ils aident à définir tout l'éventail de bienfaits et de problèmes des interventions sanitaires, examinent les données disponibles et recommandent de futures recherches. Ils contribuent également à rendre ces études plus faciles à comprendre. Le réseau des consommateurs (Consumer Network) du Centre de collaboration Cochrane encourage la participation des consommateurs, les aide à se contacter et produit des renseignements à leur intention, notamment en préparant des résumés faciles à lire de toutes les nouvelles études ainsi que des instruments comme un glossaire de recherche. Depuis 1999, le réseau des consommateurs s'emploie à favoriser la participation au Centre de collaboration Cochrane des consommateurs des pays en développement, particulièrement des pays d'Afrique. La participation s'accroît constamment et il est prévu que les consommateurs et les groupes communautaires d'Afrique travailleront activement à façonner la recherche en santé et les activités au Centre de collaboration Cochrane, dans leur collectivité et à l'échelle internationale. Un deuxième point d'intérêt pour les pays en développement est la bibliothèque de santé génésique (Reproductive Health Library) publiée conjointement par l'Organisation mondiale de la santé et le Centre de collaboration Cochrane, et disponible gratuitement. Des personnes intéressées par la santé génésique ont formé un groupe consultatif visant à faire progresser la participation des consommateurs. Les activités comprennent la participation à l'établissement des priorités, l'intégration de documents écrits par des consommateurs dans la bibliothèque et l'examen du potentiel de produire des renseignements sur la santé fondés sur l'expérience clinique à l'intention des consommateurs des pays en développement. Pour de plus amples renseignements, visiter le site Web du réseau à http://hiru.mcmaster.ca/cochrane/cochrane/consumer.htm. |
secteurs où des groupes spécifiques jugent qu'il y a lieu de mener des études. Les travailleurs de la santé voudront peut-être recueillir systématiquement des renseignements sur un problème soulevé dans le cadre de leur travail. Les groupes de défense peuvent être intéressés par la recherche en tant que fondement à des changements législatifs ou administratifs. En Afrique du Sud, la Reproductive Rights Alliance a présenté les conclusions d'une étude au comité parlementaire sur la santé afin d'étayer ses arguments en faveur de changements législatifs (voir son site Web à http://www.healthlink.org.za/rra). Dans bon nombre de pays, de plus en plus de groupes de soutien ou d'intérêt s'intéressent à une maladie précise : sida et autres maladies chroniques, handicaps, alcoolisme ou toxicomanie. La Diabetes Association of Trinidad and Tobago a dressé une liste de sujets de recherche; elle savait que des études avaient été réalisées au pays sur ce problème de santé prioritaire et se demandait pourquoi aucun chercheur n'avait communiqué avec elle.
La nature des liens entre les chercheurs et les collectivités dépend en partie des cadres et des institutions. Un seul organisme national de coordination ne sera pas nécessairement chargé de promouvoir de tels liens. Le mécanisme de RNES pourrait comporter notamment l'établissement des cadres qui favoriseraient les contacts entre les deux parties et renforceraient la capacité des collectivités à utiliser les résultats de la recherche. Les programmes communautaires existants de formation et de recherche en santé représenteraient le point de départ idéal. De tels programmes devraient être établis pour préparer les futurs chercheurs en santé à encourager le dialogue avec les administrations locales et les chefs de file communautaires pour l'élaboration d'une recherche communautaire en partenariat (COHRED, 1996). L'encadré 4.8 donne un exemple de programme d'études en médecine qui comprend une formation en développement participatif. D'autres exemples comprennent les facultés de médecine à l'Université du Canal de Suez d'Egypte (Nooman et Mishriky, 1991), à l'Université d'Ilorin du Nigeria (Ogunbode, 1991) et à l'Université Chulalongkorn de Thaïlande (Suwanwela, 1991).
Même si les chercheurs et les collectivités sont résolus à long terme à améliorer le plus tôt possible la santé, et même l'équité en santé, leurs attentes et leurs intérêts à court terme sont généralement divergents. Les chercheurs considèrent qu'ils contribuent à créer de nouvelles connaissances, et jugent qu'ils n'ont de comptes à rendre qu'à
Encadré 4.8 |
Alliances entre l'université et la collectivité aux Philippines L'organisation et le développement communautaires sont une tradition de longue date aux Philippines où l'on retrouve également un large éventail d'ONG. Il en découle des attitudes et des expériences positives concernant la participation des gens à la résolution de leurs problèmes. En outre, il est généralement reconnu que la recherche opérationnelle devrait faire partie de ces efforts. Il faut du temps pour établir un véritable dialogue et il est nécessaire d'inculquer une compréhension du processus chez les futurs chercheurs dans le cadre de leur formation. À cette fin, plusieurs écoles de médecine ont établi des programmes en développement communautaire participatif. L'une de ces initiatives est la Zamboanga Medical School Foundation, qui collabore avec le Pediatric Research Center for Mindanao, le bureau régional du ministère de la Santé et les services de l'administration locale dans la région 9. Les étudiants en médecine apprennent des stratégies de participation communautaire dans le cadre de leur programme d'études. On les affecte à des bureaux de santé ruraux dans des régions insuffisamment desservies, et ils s'engagent à travailler dans un cadre intersectoriel de participation communautaire au lieu de se concentrer uniquement sur les questions médicales. Le but est d'élaborer des programmes d'intervention participative pour s'attaquer aux problèmes de santé prioritaires. Il s'agit d'une alliance à long terme entre une maison d'enseignement et une collectivité géopolitique. Les étudiants font une rotation, les plus jeunes remplaçant les plus expérimentés, de manière à assurer la continuité tout en évitant les répétitions. Source : Batangan et Ujano-Batangan (1999) |
leurs collègues et à leurs commanditaires. Pour eux, un certain degré de participation des collectivités facilite la recherche pour ce qui est de l'observation et de la logistique. Beaucoup comprennent les problèmes complexes et pertinents sur le plan social que pose la participation des collectivités. Cependant, il faut des ressources, et surtout du temps, pour établir un dialogue et protéger les intérêts des membres des collectivités, qui vont souvent à l'encontre de ceux de la recherche. Il est troublant de constater que les attentes des collectivités ne correspondent pas aux buts et aux méthodes de recherche. Les chercheurs doivent comprendre qu'il ne s'agit pas simplement d'un obstacle, mais d'un problème qui mérite une attention scientifique. L'encadré 4.9 décrit un partenariat entre une ONG et une collectivité fondé sur l'engagement à long terme des chercheurs et la sensibilité à la dynamique socioculturelle complexe d'une collectivité.
Dans l'ensemble, les collectivités sont moins intéressées par les connaissances en soi que par la pertinence qu'elles peuvent avoir dans leur vie. La mesure dans laquelle les membres du public comprennent la notion de recherche universitaire varie grandement d'un pays à l'autre, et même dans un pays comme Trinité-et-Tobago, où le niveau de scolarité est relativement élevé. Néanmoins, les membres des collectivités ont souvent des attentes positives (voir encadré 4.10). À l'origine, ils peuvent espérer des avantages matériels et s'attendre à ce que le gouvernement ou les chercheurs trouvent des solutions aux problèmes étudiés. Ils souhaitent s'aider eux-mêmes, aider leurs familles ou d'autres personnes, et certains veulent réellement acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles connaissances. Dans la mesure où les chercheurs sont des « étrangers » importants ou des membres de l'élite influente (médecins, professeurs), les membres des collectivités peuvent juger qu'il s'agit d'une occasion d'avoir de l'influence auprès d'eux en collaborant, ou du moins, en ne s'opposant pas à eux.
Les membres des collectivités ont également des compromis à faire. La recherche demande du temps et des ressources matérielles, souvent sans indemnisation. Si leurs efforts semblent infructueux, ils ressentiront de l'amertume ou se désintéresseront de la recherche. Au pire, ils se sentiront exploités; au mieux, ils croiront que la recherche n'a rien donné. Par exemple, il est possible qu'ils n'entendent jamais parler des constatations des chercheurs. Les résultats de recherche ne peuvent pas toujours être communiqués directement aux sujets, mais il faut reconnaître que la responsabilité à l'égard du public et que la communication sont trop souvent négligées.
En outre, certaines personnes entretiennent le point de vue simpliste voulant que les chercheurs puissent identifier les problèmes et les attentes des collectivités une fois pour toutes. Cependant, ceux qui ont travaillé auprès des collectivités soulignent que la participation communautaire se développe progressivement, et que les attentes changent à mesure que s'améliore la communication.
Jusqu'à maintenant, l'expérience de la plupart des pays relativement à la RNES a consisté à en faire la promotion et la défense, à établir des mécanismes de RNES, à créer ou à reformuler le programme national de recherche en santé et à obtenir le financement nécessaire. Cependant, à mesure que le processus de RNES mûrit et que les organismes de coordination de la recherche nationale en santé commencent à
Encadré 4.9 |
Enseignements tirés d'un partenariat entre la collectivité et une ONG de femmes Le Panay Development Institute a été formé en 1984 par un petit groupe d'universitaires et de professionnels de la région de Manille qui voulaient aider les collectivités à devenir autonomes. En 1987, l'organisme a changé de nom pour devenir le Panay Self-Reliance Institute (PANSRI). Les années et les projets à venir allaient mettre à rude épreuve l'engagement, la détermination et les compétences de cette nouvelle ONG. Dans la collectivité de Pangaraykay, elle a appris qu'il importait de s'engager à long terme et en profondeur auprès des personnes qu'elle souhaite habiliter. Le Pangaraykay (pseudonyme choisi par l'ONG pour protéger l'identité de la collectivité) est un mot hiligaynon qui signifie « gratter la terre pour trouver de la nourriture, persévérer, être patient ». Il saisit l'essence non seulement de la collectivité, mais également de la leçon que l'ONG a tirée de son expérience : travail acharné se traduisant par des changements en apparence minimes, persévérance, patience. De concert avec les femmes chefs de file du Pangaraykay et des amies d'autres ONG, le PANSRI a formulé le projet UPLIFT Pangaraykay (Upland Program for Livelihood and Improvement of Farm Technology in Pangaraykay [programme des hautes terres pour la subsistance et l'amélioration des techniques agricoles au Pangaraykay]), financé par l'Agence canadienne de développement international (ACDI). Dirigé par des femmes du Pangaraykay, le projet était une initiative de toute la collectivité et visait à améliorer son auto-suffisance par l'entremise d'une banque de graines communautaire, une rizerie, une coopérative de consommation, l'adoption de techniques favorisant l'agriculture durable et le transfert de compétences. Vaincre la peur des étrangers et des ONG était la première étape que devait franchir cette collectivité, qui avait été traumatisée par la militarisation. Les intérêts personnels, la jalousie, la corruption mesquine, les traditions patriarcales et les luttes de pouvoir au sein de la collectivité menaçaient de faire s'effondrer plusieurs initiatives peu après leur lancement. L'équipe du PANSRI s'est sensibilisée aux valeurs culturelles et aux questions liées aux rôles féminins et masculins en regard des griefs et des critiques mis au jour et a appris à faire remonter les problèmes sous-jacents à la surface des discussions. En outre, ses membres ont appris à faire abstraction de leurs propres contrariétés et à vaincre leur propension à régler les problèmes pour les autres. La réussite de la relation entre le PANSRI et la collectivité procède d'un processus de négociation continue. L'insistance des villageois, par exemple, qui voulaient que le dirigeant de l'une des initiatives soit un homme, allait à l'encontre du but visé qui était de créer des possibilités de leadership pour les femmes. L'ONG a appris qu'il était nécessaire de faire preuve de souplesse à court terme, sans compromettre les principes fondamentaux à long terme. Malgré les écueils rencontrés en cours de route, la collectivité du Pangaraykay et le PANSRI ont réussi à franchir les premiers pas vers l'habilitation. Source : Estandarte et coll. (2000) |
Encadré 4.10 |
Attentes de la collectivité en Guinée Des entrevues menées auprès de 160 résidents de trois régions rurales concernant leurs expériences et leurs points de vue sur la participation des collectivités à la recherche ont révélé que peu de personnes connaissent le concept même de recherche. Environ deux tiers des répondants ont déclaré qu'aucune recherche n'avait été effectuée dans leur région. Après que le concept leur a été expliqué, la plupart étaient en mesure d'exprimer certaines attentes concernant leur rôle et celui des chercheurs. Après avoir été informés et mobilisés par les représentants locaux, les résidents ont indiqué qu'ils seraient prêts à répondre aux questions, à aider les chercheurs et à offrir le gîte et le couvert. Cependant, ils estimaient que c'était aux chercheurs et aux autorités qu'il revenait de résoudre leurs problèmes. Les membres de la collectivité voulaient des médicaments et des installations de santé. Un modèle différent a émergé dans l'une des localités étudiées, Kissi-dougou, où de la recherche-action était effectuée parallèlement à l'établissement d'un régime d'assurance-santé. Partage de risques maladie (PRIMA) était une initiative de collaboration entre les résidents locaux, le gouvernement et l'agence de développement allemande, Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ, agence de coopération technique). La GTZ travaillait dans la région et avait financé un centre de santé. Un bénévole allemand a lancé un centre de maternité. Même si ces initiatives ne faisaient pas, à proprement parler, partie de PRIMA, beaucoup de personnes ont associé la recherche-action, le régime d'assurance-santé et les nouvelles installations au projet. Le résultat concret a été important. Par contre, les résidents des régions où la recherche n'avait donné lieu à aucun avantage ont été déçus. L'établissement de PRIMA s'est fait par voie de recherche participative qui avait pour objectif un examen conjoint des problèmes de santé et des ressources sanitaires. Les personnes qui avaient participé étaient plus à même de définir leurs problèmes de santé que les répondants des autres localités. Un climat de dialogue s'est établi permettant aux résidents d'apprendre à discuter, de clarifier leurs idées et de réfléchir à leurs problèmes. Leur point de vue sur la participation des collectivités était également différent. Ils s'attendaient à ce que les chercheurs définissent les stratégies avec eux et qu'ils se concertent pour transformer la recherche en intervention. Dernier point à soulever concernant les attentes des collectivités en Guinée : les gens réclamaient des avantages concrets, mais également des renseignements et des commentaires sur ce que les chercheurs avaient trouvé. Ils pensaient que les autorités devaient insister sur la nécessité pour les chercheurs de partager leurs connaissances. Source : Sylla et Diallo (1999) |
travailler vers l'équité en santé et à lier la recherche et les interventions (COHRED, 2000e), ils devront de toute évidence recentrer la participation des collectivités autour de ces buts plutôt qu'autour des sept composantes d'origine de la RNES. De façon plus précise, il sera peut-être plus utile de déterminer comment les collectivités peuvent contribuer à établir des liens entre la recherche et les interventions plutôt que comment elles peuvent participer à la promotion et à la défense ou à l'établissement des priorités. Ces deux activités stratégiques nécessitent, par exemple, la promotion d'un dialogue continu entre les différents partenaires pour lier la recherche et les interventions.
Pour travailler vers l'équité en santé, il faudra d'abord porter à l'attention du public les dimensions de l'iniquité. Il sera donc essentiel de faire connaître les conclusions des recherches sur les iniquités en santé. Cependant, il y a lieu de se demander quel genre de communication est utile et pour qui. Traditionnellement, les études épidémiologiques constituent des moyens puissants dont les défenseurs se servent pour obtenir l'appui des politiciens : les chiffres sont considérés comme des faits. Pourtant, les études menées avec une forte participation des collectivités peuvent également être convaincantes, voire plus efficaces, pour motiver les changements. La communication qui fait entendre la voix des marginalisés et des démunis, particulièrement s'ils cherchent des alliés, donne un aspect humain à la lutte pour l'équité. Les journalistes sont passés maîtres dans l'art de faire ressortir l'aspect personnel de situations navrantes, mais ce n'est pas ce qu'il faut rechercher. La communication devrait plutôt démontrer les dimensions de l'iniquité que vit et gère une collectivité d'acteurs sociaux.
En mettant l'accent sur leur participation à la recherche, les groupes marginalisés pourront peut-être s'engager plus activement dans la lutte pour l'équité. Il ne s'agit pas simplement de donner aux groupes vulnérables des occasions d'améliorer leur santé; il faut également les aider à créer ces occasions. Le problème est que trop souvent, les personnes les plus vulnérables sont les moins susceptibles de participer. Créer l'équité signifie aider ces personnes à trouver des alliés dans une communauté d'action et de défense, et aussi habiliter les collectivités en leur donnant les moyens de définir leurs besoins en santé et de trouver des solutions.
L'établissement de liens entre la recherche et les interventions est souvent considéré comme l'affaire des chercheurs et des décideurs. On suppose que les politiques représentent l'élément clé des interventions et que la recherche doit donner lieu à des politiques. Les collectivités doivent jouer un rôle plus actif dans le processus, et les chercheurs et les décideurs ne devraient pas les considérer comme de simples consommateurs de la recherche ou les cibles des interventions.
La participation des collectivités peut être un instrument d'action puissant pour au moins trois raisons :
— La participation des collectivités favorise la recherche-action puisque les collectivités sont fort intéressées par les études qui portent sur leurs problèmes. Elles veulent des études utiles et elles sont particulièrement intéressées à la recherche opérationnelle dans le cadre de laquelle les chercheurs mettent en œuvre et éprouvent de nouvelles connaissances.
— Une collectivité ou un public informé peut inciter les décideurs à prendre des mesures concrètes. Les pressions du public sont importantes dans les sociétés démocratiques et, au demeurant, dans les sociétés non démocratiques. Lorsque la diffusion des conclusions de recherche contribue à faire prendre conscience des problèmes de santé, des iniquités et des solutions possibles, elle peut également favoriser le changement.
— La participation peut habiliter les gens en leur donnant les moyens de prendre des mesures en leur propre nom. Dans la mesure où la participation des collectivités aide les gens à préciser leurs problèmes, à apprendre, à acquérir des compétences et à les mettre en pratique et à se faire des alliés, les gens sont plus en mesure d'être actifs et responsables. Cela ne signifie pas que les collectivités devraient régler leurs problèmes de santé (la santé et le bien-être des citoyens sont tout autant la responsabilité de l'État que celle des particuliers, des familles et des collectivités). Cependant, il faut établir clairement que les gens ne sont pas que de simples bénéficiaires passifs des services de santé ni totalement dépendants du savoir des experts.
Bien des chercheurs considèrent que la participation des collectivités se résume à écouter les gens ou les organismes qui prétendent représenter leurs intérêts. Pour que la recherche donne lieu à des interventions, favorisant du coup l'équité en santé, les relations entre les collectivités et les autres intervenants doivent être fondées sur un dialogue continu. C'est par la communication réciproque, et non par la simple écoute, que les chercheurs, les collectivités et les autres partenaires peuvent bâtir des coalitions. Celles-ci misent sur les connaissances et les expériences de tous les partenaires pour définir des buts communs, acquérir une nouvelle compréhension des choses et trouver des solutions à des problèmes de santé spécifiques. Dans ce sens, les coalitions d'apprentissage et d'innovation reflètent le nouveau paradigme de la recherche en santé (Pellegrini et coll., 1998; Higginbotham et coll., 2001) et de la production du savoir (Gibbons et coll., 1994), en vertu duquel les vrais problèmes exigent une perspective et une intervention transdisciplinaires. Les coalitions d'apprentissage et d'innovation remettent en question les solutions unidisciplinaires à intervenant unique. Elles reconnaissent que le savoir existe ailleurs que dans les institutions traditionnelles comme les universités (Harrison et Neufeld, 2000). Elles exigent plus de souplesse et un engagement à plus long terme. Au lieu d'envisager des protocoles de recherche individuels conventionnels, assortis d'objectifs spécifiques, les chercheurs peuvent avoir à penser en fonction d'étapes, de séries de projets ou d'un cadre d'échanges continus.
Pour tenter d'établir un dialogue, les chercheurs se doivent de communiquer de l'information concernant leurs recherches de manière appropriée. La diffusion des conclusions devrait faire partie intégrante de la RNES. À cette fin, cette exigence pourrait être intégrée dans un code de déontologie, comme les conditions concernant le consentement éclairé ou la protection des sujets de recherche. Une autre stratégie pourrait consister à mieux préparer les chercheurs en leur donnant une formation en communication. Dans bien des pays, la collaboration avec les médias est la stratégie la plus courante. Des ateliers peuvent avoir lieu à l'intention des journalistes, qui peuvent être embauchés pour faire connaître les résultats des recherches. Quelle que soit la stratégie adoptée, les chercheurs devraient toujours prévoir des mécanismes permettant aux membres des collectivités d'exprimer leur point de vue et de poser des questions. Lorsqu'un projet a accès aux médias et à une bonne infrastructure de communication, il est possible de faire appel à une tribune téléphonique à la radio, à des lignes téléphoniques d'information ou à des chroniques sur la santé pour répondre aux questions des membres des collectivités. Les rencontres en personne constitueraient la principale stratégie dans bien des contextes, mais un seul atelier d'information ne suffit pas. Les chercheurs doivent rencontrer les membres des collectivités dans une variété de situations et à différents moments pour avoir de véritables occasions d'apprendre à communiquer.
La RNES repose sur le principe voulant que les chercheurs ont des comptes à rendre à la société dans laquelle ils travaillent. Ils devraient se sensibiliser à cette norme lorsqu'ils suivent leur formation en recherche. Placer des étudiants en médecine dans un programme communautaire de médecine représente un bon point de départ, mais cela n'est pas suffisant. Les programmes d'études universitaires devraient comprendre une formation en relations entre chercheurs, décideurs et collectivités. Les futurs chercheurs devraient apprendre ce qu'est l'obligation de rendre des comptes (à qui? sur quoi?) et comment communiquer avec différentes collectivités.
Les organismes de la société civile peuvent avoir un rôle spécial à jouer dans la création de coalitions. Leur nature institutionnelle est stable et fournit un cadre. En insistant sur le dialogue interne et la communication externe entre les chefs de file et les chercheurs, ils peuvent être de véritables représentants au sein d'une coalition. Des structures doivent être établies pour favoriser les relations entre les organismes et les chercheurs et, à cette fin, les décideurs peuvent prendre des mesures pour établir un organe ou un réseau de communication.
Il serait possible, par exemple, d'instaurer des « ateliers scientifiques » à l'image de ce qui se fait en Amérique du Nord et en Europe, qui servent de liens entre les universités et les collectivités. Des organismes non commerciaux définissent les problèmes qui devraient faire l'objet de la recherche et communiquent avec l'atelier scientifique qui, à son tour, met en rapport des étudiants des deuxième et troisième cycles et leurs superviseurs avec ces utilisateurs éventuels de la recherche. En d'autres termes, l'atelier scientifique reconnaît que les collectivités sont des consommateurs de recherche et donne aux jeunes chercheurs la possibilité de faire un stage dans un organisme qui a besoin de leurs services. À l'Université de Copenhague, le bureau des ateliers scientifiques est administré par des étudiants expérimentés qui établissent des contacts avec toutes sortes d'organismes, des associations de patients aux administrations locales. Il aide les étudiants à négocier les projets de recherche et veille à ce que les résultats soient diffusés aux clients de manière utile.
Au cours des dix dernières années de RNES, la collaboration idéale entre les collectivités, les décideurs et les chercheurs se caractérisait par les liens entre ces intervenants, qui avaient un intérêt dans l'entreprise. Les relations d'airain entre les chercheurs, les décideurs et les collectivités supposent que leurs interactions sont fondées sur des communications linéaires et des compromis. La notion de coalition ne repose pas tout à fait sur ce genre de relation; elle est davantage orientée vers l'action, et suppose des alliances fondées sur les enjeux, des débats et des négociations entre des parties disparates. Les membres d'une coalition ont parfois des intérêts divergents, mais l'engagement envers une coalition suppose la volonté de réaliser un objectif en commun, en dépit de ces différences. Au cours des dix prochaines années de recherche en santé au service du développement, il sera peut-être très fructueux de considérer les relations entre les chercheurs et les collectivités comme des coalitions visant à définir les problèmes et à trouver des solutions.
Pour faire en sorte que la recherche en santé devienne véritablement un « élément essentiel d'un développement équitable », il est primordial d'établir un lien dynamique entre la recherche et les politiques. À cette fin, la Commission sur la recherche en santé au service du développement proposait en 1990 quatre mécanismes qui permettraient à la recherche d'améliorer la santé : détermination et établissement des priorités, amélioration de l'efficacité et de la qualité des systèmes de santé, élaboration de nouvelles technologies et interventions, et avancement des connaissances fondamentales en biologie et en comportement humain.
Le présent chapitre analyse certaines expériences que les pays en développement ont connues au cours des dix dernières années. Il identifie d'abord les principales composantes d'une articulation efficace de la recherche et des politiques, le contexte dans lequel les deux se situent, les intervenants en cause, les produits des deux processus et le rôle essentiel des intermédiaires.
D'entrée de jeu, nous devons tenter de comprendre les attitudes des principaux intervenants. Les chercheurs estiment généralement qu'ils doivent demeurer objectifs dans leur travail et se sentent mal à l'aise lorsqu'ils doivent avoir des contacts avec les décideurs ou les membres des collectivités. Les décideurs, qui doivent établir un équilibre entre les demandes de différents groupes de pression, considèrent souvent les chercheurs comme trop « théoriques », peu pratiques et lents. Les membres des collectivités, intervenants souvent négligés du processus de recherche, peuvent se sentir intimidés par les chercheurs et les décideurs même si, lorsqu'on leur en donne l'occasion, ils ont beaucoup de choses à dire concernant les questions à examiner et l'application exacte des nouvelles connaissances.
Beaucoup plus d'attention devrait être accordée au contexte social, politique et économique de la production et de l'utilisation des connaissances. Ce principe est particulièrement important si le but visé est de mener et d'appliquer une recherche pertinente aux besoins d'un pays. D'une part, les sciences et la technologie (S-T) ne peuvent se développer dans un pays impliqué dans un conflit armé ou vivant sous une dictature. En fait, on relève de tristes exemples où la suppression de processus visant à soutenir et à appliquer les sciences a contribué à renverser les gains réalisés au chapitre de la santé et du bien-être des gens. D'autre part, à un échelon plus local, des personnes refusent parfois d'utiliser les fruits des S-T parce que les chercheurs n'ont pas étudié ni compris leurs pratiques et leurs traditions profondément enracinées.
Le présent chapitre met particulièrement l'accent sur l'importance des intermédiaires pour réunir les deux processus parallèles que sont la recherche et l'élaboration des politiques. Il expose la proposition selon laquelle différents intermédiaires peuvent jouer des rôles distincts mais complémentaires pour lier efficacement la recherche et les interventions :
— Les chercheurs eux-mêmes peuvent acquérir certaines compétences en communication et en défense. En particulier, ils doivent comprendre comment les décideurs prennent leurs décisions en matière d'affectation des ressources et comment ils élaborent, mettent en œuvre et surveillent les politiques.
— Le présent chapitre réclame que l'on accorde plus d'attention au rôle essentiel des gestionnaires nationaux de la recherche en santé, de préférence dans le contexte d'un mécanisme ou d'un système de recherche nationale essentielle en santé (RNES). Ces chefs de file peuvent être les chercheurs euxmêmes, les utilisateurs de la recherche ou les bailleurs de fonds. Ils doivent posséder la capacité, notamment, de faciliter l'établissement des priorités touchant plusieurs intervenants, de bâtir des coalitions pour s'attaquer à des problèmes spécifiques, de saisir les occasions (points d'accès) de déterminer les questions de recherche pertinentes ou d'assurer l'utilisation des résultats d'études déjà effectuées, et d'assurer le leadership futur de la recherche-développement (R-D) nationale en santé. Ces chefs de file doivent notamment apprendre à agir comme des « gestionnaires du savoir » dans le contexte de l'économie mondiale du savoir en constante évolution.
— Les gouvernements nationaux ont également un rôle important à jouer dans l'amélioration des infrastructures techniques et humaines pour la communication sociale. Ils établissent le climat politique en écoutant les préoccupations des gens et en y répondant, en gouvernant avec ouverture et transparence et en demandant les données nécessaires pour étayer leurs décisions. Les dirigeants politiques doivent également comprendre que les investissements en S-T, en répondant à des besoins immédiats ou à long terme, contribuent au mieux-être de la population.
— Enfin, la communauté internationale de la recherche a l'importante responsabilité d'établir des liens plus solides entre la recherche et les politiques. Les organismes internationaux devraient songer à modifier leur mode de fonctionnement traditionnel, par exemple, en harmonisant leurs programmes et ceux des pays bénéficiaires, en finançant directement des équipes de recherche composées de plusieurs intervenants, en repensant la fonction d'assistance technique comme condition de financement, en ayant recours davantage aux consultants nationaux (qui comprennent le contexte local) et en utilisant des experts de l'extérieur uniquement pour des apports spécifiques négociés avec discernement.
De plus en plus, on attend de la recherche en santé qu'elle contribue à améliorer le développement humain. Il y a dix ans, la Commission proclamait qu'elle était un « élément essentiel d'un développement équitable » (CHRD, 1990). La Commission définit ainsi la recherche en santé : « générer de nouvelles connaissances en utilisant la méthode scientifique pour cerner et attaquer les problèmes de santé » (CHRD, 1990, p. 15). En égard à cette définition, la recherche en santé englobe de nombreuses disciplines, dont l'épidémiologie, les sciences appliquées à l'élaboration de politiques, les sciences sociales, la recherche en gestion, la biomédecine et la recherche clinique. Cette définition tient également compte du fait que la recherche en santé peut être une entreprise à laquelle participent non seulement des scientifiques qualifiés, mais également du personnel d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, des chefs de services de santé de district et même des membres des collectivités, comme il en est question au chapitre 4.
La Commission a fait état de quatre mécanismes pour que la recherche se traduise en interventions visant à améliorer la santé (voir figue 5.1), chacun comprenant un éventail de sujets de recherche et de perspectives disciplinaires (COHRED, 1994):
— Détermination et établissement des priorités — Le premier mécanisme fait intervenir des études sur la répartition de la santé et de la maladie ainsi que sur les soins de santé. Il nécessite un processus continu de collecte et d'analyse des données concernant les collectivités, y compris la perception que se font les gens de la santé et de la maladie. Ces données peuvent permettre aux chercheurs d'évaluer les principaux déterminants de la santé et de la maladie dans différents segments de la population; de déterminer les facteurs de risque biologiques, comportementaux, sociaux, économiques et environnementaux et d'identifier les groupes vulnérables; de surveiller les changements; de prévoir les tendances; de reconnaître et combattre les épidémies.
— Amélioration de l'efficacité et de la qualité des systèmes de santé — Ce mécanisme comprend la recherche sur l'utilisation des services de santé; l'efficacité des coûts des interventions sanitaires; l'évaluation et le choix des technologies; l'évaluation de l'efficacité de différentes combinaisons d'interventions médicales, sociales et autres interventions non médicales; la conception et l'essai d'approches de rechange à la prestation et au financement des services de santé; et, au regard de l'équité, la recherche de nouvelles méthodes pour améliorer les services offerts aux personnes vulnérables, pauvres et défavorisées.
— Élaboration de nouvelles technologies et interventions — Le troisième mécanisme de recherche pour l'amélioration de la santé fait intervenir la recherche de nouveaux instruments biomédicaux, notamment de nouveaux médicaments, vaccins, tests de diagnostic et mesures de contrôle environnemental des dangers biologiques, chimiques et physiques; la découverte et le développement de nouveaux instruments de lutte contre les maladies qui soient sûrs, simples à utiliser, acceptables pour les collectivités et abordables; l'élaboration
Figure 5.1 Mécanismes de transition entre la recherche et l'amélioration de la santé
d'interventions sociales, éducationnelles et autres propres à améliorer la santé.
— Avancement des connaissances fondamentales en biologie et en comportement humain — Le quatrième et dernier mécanisme vise à mieux faire comprendre les processus biologiques qui interviennent dans la santé et la maladie; la biologie des agents infectieux et de leurs vecteurs; le rôle des facteurs génétiques dans la résistance et la vulnérabilité aux maladies; les progrès réalisés dans la compréhension des comportements humains liés à la santé.
Cependant, l'une des principales constatations de la Commission réside dans le fait que les utilisateurs éventuels de la recherche, et notamment les décideurs, les fournisseurs de soins de santé et les collectivités, ont tendance à juger la recherche comme étant secondaire à leurs intérêts et à leur subsistance. Qui plus est, la majeure partie de la recherche, en particulier dans les pays en développement, n'est pas axée sur les préoccupations et les réalités locales. Le Groupe de travail sur la recherche en santé pour le développement (TFHRD, 1991) a signalé que les chercheurs croient en général que les décideurs utilisent rarement les conclusions des recherches pour prendre leurs décisions. En outre, ils estiment que les gestionnaires des programmes de soins de santé n'utilisent pas toujours les conclusions des recherches ou n'appliquent pas les méthodes scientifiques pour planifier, contrôler et évaluer les services qu'ils offrent. En contrepartie, les décideurs, les gestionnaires des soins de santé et le public accusent les chercheurs de ne pas s'occuper des problèmes prioritaires; de surcroît, les chercheurs négligent souvent de présenter des comptes rendus compréhensibles et opportuns de leurs constatations et de leurs recommandations aux personnes de l'extérieur du milieu scientifique. Certains attribuent cette situation au manque d'interaction efficace entre les chercheurs, les décideurs, les fournisseurs de soins de santé et les collectivités, et à l'absence d'intermédiaires qui permettent d'établir un pont entre la recherche et les interventions et particulièrement entre la recherche et les politiques.
Pour renforcer les liens entre la recherche et les politiques, il faut comprendre les principales composantes de leur interface : les processus de recherche et d'établissement des politiques, les intervenants, les intermédiaires qui contribuent à l'imbrication des deux processus, les produits de la recherche et le contexte plus global de prise de décisions et de recherche. Walt (1994) et Trostle et coll. (1999) ont décrit des cadres semblables :
— Les processus de recherche et d'établissement des politiques — Il est important de s'attarder à la planification et à l'exécution des recherches ainsi qu'au processus décisionnel. Il faut relier de nombreuses étapes de chacun des processus, et non simplement les premières, qui consistent à définir les questions de recherche et les priorités stratégiques, et les dernières, c'est-à-dire la diffusion des conclusions et la mise en œuvre des politiques et des programmes. Pour articuler les deux processus, il ne suffit pas d'inviter les décideurs à participer à la planification de la recherche. Il peut être également utile pour les chercheurs de participer au processus d'élaboration des politiques et des programmes dont ils peuvent tirer des questions de recherche cruciales.
— Les intervenants — Les décideurs seraient plus susceptibles d'utiliser les conclusions des recherches si les chercheurs identifiaient les utilisateurs prévus (décideurs, bailleurs de fonds, collectivités ou fournisseurs de soins de santé) et les faisaient participer à la formulation des questions et des problèmes.
— Les intermédiaires — Les intermédiaires sont des particuliers ou des institutions qui s'emploient activement à favoriser l'articulation des processus de recherche et d'établissement des politiques. Il peut s'agir d'organismes qui soutiennent le travail de recherche ou encore des chercheurs eux-mêmes. Il peut même s'agir de groupes scientifiques ou civils qui soutiennent la prise de décisions fondée sur l'expérience clinique. Les organismes nationaux de coordination de la recherche peuvent également jouer un rôle d'intermédiaire pour mieux favoriser l'articulation de la recherche et des politiques. Les organismes internationaux ont également un apport important à faire à titre d'intermédiaires en reliant le savoir et les interventions.
— Les produits — Les « produits » de la recherche désignent les études elles-mêmes et leurs liens avec le processus décisionnel. Dans la plupart des cas, les chercheurs font de la qualité de la recherche le critère permettant de déterminer s'il y a lieu de l'utiliser ou non. Cependant, la nature des enjeux et des études elles-mêmes peut également représenter un facteur crucial. Le statut et l'usage des études factuelles diffèrent de ceux des études qui contiennent des recommandations concrètes et particulièrement des études qui portent sur un problème particulier. En fait, il peut être utile de voir les produits de la recherche non pas comme le rapport final d'un projet de recherche, mais comme une série d'extrants qui s'inscrivent dans un programme intégré et continu de recherche-action. Parfois, les chercheurs effectuent plusieurs études dans le cadre d'un programme qui mènent à une décision unique. En retour, la participation aux décisions et aux interventions peut conduire à la prochaine série d'études.
— Le contexte — Le « contexte » désigne l'environnement dans lequel la recherche se fait et les décisions se prennent. Les organismes internationaux et les structures de financement existantes ont une incidence importante sur l'articulation de la recherche et des politiques tout comme la situation politique et socioéconomique d'un pays. La nature du processus décisionnel et l'influence des médias constituent d'autres facteurs importants.
Compte tenu de ces composantes, nous nous penchons maintenant sur les expériences des pays en développement pour ce qui est de l'articulation de la recherche et des politiques, tirées d'une étude du groupe de travail sur l'utilisation de la recherche aux fins des politiques et des interventions (COHRED, 2000f) et d'autres études (Loewenson, 1993; ADDR, 1996). Quels enseignements pouvons-nous en tirer? Quelles nouvelles idées et interventions ces sources peuventelles suggérer pour combler l'écart entre là recherche et les politiques?
La façon la plus courante d'établir des liens entre la recherche et les politiques consiste à produire une bonne recherche et à en diffuser les conclusions aux utilisateurs prévus. À cette fin, on suppose que les décideurs accueilleront toujours bien des renseignements pertinents et utiles et qu'ils les utiliseront avec empressement lorsqu'ils seront disponibles. Cependant, cette hypothèse ne se vérifie pas toujours comme le démontrent certaines expériences au Burkina Faso (voir encadré 5.1). Pour que soit fructueuse une telle approche linéaire fondée sur l'offre, il faut s'assurer que les utilisateurs prévus comprennent les conclusions des études. Par conséquent, une bonne partie du travail est consacrée à rendre la présentation de la recherche intéressante et compréhensible. En fait, des cours et des documents de formation ont été mis à la disposition des chercheurs pour les aider à communiquer plus efficacement (Porter, 1995; SARA, 1997). Cependant, trop souvent, les liens entre les chercheurs et les utilisateurs sont établis après et non pendant la recherche.
Au cours des 10 dernières années, plus de 50 pays en développement ont adopté la stratégie de RNES pour soutenir les interventions visant à favoriser l'équité en santé. Malgré leurs différences, les mécanismes utilisés pour mettre en œuvre cette stratégie (COHRED, 1999) comprennent tous un élément qui participe de l'articulation de la recherche et des politiques. Voici quelques exemples de moyens que certains pays ont adoptés pour intégrer la RNES dans leurs plans de développement social :
— Aux Philippines, une fondation autonome de RNES travaille en étroite collaboration avec l'unité de RNES du ministère de la Santé pour intégrer la stratégie au plan national de santé. Un plan de recherche quinquennal détaillé correspond aux besoins en recherche de ce plan de santé.
Encadré 5.1 |
Élaboration de politiques fondées sur la recherche au Burkina Faso Dans les régions rurales du Burkina Faso, les taux de morbidité et de mortalité juvéniles sont très élevés, la qualité des services existants est mauvaise et leur utilisation déficiente tandis que les traitements sont inabordables, particulièrement pour les groupes les plus vulnérables. Touchés par les constatations d'une série d'études sur les services de santé, les soins médicaux au niveau des ménages et la répartition de la maladie entre les ménages, un groupe de chercheurs de l'Université de Heidelberg a tenté d'intégrer le concept de partage des soins dans la politique nationale de santé. Les chercheurs se voyaient comme les défenseurs de la stratégie du partage des soins et se sont employés à communiquer avec les représentants du ministère de la Santé et à les faire participer à l'élaboration d'une étude d'intervention en vertu de laquelle des mères de famille suivraient une formation dispensée par le personnel du centre de santé du village pour diagnostiquer et traiter des maladies infantiles courantes en plus de déterminer les situations où le renvoi à un professionnel de la santé est nécessaire. Les conclusions de la recherche ont été diffusées sous forme de rapports et d'exposés aux représentants du ministère de la Santé et aux médecins du district. En 1988, le concept de partage des soins était le sujet d'un atelier organisé conjointement par le ministère de la santé et l'Université de Heidelberg. Malgré les efforts des chercheurs, les décideurs n'ont pas adopté le concept de partage des soins. Les représentants du ministère de la Santé n'avaient pas l'impression d'avoir été partie prenante à la recherche qui avait donné naissance à cette notion et à la proposition concernant l'étude d'intervention. En fait, tous s'entendaient pour dire que la question du partage des soins avait été intégrée dans la politique de santé par les chercheurs. Une personne a même fait le commentaire suivant : « Nous nous demandons si ces idées ne sont pas parachutées de Heidelberg. » Les représentants du ministère de la Santé ne remettaient pas en question la validité des constatations des chercheurs, mais ils estimaient qu'il manquait une stratégie clairement définie concernant la façon de procéder sur place. Ils ont également fait des observations sur l'absence de mécanismes de contrôle et d'évaluation de l'intervention. En outre, ils estimaient que les chercheurs n'étaient pas suffisamment attentifs à leurs préoccupations sur ce sujet. Un autre facteur qui a contribué à l'échec de la mise en œuvre du partage des soins était la concurrence que cette notion livrait à la formule récemment établie de travailleur de santé du village et le fait qu'elle ne cadrait dans aucun des grands programmes lancés à l'échelle internationale. Les chercheurs auraient peut-être mieux réussi à inscrire le partage des soins dans la politique de santé si : (1) les décideurs avaient participé au processus dès les premiers stades de la recherche; (2) des efforts avaient été déployés pour enchâsser la politique dans le contexte existant en faisant du partage des soins un concept compatible avec la décentralisation, le contrôle des coûts et l'amélioration de la qualité des soins; et (3) les communications avaient été plus réciproques, les intervenants exprimant leurs préoccupations et leurs besoins. Source : Gerhardus et coll. (2000) |
— Au Kenya, le plan de développement national de 1994 comprenait un plan directeur d'activités de RNES (1992–1998). Les priorités du Kenya portent sur la santé maternelle et infantile, l'eau et l'assainissement, les systèmes de prestation des services de santé, le sida et les maladies transmissibles sexuellement.
— En Éthiopie, une politique clairement énoncée sur les sciences et le développement sert de tremplin aux politiques et plans d'action détaillés visant différents secteurs économiques et de services, et la RNES a un rôle reconnu comme stratégie appropriée d'organisation et de gestion de la recherche au service du développement.
— En Thaïlande, les plans de développement nationaux sont à la base de la transformation et du développement depuis 36 ans. Le septième plan national (1991–1996) intègre officiellement une stratégie de RNES.
— En Jamaïque, un groupe de travail sur la RNES a été mis sur pied en 1995. Officiellement reconnu par le ministère de la Santé, il regroupe des représentants du ministère, de services universitaires et du Planning Institute of Jamaica qui font la promotion et la défense de la RNES.
— Au Bénin, un certain nombre d'institutions se font les défenseurs de la RNES. Il s'agit notamment de la Faculté des sciences de la santé, du Centre Régional pour le développement et la Santé (CREDESA) et du ministère de la Santé Publique. La RNES joue également un rôle décentralisé au sein du ministère et d'autres organismes, permettant une plus grande participation des collectivités. Le point fort de cette approche réside dans le niveau élevé de participation de différents groupes d'intérêt; ses faiblesses sont l'interaction mal définie et le manque de coordination avec le ministère de la Santé Publique.
Les expériences de ces pays, et d'autres, démontrent que de plus en plus, la RNES contribue au niveau national à établir des liens entre la recherche, les politiques et les interventions. Cependant, les progrès sont lents et inégaux pour différentes raisons, notamment l'intransigeance, l'inefficacité des stratégies de communication et les lacunes de mesures nationales de financement. Par ailleurs, les réalités sociopolitiques de certains pays ou de certaines régions les empêchent d'établir des liens efficaces entre la recherche et les politiques. En outre, les organismes internationaux engagés dans la recherche en santé exercent une grande influence sur ce qui ce produit dans un pays bénéficiaire. Certains aspects de ces différents défis sont analysés ci-dessous.
Même si plusieurs des utilisateurs éventuels des recherches ont chacun un rôle à jouer dans l'articulation de la recherche et des interventions, la plupart des gens considèrent que seuls les chercheurs et les décideurs peuvent faire augmenter les chances de succès, et font abstraction du rôle des collectivités, le troisième intervenant de la RNES. Les valeurs et les attitudes de chacun des trois intervenants méritent notre attention, puisqu'elles peuvent contribuer soit à éliminer les obstacles qui empêchent d'établir des liens entre la recherche et les interventions, soit à en créer.
La plupart des chercheurs souscrivent à la nécessité d'être impartiaux et objectifs par rapport aux questions qu'ils étudient. Avec une telle attitude, ils peuvent résister aux « interférences » des décideurs et des collectivités. Ils peuvent donc être réticents à communiquer avec les décideurs pendant le processus de recherche et critiques en regard des suggestions et des renseignements présentés par les décideurs ou leur personnel. Ils peuvent également avoir une attitude négative relativement à la participation des collectivités au processus de recherche, considérant les membres des collectivités surtout comme les bénéficiaires de la recherche. Les chercheurs peuvent croire que les membres des collectivités possèdent trop peu d'information pour porter des jugements pertinents sur les priorités et les problèmes de santé et que les articles alarmistes et à sensation dont regorgent les médias peuvent influer sur leurs opinions. Il est possible que certains chercheurs veuillent faire participer les membres des collectivités au processus de recherche, mais ne sachent pas exactement comment s'y prendre.
Malgré une demande significative de recherches visant à orienter les interventions, il arrive que les universitaires ne disposent pas de l'intérêt ou des capacités nécessaires pour faire de la recherche-action. Cela s'explique en partie par la croyance voulant que la recherche qui vise à faire des découvertes ou à favoriser une meilleure compréhension du monde naturel ou de la nature humaine revêt plus d'intérêt au plan universitaire que celle qui est conçue pour orienter la prise de décisions. Ce dernier type de recherche bénéficie rarement d'un financement à long terme. Il traite de situations propres à certains pays et de ce fait, les revues internationales refusent d'en publier les conclusions. On considère que cette recherche apporte peu de nouvelles connaissances au savoir mondial. De telles croyances et pratiques dissuadent les scientifiques de faire de la recherche-action. Faute d'être acceptées et reconnues par les milieux scientifiques, les études visant à orienter les décisions risquent de ne pouvoir influencer les décideurs. Même si les valeurs décrites ci-dessus ne sont pas universelles et qu'elles changent dans certains pays, bien des gens les partagent encore, même dans les pays en développement.
À l'instar des chercheurs qui peuvent être sceptiques à l'endroit des décideurs et des collectivités, les décideurs peuvent avoir la même attitude face aux chercheurs. Beaucoup de décideurs estiment que les chercheurs s'intéressent surtout à la théorie. Ils considèrent que leurs recommandations sont trop idéales ou irréalisables. Ils soutiennent que les chercheurs ne comprennent pas la réalité des problèmes de santé parce qu'ils en sont distants dans bien des cas. À cause de cette attitude, les décideurs ne s'intéressent guère à ce que les chercheurs ont à dire au sujet des enjeux.
Les politiciens font face à des demandes de groupes de pression et ont tendance à répondre davantage aux idées et aux suggestions de ces groupes qu'à celles des chercheurs. Ils peuvent faire abstraction de données qui réfutent ces demandes ou leur accorder moins d'attention. Par conséquent, de telles données ont moins de poids, sauf si elles sont acceptables pour d'autres groupes de la société qui ont une influence sur les décideurs, qu'il s'agisse de politiciens ou d'administrateurs. Il sera peut-être difficile de changer cette attitude et les chercheurs doivent mieux la comprendre s'ils veulent que les décideurs accordent toute l'attention voulue aux conclusions des recherches. En fait, les chercheurs voudront peut-être renforcer leurs propres alliances avec les collectivités et les organisations non gouvernementales (ONG), forums et groupes qui défendent leurs intérêts. Pour mieux comprendre les réalités auxquelles font face les décideurs, les chercheurs trouveront peut-être utile d'inviter des personnes éclairées à présenter leur point de vue concernant l'articulation de la recherche et des politiques (voir encadré 5.2).
Les collectivités, ou le grand public, constituent un intervenant important, mais souvent négligé, de la recherche et du processus décisionnel. Les chercheurs font généralement intervenir les collectivités dans des recherches participatives où elles contribuent à cerner les problèmes de santé locaux et à trouver des solutions. Cependant, les collectivités peuvent également être un partenaire crucial lorsqu'il s'agit de déterminer l'utilisation de la recherche aux fins des décisions et des mesures prises à l'extérieur de la collectivité; les chercheurs qui veulent influencer les décideurs par l'entremise de la recherche devraient tenter de faire participer les collectivités dans la mesure du possible, même si la situation politique nationale ne leur permet pas encore de participer à l'élaboration des politiques. (Le chapitre 4 présente une analyse plus détaillée du rôle des collectivités en tant qu'intervenant dans la recherche.)
L'une des difficultés que présente la participation des collectivités à la recherche-action réside dans le fait qu'elle est nécessairement partiale, particulièrement à l'échelle nationale et au niveau des districts. Les chercheurs ont alors tendance à travailler avec des ONG ou des groupes de la société civile représentant les intérêts des collectivités. Ils peuvent également travailler avec des dirigeants de collectivités officiellement nommés, négligeant parfois les chefs de file non officiels. Dans les centres urbains, là où les gens se regroupent davantage en fonction de leur milieu de travail qu'en fonction de leur quartier, les chercheurs peuvent avoir peine à trouver des groupes qui représentent les intérêts des collectivités. Il est courant de « consulter » les membres des collectivités au sujet de leurs besoins et de leurs problèmes de santé, mais il est plus rare qu'ils aient un rôle actif à jouer dans le processus décisionnel.
L'articulation de la recherche et des politiques repose dans une mesure importante sur une communication efficace qui nécessite un communicateur et des moyens de communication efficaces. Différents moyens de communication sont déjà disponibles. Les chercheurs en ont créé certains spécifiquement pour communiquer l'information concernant leur recherche en santé aux utilisateurs prévus. Parmi les autres moyens de communication, on relève la presse, la radio, la télévision et même Internet. Les moyens de communication peuvent faire partie intégrante du processus de communication et être le contexte qui détermine les façons dont les
Encadré 5.2 |
Utilisation de la recherche : le point de vue d'un décideur Comment la recherche influe-t-elle sur la politique de santé? Pour aider à trouver une réponse à cette question, le Programme international pour la Politique de Santé a invité trois éminents décideurs, dont M. Rajiv Misra, secrétaire à la Santé en Inde de 1991 à 1994, à identifier des exemples de recherche qui ont eu une incidence sur les politiques et à se pencher sur les facteurs qui influent sur l'utilisation des recherches. Selon l'expérience de M. Misra, les études qui sont le plus susceptibles de contribuer à façonner la politique et les programmes de santé sont celles entreprises par le ministère de la Santé. À l'origine de ces études se trouve souvent une volonté de délimiter l'étendue et la nature d'un problème de santé ou d'examiner l'efficacité d'un programme. C'est ce qui s'est passé pour le programme indien de lutte contre la cécité (National Programme for Control of Blindness, NPCB). Une enquête statistique nationale sur la cécité, dirigée par le conseiller en ophtalmie du gouvernement, a donné des résultats étonnants et confirmé que le NPCB n'était pas très efficace. Ainsi, l'enquête a révélé que la prévalence de la cécité avait augmenté et était passée de 1,38 p. 100 en 1974 à 1,49 p. 100 en 1985, malgré le NPCB. Elle a également révélé que la cause principale de la cécité n'était plus le trachome, mais les cataractes. En outre, l'étude a mis en relief l'incidence des transitions démographiques et épidémiologiques, que peu de personnes connaissaient à l'époque. Fort de ces nouveaux renseignements, le gouvernement a demandé une évaluation du NPCB afin d'en dégager les points forts et les faiblesses et de recommander des mesures pour améliorer l'efficacité des coûts et l'efficience technique. M. Misra fait remarquer que les mécanismes permettant de porter les conclusions de la recherche à l'attention des décideurs sont souvent inadéquats. Dans ce sens, la qualité de la direction au sein du ministère de la Santé et sa réceptivité aux résultats des recherches sont vitales (Misra, 1996). L'occurrence d'une épidémie (comme le sida ou le paludisme) qui attire l'attention des médias peut porter à l'attention des décideurs les conclusions de recherches qui autrement passeraient inaperçues. De même, lorsqu'un organisme subventionnaire international souscrit à une étude et à ses conclusions, celle-ci reçoit beaucoup plus d'attention. Enfin, M. Misra a constaté que les graves pénuries de ressources ne semblent pas entraver les initiatives de recherche utiles. Lorsque les décideurs sont convaincus qu'il existe un besoin, il est toujours possible de trouver des fonds, que ce soit par l'entremise du ministère de la Santé luimême ou en faisant appel au budget par pays de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), outre les ressources disponibles par l'entremise des organismes subventionnaires (Misra, 1996). Source : (Misra, 1996) |
décideurs lient la recherche et les politiques. Les ateliers techniques, au cours desquels les chercheurs font part de leurs conclusions, constituent un moyen de communication couramment utilisé. Cependant, l'expérience démontre que les décideurs eux-mêmes assistent rarement à de tels ateliers parce qu'ils sont trop occupés; ils y envoient plutôt leurs représentants, qui peuvent oublier, toutefois, de transmettre les renseignements aux décideurs. Qui plus est, les seules personnes qui assistent aux ateliers sont souvent d'autres scientifiques intéressés par certains aspects techniques de la recherche.
Beaucoup d'institutions qui font de la recherche-action consacrent une part importante de leurs ressources financières et humaines à la communication efficace de leurs conclusions aux décideurs. En plus de recourir aux réunions ou aux ateliers décrits précédemment, ils créent souvent différentes publications succinctes, faciles à lire, qui ne contiennent pas de jargon compliqué ni de figures ou de données complexes. Le Programme international pour la Politique de Santé (PIPS) est bien connu pour favoriser la communication efficace entre les chercheurs et les décideurs. Il met à la disposition des chercheurs des ressources non seulement pour la recherche elle-même mais également pour en communiquer les conclusions, surtout par l'entremise d'ateliers d'information. Citons également le Health Systems Trust (HST) d'Afrique du Sud, qui a évalué la mesure dans laquelle différentes stratégies de communication parviennent à transmettre les messages aux décideurs et à influer sur leurs décisions.
Souvent, les chercheurs et les collectivités créent des réseaux pour communiquer avec les décideurs qui permettent aux chercheurs de demeurer neutres et de ne pas sembler défendre une question ou une solution en particulier. Cependant, le système global et la culture de la communication dans un pays peuvent avoir des effets directs ou indirects sur ces réseaux de communication; les chercheurs qui tentent de communiquer des données pour la prise de décisions pourraient avoir peine à le faire dans les pays où ce genre d'initiative est mal accueilli ou n'est pas pris au sérieux. Même si les chercheurs souhaitent aller plus loin que l'atelier d'information traditionnel, ils risquent de se retrouver sans les partenaires ou l'infrastructure qui pourraient les aider à faire connaître la recherche. Les éditeurs susceptibles de publier des documents attrayants peuvent se faire rares, de même que les personnes aptes à vulgariser les études techniques pour différents auditoires. Les règles et règlements d'un pays peuvent entraver les activités des médias, ou un pouvoir occulte peut même menacer les médias pour les dissuader d'assister à de tels événements. La communication entre personnes à différents niveaux de pouvoir est tenue pour acquise dans certains pays, mais elle n'est pas la norme partout. Encore une fois, dans de nombreux pays, les gens croient qu'il est trop coûteux d'acheter l'infrastructure nécessaire pour soutenir la communication et la diffusion de renseignements. De surcroît, il est plus difficile de trouver des ressources humaines qualifiées en communications sociales qu'en communications commerciales.
Du point de vue de la recherche-action, le financement de la recherche se révèle utile pour déterminer la portée des liens entre la recherche et le processus décisionnel. Certains organismes de financement de la recherche jouent le rôle crucial d'intermédiaires entre ces processus, particulièrement les organismes subventionnaires influents de l'extérieur, tels que les banques internationales qui consentent également des prêts pour le développement.
Même lorsque les fonds de recherche proviennent de sources nationales et que la demande de recherche-action est forte, il n'est pas toujours facile dans certains pays d'obtenir des ressources financières pour de telles études. Dans certains pays qui disposent de sources nationales de financement de la recherche, l'accent est encore mis sur le développement de la technologie, comme l'illustre l'exemple du Brésil présenté dans l'encadré 5.3. Bien que la recherche qui conduit à des technologies utiles soit très souhaitable, en particulier lorsqu'elle se traduit par la fabrication à grande échelle pour le marché intérieur ou international, il semble que la plupart des sources de financement accordent moins d'importance à la recherche-action.
Dans bien des pays, le financement de la recherche nationale se fait par l'entremise d'organismes de sciences et technologie (S-T), où la recherche en santé fait concurrence à la recherche dans d'autres secteurs tels que l'agriculture. Les pays où il existe des mécanismes distincts de financement de la recherche en santé peuvent mettre l'accent sur le développement ou l'utilisation de la technologie et négliger l'établissement de politiques ou de programmes. Les pays en développement doivent établir un équilibre dans le financement de la recherche en santé, en fonction de leurs priorités en matière de santé et de leurs capacités réelles et possibles de recherche.
Bien que l'on accorde beaucoup d'attention au renforcement des différents éléments précités, le contexte global ou l'environnement semble jouer un rôle crucial, voire décisif, dans l'articulation de la
Encadré 5.3 |
Élaboration et production de vaccins au Brésil Jusqu'à la fin des années 1970, les vaccins dont avait besoin le Brésil, tout comme de nombreux pays en développement, étaient importés d'entreprises privées. Au début des années 1980, lorsque la demande de vaccins a augmenté (en raison du succès du programme national d'immunisation [Programa Nacional de Imunizaçôes]), et que l'institut national de contrôle de la qualité de la santé (Instituto Nacional de Controle de Qualidade em Saùde) a été créé, il devint évident que la capacité de production nationale était inadéquate et que les vaccins produits localement étaient de mauvaise qualité. En réponse aux nouvelles exigences de la politique de santé, les laboratoires du secteur privé ont cessé la production, provoquant une crise dans l'approvisionnement en sérums et en vaccins. Le programme d'auto-suffisance immunobiologique (Programa de Autosuficiència en Imunobiológicos) a été créé en 1986 en vue de stimuler la production nationale par un groupe d'institutions publiques (principalement la Fondation Oswaldo Cruz et l'Institut Butantan). Entre 1986 et 1998, le gouvernement du Brésil a investi quelque 150 millions de dollars américains dans la capacité et la qualité de production de ces deux institutions. Par ailleurs, il n'y a eu aucune source importante de financement de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée pour ce qui est de l'élaboration de vaccins. Le soutien du ministère de la Santé au chapitre des études et de la recherche s'est limité aux activités touchant les questions opérationnelles à court terme, telles que les enquêtes sur la couverture vaccinale, l'évaluation de la puissance de différentes formulations et le niveau correspondant de réponse sérologique, les enquêtes statistiques sur les événements négatifs, l'évaluation de la chaîne du froid et des études sur la formation des travailleurs de la santé en manipulation des seringues. Plus étonnant encore, le soutien accordé par le programme d'autosuffisance immunobiologique ne comprenait aucun financement pour l'élaboration de vaccins, sauf contre l'hépatite B. Le développement technologique, qui doit nécessairement reposer sur une base de recherche globale complexe, était secondaire par rapport à l'obtention d'une technologie de production opérationnelle. En conséquence, l'investissement était concentré dans la construction et l'équipement, alors que l'investissement dans la recherche-développement (R-D) et dans la formation de travailleurs hautement qualifiés a été relégué au second plan. Ainsi, du point de vue des sciences et de la technologie, il y a eu une fragmentation importante et une dispersion des efforts, qui se sont traduites par un manque d'orientation stratégique, un biais plus prononcé pour la recherche universitaire et une importance insuffisante accordée à l'assimilation par l'industrie des conclusions de la recherche. Du point de vue de la politique de santé, les activités de R-D ont tout simplement été négligées à titre d'éléments essentiels d'une stratégie vaccinale nationale. La leçon que l'on peut tirer de l'exemple brésilien est que les chercheurs et les décideurs doivent se concerter pour créer un programme intégré, orienté vers les problèmes, qui englobe les différents genres de recherche nécessaires pour atteindre un but national. Source : Gadelha (2000) |
recherche et des politiques. Il serait naïf de supposer que toutes les valeurs et les pratiques de la société soutiendront la recherche et l'utilisation de données d'observation, même si, en toute logique, des données appropriées devraient contribuer à la prise de décisions judicieuses. Or, il serait également naïf de supposer que les données d'observation n'ont pas de place ou auraient difficilement une place dans les sociétés où la prise de décisions fondée sur des données d'observation ou des connaissances jouit d'un moins grand soutien. Cela dépend de la fiabilité que les sociétés accordent aux chercheurs et au milieu de la recherche comme sources d'information. Dans un pays vivant sous une dictature depuis longtemps, il est possible qu'il existe peu de données d'observation pour la prise de décisions; l'exemple de l'Uruguay présenté dans l'encadré 5.4 illustre cette situation déplorable. L'autre extrême est représenté par la situation théoriquement idéale dans laquelle les décideurs consultent les chercheurs et toutes les données disponibles avant de prendre des décisions. Dans la plupart des pays, la réalité se situe quelque part entre ces deux extrêmes. Le public s'attend à ce que les décideurs utilisent des renseignements valables pour prendre leurs décisions au lieu de compter uniquement sur leurs opinions ou expériences personnelles. Les décideurs utiliseront les différentes données disponibles dans la mesure où ils se sentent poussés à le faire. Il est encourageant de constater que dans de nombreux pays, les chercheurs s'emploient à créer des sociétés fondées sur les données d'observation ou les connaissances. La situation change rapidement et il sera important dans cet environnement mondial dynamique d'assurer le dialogue entre les pays pour leur permettre d'échanger des expériences et des idées.
Dans les pays où la démocratie évolue, la place de la création et de la diffusion de données d'observation est de plus en plus apparente. Les chercheurs peuvent trouver plus facile de faire leur travail. Ils peuvent changer leurs stratégies de recherche du tout au tout pour que les décideurs connaissent et utilisent bien les conclusions de leurs études. C'est dans les pays où le pouvoir est encore concentré dans les mains de quelques individus ou groupes que les chercheurs trouvent difficile de bien jouer leur rôle et de remplir efficacement leurs fonctions. Ils peuvent même connaître des problèmes aux premiers stades de la conceptualisation et de la planification d'une étude, et non seulement après qu'ils ont fini leur recherche et tentent de diffuser leurs conclusions.
Encadré 5.4 |
Bouleversements politiques et lutte contre la maladie de Chagas en Uruguay Il arrive parfois que les circonstances politiques d'un pays non seulement aillent à l'encontre de la notion de dialogue entre les intervenants (en particulier entre les chercheurs et les décideurs), mais se traduisent également par la suppression de la recherche et des chercheurs par les autorités gouvernementales. L'Uruguay illustre cette situation. Au cours de la dictature militaire (1973-1984), bon nombre des structures culturelles, sociales, politiques et démocratiques ont été détruites. De nombreux scientifiques ont été soit emprisonnés, soit exilés, et le budget de la seule université du pays a subi des compressions draconiennes, qui ont abouti au démantèlement de la capacité de recherche et d'enseignement du pays, créant un déficit duquel le pays ne s'est encore pas sorti. Plusieurs décennies de recherche intensive, par exemple, avaient façonné la conception et la mise en œuvre d'un programme de lutte contre la maladie de Chagas en 1972 par la division de l'hygiène du ministère de la Santé. Cependant, le coup d'État survenu un an plus tard a renversé toutes les priorités nationales en santé et éliminé de nombreuses autorités nationales et locales, mettant le programme en péril. Le programme a alors connu dix ans de rendement médiocre, marquées par un manque de surveillance épidémiologique et une définition approximative des indices entomologiques nécessaires à la supervision, à l'évaluation et au suivi. Il a fallu une autre décennie pour rebâtir le programme et la capacité de recherche interne, rétablir les ponts entre les chercheurs et les décideurs et restaurer la collaboration avec les organismes externes et les centres de recherche étrangers. Source : R. Salvatella, D. Muzio et D. Sánchez, Research to policy : the case of foot and mouth and Chagas disease eradication in Uruguay, 2000. Rapport inédit préparé pour le groupe de travail sur l'utilisation de la recherche aux fins des politiques et des interventions du COHRED. |
Les organismes internationaux influent considérablement sur la recherche en santé dans la plupart des pays en développement, où les fonds de recherche sont rares. Ils comprennent non seulement ceux qui travaillent spécifiquement à soutenir la recherche en santé, mais également ceux qui s'occupent du développement de la santé ou du développement socioéconomique en général. La recherche constitue pour ces organismes un point d'accès qui leur permet d'exercer leur influence sur l'orientation du développement national de la santé dans le contexte des politiques de développement socioéconomique. Leur intervention peut donner des résultats positifs ou négatifs, selon l'évolution du processus et la nature des relations entre les intervenants.
On critique souvent les organismes internationaux parce qu'ils soutiendraient uniquement la recherche qui cadre avec leurs propres programmes. Parfois ces programmes sont pertinents et utiles aux pays, parfois ils vont à l'encontre des priorités nationales en matière de recherche en santé. Certains pays ont tenté d'aborder les priorités nationales avec le concours d'une expertise de l'extérieur mais très peu de participation des scientifiques nationaux. Même lorsque des scientifiques nationaux participent à ces initiatives, ils servent surtout d'assistants plutôt que de chercheurs. Souvent encore, on ne cherche pas à créer de partenariat ni à tenir compte du contexte et des besoins du pays. Ceux qui imposent des programmes « externes » peuvent exacerber la situation dans un pays en développement en exigeant que les études soient confiées à des spécialistes de l'extérieur plutôt qu'à des scientifiques du pays. Le recours aux spécialistes étrangers est souvent imposé par les grandes banques de développement pour consentir des prêts destinés aux réformes du secteur de la santé et du secteur social. Certains organismes internationaux font même des études sans recourir du tout aux scientifiques nationaux, se contentant d'« informer » les pays de leur situation en matière de recherche en santé et de recommander des stratégies pour y faire face. Walt et coll. (1999a) et Buse (1999) ont récemment décrit et analysé ce rapport de forces asymétrique malsain entre les organismes subventionnaires et les pays bénéficiaires, et ont suggéré des moyens de changer les attitudes et les comportements des deux parties.
La dépendance envers les sources externes de financement et l'obligation de suivre des programmes de recherche imposés de l'extérieur représentent des problèmes courants dans la plupart des pays en développement. Ces facteurs ne compliquent pas nécessairement l'élaboration d'études pertinentes et l'établissement de liens fructueux avec les interventions; tout dépend de la façon dont les organismes internationaux travaillent avec les décideurs et les chercheurs du pays. Dans certains cas, les sources externes de financement de la recherche jouent un rôle crucial, non seulement en permettant aux pays d'établir leurs propres priorités et de mener les recherches pertinentes, mais également en renforçant l'expertise et les capacités nationales. En plus de soutenir des études spécifiques, le PIPS fournit du financement pour la diffusion des conclusions des recherches et le renforcement des capacités qui correspondent aux priorités nationales. La Fondation Rockefeller a créé des conseils nationaux d'épidémiologie au Cameroun, au Mexique et en Thaïlande afin d'aider ces pays à analyser leur situation sanitaire, ce qui, en retour, leur a permis d'établir leurs priorités en matière de recherche en santé. La Fondation Kaiser a soutenu le HST en Afrique du Sud à peu près de la même manière.
Cependant, la plupart des organismes internationaux de recherche en santé souscrivent toujours au style de travail conventionnel. Ils croient qu'en établissant un programme de recherche mondial ou régional, ils aideront les pays en développement à mieux orienter leur R-D en santé. Ils soutiennent également que les bons chercheurs nationaux sont rares et que les experts internationaux sont les personnes les mieux placées pour effectuer la recherche essentielle à l'élaboration des politiques. Ils préfèrent élaborer des programmes spécifiques de recherche et laisser les pays se livrer concurrence pour obtenir une part du financement versé dans le cadre de ces programmes au lieu de verser des fonds directement aux pays pour y soutenir des études hautement prioritaires. Les organismes internationaux doivent revoir leurs stratégies de renforcement des capacités pour s'assurer que les subventions de formation correspondent aux priorités des pays en matière de santé. L'aide au renforcement des capacités devrait être versée non seulement aux particuliers et aux institutions, mais également pour soutenir les réseaux nationaux et les assemblées annuelles. Grâce à ce soutien élargi, les groupes nationaux qui font de la recherche pourront contribuer aux interventions de manière plus durable et non de façon ponctuelle selon les exigences des bailleurs de fonds étrangers.
Une étude de bonne qualité, sur des questions pertinentes et comportant des produits distincts et bien ciblés peut contribuer à façonner les processus décisionnels, mais il est urgent d'établir des liens durables entre la recherche et les politiques pour atteindre les objectifs de développement. Pour comprendre les facteurs qui contribuent à une organisation durable, les chercheurs trouveront peut-être utile de mener des études descriptives circonstanciées du processus de transition entre la recherche et les politiques (voir encadré 5.5).
La figure 5.2 présente un cadre qui vise à combler l'écart entre la recherche et les politiques. Ce cadre comprend les principales composantes mentionnées précédemment dans le présent chapitre. Les
Encadré 5.5 |
Liens entre la recherche en santé et les politiques au Mexique : Enseignements tirés de cinq études de cas Bien que les liens entre la recherche et les politiques aux États-Unis et en Europe occidentale soient bien documentés, il existe peu d'études descriptives des relations entre la recherche en santé et les politiques dans les pays en développement. Dans un article paru récemment dans Health Policy and Planning, Trostle, Bronfman et Langer présentent les conclusions d'une telle étude menée au Mexique. Les auteurs analysent les réponses aux entrevues avec des chercheurs et des décideurs associés à quatre programmes distincts du ministère de la Santé du Mexique, à savoir planning familial, sida, immunisation et choléra. On a relevé un certain nombre de facteurs touchant le contenu, les acteurs, le processus et le contexte qui favorisent (facteurs positifs) ou entravent (facteurs négatifs) la mise en œuvre des conclusions de la recherche : Contenu Facteurs positifs — Réputation du chercheur (garante de la qualité de la recherche); — Genre de recherche (la recherche biomédicale a plus de poids que la recherche en sciences sociales); — Recherche qui porte sur des questions spécifiques et présente des conclusions concrètes et applicables à court terme. Facteurs négatifs — Chercheurs et décideurs qui « parlent un langage différent »; — Chercheurs et décideurs qui tirent chacun la couverture à soi; — Mépris intellectuel mutuel. Acteurs Facteurs positifs — Il existe des organismes pour l'établissement des priorités en matière de santé et d'un programme de recherche national; — Des organismes internationaux offrent un soutien financier et normatif à la recherche; — Les organismes de recherche nationaux créent un environnement propice à la recherche. Facteurs négatifs — Manque de connaissances techniques chez les décideurs et les médias; — Sentiment que les décideurs valorisent l'expérience plutôt que les données d'observation; — Les programmes du secteur privé et des groupes d'intérêt spéciaux ont plus d'importance que la recherche. (à suivre) |
Encadré 5.5 suite et fin |
Processus Facteurs positifs — Communication informelle entre les chercheurs et les décideurs; — Les solutions suggérées ne vont pas à l'encontre du fonctionnement et de la faisabilité des programmes; — Élaboration et utilisation de réseaux de communications officiels. Facteurs négatifs — Étroitesse des intérêts professionnels des chercheurs et des décideurs. Contexte Facteurs positifs — Stabilité politique et économique; — Nomination de chercheurs à des postes décisionnels; — Urgence du problème de santé. Facteurs négatifs — Centralisation du pouvoir et de l'information; — Changement constant de personnel au niveau administratif; — Contraintes économiques. Source : Trostle et coll. (1999) |
processus de recherche et d'établissement des politiques sont distincts, mais parallèles, et le dialogue entre les différents intervenants relie ces processus à différents stades. Les intervenants comprennent de nombreux groupes qui peuvent et devraient participer à différents stades des deux processus. Beaucoup sont des intermédiaires possibles, notamment les chercheurs eux-mêmes, les gestionnaires nationaux de la recherche en santé, les gouvernements et la communauté internationale de la recherche. Chaque groupe peut contribuer à combler l'écart en favorisant de nouvelles façons de penser, en améliorant l'infrastructure et en lançant de nouvelles pratiques. Toutes les actions des intermédiaires doivent être alignées sur le contexte sociopolitique global. Enfin, les produits de la recherche euxmêmes ne doivent pas consister en un seul rapport à la fin du processus de recherche, mais en une série d'extrants de divers types qui sont produits tout au long du processus de recherche et façonnent les étapes suivantes du processus décisionnel. Le reste de la présente
Figure 5.2 Renforcement des liens entre la recherche et les politiques
section porte sur les différents intermédiaires et leur capacité d'agir comme catalyseurs dans l'articulation efficace de la recherche et des politiques.
Pour que les chercheurs aient une place dans le processus décisionnel, il est important qu'ils ne s'en isolent pas ou qu'ils ne laissent pas les décideurs les dissuader d'y participer. Pour que la recherche devienne partie intégrante du processus décisionnel, les chercheurs doivent également en faire partie. C'est donc dire que les chercheurs doivent participer à l'élaboration des politiques ou au processus décisionnel et qu'ils ne se limitent pas à faire uniquement de la recherche. Ils peuvent commencer leur travail en déterminant les questions de recherche, compte tenu de leurs lectures ou d'une conceptualisation théorique de l'intérêt pour la communauté scientifique. Cependant, pour que leur recherche soit pertinente par rapport au processus décisionnel, ils doivent prendre conscience des mécanismes de prise de décisions et des questions et préoccupations prioritaires.
Les chercheurs doivent comprendre ces enjeux selon les points de vue des différents intervenants et tenir compte de ces points de vue dans la formulation de leurs questions de recherche. Cependant, leur sollicitude envers les autres intervenants, dont les décideurs, ne devrait pas se faire au détriment de leur objectivité, et ils ne devraient pas se sentir obligés d'obtenir le consentement ou l'aval des décideurs.
Participer au processus décisionnel, c'est plus qu'intervenir dans les premières étapes qui consistent à déterminer et à formuler les questions de recherche. Cela signifie également que les chercheurs doivent s'intéresser à deux processus parallèles : le premier est le processus de recherche, en vertu duquel les chercheurs sont entièrement responsables de faire le meilleur travail possible; le second est le processus décisionnel, que les décideurs peuvent déterminer en fonction de l'environnement dans lequel ils élaborent leurs politiques. Les chercheurs doivent tenir compte de la dynamique et de la progression des deux processus et tenter d'établir des liens entre eux à mesure qu'ils évoluent. Par exemple, les chercheurs doivent consulter périodiquement les différents intervenants pour s'assurer que le contenu est pertinent et que la recherche se déroule à un rythme approprié. Pour ce faire, il faut que les chercheurs soient tout à fait au courant du contexte dans lequel se déroule le processus décisionnel et qu'ils interagissent avec les autres intervenants et les utilisateurs de la recherche autant que possible, au lieu d'effectuer leur recherche en vase clos en supposant qu'à la fin, des produits de recherche de qualité suffiront pour faire accepter les conclusions.
Parmi les différents intervenants et utilisateurs de la recherche, on retrouve ce que l'on pourrait appeler les « populations concernées », les décideurs et les intermédiaires tels que les conseillers en politiques, les médias et les universitaires. Les chercheurs doivent reconnaître que les interventions qui procèdent de leur recherche touchent de nombreuses personnes. Elles nécessitent donc le consentement direct ou indirect et la collaboration de nombreux autres groupes outre les décideurs. La collaboration avec ceux qui peuvent adapter l'information aux différents groupes d'intervenants fournit donc un autre point d'accès au processus décisionnel. À cet égard, les chercheurs doivent se rendre compte qu'ils auront à travailler avec de nombreux autres groupes outre leurs pairs. Certains chercheurs s'aperçoivent qu'ils peuvent être à la fois des scientifiques et des défenseurs, sans sacrifier leur intégrité scientifique (Brown, 2000).
Les chercheurs doivent apprendre à interagir avec ces différents groupes. Ils doivent être prêts à écouter différents points de vue et perspectives mais surtout à les intégrer dans leur recherche, sans sacrifier leur objectivité ni leur neutralité. Cependant, ils doivent également être disposés à communiquer leurs idées à différents stades de la recherche, selon les exigences du processus décisionnel. Ils ne peuvent pas se contenter d'être des observateurs passifs du processus décisionnel et de craindre de perdre leur impartialité s'ils s'expriment. Le dialogue actif et productif aide les chercheurs à comprendre comment intégrer différentes préoccupations et différents points de vue dans leur recherche et à identifier les personnes qui pourraient être réceptives à leurs produits de recherche.
Les chercheurs s'emploient à faire un travail qui soit de la meilleure qualité scientifique possible, et beaucoup estiment que les produits de leur recherche suffiront à transmettre l'information. À cette fin, les conclusions de la recherche peuvent être publiées dans les revues spécialisées, que les chercheurs qui travaillent dans des domaines connexes consulteront avec empressement pour trouver de nouvelles données pertinentes. Pourtant, les chercheurs ne peuvent pas se permettre de limiter la communication de leurs conclusions aux autres membres de la communauté scientifique. La capacité de communiquer avec le grand public et les décideurs fait partie intégrante de la qualité d'un scientifique, tout comme la capacité de communiquer avec ses patients est une qualité cruciale, mais souvent négligée, chez un chirurgien.
Les utilisateurs prévus de la recherche composent un groupe diversifié; pour les rejoindre, les chercheurs devront employer des techniques très différentes de celles qu'ils connaissent déjà. Il doivent donc acquérir de nouvelles compétences et adopter de nouvelles attitudes pour s'acquitter de leurs fonctions de spécialistes du marketing social, qui consistent à communiquer des renseignements cruciaux aux populations cibles. Pour ce faire, ils doivent en comprendre les préférences et le style d'apprentissage de façon à transmettre l'information efficacement.
Si l'on recourt aux principes du marketing pour diffuser les produits de la recherche, il faut être très attentif à la présentation de ces produits pour les rendre attrayants aux différents publics. Il importe également de diffuser les résultats au moment opportun. Le marketing en recherche comprend du travail d'équipe et nécessite l'aide de professionnels autres que les chercheurs qui sauront vulgariser des notions techniques à l'intention des profanes et identifier les médias et les éditeurs qui s'adressent à certains groupes de personnes.
L'articulation efficace de la recherche et des politiques ne consiste pas uniquement à modifier les attitudes ou les ensembles de compétences des chercheurs. D'autres intermédiaires sont nécessaires. Les personnes responsables de la direction de la recherche en santé, telles que les directeurs des institutions de recherche (y compris les établissements universitaires), les coordonnateurs des réseaux et des forums nationaux de recherche et les cadres des organismes de financement, pourront apporter une contribution valable. Ces gestionnaires de recherche peuvent avoir différents antécédents : recherche, milieu universitaire, gestion dans le secteur public ou privé, direction d'ONG.
Avec l'avènement de l'économie du savoir, les gestionnaires de la recherche se doivent de comprendre comment la production et l'utilisation du savoir peuvent contribuer au développement économique et social. Par exemple, on reconnaît de plus en plus qu'il est essentiel de se familiariser avec la situation locale pour établir des programmes fructueux. L'art de combiner le savoir local et mondial représente une qualité importante pour l'intermédiaire. Le savoir local comporte la compréhension des tendances épidémiologiques, des modèles culturels et des structures sociales (par exemple, déterminer qui sont les leaders d'opinion dans une collectivité donnée). Il faut adapter sa connaissance des interventions fondées sur l'expérience clinique acquise au moyen des bases de données scientifiques mondiales pour l'appliquer efficacement aux réalités locales. La gestion du savoir au service du changement comprend également l'identification des besoins cruciaux d'information pour le développement de la santé nationale qui débouchera sur des occasions de recherche visant à améliorer le savoir local et à faciliter la recherche pour développer de nouvelles technologies. Dans ce dernier cas, des investisseurs du secteur privé pourraient être mis à contribution pour que des prototypes de technologie passent au stade de la fabrication.
Les pays doivent prendre des mesures systématiques pour développer les compétences en leadership de leurs gestionnaires nationaux de la recherche en santé. Le mécanisme de RNES peut jouer un rôle de premier plan dans la production de gestionnaires de la recherche qui comprennent les processus de diffusion de l'innovation et de changement des systèmes. De tels gestionnaires de recherche feraient en sorte que non seulement les études donnent lieu à des produits de recherche de qualité, mais également qu'elles examinent des questions qui relèvent des priorités nationales en matière de santé et tiennent compte des perceptions et des préoccupations des différents intervenants. En outre, les gestionnaires de recherche s'emploieraient à trouver des occasions, des points d'accès possibles ou des liens avec le processus décisionnel et à assurer la circulation de l'information entre les deux processus. Ils aideraient les chercheurs à obtenir les points de vue de différents groupes pour l'analyse des données et la présentation de recommandations pertinentes et utiles. Ils joueraient également un rôle crucial dans le marketing des produits de recherche et mobiliseraient d'autres groupes pour faciliter le processus.
Le mécanisme de RNES peut travailler de concert avec les organismes de financement de la recherche afin de les sensibiliser à la nécessité de ces gestionnaires, en faisant fond sur la valeur ajoutée qu'ils représentent. Cela pourrait convaincre les organismes de financement d'organiser des séances de formation afin d'accroître le nombre de ces gestionnaires. Le gestionnaire de recherche peut être un des membres de l'équipe de recherche ou une personne que choisit l'organisme de financement. Dans tous les cas, il faudrait de toute évidence des ressources supplémentaires pour permettre aux gestionnaires de bien s'acquitter de leur rôle. (Le chapitre 6 donne de plus amples renseignements sur le renforcement des capacités de leadership des gestionnaires nationaux de la recherche en santé.)
Les gouvernements nationaux et le secteur privé peuvent également jouer un rôle important dans la création et le maintien de liens efficaces entre la recherche et les politiques. La coopération ou les initiatives indépendantes peuvent se révéler utiles pour améliorer, par exemple, l'infrastructure de communication sociale, c'est-à-dire les ressources humaines et matérielles. Traditionnellement, on met l'accent sur les ressources matérielles, telles que le téléphone, les journaux, la télévision, la radio, les ordinateurs et Internet. Pourtant, des groupes de personnes ayant des buts et des objectifs communs peuvent se réunir au sein d'une coalition qui contribue à favoriser la communication dans l'ensemble de la population. La création et le maintien des deux genres d'infrastructure nécessitent un investissement et un effort soutenus.
L'industrie de l'information, c'est-à-dire les médias, illustre le rôle important que les intervenants du secteur privé ont à jouer dans l'articulation de la recherche et des interventions. En informant le public des lacunes de la recherche, les médias peuvent contribuer à créer une demande de recherche. Ils peuvent également jouer un rôle crucial en communiquant au public des renseignements utiles concernant de nouvelles connaissances. Par ailleurs, le public peut influencer les dirigeants politiques et les inciter à accorder leur appui à certaines questions de santé, y compris à la recherche sur les problèmes prioritaires.
Une société ouverte qui permet le débat sur des questions sociales et un gouvernement qui affecte des ressources financières à l'établissement d'une infrastructure appropriée pour une meilleure communication sociale sont de la plus haute importance. Cependant, dans bien des pays, même si l'on investit dans l'infrastructure matérielle, la culture politique doit changer pour libéraliser les communications sociales. Ailleurs, la culture politique est ouverte mais les ressources affectées à l'infrastructure matérielle sont insuffisantes. Dans ce dernier cas, les organismes de financement seront peut-être plus disposés à fournir une aide au titre de l'infrastructure et à améliorer la communication des conclusions des recherches. Cependant, il importe d'investir dans une infrastructure plus large au lieu de simplement orienter une partie des investissements vers le milieu de la recherche. En d'autres termes, il ne suffit pas de rendre les moyens de communication plus accessibles aux chercheurs si l'infrastructure de communication demeure déficiente dans le reste du pays.
La communauté internationale de la recherche peut également fournir un soutien important, direct et indirect, pour l'articulation efficace de la recherche et des politiques. Ce soutien peut prendre différentes formes. Par exemple, on peut réunir des chercheurs provenant de pays ayant des préoccupations sanitaires comparables ou qui ont l'expérience de problèmes semblables. Il peut en résulter un échange de renseignements et l'établissement de nouveaux contacts avec les décideurs. L'Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé, créée récemment, pourrait jouer un tel rôle.
Le soutien pourrait également consister à créer des occasions pour permettre à un réseau plus large de chercheurs d'échanger leurs expériences. Le Forum mondial pour la recherche en santé illustre bien cette forme de soutien à l'échelle internationale, tandis qu'au niveau régional, on retrouve le Tropical Medicine and Public Health Center de l'Organisation des ministres de l'éducation de l'Asie du Sud-Est (Southeast Asian Ministers of Education Organization) (SEAMEO-TROPMED). De tels organismes créent un sentiment d'appartenance à une communauté de recherche internationale plus vaste et rehaussent le prestige de la recherche-action dans les pays où elle est considérée comme moins scientifique et moins importante pour le savoir mondial. Ce prestige accru repose toutefois sur la communauté internationale de recherche, qui se doit de mieux comprendre la recherche locale et d'y contribuer davantage.
Les organismes internationaux qui soutiennent la recherche en santé peuvent réorienter leur soutien de manière à mieux lier la recherche et les politiques. Premièrement, ils doivent s'efforcer de mieux harmoniser leurs programmes de recherche et les priorités nationales. Pour ce faire, ils doivent tenir compte du point de vue des différents intervenants au lieu d'utiliser les ressources considérables dont ils disposent pour faire avancer leurs propres idées.
Une nouvelle approche s'impose pour soutenir la rechercheaction en santé. Au lieu de financer les projets ou les programmes de recherche, les organismes subventionnaires internationaux pourraient financer un mécanisme national visant à promouvoir la recherche pour qu'elle réponde aux priorités nationales et qu'elle soit mieux liée aux politiques et aux interventions. Le mécanisme et les projets de recherche nécessiteraient des fonds. En outre, la prise de décisions concernant l'utilisation des fonds de recherche devrait incomber à des responsables du pays. Par exemple, en Tanzanie, le gouvernement suisse a constitué une fondation de 200 000 $US visant à établir une fiducie d'utilisateurs de la recherche en santé (Health Research Users' Trust [NIMR, 1999]). Un consortium de groupes nationaux gère cette fondation. Elle facilite la communication, la diffusion d'information et la mise en œuvre de projets de recherche qui correspondent aux nouvelles priorités de la Tanzanie en matière de santé. Les organismes de financement internationaux peuvent soutenir encore plus le processus d'apprentissage des mécanismes de recherche nationaux en facilitant leurs contacts avec d'autres mécanismes qui ont en commun des préoccupations et des buts semblables.
Une autre façon de procéder consisterait à financer uniquement les coûts d'exploitation des mécanismes nationaux eux-mêmes, qui obtiendraient ensuite le soutien technique, financier et politique supplémentaire nécessaire pour des projets de recherche. Cependant, ni l'une ni l'autre de ces approches n'est généralement acceptée parce que l'on craint que si l'on fait appel à des sources externes pour soutenir les pays en développement, ceux-ci finiront par ne plus pouvoir s'en passer. Lorsque les bailleurs de fonds soutiennent un mécanisme de gestion, des inquiétudes sont parfois soulevées quant à la responsabilité nationale, ce qui est rarement le cas lorsqu'ils financent des projets de recherche.
Dans la mesure où les pays ne voient pas la nécessité de faire de la recherche en santé ou n'ont pas la capacité nécessaire pour la financer à même leur budget national, ils auront besoin de financement externe. Les pays en viennent souvent à dépendre de ce financement parce qu'ils refusent de croire en l'importance des investissements dans la recherche en santé. Cependant, les bailleurs de fonds doivent également comprendre qu'ils peuvent établir de meilleurs liens entre la recherche et les interventions par une gestion plus efficace de la recherche, et non simplement en accordant des subventions de recherche. L'investissement dans un mécanisme de gestion de la recherche en santé est un moyen économique d'aider les pays à mener de la recherche-action et à en utiliser les résultats.
Le rôle d'intermédiaire de la communauté de recherche internationale, particulièrement des organismes subventionnaires, soulève un aspect délicat. Ainsi, ces organismes exigent habituellement que le pays ait recours aux services de consultants ou d'experts internationaux pour obtenir des prêts et des subventions destinés en bonne partie à la recherche ou au financement des changements dans les politiques. Cette pratique repose surtout sur l'hypothèse voulant qu'avec l'aide de consultants internationaux, les pays en développement profiteront davantage de la recherche, qui rapportera des résultats de meilleure qualité, plus rapidement. Certes, cette pratique est logique et a des avantages, comme le soulignent d'autres analyses (Berg, 1993). Cependant, les organismes internationaux devraient l'appliquer avec prudence et envisager ces avantages sous plusieurs angles. Lorsque les prêts sont assujettis à de telles exigences ou conditions, les pays peuvent en venir à rejeter le travail de leurs propres chercheurs. S'il doit choisir entre la qualité de la recherche et la participation des chercheurs du pays, l'organisme international devrait accorder la préférence à cette dernière, pourvu que ces chercheurs soient en mesure de produire des études adéquates. De tels compromis sont plus rares qu'on se l'imagine. La décision finale dépend d'une combinaison de facteurs, notamment le ressentiment des chercheurs, la capacité des experts externes, la dynamique du processus de recherche et la nature des enjeux de la recherche. Il n'y a pas de solution toute faite; l'important, pour les organismes de financement internationaux, c'est de revoir leurs politiques et leurs pratiques concernant le recours aux experts externes aux fins de la rechercheaction nationale.
Les bailleurs de fonds internationaux doivent également repenser la façon dont ils considèrent les chercheurs nationaux. Dans bien des cas, ils les traitent comme des représentants communautaires et des agents de liaison plutôt que comme des chercheurs ayant un statut égal à celui des consultants externes. Même si ces rôles sont importants dans le processus de recherche-action, ils ne mettent pas à contribution toutes les capacités des chercheurs nationaux, qui participent souvent trop peu à la planification de la recherche. Si l'on tient pour acquis que l'établissement de liens efficaces entre la recherche et les interventions dépend de l'interaction entre les différents intervenants et de leur participation, le mode d'intégration des chercheurs nationaux dans chaque étude influera sur le résultat final. Dans la plupart des cas, les experts externes comprennent mal le contexte national, qui est de loin le déterminant le plus important de la recherche et de ses résultats. Les études visant à faire participer les intervenants, à lier la recherche au processus décisionnel et à faire la promotion des produits de recherche profiteraient beaucoup de la participation des chercheurs nationaux qui comprennent parfaitement le contexte local et les orientations des différents intervenants. Tous les chercheurs nationaux ne possèdent pas de telles compétences, mais certains en font preuve.
Un chapitre du Rapport sur le développement dans le monde 1998-1999 : Le Savoir au service du développement (Banque mondiale, 1999) examine le rôle des institutions internationales dans la production et l'utilisation du savoir, y compris de celles qui agissent comme intermédiaires :
La majeure partie du savoir qui profite aux pays en développement n'est pas le fruit de la recherche parrainée par des instances internationales, aussi importante soit-elle, mais plutôt la conséquence de mesures prises dans les pays en développement eux-mêmes. La création du savoir local et son transfert d'un pays à un autre ont donc le potentiel de déclencher de puissantes forces de développement. L'apprentissage des autres, l'assimilation de ces connaissances et leur adaptation aux circonstances locales permettent de faire des progrés rapides sans répéter les erreurs des autres.
— Banque mondiale, 1999
Dans plusieurs cas, les organismes internationaux de recherche en santé ont joué un important rôle d'intermédiaire en échangeant leurs connaissances et leur expérience. La série de monographies du COHRED illustre un tel apport qui consiste à compiler et à analyser l'expérience des pays en développement relativement à des activités spécifiques (voir chapitre 8, encadré 8.4). En outre, la Fondation Kaiser et d'autres organismes soutiennent le HST en Afrique du Sud. Parmi ses publications, on retrouve la revue annuelle South Africa Health Review, qui explique les luttes, les réalisations et les défis d'un pays qui tente de mettre en uœvre des politiques visant à fournir des soins de santé efficaces et équitables à ses citoyens (HST, 1999). Un autre exemple, l'étude de 1998 de la Population Reference Bureau, décrit comment la recherche opérationnelle a contribué à
Encadré 5.6 |
Comment la recherche opérationnelle peut-elle améliorer la santé génésique? La recherche opérationnelle porte principalement sur le fonctionnement quotidien des programmes. Elle comprend des projets pilotes visant à mettre à l'épreuve de nouvelles stratégies et méthodes de prestation des services, l'évaluation des programmes existants pour mettre en lumière les problèmes et recommander des solutions, et des expériences pour évaluer les effets et l'efficacité des coûts de différentes solutions. La participation active des gestionnaires de programme et des décideurs, à partir de la détermination d'un problème jusqu'à sa résolution, permet d'assurer l'utilité de la recherche. Une publication de 1998 du Population Reference Bureau décrit un certain nombre de façons dont la recherche opérationnelle a amélioré la santé génésique. Améliorer la qualité des soins La recherche opérationnelle tente de déterminer quels aspects de la qualité sont les plus importants pour les clients et les fournisseurs. Par exemple, elle donne aux gestionnaires de programme des renseignements sur la dynamique de l'utilisation du planning familial, y compris comment réduire les taux d'annulation, mettre en œuvre de nouvelles méthodes, élargir l'éventail de méthodes et mieux comprendre le passage d'une méthode à une autre. Joindre les groupes spéciaux La recherche opérationnelle peut aider les gestionnaires de programme et les décideurs à identifier les groupes spéciaux qui, pour différentes raisons, ne bénéficient pas des programmes traditionnels de planning familial et à mettre à l'essai des stratégies novatrices pour les joindre. Intégrer les services de santé génésique Les programmes qui fournissent un éventail de services intégrés de santé génésique gagnent en popularité chez les gestionnaires et les planificateurs des programmes de planning familial. On pense que les services intégrés peuvent être plus économiques que les services séparés et qu'ils peuvent mieux répondre aux besoins des clients et améliorer leur santé. La recherche opérationnelle aide à évaluer ces hypothèses et à orienter la combinaison et la prestation des services intégrés. Accroître la durabilité Dans bien des pays, rendre les programmes durables sans aide extérieure importante est devenu une priorité. La recherche opérationnelle aide à déterminer l'efficacité relative des coûts d'autres démarches et met à l'essai des moyens de rationaliser les activités des programmes tout en maintenant la qualité des services. Source : Chalkley et Shane (1998) |
l'amélioration des services de santé génésique dans différentes parties du monde (voir encadré 5.6). Le groupe Données et information pour les recherches nouvellement créé à l'Organisation mondiale de la santé fournit des renseignements utiles aux chercheurs pour orienter l'élaboration des politiques tant à l'échelle internationale qu'au niveau national. Le travail accompli jusqu'à maintenant porte essentiellement sur la production de données intéressantes sur la situation sanitaire des pays en développement, mais les chercheurs nationaux n'y ont pas beaucoup participé.
Dans bien des pays, la recherche-action vise surtout à renforcer les compétences en communication des chercheurs, mais de telles initiatives sont fondées sur l'hypothèse simpliste selon laquelle une recherche bien présentée sera bien utilisée. Pour faire en sorte que la recherche donne lieu à des interventions, il faut tenir compte de nombreux autres facteurs. Ainsi, le processus de planification de la recherche nécessite une participation plus large et une dynamique plus diversifiée. En outre, les chercheurs doivent s'intéresser au processus décisionnel et y participer au lieu de s'attarder uniquement à leur recherche. Enfin, ils doivent mieux communiquer les conclusions de leurs études, en adoptant une démarche axée sur le marketing social.
Pour qu'une telle approche participative globale donne les meilleurs résultats possibles, les chercheurs et les utilisateurs de recherche doivent renforcer leurs capacités. Un mécanisme national doté d'un processus dynamique, interactif et inclusif permettrait d'améliorer les chances d'établir des liens entre la recherche et les interventions. Les chercheurs, les décideurs et les organismes de financement des recherches ont besoin de chefs de file ou de gestionnaires qui comprennent les notions et les pratiques de la gestion du savoir en vue du changement. Les gouvernements ont également un rôle essentiel à jouer, particulièrement en fournissant l'infrastructure physique et sociale nécessaires pour faciliter la recherche-action ou en réclamer. La communauté internationale de la recherche et les organismes de financement doivent changer plusieurs de leurs attitudes et pratiques traditionnelles et envisager la recherche-action davantage du point de vue des pays et en fonction des objectifs de développement à plus long terme.
Dans son rapport, la Commission sur la recherche en santé au service du développement souligne l'importance de bâtir la capacité des pays à faire de la recherche. Dans quelle mesure les pays, et notamment les pays en développement, ont-ils réussi au cours des dix dernières années à bâtir et à renforcer leur capacité à produire et à utiliser la recherche en santé orientée vers l'équité? C'est la question centrale à laquelle le présent chapitre tente de répondre. Après une analyse de la question, il présente certains enseignements tirés des initiatives de la dernière décennie et propose des stratégies visant à orienter les interventions futures.
Pour dégager des tendances et tirer des conclusions de tout un éventail d'initiatives, le présent chapitre présente plusieurs études de cas. À l'échelle internationale, il examine les activités de renforcement des capacités de deux initiatives : le Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales (TDR) et l'International Clinical Epidemiology Network (INCLEN). Il examine ensuite les initiatives régionales, notamment les activités de formation du Tropical Medicine and Public Health Center de l'Organisation des ministres de l'éducation de l'Asie du Sud-Est (Southeast Asian Ministers of Education Organization) (SEAMEO-TROPMED) et une initiative visant à analyser les capacités de recherche sur le paludisme en Afrique, menée dans le cadre de la Multilateral Initiative on Malaria (initiative multilatérale de lutte contre le paludisme; MIM). Au niveau national, il décrit une étude menée en 1998 sur le renforcement des capacités de recherche en santé en Ouganda. Ce chapitre comporte enfin des exemples d'activités de renforcement des capacités dans six pays.
Plusieurs types de données sont prises en compte pour déterminer si, au cours des dix dernières années, les efforts déployés ont effectivement renforcé les systèmes nationaux de recherche en santé. Même s'il est difficile d'établir un lien de causalité direct, il semble que le fardeau de la maladie que supportent les pauvres n'a pas diminué de façon marquée au cours de la dernière décennie et que les investissements mondiaux dans la recherche en santé, et notamment dans le renforcement des capacités, touchant les problèmes des personnes pauvres et défavorisées n'a pas augmenté substantiellement depuis dix ans. Les données disponibles donnent un aperçu mitigé de la formation et de l'affectation des ressources humaines en recherche selon les besoins des pays à faible revenu. Bien que le taux de scientifiques revenant dans leur pays natal après avoir suivi un des principaux programmes de formation semble encourageant, l'exode des cerveaux se poursuit (aussi bien vers les pays industrialisés que vers les sociétés transnationales dans les pays en développement). En outre, la qualité du milieu de la recherche constitue toujours une entrave à l'amélioration et au maintien des efforts dans la plupart des pays à faible revenu.
Le présent chapitre examine aussi brièvement plusieurs indicateurs de production. Malgré une légère augmentation du pourcentage des apports scientifiques des pays à faible revenu au savoir mondial sur la santé, ce sont les déséquilibres qui semblent avoir marqué les dix dernières années. Une proportion excessive d'apports scientifiques provient des scientifiques de pays industrialisés et porte sur les problèmes de santé du Nord.
Il reste donc d'importantes disparités entre les capacités de recherche des pays à faible revenu et celle des pays à revenus moyen et élevé. De toute évidence, on a également besoin de renseignements plus pertinents et plus exhaustifs pour évaluer les activités de renforcement des capacités de recherche. Il est encourageant de constater un intérêt renouvelé à l'égard de l'iniquité en santé et de la nécessité d'accélérer la recherche et son application relativement à cette question fondamentale. En outre, de plus en plus d'organismes internationaux sont sensibilisés à la nécessité de renforcer les capacités de recherche au niveau national.
Cinq leçons peuvent être tirées des expériences de renforcement des capacités des dix dernières années :
— Les activités de développement des capacités devraient être davantage dirigées par les pays;
— L'orientation a été trop étroite, se limitant surtout aux particuliers et aux institutions (il faut une approche plus globale axée sur les systèmes nationaux);
— L'accent a été mis surtout sur l'approche fondée sur l'offre et relativement peu d'attention a été portée au développement des capacités fondé sur la demande;
— Les programmes et les politiques de renforcement des capacités devraient accorder plus d'attention à l'objectif d'équité en santé;
— Les initiatives de renforcement des capacités devraient viser davantage à favoriser les compétences globales en résolution des problèmes dans l'ensemble du processus de recherche.
L'objectif pour la prochaine décennie demeure inchangé : veiller à ce que toutes les sociétés, en particulier celles des pays à faible revenu, aient la capacité d'appliquer les connaissances locales et mondiales à leurs propres problèmes de santé et de développement, particulièrement ceux qui touchent les personnes pauvres et défavorisées. Il s'ensuit que ces mêmes pays, s'ils en avaient l'occasion, auraient beaucoup à apporter à la compréhension mondiale de la santé et du développement. Voici les quatre éléments d'un cadre plus efficace pour atteindre cet objectif :
— Nouvelles coalitions de recherche et d'apprentissage aux niveaux national et infranational pour s'occuper des problèmes de santé et de développement prioritaires;
— Nouveaux instruments pour établir les priorités concernant la recherche en santé, évaluer l'équité en santé, surveiller le flux des ressources et évaluer les efforts de renforcement des capacités;
— Nouveau leadership, tant individuel que collectif, qui nécessiterait des compétences spéciales telles que la capacité de créer une demande, d'établir des coalitions, d'acquérir des qualités de chef et de gérer le savoir, cette dernière compétence englobant la capacité de mettre à contribution les avantages possibles des nouvelles technologies de l'information et des communications;
— Nouvelles formes de partenariat, requises de toute urgence, particulièrement entre les pays et les institutions du Nord et du Sud (ces partenariats doivent être véritablement fondés sur la collaboration, le respect mutuel et des objectifs communs).
« Le renforcement des capacités de recherche dans les pays en développement constitue l'un des moyens les plus performants, les plus rentables, et les plus durables de faire avancer la santé et le développement. » (CHRD, 1990, p. 73) C'est par cette phrase audacieuse et radicale que débute le chapitre intitulé « Bâtir et maintenir la capacité de recherche » du rapport de la Commission datant de 1990. Elle reflète l'optimisme qui caractérisait les initiatives de renforcement des capacités de recherche en santé depuis les années 1970. Par ailleurs, encouragée par les gains que la recherche avait permis de réaliser dans la lutte contre la variole, la polio et d'autres maladies, la communauté scientifique internationale croyait fermement que plus de recherche nous permettrait bientôt de comprendre et d'éradiquer d'autres maladies microbiennes, peut-être même la majorité d'entre elles. Les pays pauvres, situés pour la plupart dans les climats tropicaux, en seraient les principaux bénéficiaires. C'est ainsi que des milliers de scientifiques des pays à faible revenu ont reçu une formation spécialisée pour faire de la recherche sur les principaux tueurs, tels que le paludisme et d'autres maladies infectieuses endémiques.
En 1990, la Commission concluait qu'en dépit de deux décennies d'efforts, on avait accordé :
« ... trop peu d'importance à la question critique du développement et du maintien des capacités individuelles et institutionnelles de recherche sanitaire des pays en développement. Pour corriger ce problème, les gouvernements nationaux devront faire preuve de leadership et d'engagement, et quant aux organismes internationaux, il leur faudra offrir des appuis à plus long terme. »
CHRD (1990, p. 87)
L'encadré 6.1 énonce les conclusions spécifiques de la Commission sur le renforcement des capacités, présentées au chapitre 8 de son rapport. Dans le dernier chapitre de son rapport, la Commission, dans le cadre de ses recommandations sur la recherche nationale essentielle en santé (RNES), presse chaque pays d'établir un plan national de recherche en santé. La recommandation comprend la déclaration suivante :
« La mise en œuvre d'un tel plan nécessitera le développement et le maintien de capacités de recherche au sein des pays en développement et un
Encadré 6.1 |
Conclusions de la Commission concernant le renforcement des capacités de recherche 1. Le développement et le maintien des capacités de recherche des pays en développement sont un moyen essentiel et efficace d'accélérer les contributions de la recherche à l'amélioration de la santé et au développement. Parmi les activités essentielles pour le développement des capacités, notons : cultiver les compétences scientifiques individuelles et le leadership, renforcer les institutions, établir de solides liens entre les divers organismes de recherche et d'intervention, et fortifier les institutions nationales en les insérant dans des réseaux internationaux. 2. Le développement des capacités de recherche sanitaire spécifique doit recevoir une priorité absolue dans chaque pays à cause de son incidence sur les politiques et la gestion du secteur sanitaire. Il importe également de créer une demande pour les résultats de la recherche parmi les responsables de ce secteur, au moyen d'ententes pratiques en matière de communication, et de décisions communes sur les priorités de la recherche. 3. Un engagement national est indispensable pour s'assurer des ressources et créer un environnement positif pour développer les capacités de recherche. 4. Les organismes bilatéraux et multilatéraux ainsi que les banques pour le développement devraient réduire leur dépendance à l'égard des conseillers expatriés et accroître leurs investissements dans les capacités de recherche des pays en développement. Une attention spéciale doit être accordée aux pays de l'Afrique subsaharienne. 5. Le développement des capacités requiert un soutien durable, sur une période prolongée. Les organismes de l'extérieur peuvent être d'un plus grand secours s'ils s'engagent dès le début à apporter des soutiens financiers sur dix à quinze ans, sous réserve uniquement de l'obligation de prouver que les repères convenus sont atteints et de remettre les rapports intérimaires normalement exigés par les statuts de l'organisme. Source : CHRD (1990, p. 81) |
renforcement soutenu de la part de la communauté internationale. Il faut que chaque pays possède une masse critique de chercheurs, motivés par d'intéressantes possibilités de carriere, couvrant toute la panoplie des encouragements et des récompenses. Les chercheurs doivent avoir des contacts soutenus avec les décideurs, les gestionnaires, et les autres utilisateurs des résultats de la recherche. L'appui des gouvernements est essentiel. »
CHRD (1990, p. 88)
Cette même année, le thème de la 43ème Assemblée mondiale de la Santé (AMS) était le rôle de la recherche en santé dans la stratégie visant à promouvoir la « Santé pour tous d'ici l'an 2000 ». Les résolutions de l'AMS (Davies et Mansourian, 1992) comprenaient plusieurs recommandations spécifiques concernant le renforcement des capacités de recherche, à savoir :
— PRESSE les États membres, particulièrement les pays en développement, de bâtir et de renforcer les capacités nationales de recherche en investissant les ressources nécessaires dans les institutions nationales, en fournissant les possibilités de carrière appropriées pour attirer et maintenir en fonction leurs propres scientifiques et en créant un environnement qui favorise l'apprentissage et la créativité;
— PRESSE les organismes de développement bilatéraux et multilatéraux, les organisations non gouvernementales, les fondations et les organismes régionaux appropriés à accroître leur soutien à la recherche essentielle en santé et au renforcement des capacités de recherche.
Aujourd'hui, dix ans plus tard, quel bilan la communauté internationale dresse-t-elle de cette décennie d'activités? Plus précisément, qu'a-t-on accompli relativement au renforcement des capacités nationales de production et d'utilisation de la recherche en santé orientée vers l'équité, en particulier dans les pays à faible revenu?
Dans ce contexte, le présent chapitre consacre une section à chacune des questions suivantes :
— Qu'est-ce qui a été accompli au cours des dix dernières années?
— Quels enseignements peut-on tirer des initiatives de la dernière décennie?
— Quelles stratégies peut-on prendre en compte pour orienter les efforts futurs?
D'entrée de jeu, il peut être utile d'examiner, au moyen d'études de cas, certains efforts qui ont été déployés pour développer les capacités de recherche en santé au cours de la dernière décennie. Nous n'avons pas l'intention de présenter ici une analyse approfondie mais plutôt d'examiner plusieurs initiatives différentes pour en dégager les tendances et tirer quelques conclusions. Le fait est que les mesures visant à renforcer les capacités de recherche en santé au cours de la dernière décennie ont été variées. Bien que la diversité ait ses avantages, l'effort global de renforcement des capacités à l'échelle mondiale demeure fragmenté. On peut le constater dans les sources des différentes initiatives (p. ex., pays ou organisme externe), le manque de coordination entre les réseaux et les organismes externes et les différences d'orientation (p. ex., institution, discipline, maladie). Les exemples choisis dans le cadre du présent chapitre comprennent deux programmes mondiaux, le premier soutenu par des organismes multilatéraux, et le second par une fondation; deux initiatives régionales; une étude nationale et quelques aperçus par pays des activités de renforcement des capacités.
Parrainé conjointement par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et soutenu par d'autres organismes, le Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales (TDR) a été lancé en 1976. La plupart de ses activités concernent la recherche-développement (R-D) et le renforcement des capacités pour huit maladies tropicales, y compris la tuberculose et la dengue que l'on vient d'ajouter à la liste. Dans son rapport de 1990, la Commission recommandait « la continuité et l'expansion du soutien » (CHRD, 1990, p. 90) au Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales ainsi qu'à une initiative connexe de l'OMS, le Programme spécial de recherche, de développement et de formation à la recherche en reproduction humaine. Les principaux éléments de la composante de renforcement des capacités du TDR comprennent des subventions pour la formation en recherche (plus de 1 300 depuis 1976), pour la réintégration (environ 300 depuis 1976) et le renforcement des capacités institutionnelles (266 depuis 1976). L'investissement financier totalise plus de 100 millions de dollars américains.
Une importante étude sur les activités de renforcement des capacités a été menée en 1990 (OMS, 1991) et une autre en 1998 (dans le cadre d'une étude externe du TDR) (TDR, 1998). Une étude effectuée en 1992, qui portait également sur le Programme spécial de recherche, de développement et de formation à la recherche en reproduction humaine et le Programme mondial de lutte contre le sida, accordait une attention particulière aux pays les moins avancés (PMA), c'est-à-dire les 42 pays où le produit national brut par habitant est inférieur à 300 $US par année. Même si les activités de renforcement des capacités de recherche ont été soutenues dans le cadre du TDR dans neuf de ces pays, le consensus général est que l'apport global des trois programmes participants de l'OMS aux capacités de recherche des PMA laisse beaucoup à désirer. Ce rapport recommandait un plan d'action initial échelonné sur 12 mois dans le cadre duquel de trois à six pays feraient l'objet d'une attention particulière, dans le but explicite que les trois programmes connexes de l'OMS et le Groupe de travail sur la recherche en santé pour le développement (chargé de la mise en œuvre de la RNES) collaborent activement.
L'examen le plus récent reconnaissait que les données disponibles concernaient le processus et les indicateurs de production, ce qui a mené à la conclusion suivante : on peut observer que le programme de renforcement des capacités fonctionne bien, que ses étudiants obtiennent leur diplôme, que les enquêteurs publient et qu'il y a transfert de technologie; la question des répercussions nécessite une réflexion plus approfondie (Wayling, 1999). Le rapport de 1998 du comité d'examen externe ne faisait aucune mention des attentes de 1992 concernant l'attention spéciale qui devait être accordée à trois à six PMA, mais on soutenait en substance qu'il devenait de plus en plus urgent d'élaborer des stratégies plus efficaces pour répondre aux besoins en renforcement des capacités des PMA et de se concentrer sur les pays en développement qui supportent le fardeau de la maladie le plus lourd (TDR, 1998).
Le TDR illustre bien la collaboration continue de trois organismes qui s'occupent de maladies spécifiques. La stratégie de renforcement des capacités s'est concentrée principalement sur les particuliers et les institutions dans le cadre de recherches portant sur des maladies spécifiques. Jusqu'au moment de l'étude de 1992, le renforcement des systèmes nationaux de recherche en santé jouissait de peu d'attention, particulièrement dans les pays à faible revenu. La troisième étude de 1998 faisait la recommandation suivante, l'une de deux recommandations « obligatoires » : des stratégies mieux orientées sont nécessaires pour renforcer les capacités de recherche des pays et des régions qui supportent le fardeau le plus lourd des maladies tropicales endémiques, et notamment des PMA (TDR, 1998). En 2000, le financement global des activités de renforcement des capacités de recherche dans les PMA était de 33 p. 100. Les évaluations menées jusqu'à maintenant ont porté sur les processus et les indicateurs de production. Les rapports disponibles ne comprennent pas de données sur la question de savoir si le fardeau mondial des maladies visées par le TDR a diminué progressivement depuis le lancement du programme il y a 25 ans.
À la fin des années 1970, Kerr White, ardent défenseur de l'épidémiologie clinique, est devenu de plus en plus préoccupé par le fossé persistant entre la médecine clinique et la santé publique (White, 1991). Par ailleurs, la Fondation Rockefeller revoyait ses investissements dans les institutions de sciences de la santé et son rapport concluait que le manque d'efficacité dans la gestion des services de santé à tous les paliers constituait le problème le plus urgent dans le domaine de la santé (Evans, 1981). En outre, le rapport concluait que ceux qui peuvent assurer la direction et la gestion n'ont pas la propension, la perspective et les compétences d'analyse nécessaires pour remplir cette tâche (Evans, 1981). En 1982, ces préoccupations ont donné lieu à la création de l'INCLEN, à l'initiative de la Fondation Rockefeller qui le finance. Un rapport d'étape sur l'INCLEN a été publié en 1991 (Halstead et coll., 1991).
La principale stratégie de l'INCLEN est de trier sur le volet des jeunes professionnels de maisons d'enseignement désignées dans les pays en développement, de leur fournir une formation en recherche clinique et épidémiologique et de soutenir la création d'unités clinicoépidémiologiques (UCE) dans les universités. Une masse critique de stagiaires de l'INCLEN (habituellement entre six et dix) compose le personnel des UCE. La plupart des stagiaires sont des cliniciens et on espère que ces jeunes praticiens médicaux contribueront à régler les problèmes de santé de leurs pays respectifs. Avec le temps, l'INCLEN a ajouté des éléments de formation spéciale en économie de la santé et en sciences sociales sanitaires (Higginbotham, 1992). Reconnaissant que la Fondation Rockefeller finirait par retirer son soutien financier, l'INCLEN est devenu un organisme indépendant sans but lucratif en 1991.
Depuis la vingtaine d'années qui se sont écoulées depuis sa fondation, l'INCLEN a fourni de la formation en méthodes de recherche, en épidémiologie clinique et dans des domaines connexes à quelque 500 professionnels, et 54 institutions de 28 pays ont participé. l'INCLEN a reçu plus de 75 millions de dollars américains de la Fondation Rockefeller et des fonds supplémentaires d'autres sources (environ dix millions de dollars américains).
En 1999, une équipe d'examen externe a reconnu l'apport important de l'INCLEN à l'éducation et à la recherche en épidémiologie clinique. En plus de faire plusieurs recommandations stratégiques concernant l'avenir de l'INCLEN, l'équipe a recommandé un engagement plus solide dans le domaine de la santé publique et pressé l'organisme de faire de l'Afrique une région prioritaire aux fins de sa planification. l'INCLEN vit actuellement une transition majeure, renforçant les réseaux régionaux et faisant passer son leadership aux professionnels de la santé qui vivent dans les pays qui supportent le fardeau de la santé le plus lourd (Macfarlane et coll., 2000).
l'INCLEN a fourni une solide formation technique dans le secteur des méthodes de recherche en santé. Un certain nombre d'anciens professeurs occupent maintenant des postes supérieurs dans des universités, des ministères de la Santé et des organismes internationaux. Plusieurs professeurs ont contribué de façon considérable à la promotion, à la défense et à la mise en œuvre de la RNES. À l'instar du TDR, l'INCLEN met l'accent sur la formation de particuliers ainsi que sur la création et le soutien des UCE. Il a constitué une équipe de chercheurs indigènes capables de faire leur propre recherche et, ce faisant, a renforcé la base nationale de ressources humaines consacrées à la recherche en santé. Il a également établi de solides réseaux régionaux (en épidémiologie clinique). Cependant, le renforcement des capacités nationales de recherche en santé ne sont pas une priorité des activités de formation et de recherche de l'INCLEN. Il y a lieu de souligner qu'il a investi dans seulement deux des 42 pays désignés PMA par l'OMS: l'Ethiopie et l'Ouganda.
Il y a plus de 30 ans, les gouvernements d'Asie du Sud-Est établissaient le projet de médecine tropicale et de santé publique (Tropical Medicine and Public Health Project; TROPMED) de l'Organisation des ministres de l'Éducation des pays du Sud-Est asiatique (Southeast Asian Ministers of Education Organization; SEAMEO) dans le but d'atténuer le fardeau de la maladie dans la sous-région (on peut obtenir de plus amples renseignements à http://www.tm.mahidol.ac.th/menu.htm). L'un des objectifs de ce réseau est de soutenir la recherche sur les maladies endémiques et les nouvelles maladies associées aux changements dans l'environnement et le mode de vie (CHRD, 1990). Quatre institutions, situées à Jakarta, Kuala Lumpur, Manille et Bangkok, sont devenues les centres régionaux du TROPMED. Depuis 30 ans, plus de 3 500 professionnels de la santé ont reçu une formation dans différentes spécialités de la médecine tropicale et de la santé publique. Des dispositions de coopération avec les institutions dans les pays industrialisés permettent d'obtenir une expertise supplémentaire au besoin. Le réseau sert de lien aux programmes d'aide bilatéraux et multilatéraux régis par l'OMS et d'autres organismes des Nations Unies.
Le programme de renforcement des capacités du TROPMED n'a fait l'objet d'aucune évaluation officielle. Cependant, des renseignements sont disponibles sur le nombre de propositions financées et menées à terme et les tendances concernant les publications et le financement de la recherche. Le rapport de la réunion d'avril 2000 de l'OMS sur le renforcement des capacités, tenue à Annecy, en France, soutient que les anciens participants au TROPMED se sont distingués, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, à titre d'administrateurs, de scientifiques exceptionnels, d'universitaires, de praticiens en santé, de hauts fonctionnaires et de dirigeants nationaux (OMS, 2000c). Depuis 1990, la majorité des initiatives de formation du TROPMED mettent l'accent sur l'acquisition des connaissances et des compétences de base nécessaires pour la méthodologie et la conception des travaux de recherche à l'appui de programmes de santé spécifiques des pays membres de la SEAMEO, sauf l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande, qui sont déjà très avancés à ce chapitre. Ce réseau illustre bien l'utilité de la coopération entre les pays d'une même région. En fait, les huit ministres de l'Éducation à l'origine du réseau croyaient que la coopération entre les pays asiatiques (en l'occurrence, dans le domaine de la médecine tropicale et de la santé publique) est essentielle à la prospérité et à la stabilité de la région.
La MIM (Multilateral Initiative on Malaria; initiative multilatérale de lutte contre le paludisme) est une initiative mondiale qui vise principalement à bâtir des capacités de recherche en Afrique afin de s'attaquer à la menace sans cesse croissante que représente le paludisme. Dans le cadre de cette initiative, Wellcome Trust vient de publier une étude visant à évaluer la capacité de l'Afrique à mener une recherche sur la paludisme (Beattie et coll., 1999). L'étude a évalué les occasions de formation et fourni une évaluation des capacités et de la formation. Voici quelques-unes des principales constatations :
— Menée au moyen de la base de données du Science Citation Index (SCI), une analyse des publications sur le paludisme pour la période allant de 1995 à 1997 a révélé que 17,2 p. 100 des articles provenaient d'Afrique. Les États-Unis avaient publié 30 p. 100 de tous les documents sur le paludisme parus à l'échelle mondiale, le Royaume-Uni, 17,8 p. 100 et la France, 9,6 p. 100. Pendant cette même période, l'apport de l'Afrique à la recherche globale en santé et en biomédecine ne représentait que 1,2 p. 100 de toute la recherche mondiale. Qui plus est, le millier d'articles sur la paludisme publiés en 1995 ne représentaient que 0,3 p. 100 de tous les articles répertoriés dans le SCI, par rapport à 10,2 p. 100 pour la cardiologie et à 2,4 p. 100 pour l'arthrite et le rhumatisme.
— Sur les 752 chercheurs en paludisme travaillant dans 52 centres répartis en Afrique au moment de l'étude, 192 (26 p. 100) étaient des scientifiques de niveau postdoctoral et 168 (22 p. 100) étaient des cliniciens. Ils étaient répartis dans 22 pays. Environ le tiers des groupes de recherche sur le paludisme en Afrique étaient dirigés par des scientifiques de l'extérieur.
— L'étude visait à mesurer l'incidence de la recherche par une analyse des directives et politiques sur la gestion du paludisme en vigueur dans 11 pays d'Afrique. Cette entreprise s'est révélée difficile parce que la majeure partie des données utilisées aux fins des politiques se trouvaient dans de la « littérature grise ». En outre, beaucoup de bibliographies contenues dans les politiques étaient incomplètes.
— Pendant la période de cinq ans de 1993 à 1998, 88 p. 100 des subventions de recherche sur le paludisme versées à des chercheurs d'Afrique provenaient d'organismes hors-Afrique. Pour les études doctorales, 65 p. 100 des remerciements avaient été adressés à des organismes des pays industrialisés et 17 p. 100 à des gouvernements d'Afrique ou à des sources locales.
Le rapport contenait plusieurs recommandations particulièrement pertinentes pour la promotion des capacités nationales. Il demandait un mécanisme général permettant d'harmoniser le renforcement des capacités et les priorités de recherche nationales, et recommandait que les initiatives continuent à préparer les chefs de file scientifiques d'Afrique à jouer des rôles importants dans l'avenir.
En 1998, le conseil du COHRED a décidé de revoir sa stratégie concernant le renforcement des capacités de RNES. Cet examen comprenait des consultations et des études par pays, notamment l'Ouganda (UCD, 1998). Cette initiative tombait à point nommé pour l'Ouganda, puisque le pays avait beaucoup d'expérience dans la mise en œuvre de la RNES, l'ayant notamment appliquée au niveau des districts. En outre, il venait d'élaborer un plan de RNES (comportant une révision de ses priorités dans le domaine de la recherche en santé); cependant, l'élément de renforcement des capacités du plan était lacunaire et devait être renforcé.
L'étude avait trois objectifs :
— Examiner la capacité actuelle de l'Ouganda à mener, utiliser et gérer des recherches en santé fondées sur les priorités;
— Utiliser les conclusions de cet examen pour élaborer un plan de développement des capacités qui ferait partie intégrante du nouveau plan de RNES de l'Ouganda;
— Contribuer à un examen international du renforcement des capacités de RNES.
L'équipe chargée de l'étude a utilisé plusieurs méthodes, notamment une enquête par entrevue normalisée auprès des organismes et établissements de santé, avec les producteurs et les utilisateurs de la recherche; une recherche dans la base de données Medline pour trouver les publications ougandaises de recherche en santé; une analyse des projets de recherche en santé inscrits dans la base de données de l'Uganda National Council for Science and Technology.
L'équipe a constaté avec étonnement que la quasi-totalité du financement de la recherche (plus de 99 p. 100) provenait de sources extérieures. La majorité de la recherche en Ouganda portait essentiellement sur les nouveaux thèmes prioritaires : de nombreux chercheurs n'étaient pas au courant de ces nouvelles priorités. De plus, les bailleurs de fonds n'étaient pas non plus informés. En Ouganda, la plupart des organismes de recherche en santé partageaient un but commun : mener des études et en utiliser les résultats pour améliorer la santé des Ougandais. Bien que le nombre réel de chercheurs fût considérable, un certain nombre d'obstacles importants entravaient l'affectation efficace de cette réserve de personnes compétentes, notamment des pressions opposées, une infrastructure insuffisante, un financement limité et irrégulier et une faible reconnaissance professionnelle. Même si de nombreux projets de recherche se déroulaient au niveau du district, l'équipe chargée de l'étude estimait que le COHRED pouvait faire beaucoup plus pour amener les groupes et organismes des districts à participer à toutes les étapes de la recherche. Elle reconnaissait parfaitement la nécessité de créer un réseau (ou un organisme) national de recherche en santé pour faciliter l'interaction des intervenants et assurer la coordination globale.
L'équipe chargée de l'étude a présenté ces constatations à un atelier national qui a fait plusieurs recommandations spécifiques, notamment la création de l'Uganda National Health Research Organization (UNHRO). Certains changements de personnel au ministère de la Santé, faits peu après l'atelier, ont retardé la mise en œuvre de la plupart des recommandations. Bien que l'UNHRO soit redevenue opérationnelle, le gouvernement ne l'a toujours pas reconnue comme organisme parapublic officiel, en partie parce qu'il est occupé à mettre en œuvre la prochaine étape de ses changements politiques. L'UNHRO fonctionne néanmoins de façon provisoire et bénéficie d'un certain soutien du gouvernement ougandais. Elle est chargée de plusieurs tâches spécifiques, notamment du renforcement d'une base de données nationale sur la recherche en santé, de l'organisation d'un forum annuel sur la recherche en santé, de la facilitation de la recherche au niveau des districts (en commençant par plusieurs « districts pilotes ») et du développement d'un plan de recherche en santé s'inscrivant dans le plan national de santé actuel.
L'exemple de l'Ouganda démontre comment des plans efficaces, élaborés par des personnes compétentes, sont vulnérables aux changements politiques locaux. Cependant, il illustre également comment une petite équipe de personnes a mis tout en œuvre pour créer un système national de recherche en santé qui répondrait aux besoins des Ougandais, même si au départ les chances de réussite étaient minces.
Plusieurs autres pays à faible revenu et à revenu moyen ont entrepris un examen de leurs capacités nationales de recherche en santé. Certains de ces examens ont été présentés et discutés à la réunion d'Annecy. D'autres représentaient des types différents d'initiatives nationales. Voici quelques-uns des points saillants de ces examens.
— Pakistan — Créé en 1962, le Pakistan Medical Research Council est plus actif depuis quelques années dans le domaine de la recherche nationale en santé : il a mené des ateliers sur la méthodologie, organisé un congrès biennal sur la recherche et parrainé plusieurs conférences nationales sur des questions spécifiques. Il a notamment organisé une conférence visant à discuter des constatations d'une enquête nationale sur la recherche en santé et de ses répercussions sur les politiques. Le rapport, présenté à la réunion d'Annecy, soutenait que le Pakistan n'avait fait aucun progrès notable quant au renforcement de ses capacités de recherche en santé (Akhtar, 2000). Il soulignait également que la bureaucratie sanitaire ne s'intéressait guère à la recherche en santé et ne la jugeait pas importante. Cette situation reflète un manque général de culture de la recherche au pays, et le rapport reconnaissait la nécessité de la planification à long terme et d'une refonte du système d'éducation lui-même pour susciter un changement de mentalité et de comportement.
— Kenya — En 1998, le Kenya a procédé à une étude majeure de ses activités nationales de recherche en santé des cinq années précédentes, y compris une analyse des activités de renforcement des capacités de recherche. L'étude reconnaissait que le Kenya comptait de nombreux chercheurs hautement qualifiés, qui travaillaient dans plusieurs établissements et organismes de recherche, mais concluait que les activités de renforcement des capacités devaient comprendre un plus large éventail d'intervenants. Elle a fait des recommandations spécifiques sur la formation de chefs de file communautaires et le renforcement des liens avec le secteur privé. En outre, elle notait que, depuis peu, le Kenya s'employait à aider davantage les chercheurs à acquérir des compétences dans tous les aspects du processus de recherche, en vue de compléter son expertise de base dans des disciplines particulières.
— Indonésie — La récente révision de la politique nationale sur la recherche-développement en santé comprenait une analyse des activités de renforcement des capacités de recherche. Sous la direction de son institut national de recherche-développement en santé, l'Indonésie a élaboré un programme national de recherche en santé, renforcé son réseau de chercheurs et fourni des occasions de formation à différents niveaux. Elle a reconnu que les décideurs et les gestionnaires de la recherche en santé doivent s'engager plus résolument à renforcer les capacités et que les organismes subventionnâmes ont besoin d'un forum pour prendre des mesures de collaboration qui répondront de manière réaliste aux besoins en renforcement des capacités du système national de recherche en santé.
— République démocratique populaire lao - En 1992, après s'être remis d'une guerre coûteuse et dévastatrice, le gouvernement de la République démocratique populaire lao s'est employé à élaborer un plan directeur en santé. La recherche était l'une des neuf composantes de ce plan quinquennal. La formation des ressources humaines aux fins de la recherche a été un objectif important pendant cette période. Les activités mises en oeuvre à cette fin comprenaient la tenue de différents ateliers de formation, la création de mécanismes de recherche fondés sur la collaboration avec d'autres pays de la région, l'encouragement à la publication de rapports et d'articles et l'instauration de la formation en recherche dans le programme d'études universitaires. Encore une fois, la recherche en santé occupe une place prépondérante dans le plan de santé actuel, qui comprend des mesures de suivi aux enseignements tirés des cinq dernières années, tels que l'importance d'intégrer la recherche en santé dans la gestion du système de santé à tous les niveaux, le renforcement du système d'incitatifs pour les chercheurs et la participation des décideurs aux activités de recherche. Le rapport, également présenté à la réunion d'Annecy, comprenait également une liste de défis à relever. Il reconnaissait que la recherche est essentielle pour obtenir des gains en santé et, notamment, pour assurer l'équité en santé et la qualité de vie des habitants de la République démocratique populaire lao, y compris de tous les groupes ethniques minoritaires (Boupha, 2000).
— Tanzanie - Au cours des deux dernières années, la Tanzanie a pris d'importantes mesures pour consolider son système national de recherche en santé. En 1998, elle a créé un forum national de recherche en santé multipartite. En 1999, elle a entrepris une révision majeure de ses priorités en matière de recherche en santé. Ces initiatives s'inséraient dans une réforme nationale du secteur de la santé. La Tanzanie a reconnu que la gestion et la direction de la recherche en santé comportent des lacunes. Un atelier national tenu en janvier 2000 a servi de tribune pour l'examen de ces lacunes, et a conduit le pays à entreprendre un processus de planification visant le renforcement de ses capacités de recherche en santé. Le pays répertorie ses capacités à différents paliers, et un système de soutien à la recherche est en cours pour la santé et le développement au niveau des districts.
— Myanmar - Par l'entremise du service de recherche médicale au ministère de la Santé, le Myanmar a fait d'importants progrès au cours des dix dernières années pour ce qui est du renforcement de ses capacités de recherche en santé. Des énoncés de principes officiels ont reconnu l'importance de la recherche. Une variété d'occasions de formation sont mises à la disposition des particuliers. Le pays a mis en œuvre tout un éventail d'activités de développement institutionnel, telles que des séminaires nationaux sur la gestion de la recherche et l'utilisation à meilleur escient des conclusions des études. Il a relevé plusieurs besoins. Par exemple, le rapport présenté à la réunion d'Annecy soutenait que le facteur qui entrave le plus la recherche au Myanmar est le manque de culture de la recherche et le fait que l'on a de la difficulté à considérer la recherche comme un instrument essentiel au développement (Pang Soe et Than Tuu, 2000).
Ces études de cas par pays illustrent les différents aspects du renforcement des capacités de recherche en santé au cours des 10 dernières années, y compris un programme de longue date soutenu par des organismes multilatéraux, un réseau mondial financé en grande partie par une fondation unique, deux initiatives régionales, une initiative nationale en Ouganda et les initiatives nationales de plusieurs autres pays.
Qu'est-ce qui prouve que les efforts déployés au cours de la dernière décennie ont réellement contribué à renforcer les systèmes nationaux de recherche en santé dans les pays à faible revenu d'une manière qui profite aux personnes pauvres et défavorisées? Le reste de la présente section examine à ce sujet quatre types de données provenant de différentes sources.
Les investissements faits dans la santé au cours des dix dernières années ont-ils allégé le fardeau de la maladie chez les pauvres des pays à faible revenu? On se rend compte de plus en plus que de nombreux facteurs, outre les interventions du système de santé lui-même, déterminent l'état de santé. Il est donc impossible ou inopportun d'établir un lien direct entre l'évolution du fardeau de la maladie et le niveau d'investissement dans la recherche en santé. Cependant, il est possible de poser deux constatations générales et d'en examiner certaines répercussions :
— Le fardeau mondial de la maladie que supportent les pauvres n'a pas diminué de façon marquée au cours des années 1990.
— Les investissements mondiaux dans la recherche en santé orientée vers les problèmes des personnes pauvres et défavorisées n'ont pas augmenté substantiellement au cours de la même période.
C'est à dessein que ces constatations, très préliminaires, interpellent le lecteur. On peut s'attendre à ce que les participants à la conférence d'octobre 2000 en débattent de manière plus approfondie.
Dans un ouvrage récent sur le fardeau mondial de la maladie chez les pauvres, Gwatkin et des collègues (Gwatkin et coll., 1999; Gwatkin et Guillot, 2000) se sont de nouveau penchés sur les rapports Murray-Lopez concernant le fardeau mondial de la maladie. Au moyen de différents types d'analyses de distribution, qui comparent les groupes les plus riches aux groupes les plus pauvres, ils ont constaté que les pauvres sont encore affectés surtout par des maladies transmissibles. Après extrapolation, ils ont conclu qu'une baisse plus rapide des maladies transmissibles contribuerait à rétrécir l'écart entre les riches et les pauvres, tandis qu'une baisse plus rapide des maladies non transmissibles contribuerait à élargir cet écart. Si les iniquités en santé représentent la préoccupation primordiale, les investissements dans la recherche en santé, notamment dans le renforcement des capacités de recherche, et les interventions devront, dans l'immédiat, demeurer prioritaires dans le programme « inachevé » de lutte contre les maladies non transmissibles.
Récemment, l'OMS a élaboré un dossier intitulé La Santé : un atout précieux (OMS, 2000a) en prévision de la session extraordinaire de juin 2000 de l'Assemblée générale des Nations Unies (également appelée Copenhague plus cinq). À cette réunion, les Nations Unies ont examiné les progrès réalisés relativement aux engagements pris au Sommet mondial pour le développement social de 1995. Dans le compte rendu de cette réunion, on disait que « force est de reconnaître que la médiocrité, ou parfois l'absence, des données empêche de surveiller l'état de santé des pauvres » (OMS, 2000a). Le compte rendu se poursuivait en présentant certaines des données disponibles sur « la révolution sanitaire qui a fait un milliard de laissés-pour-compte » et un résumé de quelques tableaux du Rapport sur la santé dans le monde 1999 (OMS, 1999) concernant l'état de santé des pauvres par rapport aux non-pauvres selon des données de 1990. Il décrit ensuite comment certaines conditions sanitaires majeures (VIH-sida, paludisme, tuberculose, malnutrition, mortalité maternelle, etc.) frappent plus durement les personnes pauvres et vulnérables. Dans une section intitulée « Services de santé en crise », il décrit les inégalités entre pays et à l'intérieur des pays. Une section du rapport débute par l'hypothèse selon laquelle la prestation des services de santé se fait souvent au détriment des pauvres (OMS, 2000a). Parmi les mesures qu'elle propose, l'OMS ferait deux apports :
— Renforcer la capacité des pays à évaluer l'impact des aspects économiques, technologiques, culturels et politiques de la mondialisation sur l'équité en matière de santé et sur la santé des populations pauvres et vulnérables, et à concevoir des solutions;
— Ètablir une base mondiale de connaissances sur le développement social concernant la santé et les bonnes pratiques de protection et d'amélioration de la santé des populations pauvres et vulnérables.
La base de données mondiale actuelle ne peut nous indiquer clairement si les efforts collectifs de la dernière décennie ont réellement renforcé les systèmes de recherche en santé des pays à faible revenu suffisamment pour atténuer le fardeau de la maladie chez les personnes pauvres et vulnérables.
La formation et l'affectation des ressources humaines aux fins de la recherche en santé au cours des dix dernières années ont-elles répondu aux besoins des pays à faible revenu? Le TDR et l'INCLEN ont présenté des constatations encourageantes concernant l'exode des cerveaux. Le TDR a signalé que seulement 4,5 p. 100 (6 sur 131) des personnes ayant obtenu un doctorat entre 1990 et 1997 ne sont pas retournées dans leur pays natal après leurs études. Sur 25 ans, le taux de retour des personnes ayant suivi une formation dans le cadre du TDR s'établissait à 97 p. 100 (Wayling, 1999). Pendant la première étape de l'INCLEN en 1992, alors que toute la formation était dispensée dans des centres de pays industrialisés, on estime que 10 p. 100 des stagiaires n'avaient pas terminé leurs études ou n'étaient pas retournés dans leur établissement d'origine (Lansang, communication personnelle, 20001).
Cependant, une étude récente menée par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a révélé que beaucoup d'Africains ayant obtenu leur doctorat vivent hors de l'Afrique (environ 30 000) (UNESCO, 1999). Une étude menée en 1992 n'a dénombré que 20 000 scientifiques et ingénieurs en Afrique, soit 0,36 p. 100 du total mondial (UNESCO, 1999). Le Rapport mondial sur le développement humain 1999 contient des tableaux qui montrent la proportion de scientifiques et de techniciens qui ont fait de la R-D par 1 000 personnes, de 1990 à 1996 (PNUD, 1999). Cette proportion était de 1,3 pour 1 000 dans le monde, en regard de 4,1 dans les pays industrialisés et de 0,4 dans les pays en développement. Aucune donnée n'était disponible pour les PMA. Le Rapport sur le développement dans le monde 1998-1999 donne des renseignements semblables, indiquant le nombre de scientifiques et d'ingénieurs en R-D par million de personnes pour les années 1981-1995 (Banque mondiale, 1999). Encore une fois, pour bien des pays en développement, aucune donnée n'était disponible. Toutes les estimations disponibles pour certains pays à faible revenu établissent cette proportion pour certains pays à faible revenu à moins de 100 scientifiques et ingénieurs par million d'habitants tandis qu'elle est supérieure à 2 000 par million d'habitants dans la plupart des pays industrialisés.
Toutes les discussions qui ont cours dans les pays en développement concernant les ressources humaines affectées à la recherche en santé portent inévitablement sur « exode interne des cerveaux », c'est-à-dire le phénomène qui consiste à inciter des nationaux à travailler pour de grandes multinationales pharmaceutiques ou des organismes de santé internationaux dans leur propre pays. Dans beaucoup de pays en développement, ce phénomène a contribué à réduire les capacités nationales de recherche en santé ainsi que le nombre de personnes bien formées et compétentes qui assument une variété de responsabilités.
1 M.A. Lansang, Philippine Society for Microbiology and Infectious Diseases, Quezon City, Philippines.
Il existe des études sur l' « exode externe des cerveaux » (Carrington et Detragiache, 1999), mais pas de données globales au niveau national concernant les ressources humaines affectées à la recherche en santé. Des études nationales approfondies seraient très utiles. Des renseignements sont notamment nécessaires non seulement pour établir le nombre de chercheurs, mais également pour déterminer la qualité des efforts qu'ils consacrent à leur recherche et savoir s'ils consacrent ce temps à des questions de santé prioritaires pour leur pays. Les pays devraient intégrer ce genre de renseignements dans la composante de renforcement des capacités de leurs plans et programmes de recherche en santé. Selon des chefs de file nationaux de la recherche en santé, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer et maintenir un milieu de recherche dans les pays à faible revenu.
Dans un article de 1995 paru dans le magazine populaire Scientific American, Gibbs analyse l'apport des chercheurs des pays à faible revenu à la documentation scientifique mondiale (Gibbs, 1995). Selon sa principale constatation, les pays à faible revenu sont presque invisibles dans les revues scientifiques les plus influentes du monde. À son avis, cette situation reflète la dynamique économique et les préjugés des milieux de l'édition scientifique tout autant que la qualité réelle de la recherche dans le Tiers-Monde (Gibbs, 1995). À la réunion d'avril 2000 tenue à Annecy, Gibbs a fait le point sur cette question.
[Le nombre de revues accessibles dans] Web of Science/SCI-E est maintenant très élevé, plus de 5 500 revues par rafport à environ 3 500 dans la base de données du Science Citation Index, ce qui a contribué à faire augmenter le nombre de documents signés par des scientifiques des pays à faible revenu et à revenu moyen, notamment de l'Inde, de la Malaisie et du Brésil, relevés dans de telles enquêtes statistiques. Le nombre de revues de ces pays qui sont incluses dans la plus grande base de données augmente aussi tranquillement. Cependant, l'accès par les établissements de recherche des pays en développement à cette base de données diminue, plusieurs programmes de dons de revues ayant été annulés. C'est le cas, par exemple, d'un programme de longue date parrainé par l'American Association for the Advancement of Science.
Gibbs (1995)
La révolution de la technologie de l'information et des communications aidera-t-elle les pays à faible revenu à accéder à la base de données mondiale sur la santé et à y contribuer plus équitablement? Il y a des signes encourageants. Par exemple, le British Medical Journal a élargi son comité de rédaction afin d'y inclure plusieurs représentants de pays en développement. Cette revue, et un nombre croissant d'autres publications, sont maintenant accessibles électroniquement et gratuitement. Plusieurs revues des pays industrialisés demandent maintenant des articles et des reportages qui traitent de sujets pertinents à la situation sanitaire des pays en développement.
Un autre indicateur des progrès réalisés au chapitre du renforcement des capacités nationales de recherche réside peut-être dans l'augmentation du nombre de projets de recherche réellement financés et terminés et, surtout, le fait que l'accent soit de plus en plus mis sur les projets qui correspondent aux priorités nationales en matière de recherche en santé. Dans l'étude sur l'Ouganda, décrite précédemment, le nombre annuel de projets n'a pas changé pendant les cinq années de l'étude (1993-1997). Presque tous les projets du registre concernaient, d'une façon ou d'une autre, six priorités préétablies, et deux tiers d'entre eux portaient sur les maladies transmissibles, et particulièrement sur le sida. Les analyses d'autres pays, p. ex., les Philippines, ont donné des résultats semblables (COHRED, 1997c).
Quelle leçon pouvons-nous tirer de ce bref coup d'œil sur les produits de la recherche (plus précisément les projets et les publications)? En général, les produits scientifiques des pays industrialisés contribuent de façon écrasante au savoir mondial, comme l'indique le nombre d'articles de revues. Conformément à l'« écart 10/90 », une expression qui décrit habituellement les flux financiers, seul un petit pourcentage de la documentation scientifique mondiale sur la santé porte sur les problèmes de santé qui touchent 90 p. 100 de la population du monde.
Quels progrès ont été réalisés au cours des dix dernières années en vue d'affecter une proportion plus équitable du financement de la recherche en santé (y compris du renforcement des capacités) aux pays à faible revenu et à la recherche sur l'état de santé des pauvres? Il peut être utile de revenir au rapport de la Commission. Utilisant des données de 1986, la Commission estimait que seulement 5 p. 100 des quelques 30 millions de dollars américains étaient consacrés à la recherche de solutions aux principaux problèmes de santé qui affectaient 95 p. 100 de la population du monde. Cette situation a incité la Commission à recommander des moyens spécifiques pour obtenir des fonds pour la recherche. Elle a donc recommandé :
— que les pays en développement investissent au moins 2 p. 100 de leurs dépenses en santé dans la recherche et le renforcement des capacités de recherche;
— que les organismes d'aide réservent au moins 5 p. 100 de leur aide au titre des projets et des programmes du secteur de la santé pour la recherche et le renforcement des capacités de recherche.
Outre ces recommandations quantitatives, la Commission a également fait des suggestions concernant la qualité de la recherche et des efforts de renforcement des capacités de recherche, telles que le financement à plus long terme, les stratégies de financement novatrices et le soutien plus large.
Une étude a été faite cinq ans plus tard pour le Comité ad hoc sur la recherche en santé concernant les futurs choix d'interventions de l'OMS au moyen d'une estimation de 1992 du financement mondial de la R-D en santé (55,8 milliards de dollars américains). L'étude a révélé que le problème s'aggravait et que seulement 4,4 p. 100 (2,4 milliards de dollars américains) étaient consacrés aux problèmes de santé des pays à faible revenu et à revenu moyen (Comité ad hoc, 1996). Le point sur la situation mondiale sera fait lors de la conférence d'octobre 2000 qui se tiendra à Bangkok.
Au niveau régional, l'Organisation panaméricaine de la santé a lancé un projet qui vise à aider les pays à surveiller le flux de ressources et à obtenir du financement d'autres sources. Le projet, appelé Opportunities for Health Research Financing, a récemment analysé la composante de santé de 26 projets financés par la Banque interaméricaine de développement (BID) entre 1992 et 1999 (Panisset, 1999). De tous les prêts de la BID, 6,7 p. 100 sont allés à la recherche (totalisant quelque 260 000 $US). Une analyse par pays révèle des écarts importants. Par exemple, au Brésil, 23 p. 100 des prêts ont été consentis pour des projets de recherche, tandis qu'en Argentine, cette proportion n'était que de 5 p. 100.
Récemment, l'équipe spéciale sur les flux de ressources du COHRED a entrepris une étude des flux de ressources au titre de la R-D en santé en Malaisie, aux Philippines et en Thaïlande (COHRED, 2000a). Aux Philippines, en 1996, 19 p. 100 du budget gouvernemental a été consacré à la santé, mais les fonds alloués à la R-D étaient inférieurs à 1 p. 100 et les fonds affectés à la recherche en santé représentaient 17 p. 100 du budget de R-D, soit 1 p. 100 du budget de la santé. Les hôpitaux privés et les établissements universitaires gouvernementaux ont utilisé juste un peu plus de la moitié de ce montant (55 p. 100).
Que pouvons-nous conclure de l'analyse jusqu'à maintenant? Quels progrès ont été réalisés en vue de renforcer la capacité des pays à faible revenu à mener des études et à en utiliser les résultats pour alléger le fardeau de la maladie que supportent les personnes pauvres et défavorisées? Au moins une conclusion s'impose : il y a lieu de mieux informer les pays en développement. Dans l'ensemble, il reste d'importantes disparités entre les capacités de recherche des pays à faible revenu et celles des pays à revenu moyen et élevé.
Il y a des signes encourageants. De toute évidence, à bien des niveaux, on s'intéresse de plus en plus aux iniquités en santé et à la nécessité de prendre des mesures pour y remédier. Comme il en est question au chapitre 2, le milieu de la recherche en santé s'emploie à analyser ce problème et à proposer des orientations concernant les mesures à prendre. En outre, des organismes internationaux sont de plus en plus conscients de la nécessité de concentrer les efforts de renforcement des capacités à l'échelle nationale. Il en est également question dans la mission et les activités de l'Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé nouvellement constituée (pour de plus amples renseignements, visiter http://www.who.int/evidence/alliance.htm), le travail du COHRED (1994) et la récente transition de l'INCLEN, qui comporte un renforcement des activités régionales et nationales.
Qu'avons-nous appris des initiatives de renforcement des capacités des dix dernières années? Voici cinq enseignements suggérés :
— Les activités de développement des capacités devraient être davantage dirigées par les pays;
— L'orientation a été trop étroite, se limitant principalement aux particuliers et aux institutions (il faut une approche plus globale axée sur les systèmes nationaux);
— L'accent a surtout été mis sur l'approche fondée sur l'offre et relativement peu d'attention a été portée au développement des capacités fondé sur la demande;
— Les programmes et les politiques de renforcement des capacités devraient accorder plus d'attention à l'objectif d'équité en santé;
— Les initiatives de renforcement des capacités devraient viser davantage à favoriser les compétences globales en résolution des problèmes dans l'ensemble du processus de recherche pour compléter les aspects plus techniques.
Cette idée n'est pas nouvelle. Le rapport de la Commission et de nombreux autres écrits en font clairement état. Au fil des ans, depuis la parution du rapport de la Commission, les organismes, et notamment les organismes externes, n'ont pas réussi à l'assimiler ou à y donner suite. Les indications recueillies dans les pays en développement sont également très nettes, comme en témoignent les aperçus présentés plus haut. La première conclusion de la réunion de l'OMS tenue en avril 2000 sur le renforcement des capacités de recherche présentait le même point de vue :
Le programme de recherche en santé, comprenant un plan de renforcement des capacités de recherche, relève surtout des pays eux-mêmes. On a reconnu que seuls les pays peuvent faire une analyse de la situation pertinente aux conditions et au contexte locaux. Les pays doivent définir leurs propres priorités de recherche et procéder à une étude opérationnelle localement appropriée. En outre, chaque pays doit décider de la nature et de la portée de son apport au programme de recherche mondial. Tous ces principes ont un effet direct sur l'évaluation des capacités de recherche d'un pays ainsi que sur les plans et les programmes de renforcement de ces capacités.
— OMS (2000c)
La majeure partie des investissements faits dans les capacités de recherche en santé, tel que l'illustrent certaines des études de cas présentées précédemment, concernent l'acquisition de compétences chez les particuliers, les institutions et les services. Certes, ces intervenants sont importants, voire essentiels, mais ils ne suffisent pas à eux seuls. Le milieu plus global dans lequel évoluent les particuliers et les institutions doit faire l'objet d'une attention plus soutenue. Bien que cette perspective plus globale et la nécessité de créer une « culture de la recherche » aient été reconnues il y a longtemps, les stratégies à utiliser à cette fin demeurent vagues.
Une étude entreprise par le PNUD (Hilderbrand et Grindle, 1994) a fourni quelques renseignements utiles concernant l'approche sys-témique au renforcement des capacités nationales. L'étude a été entreprise à la suite d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies (Résolution 44/211), qui demandait aux organismes des Nations Unies de trouver des stratégies plus cohérentes pour renforcer les capacités nationales. (La Banque mondiale a exprimé des préoccupations semblables, en particulier au regard de l'Afrique [Banque mondiale, 1991].) Le Harvard Institute for International Development a dirigé l'étude pilote du PNUD en se concentrant sur les capacités du secteur public au niveau national. L'étude comprenait des études de cas portant sur six pays : la Bolivie, la République centrafricaine, le Ghana, le Maroc, le Sri Lanka et la Tanzanie. Chaque étude de cas présentait une analyse détaillée des « réseaux de tâches » nationaux. L'analyse des constatations a donné lieu à plusieurs apports importants, notamment la détermination des dimensions des capacités, la mise en place d'un cadre global transcendant les particuliers et les institutions pour englober les réseaux de tâches, le contexte du secteur public et le milieu d'intervention national, comprenant les facteurs économiques, politiques et sociaux. Compte tenu de ce travail, certaines directives d'intervention ont été publiées dans des documents subséquents du PNUD (PNUD, 1998). Ces directives consistent en instruments et en modèles qu'il y a lieu d'appliquer aux niveaux des particuliers, des organismes et des systèmes.
Depuis plus de dix ans, le renforcement des capacités de recherche en santé semble surtout inspiré du modèle économique fondé sur l'offre, c'est-à-dire que la majeure partie des investissements servent à produire plus de scientifiques, à créer des unités de recherche plus solides (dotées d'une masse critique optimale) et à renforcer les institutions de recherche. Pourtant, on reconnaît généralement dans les pays industrialisés que les progrès en sciences et en technologie procèdent : en grande partie de la demande de nouvelles applications. Dans les pays à faible revenu, les fonctionnaires, les groupes communautaires, les médias et l'industrie demandent peu de nouvelles connaissances qui résultent de la recherche. Par conséquent, les pays en développement investissent peu dans la R-D. C'est donc dire que les nouveaux chercheurs sont peu encouragés à demeurer dans les universités et les instituts de recherche (en partie, à cause des faibles salaires); ceux qui restent ont peine à trouver la motivation nécessaire pour approfondir leurs connaissances et innover leur vie durant. Les stratégies de renforcement des capacités fondées sur l'offre qui négligent la nécessité de stimuler la demande de recherche peuvent déformer encore plus la répartition des investissements (Bowles et Gintis, 1996). Cependant, les stratégies visant à stimuler la demande doivent tenir compte des réalités, des besoins et de la culture des différents groupes d'utilisateurs.
Il peut être utile d'établir une distinction entre la recherche visant à résoudre les problèmes à court terme au moyen d'applications directes et la recherche exploratoire à long terme; on parle parfois de recherche en aval ou de recherche en amont pour qualifier ces concepts. Comme les pays à faible revenu ont des besoins pressants, ils ont beaucoup à gagner d'investissements qu'ils feraient dans la recherche visant à résoudre les problèmes à court terme. Pour certains pays en développement, des investissements moindres dans la recherche à long terme peuvent être appropriés. Dans les cas où les liens entre la recherche orientée vers les applications et son utilisation sont faibles, même une « recherche appropriée » pourrait être faite en vain. Des liens étroits avec les régions concernées inciteront les chercheurs à s'occuper efficacement des problèmes pressants des pays à faible revenu. Le Ghana illustre de façon encourageante ce principe (voir encadré 6.2).
D'autres chapitres du présent ouvrage traitent des stratégies permettant de faire augmenter la demande et l'utilisation de la recherche par les collectivités (chapitre 4) et les décideurs (chapitre 5). La création d'une demande est une importante compétence en leadership pour les gestionnaires nationaux de la recherche en santé comme il en est question ci-dessous.
Le titre du rapport de 1990 de la Commission fait ressortir l'idée audacieuse que la recherche en santé est (ou devrait être) un « élément essentiel d'un développement équitable ». Heureusement, depuis plusieurs années, la notion d'équité fait boule de neige parmi les bailleurs de fonds et les groupes de chercheurs (Gwatkin, 2000). Les activités de renforcement des capacités reflètent-elles ce nouvel intérêt?
Dans un essai réfléchi et prospectif rédigé peu après la création du COHRED, le professeur Gelia Castillo des Philippines a présenté quelques propositions concernant la formation des chercheurs pour atteindre l'équité (Castillo, 1993). Elle laissait entendre que les chercheurs avaient besoin de qualités ou d'habiletés supplémentaires telles que la capacité :
— de déterminer, de définir et d'aborder la dimension « équité » des problèmes de santé et de développement;
— de comprendre et d'assimiler la notion voulant que l'efficacité de la science ne soit pas seulement fonction de sa rigueur, mais aussi de sa pertinence pour les personnes démunies sur le plan de la santé;
— de s'exposer aux conditions locales et de se familiariser avec les réalités du système de santé;
— de contrôler, d'évaluer et de documenter les répercussions de la recherche en santé sur les personnes qui devraient bénéficier de la RNES.
De plus en plus d'initiatives de recherche se concentrent sur la question de l'iniquité en santé (comme il en est question au chapitre 2). Certaines de ces initiatives comprennent un élément de renforcement des capacités. La Banque mondiale a rédigé un guide utile visant les programmes de recherche multilatéraux sur l'équité, la pauvreté et la santé (Carr et coll., 1999), comprenant une liste de projets par pays.
Si l'un des principaux objectifs de la recherche en santé est d'améliorer la santé et le bien-être des populations défavorisées, les programmes de renforcement des capacités doivent transcender la méthodologie, l'élaboration de protocoles et l'acquisition d'une expertise dans des techniques spécialisées. Pourtant, la plupart des chercheurs des pays en développement qui reçoivent une formation à l'extérieur de leur pays confirment que la majeure partie de leur formation a porté sur ces éléments. La défense, la création de partenariats, l'établissement des priorités, la facilitation du processus de recherche-action et l'évaluation des répercussions ne représentent qu'une infime partie de la formation, si tant est qu'ils en font partie. En d'autres termes, le répertoire des capacités des institutions et des réseaux nationaux de recherche en santé doit comprendre tous les aspects du processus de recherche, de l'identification des problèmes à l'application des conclusions.
Encadré 6.2 |
Renforcement des capacités pour accroître la demande de recherche au Ghana Il y a longtemps que le Ghana fait de la recherche en santé qui est étroitement liée aux services de santé. Cependant, dans les années 1980, en partie à cause de problèmes économiques généralisés, les liens entre la recherche et les politiques se sont beaucoup affaiblis. À la fin des années 1980, un projet de recherche opérationnelle sur la faisabilité d'un programme traditionnel d'accoucheuses comprenait une vérification de gestion au niveau du sous-district. Les données ainsi produites se sont révélées très utiles et ont conduit directement à l'amélioration du système. En partie grâce à cette expérience, le directeur des services médicaux a établi un mécanisme permettant de lier la recherche directement au travail du ministère de la Santé. Une déclaration de sa part témoigne de son engagement envers la recherche : « Lorsque j'ai étudié pour devenir planificateur en santé, la recherche faisait partie du processus de planification. Je considère qu'au niveau opérationnel, la recherche est un instrument de gestion et je m'attends à ce que tous les gestionnaires des services de santé de district acquièrent les compétences nécessaires pour faire de la recherche. » Le Ghana a créé le service de recherche en santé au ministère de la Santé en 1990 et publié son cadre d'action touchant la recherche en santé pour les années 1992-1996. Une stratégie importante de ce cadre d'action était le renforcement de la capacité des districts à produire et à utiliser la recherche. Ce processus a débuté aux niveaux régional et provincial, où des équipes de recherche ont été mises sur pied et formées, puis s'est étendu aux équipes de district. La formation porte notamment sur les aspects techniques de la conception de la recherche ainsi que sur les stratégies de diffusion et d'utilisation des résultats. La gestion de la recherche s'est graduellement insérée dans le cadre de gestion des services de santé. Les connaissances produites dans les districts et au niveau régional ont servi directement à la planification et à la mise en œuvre des programmes locaux. Parmi les exemples, on relève la consommation de vitamine A, l'utilisation de filets de lit traités aux insecticides et une meilleure utilisation des contraceptifs. Plus récemment, le Ghana a adopté un programme national révisé de recherche en santé à l'appui des éléments clés du programme actuel de réforme du secteur de la santé. Ainsi, la recherche porte sur l'accessibilité et la qualité des services de santé, les liens dans le secteur de la santé, le financement de la santé et l'efficacité générale de la réforme. L'expérience du Ghana illustre l'importance d'une direction politique de haut niveau et d'un engagement envers l'utilisation de la recherche. Elle illustre également le principe de l'intégration de la recherche et de la prestation des services de santé (c'est-à-dire de « offre » et de la « demande ») par la création de coalitions infranationales de recherche et d'intervention. Source : adapté de Adjei et Gyapong (1999) |
L'évaluation provisoire que le COHRED a effectuée en 1996 insistait sur ce point (COHRED, 1996) et recommandait que les composantes du processus de RNES (identifiées pour la première fois à la conférence de Pattaya en 1990) soient considérées comme des « technologies ». En réponse à cette recommandation, le conseil du COHRED a mis sur pied l'équipe spéciale sur les compétences en RNES : les groupes de travail de cette équipe s'occupent de compétences spécifiques, à savoir, la promotion, la défense et les mécanismes nationaux; l'établissement des priorités; l'utilisation de la recherche dans les interventions et les politiques; la participation des collectivités. Chaque groupe a analysé les données disponibles des pays qui ont adopté la stratégie de RNES, examiné les documents pertinents et l'expérience d'ailleurs, et rédigé des documents pour diffusion, notamment des monographies et des dossiers. Les organismes et les groupes, particulièrement les groupes nationaux, utilisent ces documents (Une liste de quelques-uns de ces documents se trouve dans l'encadré 8.4 au chapitre 8.)
En outre, il faut intégrer l'utilisation de ces compétences pour s'attaquer aux problèmes prioritaires de santé et de développement aux niveaux national et infranational. Ce concept procède de réflexions récentes concernant la dynamique de la science et de la recherche dans les sociétés contemporaines. Par exemple, dans une monographie qui suscite la réflexion intitulée The New Production of Knowledge, Gibbons et coll. (1994) décrivent l'émergence d'un système de connaissances appelé « Mode 2 ». Ils analysent plusieurs caractéristiques de la recherche en Mode 2 : production des connaissances dans le contexte de leur application; responsabilité sociale; transdisciplinarité; diversité de structures organisationnelles. La production et l'application du savoir nécessitent toutes deux des sites et des « acteurs » divers; l'expression répartition sociale décrit cette caractéristique. Le succès dépend non seulement de l'excellence scientifique, mais également de l'utilité, de la pertinence et de l'efficacité du mode de production. Les nouvelles technologies de l'information et des communications soutiennent donc les activités de recherche en Mode 2.
Pour l'avenir, le but général du renforcement des capacités demeure inchangé : faire en sorte que tous les pays, particulièrement les pays à faible revenu, aient la capacité d'appliquer les connaissances locales et mondiales à leurs problèmes de santé et de développement (en particulier ceux qui touchent les personnes pauvres et défavorisées) et de contribuer à la production de connaissances mondiales dans ce domaine. Pour ce faire, il faut cependant un cadre plus efficient. La présente section souligne ce qui, dans une certaine mesure, constitue une « approche neuve » au renforcement des capacités de recherche en santé. Les quatre éléments de cette approche sont décrits cidessous : nouvelles coalitions, nouveaux instruments, nouveau leadership et nouveaux partenariats Nord-Sud.
Comment est-il possible de créer et de soutenir des mécanismes et des réseaux nationaux efficaces de recherche en santé? Depuis dix ans, on accorde plus d'attention à cette question. L'hypothèse sousjacente est que de nombreux organismes et groupes doivent se concerter pour renforcer les capacités de recherche des pays en développement. Tous ces organismes et groupes sont des intervenants dans la production des recherches en santé orientées vers l'équité et fondées sur les priorités, et ils en sont aussi les utilisateurs. Cependant, le processus qui mène à des interactions efficaces parmi les intervenants est complexe, et les organismes participants euxmêmes doivent être assez solides pour contribuer efficacement à un réseau ou « système » national. Il est également nécessaire de faire en sorte que les interactions de ces organismes et groupes soient bien coordonnées et efficientes.
L'étude sur le renforcement des capacités du PNUD, décrite précédemment (PNUD, 1998), a porté une attention particulière aux réseaux nationaux de tâches (qui comprenaient le secteur public). Compte tenu d'un certain nombre d'études de cas de pays, le PNUD a précisé certaines des caractéristiques permettant d'assurer le succès de réseaux nationaux, notamment :
— des politiques précisant les buts d'une action concertée;
— des mécanismes spécifiques pour faciliter les interactions fréquentes des organismes;
— la clarté des responsabilités des organismes.
Dans une publication récente, le groupe de travail du COHRED chargé de la promotion, de la défense et du mécanisme de RNES a examiné et résumé l'expérience de plusieurs pays à faible revenu et à revenu moyen relativement à la création ou à la modification des mécanismes nationaux visant à promouvoir la RNES (COHRED, 1999). Cet examen suggère quatre facteurs qui influent sur l'efficacité de ces mécanismes : la promotion de l'équité en santé, l'intervention à titre d'agent du changement, le soutien au système de recherche et l'adaptation aux nouvelles circonstances. Pour chacun de ces quatre facteurs, l'examen a déterminé l'idée maîtresse et l'a illustrée en donnant des exemples provenant de pays à faible revenu et à revenu moyen. Il décrit plusieurs types de coalitions et rend compte de l'expérience de pays comme le Bangladesh, le Kenya, la Jamaïque, le Nicaragua, les Philippines, l'Afrique du Sud et l'Ouganda. L'aperçu de l'expérience tanzanienne, résumé précédemment, décrit la création récente du Tanzanian National Health Research Forum, qui a regroupé tous les principaux intervenants dans le cadre d'une nouvelle structure de concertation visant à coordonner la recherche en santé.
En outre, au niveau des districts et des sous-districts, la recherche et les interventions sanitaires prennent de plus en plus d'importance. Mentionnons comme exemples le Tanzania Essential Health Intervention Project (TEHIP) et l'Initiative for Sub-District Support (ISDS) en Afrique du Sud.
Le TEHIP a été instauré en 1997 dans le but d'éprouver les innovations dans les secteurs de la planification fondée sur l'expérience clinique, l'établissement des priorités et l'affectation des ressources au niveau des districts (TEHIP News, 1999). Conformément au processus de réforme du secteur de la santé en Tanzanie, qui se caractérise par la décentralisation vers les districts, le TEHIP se déroule dans deux districts. Le projet est toujours en cours, mais jusqu'à maintenant, l'expérience confirme que les coalitions de planification dans les districts peuvent renforcer leurs capacités et que les districts peuvent utiliser différents genres de données locales pour la prise de décisions quotidiennes et l'affectation des ressources. La recherche en cours vise à déterminer le coût de ce processus et ses répercussions sur le fardeau de la maladie.
Il est intéressant de noter que le TEHIP a constitué des centres d'excellence virtuels, misant pour cette approche sur un consortium interdisciplinaire et interinstitutionnel de chercheurs tanzaniens qui appliquent leurs talents à la résolution de problèmes pratiques. Dans les faits, cela représente une « méta-expérience » du renforcement des capacités. En plus de parvenir à l'efficacité des coûts, le TEHIP permet également d'atténuer les préjugés de longue date que les chercheurs et fonctionnaires entretiennent les uns envers les autres. Les chercheurs sont sensibilisés aux réalités et aux contraintes du système de santé et les fonctionnaires apprennent à respecter les efforts que les chercheurs déploient pour s'attaquer à des problèmes pressants. Petit à petit, un climat de confiance s'installe entre les fonctionnaires et les chercheurs à mesure qu'ils échangent données, ressources et responsabilités administratives.
L'ISDS (Initiative for Sub-District Support), initiative sud-africaine lancée en 1996 pour démontrer comment un soutien systématique et constant peut améliorer les soins de santé primaires à différents sites, illustre bien aussi l'importance accordée aux coalitions dans les districts (ISDS, 1998). Par exemple, dans le district de Mount Frère, l'un des plus pauvres d'Afrique du Sud, l'ISDS a établi une coalition de résolution des problèmes dotée d'un programme de recherche clair. Ce projet faisait intervenir les services de santé gouvernementaux, une organisation non gouvernementale (ONG) de développement local (Isinamva) et les membres de la collectivité. Les intervenants ont convenu de trois priorités de recherche : identifier qui était malade et mourait dans le district et déterminer les taux de morbidité et de mortalité, établir les raisons pour lesquelles le taux de mortalité chez les enfants admis à l'hôpital de Mount Frère pour malnutrition était de 50 p. 100, et déterminer pourquoi les cliniques étaient dépourvues de médicaments. Les trois intervenants ont participé à la conception de l'étude communautaire ainsi qu'à la collecte et à l'analyse des données (McCoy, 1997).
Plusieurs enseignements importants se dégagent de l'expérience de l'ISDS menée dans huit sites d'Afrique du Sud, notamment l'importance :
— de faire une analyse initiale de la situation pour établir une base de données d'observation et bâtir une coalition;
— de faire appel à des facilitateurs externes comme « intermédiaires honnêtes »;
— de s'attaquer seulement à un petit nombre de problèmes communs à la fois;
— de recourir à des ateliers de formation pour établir et renforcer le travail d'équipe.
Essentiellement, la nouvelle « masse critique » devrait être nationale et les réseaux de recherche et d'apprentissage infrana-tionaux devraient être orientés vers des problèmes de santé spécifiques et étroitement liés à d'autres initiatives internationales et régionales pertinentes de recherche. Ces réseaux reconnaissent et soutiennent différents sites de production de connaissances, facilitent la communication entre ces sites, contribuent à lancer des interventions concertées orientées vers les problèmes et favorisent l'apprentissage pratique à titre de modèle de surveillance et d'évaluation continues.
De nouveaux instruments sont requis pour faire en sorte que la recherche en santé réduise les iniquités en santé et en développement. Ces instruments devraient favoriser la réflexion systémique de manière à aider les participants au processus de recherche en santé à voir l'ensemble de la situation, au lieu de ses composantes, et à relever les tendances de changement plutôt que les événements isolés. Certains de ces instruments sont décrits ci-dessous.
Le groupe de travail du COHRED chargé de l'établissement des priorités a examiné l'expérience des pays en développement qui établissent des priorités touchant la recherche en santé (COHRED-WGPS, 2000). Ces pays ont ouvert leur processus d'établissement des priorités à plusieurs intervenants : chercheurs, décideurs, fournisseurs de soins, représentants communautaires et parfois bailleurs de fonds (nationaux et internationaux). Bien que certaines similitudes existent d'un pays à un autre, chacun a élaboré son propre processus de détermination et d'utilisation des critères d'établissement des priorités. Jusqu'à maintenant, l'expérience a démontré que le processus d'établissement des priorités de recherche multipartite est complexe. L'une des étapes souvent problématique est le passage de la détermination des priorités à la mise en œuvre. Un autre problème se présente lorsqu'il s'agit d'harmoniser les intérêts des organismes subvention-naires et les priorités locales et nationales. Un guide récent décrit la majeure partie de l'expérience vécue jusqu'à maintenant (Chong-trakul et Okello, 2000).
Comme il en est question au chapitre 2, on s'intéresse de plus en plus à l'iniquité en santé, et de nombreux groupes travaillent à la conception d'instruments et de systèmes permettant de décrire et de surveiller cette question. La majeure partie de cette activité est résumée dans une publication utile rédigée par la Banque mondiale (Carr et coll., 1999).
Comme il en a été question précédemment, plusieurs pays (la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande) viennent d'entreprendre des études pour retracer le flux des ressources consacrées à la R-D en santé (COHRED, 2000a). À la suite de cette étude, le COHRED élabore une trousse de formation qui aidera d'autres pays à faire des analyses semblables.
Dans la foulée de l'importante étude lancée par le PNUD sur le renforcement des capacités, décrite précédemment (Hilderbrand et Grindle, 1994), le Harvard Institute for International Development a entrepris des travaux visant à élaborer des indicateurs permettant de mesurer les investissements faits dans le renforcement des capacités de recherche. Ce travail porte sur quatre niveaux de renforcement des capacités : chercheurs, groupes, institutions et communautés nationales de recherche. Un rapport d'étape sur cette initiative a été présenté à la récente réunion d'Annecy, comprenant une description des projets pilotes en cours visant à mettre au point les indicateurs (Simon, 2000).
On s'intéresse de plus en plus à la place distincte et importante que devrait occuper le leadership dans le processus de changement. Une partie de la recherche et de l'analyse du « facteur de leadership » a été appliquée à différents aspects de la réforme du secteur de la santé (Neufeld et coll., 1995). Cependant, la majeure partie de la recherche sur le leadership se limite généralement au secteur privé des pays industrialisés. Néanmoins, la façon d'envisager le leadership a évolué :
— Les qualités individuelles cèdent le pas au contexte spécifique dans lequel s'exerce le leadership (en d'autres termes, on met moins l'accent sur les qualités personnelles des chefs et davantage sur le leadership requis dans une situation donnée);
— Ce n'est plus uniquement le particulier qui compte, mais également les équipes de direction (on se préoccupe moins de contrôler que de faire participer);
— L'uniformité est de plus en plus abandonnée au profit de la diversité et de la valorisation des différences.
Dans les pays en développement, les gestionnaires de la recherche ont également exprimé leur besoin de compétences améliorées en gestion. En réponse, plusieurs organismes ont élaboré des modules de formation et organisé des séminaires sur cette question (CRDI et OMS, 1992).
Quelles compétences spéciales en leadership (individuelles et collectives) sont requises pour permettre aux systèmes de recherche en santé des pays à faible revenu de réduire les iniquités en santé? La présente section expose certaines de ces compétences spéciales qui s'ajoutent aux attributs généraux que tout chef de file doit posséder, notamment la capacité d'établir un objectif collectif, d'inspirer et de « saisir l'occasion ».
L'économie du savoir prend de plus en plus d'importance dans le développement social et économique (Banque mondiale, 1999). Qu'est-ce que cela signifie pour les gestionnaires de la recherche en santé dans les pays à faible revenu? En égard aux progrès remarquables réalisés dans le développement et l'utilisation des technologies de l'information et des communications, presque tous les pays devraient avoir facilement accès à une base de données mondiale. De façon plus précise, les gestionnaires de la recherche en santé devraient être en mesure d'appliquer les connaissances disponibles, tant localement qu'à l'échelle internationale, aux problèmes de santé locaux. Cependant, les coûts de transaction des communications sont élevés dans les pays à faible revenu, notamment à cause de la mauvaise qualité des infrastructures de communication et de l'accès limité aux sources de connaissances mondiales. Il arrive souvent aussi que les gestionnaires de santé des pays à faible revenu accomplissent des tâches qui, dans les pays industrialisés, feraient partie du travail du personnel de soutien et n'ont pas suffisamment de temps ni même d'occasions d'acquérir les connaissances et les habitudes nécessaires pour utiliser les technologies de l'information et des communications.
Le potentiel des technologies de l'information et des communications crée une occasion idéale pour les organismes internationaux et les partenaires du Nord de faciliter le renforcement des capacités de gestion du savoir des gestionnaires de la recherche en santé dans le Sud. Il y a plusieurs exemples encourageants d'organismes qui ont saisi cette occasion. L'un d'eux est Scientists for Health and Research for Development (SHARED). Cet organisme a créé un système interactif accessible sur Internet concernant les projets de recherche, les organismes de financement, les réseaux et les documents de recherche (pour de plus amples renseignements, visiter son site Web à http://www.shared.de/). Un autre exemple est le projet Health Information for Development, lancé en janvier 2000, qui élabore actuellement un répertoire mondial des centres de ressources d'information en matière de santé (voir http://www.iswp.org).
En plus des compétences nécessaires pour utiliser les technologies de l'information et des communications, les gestionnaires du savoir doivent être en mesure d'évaluer de manière critique la validité de la base de données d'observation aux fins des interventions sanitaires et d'interpréter les données pour les mettre en application de façon appropriée. Le Centre de collaboration Cochrane est une coalition internationale de cliniciens et de consommateurs qui travaillent surtout par l'entremise d'Internet à concevoir et à mener des études systématiques dans tous les secteurs des soins de santé, à en rendre compte, à en diffuser les conclusions et à faire des critiques (pour de plus amples renseignements, visiter http://www.hiru.mcmaster.ca/cochrane).
Comme il en a été question précédemment, les efforts déployés pour renforcer les capacités de recherche ont surtout porté sur l'offre au détriment de la création d'une demande de recherche. Qu'est-ce que cela signifie au regard des compétences en leadership des gestionnaires de la recherche en santé dans les pays en développement? Stimuler la demande de recherche peut consister à cibler des groupes d'utilisateurs autres que les chercheurs, notamment les législateurs, les médias, les comités de développement des districts et le secteur privé. En Afrique du Sud, par exemple, les législateurs nationaux ont contribué à la conception d'une enquête statistique nationale auprès des établissements de santé, comprenant un mécanisme de contrôle des progrès dans la prestation de services équitables (HST, 2000).
Si les réseaux et les coalitions de recherche et d'apprentissage deviennent une caractéristique de plus en plus importante des systèmes nationaux de recherche en santé, il faut s'attendre à ce que des compétences en établissement de coalitions soient de plus en plus recherchées. Ces compétences revêtent une importance particulière dans les pays en développement, où la collaboration intersectorielle est nécessaire à la recherche en santé et à la prise de mesures efficaces pour régler la plupart des problèmes de santé. Plusieurs analyses importantes de collaboration intersectorielle sont disponibles et contribuent à expliquer le rôle des facilitateurs (promoteurs de coalitions) dans la collaboration (Harris, 1995; Burdach, 1998).
Trop souvent, les nouveaux gestionnaires de la recherche en santé et les équipes de gestion ne sont pas prêts à assumer leurs nouvelles responsabilités. Généralement, les chercheurs de niveau supérieur sont promus à des postes de direction uniquement en fonction de l'ancienneté et de leurs antécédents scientifiques et universitaires. Bien que certains gestionnaires utilisent déjà des méthodes informelles pour préparer les futurs chefs de file, il serait utile d'accorder une plus grande attention à des stratégies spécifiques de développement du leadership. Il peut s'agir d'un programme de lecture et de discussions sur le leadership efficace, d'une planification officielle de la relève et de mentorat systématique (Pegg, 1999).
Malgré l'intention des pays en développement de créer et de maintenir des systèmes autosuffisants de recherche en santé, il n'en demeure pas moins qu'un grand nombre d'entre eux dépendent beaucoup des ressources du Nord, et notamment du soutien à la réforme du secteur de la santé en général et aux activités de recherche en santé en particulier. Le fait est que dans l'immédiat, l'interaction Nord-Sud doit demeurer un élément important de la recherche en santé dans nombre de pays en développement. Dans quelle mesure ces partenariats contribuent-ils au renforcement des capacités nationales de recherche en santé dans les pays à faible revenu? Quelle leçon nous a léguée l'expérience des dix dernières années à cet égard?
Certaines réflexions sur ces questions sont présentées dans les récentes auto-évaluations de certains organismes bilatéraux. Dans un recueil réfléchi, la Swedish Agency for Research Cooperation with Developing Countries (SAREC) fait le bilan de son expérience des 20 années précédentes (SAREC, 1995). Le renforcement des capacités des départements universitaires a marqué le soutien à la recherche, notamment à la recherche en santé, offert par la SAREC (qui est devenue l'Organisation suédoise pour le développement international [Swedish International Development Cooperation Agency, SIDA-SAREC]). Sa stratégie pour les années 1990 a été de poursuivre dans cette direction, en ajoutant des mesures pour aider les universités dans leur ensemble, notamment au chapitre de la formation en recherche et de l'administration universitaire. Elle a commencé à consacrer une part plus grande de l'enveloppe totale à l'amélioration des conditions de recherche dans les universités, notamment par un soutien aux réformes, à la gestion de recherches, aux bibliothèques, aux connexions Internet et aux laboratoires. La contribution aux fonds universitaires pour la recherche, qui était alors une caractéristique relativement nouvelle, visait à stimuler les systèmes d'inspection professionnelle et le processus décisionnel relativement à la recherche. Le rapport final résume assez bien la tendance générale du présent ouvrage : la recherche et les chercheurs devraient jouer un rôle actif et proactif dans le processus de changement. Cette perspective peut s'écarter à première vue du portrait traditionnel du chercheur comme universitaire « objectif » et détaché qui ne doit pas participer aux événements (SAREC, 1995). Les politiques et les programmes actuels de la SIDA-SAREC sont décrits dans une publication plus récente (SIDA-SAREC, 2000).
En 1997, le ministère des Affaires étrangères de la Norvège commandait une étude globale de l'aide bilatérale de la Norvège au titre du développement des institutions, et notamment de l'expérience de trois voies qu'utilisait la Norwegian Agency for International Development (NAID): le secteur public, les entreprises privées et les ONG (Gouvernement de Norvège, 1998). Le rapport a révélé qu'en général, on est de plus en plus sensibilisé et engagé envers le développement institutionnel (renforcement des capacités) dans les institutions publiques et les ONG. Cependant, il a également révélé que les objectifs de la politique étaient vagues, qu'il manquait de perspectives globales sur le développement et que la base de données empiriques pour évaluer les résultats était lacunaire. Il contenait une série de recommandations dont l'application devait se faire à trois niveaux : le ministère des Affaires étrangères, la NAID et les organisations norvégiennes. Les recommandations concernant ces dernières précisaient qu'il fallait mettre davantage l'accent sur l'acquisition des compétences et des habiletés nécessaires à la résolution des problèmes dans les pays en développement (Gouvernement de Norvège, 1998), c'est-à-dire sur la capacité d'apprendre.
Aux Pays-Bas, la Directorate General for International Cooperation (DGIS) a élaboré un programme de coopération fondé sur la demande visant la recherche en santé en Afrique (Wolffers et coll., 1998). Cette initiative visait trois pays : le Bénin, le Ghana et le Mozambique. La première étape de cette exploration a révélé que la coopération conventionnelle en recherche est souvent improductive pour le développement d'un milieu de recherche durable (Wolffers et coll., 1998). Cette initiative a donné lieu à un programme de recherche en santé fondé sur la coopération entre le Ghana et les Pays-Bas qui visait réellement à accorder la priorité aux besoins du Sud (Wolffers et coll., 1998). Il y a lieu de surveiller l'évolution de cette expérience et d'autres expériences semblables et de continuer à diffuser les renseignements qui en découlent dans la communauté internationale de la recherche en santé.
Les organismes multilatéraux ont eux aussi réévalué leur rôle dans le renforcement des capacités au niveau des pays. L'OMS vient de faire un examen de ses apports (Lucas et coll., 1997). Au chapitre des capacités nationales de gestion des services de santé, le rapport révèle que la haute direction est souvent instable et que le taux de roulement des cadres supérieurs, notamment des ministres de la Santé et des chefs administratifs et professionnels, est élevé. L'étude ne portait pas spécifiquement sur la question des capacités nationales de recherche en santé, mais plutôt sur le développement des services de santé en général; cependant, elle recommande une nouvelle approche, que les enquêteurs ont nommée « la présence essentielle », qui consiste à adapter l'apport de l'OMS aux besoins et aux capacités de chaque pays et à l'apport d'autres organismes extérieurs. L'auteur principal du rapport a par la suite demandé à l'OMS d'améliorer sa propre capacité d'analyse pour que l'organisme remplisse adéquatement ses nouvelles fonctions (Lucas, 1998).
Avec la création récente du service de politiques et de coopération en matière de recherche (décrit au chapitre 1), l'OMS accorde une plus grande priorité à la recherche en santé dans son plan de travail. Il est important de noter que le renforcement des capacités de recherche constitue le principal objectif de ce nouveau service, comme en témoigne le processus de consultation de l'initiative Relevant Research Excellence Accelerates Complete Health (l'excellence et la pertinence de la recherche accélèrent la santé globale), qui met l'accent sur un nouveau paradigme de renforcement des capacités de recherche. Les critères des prix internationaux de recherche en santé, qui seront décernés à la conférence de Bangkok en octobre 2000, reflètent également cette invitation à l'innovation. De même, la réunion d'avril 2000 à Annecy comportait certaines caractéristiques encourageantes, annonciatrices d'un renouveau (OMS, 2000c). Bien qu'elle fût lancée par l'OMS, cette réunion était commanditée par plusieurs autres groupes. La plupart des participants provenaient des pays en développement. Elle accordait la plus grande priorité à des discussions approfondies entre les équipes de travail dans le but d'analyser les expériences de différents pays, d'intégrer d'autres renseignements dans le contexte des réalités de chaque pays et de proposer des mesures. Il est ressorti de cette réunion deux séries de conclusions : une description des principaux principes et stratégies visant le renforcement des capacités de recherche et des idées d'action devant être intégrées dans le nouveau cadre et la nouvelle vision touchant le renforcement des capacités.
Un numéro spécial de la revue Health Policy and Planning publié récemment examine la question de la coordination et de la gestion des ressources externes dans les secteurs de la santé des pays à faible revenu; il comprend plusieurs études de cas par pays (Walt et coll., 1999b). La majeure partie de cette analyse procède de projets financés par des prêts consentis par les grandes banques de développement. Elle ne porte pas spécifiquement sur la production et l'utilisation de la recherche en santé, mais certaines idées importantes s'appliquent à la question des partenariats Nord-Sud, notamment l'importance de relations officielles et non officielles et l'instabilité inhérente du processus de gestion des ressources externes. Cette analyse a également mis en lumière l'importance de s'attarder particulièrement aux conditions propres à chaque pays.
Une description utile des principes importants des partenariats Nord-Sud est présentée dans une publication récente de la Commission suisse pour le partenariat scientifique avec les pays en développement (KFPE) (KFPE, 1998). Ces principes sont résumés dans l'encadré 6.3.
Le poète américain Robert Frost a écrit : « J'ai des promesses à tenir et des milles à franchir avant d'aller dormir ». Cette phrase s'applique aux espoirs et aux perspectives de renforcement des capacités de recherche en santé énoncés il y a dix ans. Au mieux, les progrès réalisés dans la décennie écoulée ont été modestes. Pour bâtir efficacement des capacités nationales de recherche en santé, nous devons changer du tout au tout notre conceptualisation de cet objectif et prendre les mesures qui s'imposent pour l'atteindre. Les stratégies actuelles fondées sur l'offre renforcent trop souvent les incitatifs du marché et des pairs qui concentrent la recherche sur les problèmes des riches. En fait, l'accent mis à l'échelle internationale sur le développement de nouveaux produits peut nuire à l'équité.
Nous devons passer à un développement des capacités fondé sur la demande en nous laissant guider par les besoins et les réalités des pays en développement. Les dirigeants nationaux devraient être soutenus dans leurs efforts visant à façonner la recherche et à former des coalitions et réseaux d'apprentissage en fonction des problèmes. Il faudra créer et appliquer de nouveaux instruments dans un but spécifique. Pour exploiter le potentiel de la révolution informatique, des stratégies seront nécessaires pour réduire les coûts des communications pour les producteurs et les utilisateurs de la recherche dans les pays en développement. Et les chefs de file de la recherche dans le Nord et dans le Sud devront renforcer leur capacité de participer efficacement à des partenariats comportant une véritable collaboration fondée sur le respect mutuel et des objectifs communs.
Encadré 6.3 |
Les 11 principes des partenariats de recherche Les questions sont adaptées d'une liste de vérification qui accompagne chaque principe. 1. Déterminer ensemble l'objet de la recherche — Tous les acteurs concernés par la recherche participent-ils activement à la définition du thème de recherche? 2. Établir un climat de confiance — Tous les partenaires se connaissent-ils déjà suffisamment bien et peuvent-ils se faire mutuellement confiance? 3. Partager l'information et créer des réseaux — Les partenaires disposent-ils tous de l'infrastructure et de l'organisation nécessaires pour pouvoir communiquer régulièrement et suffisamment? 4. Partager les responsabilités — Les partenaires responsables ont-ils tous accès aux documents qui les concernent? 5. Promouvoir la transparence — Les compétences en matière de décisions font-elles l'objet de règles claires et équitables? 6. Assurer le suivi de la coopération — Les critères des évaluations internes ont-ils été définis en commun et sont-ils connus de tous? 7. Faire connaître les résultats — Prévoit-on de faire connaître les conclusions des recherches aux personnes directement concernées? 8. Exploiter les résultats — Toutes les parties concernées participent-elles à la planification de la mise en œuvre? 9. Partager équitablement les gains — La publication des résultats met-elle correctement en valeur tous les participants aux travaux de recherche? 10. Renforcer le potentiel de recherche — La recherche contribuera-t-elle à accroître le potentiel scientifique des partenaires? 11. Assurer l'acquis — Les conclusions de la recherche contribuent-elles à mettre en relief l'importance de la recherche? Source : KFPE, 1998 |
Le présent chapitre examine les liens entre les activités nationales de recherche en santé et les organismes régionaux. Il aborde six régions où la plupart des pays sont à revenu faible ou moyen. Les chefs de file de la recherche présentent un profil de leur région respective, son passé, son présent et son avenir, et décrivent les organismes existants, notamment ceux qui influent sur la recherche en santé au niveau national. Le présent chapitre analyse également les réalisations passées pour en dégager des enseignements et les perspectives d'avenir.
Les données historiques démontrent qu'il y a des siècles, l'Afrique contribuait beaucoup à la science dans différents domaines, notamment les mathématiques avancées, l'astronomie, l'agriculture et la médecine. Pendant l'époque coloniale, la recherche en santé a surtout porté sur des maladies spécifiques qui touchaient les expatriés et se déroulait dans les centres de recherche à vocation unique. Avec l'indépendance, les pays ont pris en charge les structures de recherche établies et, de concert avec les universités, ont tenté d'adapter les systèmes de recherche en santé en fonction de leurs besoins.
Au cours des 10 dernières années, 24 pays d'Afrique ont adopté la stratégie de recherche nationale essentielle en santé (RNES), déterminant les priorités nationales de recherche en santé, renforçant les mécanismes de coordination et favorisant le réseautage. Les structures régionales comprennent le réseau africain de RNES, le réseau régional de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et un certain nombre d'autres réseaux de santé et de recherche en santé. Dans l'ensemble, on estime que collectivement, ces réseaux ne sont pas parvenus à renforcer de manière significative les systèmes nationaux de recherche en santé. À partir des enseignements du passé et de leurs expériences, les pays d'Afrique ont établi un objectif global et un programme de recherche en santé pour l'avenir : la recherche en santé doit être dirigée par les pays et mettre un accent particulier sur la recherche qui place l'équité au coeur du développement de la santé.
Plus de la moitié de la population mondiale vit en Asie, une région d'une diversité remarquable à tous égards : économique, culturel, social et politique. L'OMS répartit les pays d'Asie entre trois bureaux régionaux. Plusieurs réseaux et organismes s'intéressent à la recherche en santé tant à l'intérieur des pays que dans l'ensemble de la région. Des organismes tels que le Tropical Medicine and Public Health Center de l'Organisation des ministres de l'éducation de l'Asie du Sud-Est (Southeast Asian Ministers of Education Organization) (SEAMEO-TROPMED) ont apporté beaucoup à la recherche en santé, notamment au renforcement des capacités de recherche. Cependant, à quelques exceptions près, les organismes régionaux ont mis du temps à favoriser la recherche coopérative portant sur les nouveaux problèmes de santé. On peut faire plus pour créer et faciliter les coalitions de recherche entre pays qui se pencheraient sur des problèmes tels que l'incidence de la libéralisation du commerce sur les services de santé et les effets de la migration sur le transfert des risques de santé. La section sur l'Asie décrit une expérience récente qui fait intervenir la création de l'Asian Forum for Health Research (le forum asiatique sur la recherche en santé) qui s'est employé spécifiquement à préparer la position de l'Asie en vue de la conférence d'octobre 2000 sur la recherche en santé, en mettant à contribution de façon novatrice et efficace l'énergie et l'expérience de nombreux groupes nationaux et régionaux de recherche en santé.
La section sur les Antilles présente l'expérience des îles anglophones et néerlandophones de cette région. Les structures régionales pertinentes sont la Conference of Ministers Responsible for Health (CMRH), l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et le Caribbean Health Research Council (CHRC). Des analyses des documents présentés aux assemblées scientifiques annuelles du CHRC révèlent que la recherche s'oriente progressivement vers les problèmes de santé que les ministres de la santé ont désignés comme prioritaires pour la région. Cependant, dans l'ensemble, la « culture de la recherche » est absente de la région, où le soutien gouvernemental à la recherche est faible et où les infrastructures, les capacités de gestion et les liens avec la politique de santé sont déficients. Les pays perçoivent le CHRC comme un organisme qui fait d'importants apports comme des forums (les assemblées scientifiques annuelles), des ateliers de formation, l'administration des subventions de recherche et la défense de la stratégie de RNES. Quatre pays de ce groupe comptent maintenant des comités de RNES et une initiative récente est en cours pour déterminer les priorités au chapitre de la recherche en santé.
La recherche en santé est une tradition de longue date dans les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est et dans les anciens pays de l'Union soviétique, devenus les Nouveaux États indépendants, qui comptent des scientifiques et des établissements de recherche mondialement reconnus. Suite aux bouleversements socioéconomiques que la région a connus à la fin des années 1980 et au début des années 1990, le financement de la recherche et les capacités de recherche ont diminué dans plusieurs pays. Les changements sociaux rapides ont créé de nouveaux défis pour les chercheurs en santé, en particulier au chapitre de la recherche comportementale (recherche sur les inégalités sociales) et de la recherche sur les systèmes de santé. Pendant cette période, bon nombre des anciennes structures régionales se sont désintégrées, mais de nouvelles relations se sont formées, particulièrement avec des homologues des pays industrialisés d'Europe occidentale. De nouveaux réseaux régionaux ont vu le jour, tels que le Central Asian Research Information Network (CARIN), lancé par le Bureau régional pour l'Europe de l'OMS. En dépit des bouleversements systémiques de la dernière décennie, beaucoup d'établissements de recherche ont survécu. Maintenant, le défi consiste à faire fond sur ces acquis et à renforcer les capacités dans des secteurs tels que l'établissement des priorités, la gestion de la recherche, la participation des collectivités et l'établissement de coalitions qui soient mutuellement bénéfiques.
Les 23 pays qui relèvent du Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'OMS présentent une remarquable diversité. Anciennes civilisations et traditions culturelles enracinées caractérisent cette région. Bien que sa diversité se reflète dans la situation de la recherche en santé, certaines caractéristiques générales se retrouvent dans la plupart des pays : les planificateurs demandent un minimum de recherche; en général, seuls les chercheurs établissent les priorités; peu de pays disposent de réseaux nationaux de recherche en santé; les capacités de recherche sont faibles, en particulier pour ce qui est des aspects plus généraux du processus de recherche. Les seules structures régionales de santé relèvent du Bureau régional de l'OMS. Un groupe de travail régional sur la recherche en santé, établi en 1986, a aidé un certain nombre de pays à élaborer des politiques et des stratégies nationales de recherche en santé. Peu de pays de la région ont adopté la stratégie de RNES. Une consultation régionale récente a mis en relief l'importance des organismes nationaux multipartites de recherche en santé et la nécessité d'un forum régional de recherche en santé.
Trois grandes conclusions se dégagent de l'analyse régionale :
— Les structures régionales de recherche en santé devraient d'abord répondre aux besoins des pays;
— Les organismes régionaux sont plus efficaces lorsque leurs activités complètent celles que les pays peuvent et devraient faire pour eux-mêmes;
— Plusieurs régions considèrent qu'il est nécessaire de créer des forums régionaux de recherche en santé, et de renforcer ceux qui existent, notamment pour défendre les perspectives et les besoins des pays lors des discussions mondiales.
Dans les années 1990, le profil scientifique et technologique de l'Amérique latine s'est amélioré au rythme de la reprise économique générale qu'a connue cette région après la crise financière de la décennie précédente. Par conséquent, les investissements dans la recherche-développement (R-D) en santé, le nombre de chercheurs et le volume des publications scientifiques dans la région ont augmenté. La majeure partie de cette augmentation s'est produite dans un petit nombre de pays, principalement l'Argentine, le Brésil, le Chili et le Mexique. Les tendances régionales au chapitre de la santé comprennent une diminution des taux de mortalité et une hausse de l'espérance de vie d'une part, mais un élargissement des iniquités en santé d'autre part. La communauté de la recherche en santé d'Amérique latine tente de réagir en mettant davantage l'accent sur létablissement de priorités pour la recherche en santé et en portant une plus grande attention à la diffusion et à l'utilisation des recherches. L'OPS s'est concentrée sur les besoins de recherche en santé des pays à faible revenu de la région, en favorisant la création de réseaux institutionnels pour mener des recherches sur les problèmes prioritaires. Plusieurs de ces coalitions se concentrent sur les iniquités en santé. On a ainsi appris que le processus de changement est lent et difficile, par exemple, l'utilisation par les conseils scientifiques d'un ensemble global de critères régissant le processus d'évaluation par des pairs, y compris la pertinence pour les politiques. Les coalitions utilisent les nouvelles technologies de l'information et des communications à l'appui de politiques et de pratiques de recherche plus décentralisées, participatives et orientées vers les problèmes.
Pour bien des pays, la recherche en santé est en grande partie fonction de leurs interactions avec d'autres pays, par l'entremise de structures régionales. La nature de ces structures varie; il s'agit tantôt de réseaux informels, tantôt d'organismes officiels. Parfois, ce sont des subdivisions géographiques d'organismes mondiaux, telles que les bureaux régionaux de l'OMS. Les pays peuvent profiter de ces affiliations régionales par l'échange de renseignements, le financement, le soutien technique et la participation à un éventail d'activités et de projets multinationaux.
Le présent chapitre examine la relation entre les structures régionales et les activités nationales de recherche en santé par l'entremise d'une analyse de la situation dans six régions : l'Afrique, l'Asie, les Antilles, l'Europe centrale et l'Europe de l'Est, la Méditerranée orientale et l'Amérique latine. Ces régions comprennent surtout des pays à revenu faible ou moyen.
Les chefs de file de la recherche de ces six régions présentent un profil de leur région respective, soulignant les principaux événements survenus au cours des dix dernières années, la situation actuelle et les tendances futures. Ils décrivent les organismes régionaux qui influent sur les activités nationales re recherche en santé et expliquent comment à leur avis les structures régionales ont contribué, ou peut-être nui, aux efforts nationaux de recherche en santé fondée sur les priorités et orientée vers l'équité. Dans certains cas, ils parlent des enseignements tirés de l'expérience et font des suggestions pour l'avenir. Le chapitre se termine par un résumé de certains enjeux communs et des observations.
Contrairement à la croyance populaire, il existe en Afrique une tradition scientifique et technologique. L'histoire nous rappelle en effet que dans différentes régions du continent, on a étudié et utilisé les mathématiques avancées, l'astronomie, la sidérurgie, l'architecture, l'agriculture et la médecine. Les explorateurs et les colonisateurs européens ont divisé le continent en sphères d'influence politique et économique, ce qui a eu un effet profond sur l'orientation du développement général. Il semble également que cette division ait effacé les réalisations scientifiques du passé et freiné tout progrès.
Pendant l'occupation, les investissements en sciences reposaient surtout sur les intérêts des gouvernements coloniaux. La priorité était accordée à la recherche dans les secteurs ayant une valeur commerciale directe, tels que l'agriculture et l'élevage. La recherche en santé avait peu d'importance, sauf si elle portait sur des maladies qui menaçaient la construction de l'empire. Ce faisant, les premiers instituts de recherche eurent recours aux services de scientifiques provenant de conseils et d'instituts de recherche médicale et d'universités des pays colonisateurs. C'est ainsi que les premiers laboratoires de recherche furent dirigés par des organismes tels que le British Medical Research Council, l'Institut Pasteur et les écoles de médecine tropicale de Londres, de Liverpool et d'Anvers.
Les gouvernements coloniaux investissaient à divers degrés dans la recherche en santé. Certains y consacraient le minimum de ressources, tandis que d'autres contribuaient à l'établissement de réseaux régionaux étendus de laboratoires. Au début, les programmes de recherche et de lutte contre les maladies visaient des problèmes de santé tels que le paludisme et d'autres maladies tropicales, la fièvre virale hémorragique et quelques affections peu communes. Les laboratoires établis en Afrique, de concert avec leurs établissements mères, ont fait d'importants apports concernant l'épidémiologie, l'étiologie, la transmission et la gestion des maladies parasitaires tropicales. Beaucoup de jeunes scientifiques visiteurs ont bâti leur carrière dans ces laboratoires; certains sont même devenus des sommités mondiales de la médecine tropicale.
Avant l'indépendance, la région avait établi quelques réseaux importants de recherche en santé. L'East African Medical Research Council, dans l'ancien empire britannique, gérait une série de laboratoires au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie, chacun ayant des fonctions spécialisées. En Afrique occidentale française, des travaux de recherche ont été effectués dans des réseaux supervisés par l'Institut de recherche scientifique pour le développement, l'Institut français d'Afrique noire et l'Institut Pasteur. Ces réseaux étaient bien établis dans de nombreux pays, dont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun et la Guinée-Conakry. L'Afrique du Sud, un pays isolé, a établi son propre institut, le South African Institute for Medical Research, dont le programme était orienté au départ par l'industrie minière en pleine expansion. Ces institutions faisaient de la recherche de qualité supérieure, mais elles accordaient peu d'importance au développement des capacités de recherche indigènes.
Avec l'indépendance et le départ des scientifiques étrangers, certains laboratoires, en particulier dans les anciens pays français, furent abandonnés ou laissés entre les mains de techniciens incapables de diriger des recherches. Ainsi, chaque pays, une fois devenu indépendant, a hérité des structures de recherche qui avaient été mises en place. Faute d'une culture de la recherche, la plupart des pays prêtèrent peu d'attention au développement local des sciences et de la technologie (S-T), se contentant d'adopter des technologies disponibles sur le marché. L'élaboration et l'orientation de la recherche en santé furent laissées aux mains des nouvelles universités locales qui, de concert avec leurs partenaires externes, établirent les priorités. Il n'est pas étonnant de constater que ce sont les particuliers, les institutions et les organismes de financement qui décidaient des priorités.
L'importance de la recherche pour le développement étant de plus en plus reconnue, les pays de la région accordèrent plus d'importance aux sciences et à la recherche, établissant des conseils de recherche et des ministères des sciences et de la technologie. Malheureusement, leurs décisions ne furent pas toujours mises en œuvre efficacement. Souvent, les gouvernements ne finançaient pas suffisamment la recherche dans les conseils, instituts et universités, ce qui en limitait la production. Dans l'ensemble du secteur scientifique, la recherche en santé est rarement jugée prioritaire. En général, les dirigeants gouvernementaux considèrent le financement du secteur social, et notamment de la santé, comme un fardeau financier plutôt que comme un investissement.
Au début du nouveau millénaire, l'apport de l'Afrique au portefeuille mondial de S-T est marginal, la part de la production scientifique mondiale assumée par le continent africain étant inférieure à 0,3 p. 100. En outre, l'Afrique subsaharienne reçoit à peine 1 p. 100 des dépenses mondiales dans le domaine de la recherche en santé. La faiblesse des investissements dans la recherche en santé et la démotivation généralisée se sont traduites par des capacités de recherche déficientes et l'exode du capital humain. Par ailleurs, de nombreux pays affectent beaucoup de ressources financières aux consultants externes et à l'aide technique, dépenses qui représentent actuellement près de 40 p. 100 de l'aide au développement.
Malgré les défis que représentent l'apparition ou la réapparition de maladies, les inégalités sans cesse croissantes en santé et les effets de la mondialisation, il y a lieu d'être optimiste. Les dernières années ont été marquées par une meilleure gestion et une amélioration de l'économie, permettant d'affecter plus de ressources à la santé et à la recherche en santé.
Depuis la publication du rapport de la Commission sur la recherche en santé au service du développement, en 1990, 24 pays d'Afrique, avec l'aide du Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED), ont adopté la stratégie de RNES. Certains n'ont pas réussi à mettre en œuvre leurs plans, mais près de la moitié ont fait des progrès importants en vue de refondre leur système national de recherche en santé. L'établissement des priorités a été à l'avant-plan de l'élaboration d'une nouvelle approche au développement de la recherche. De manière inclusive, les pays ont analysé leur situation sanitaire et l'état de leur recherche en santé, organisé des consultations dans les districts et les régions et tenu des ateliers nationaux multipartites pour déterminer les priorités qui devraient guider la recherche future. Une autre issue majeure de ces consultations a été une discussion sur les mécanismes de recherche nationaux visant à défendre la recherche et à promouvoir le réseautage. Quelques pays ont établi des mécanismes très complexes. Par contre, faute de financement local et externe suffisant, les pays ont de la difficulté à établir des projets de recherche axés sur leurs priorités.
Au niveau régional, le réseau africain de RNES a vu le jour en 1994 et un coordonnateur a été nommé. En 1996, le réseau accueillait 11 autres réseaux régionaux de recherche en santé en vue de créer des liens plus étroits entre eux. À la suite de l'une des recommandations, l'initiative African Research Organizations and Networks a été mise sur pied pour améliorer la dialogue électronique entre les chercheurs de la région. Depuis, des réunions des réseaux ont lieu chaque année. Ce forum utile permet aux pays de faire part de leurs expériences et d'élaborer des plans de travail. Les efforts de promotion ont permis d'élargir le réseau et un certain nombre de pays ont produit des monographies détaillées. Par exemple, des études par pays sur le renforcement des capacités, la participation des collectivités et l'établissement des priorités ont été commandées et leurs conclusions ont orienté les processus de recherche dans les pays. Les pays les plus forts continuent de soutenir les plus faibles. Le réseau africain de RNES a notamment facilité la consultation africaine en vue de la conférence de Bangkok d'octobre 2000.
Quarante-six pays d'Afrique sont membres du réseau régional de l'OMS et chacun compte un représentant à l'OMS. Les ministres de la Santé se rencontrent régulièrement dans le cadre d'un comité régional et orientent leurs délibérations sur les stratégies sanitaires pour la région. Même si le bureau régional de l'OMS a un programme de recherche, il n'a pas été particulièrement proactif en ce qui concerne le développement de la recherche en santé. L'Organisation de l'Unité africaine, qui compte également un bureau de S-T, n'a pas été un partenaire significatif de la recherche en santé. (Malgré tout, ces deux organismes régionaux seraient en mesure de diriger la recherche en santé.) Mis à part le réseau africain de RNES, d'autres réseaux importants de recherche ont des racines dans la région, notamment les suivants :
— Commonwealth Regional Health Community;
— Joint Project on Health Systems Research (relève maintenant du bureau régional de l'OMS);
— International Clinical Epidemiology Network (INCLEN);
— Programme international pour la Politique de Santé (PIPS);
— Network of Public Health Institutions;
— Social Science and Medicine Africa Network (SOMA-NET);
— University Partnerships Project;
— African Network on Malaria and Vaccine Trials.
La région de l'Afrique compte de nombreux autres réseaux récemment formés.
Beaucoup de répondants à la consultation africaine ont dit croire que les réseaux régionaux peuvent servir de catalyseurs au renforcement de la recherche dans la région. Cependant, on pense généralement que les réseaux existants n'ont pas collaboré efficacement et que c'est pour cette raison qu'ils n'ont pas eu les effets escomptés, particulièrement au regard du renforcement des capacités, de la recherche concertée et de l'échange de renseignements. Pour beaucoup, la majorité de ces réseaux n'ont pas une perspective assez large des besoins de l'Afrique en matière de recherche en santé et, par conséquent, ils tendent à poursuivre des intérêts restreints. Au cours des 10 dernières années, on a assisté à la formation d'un certain nombre d'initiatives internationales, qui visaient toutes à soutenir la recherche en santé dans les pays en développement, notamment le COHRED, le Forum mondial pour la recherche en santé, l'Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé, et Scientists for Health and Research for Development (SHARED).
L'apport des réseaux régionaux et internationaux s'est sans aucun doute fait dans le respect de leur mandat. Ainsi, la plupart ont fourni de la formation, organisé des réunions et des conférences pour la diffusion de la recherche, rapproché les décideurs et les chercheurs, et amélioré la collaboration. Cependant, on estime généralement que, dans l'ensemble, ils n'ont eu aucun effet significatif. Ils n'ont pas accordé la priorité aux questions étroitement reliées au renforcement de la recherche en santé, comme les politiques, les mécanismes opérationnels, le financement, le réseautage, la technologie de l'information, l'éthique et les partenariats. Les intérêts territoriaux restreints de certains des réseaux peuvent même avoir contribué à fragmenter davantage la recherche.
À partir de leurs expériences passées, les pays d'Afrique ont élaboré un objectif global et un programme de recherche en santé pour les décennies à venir. L'accent sera mis particulièrement sur la recherche qui place l'équité au coeur du développement de la santé. L'avenir de la recherche en santé au niveau national est résolument axé sur les pays et, dans tous les cas, la recherche doit être dirigée par les pays. Les initiatives, qu'elles soient régionales ou mondiales, doivent respecter ce principe. Une plus grande attention doit être accordée au renforcement des capacités, à la coordination et à la création d'un milieu motivant. Le renforcement des capacités sera global et concernera la quantité et la qualité, la recherche multidisciplinaire, la demande et l'utilisation de la recherche, la direction et la gestion de la recherche, l'analyse des politiques, la publication et la diffusion de renseignements, la création de partenariats, les technologies de communication et les établissements. Tous les pays considèrent qu'un mécanisme de coordination national est important, voire nécessaire. Ce mécanisme, quel qu'il soit, doit être généralement accepté et bénéficier du soutien politique et financier du gouvernement et d'autres partenaires nationaux. Il doit être adapté au pays, établi en collaboration avec le pays, transparent, ascendant et clairement orienté vers les problèmes du pays et du district. Il vaut la peine d'envisager un forum national, comme l'ont déjà fait quelques pays. Parmi ses fonctions, on retrouverait la défense, la coordination, le réseautage et l'utilisation du savoir.
Au niveau régional, on croit fermement que l'Afrique devrait disposer d'un forum efficace et autonome de recherche en santé, doté d'un secrétariat. Ce forum devrait être situé en Afrique, avoir un conseil d'administration et travailler en étroite collaboration avec le bureau régional de l'OMS et d'autres partenaires importants du renforcement de la recherche en santé. Les principales fonctions de ce mécanisme seraient de définir les politiques générales et les plans de travail pour la région, de défendre les intérêts de l'Afrique dans ses négociations avec les partenaires des initiatives et des projets internationaux de développement, d'assurer un réseautage actif, de jouer le rôle de mécanisme de soutien des activités du pays, de remplir des fonctions d'analyse et de fournir un point de vue sur les préoccupations générales concernant l'éthique, les pratiques optimales dans la collaboration Nord-Sud et l'obtention des fonds.
À l'échelle mondiale, on s'inquiète de ce que la majeure partie des initiatives internationales ne représentent pas sérieusement les intérêts des Africains. La fragmentation à l'échelle internationale se traduit par une certaine confusion dans les systèmes de recherche nationaux : des choix arbitraires concernant ce qu'il faut faire, avec qui collaborer et qui engager comme expert. Les gens de la plupart des pays n'aiment pas cette façon de procéder. Ils veulent que les bailleurs de fonds fassent front commun pour respecter les priorités et les mécanismes nationaux, et qu'ils travaillent de concert pour favoriser une meilleure gestion, une plus grande efficacité et une recherche plus durable. Ils réclament un renforcement supplémentaire du modèle mis de l'avant par le COHRED, avec son orientation vers les mécanismes de recherche nationaux.
Il est pratiquement impossible en quelques paragraphes, de présenter un profil complet de cette vaste région du monde. Plus de 50 p. 100 de la population mondiale vit dans cette région d'une diversité remarquable à tous égards : économique, culturel, social et politique, au plan national et international. À elle seule, l'Inde compterait 40 groupes linguistiques distincts; dans certains États indiens, la population frôle les 100 millions de personnes. Le continent asiatique comprend des sous-régions fort différentes les unes des autres.
À cette remarquable diversité s'ajoutent les effets de la mondialisation. Pour illustrer ce propos, mentionnons la récente crise économique, dont les effets imprévus et graves ont touché non seulement les pays du Sud-Est asiatique directement concernés, mais également les économies du monde entier. Avec l'allégement des restrictions commerciales, le secteur de la santé a connu une croissance rapide des services médicaux privés, de la technologie médicale et la libéralisation des marchés de l'assurance-santé, ce qui, dans certains cas, s'est traduit par un élargissement des disparités dans le domaine de la santé (COHRED, 2000a).
Plusieurs organismes commerciaux et économiques distincts sont présents en Asie, notamment l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) et de l'Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR). Le réseau de l'OMS divise les pays asiatiques en trois régions. Des pays tels que l'Afghanistan et le Pakistan relèvent du Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'OMS. Le reste de l'Asie est divisé entre les bureaux régionaux de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental. D'autres organismes internationaux divisent l'Asie en différents groupes.
Beaucoup de structures et d'organismes de recherche en santé œuvrent dans l'ensemble de l'Asie. Des pays importants comme la Chine et l'Inde ont leurs propres organismes et réseaux de recherche en santé. Par exemple, l'Indian Council for Medical Research comprend un réseau de centres de recherche orientés vers des problèmes spécifiques répartis dans l'ensemble du pays; il constitue un important mécanisme de coordination de la recherche en santé dans ce pays qui compte maintenant un milliard d'habitants. En Chine, on trouve le China Network for Training and Research in Health Economics and Financing. Créé sous la gouverne du ministère de la Santé, ce réseau comprend le China National Health Economics Institute et 10 autres institutions situées dans des universités médicales réparties dans l'ensemble du pays.
Certains organismes régionaux de recherche en santé existent depuis de nombreuses années; c'est le cas notamment du SEAMEO-TROPMED, organisme qui se consacre au soutien du développement de la santé, et notamment de la recherche en santé, en Asie du Sud-Est. (Le chapitre 6 décrit plus en détail les activités du SEAMEO-TROPMED.) D'autres groupes sont plus récents; p. ex., le Southeast Asia Clinical Epidemiology Network (SEACLEN). Dirigé par des centres de formation en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande, le SEACLEN est un réseau actif de professionnels universitaires spécialisés en épidémiologie clinique et en recherche en santé publique. On retrouve également 1'Asia-Pacific Health Economics Network et l'Asia-Pacific Network of the International Forum for Social Sciences and Health.
Des organismes régionaux comme le SEAMEO-TROPMED ont été le fer de lance des investissements dans la recherche en santé. Dans certains secteurs, les investissements régionaux et mondiaux ont été complémentaires. Par exemple, le SEAMEO-TROPMED et le Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales (TDR) ont tous deux contribué à la recherche directe et au renforcement des capacités, ce qui a permis d'améliorer la santé et de réduire l'incidence des maladies infectieuses.
Les bureaux régionaux de l'OMS ont contribué aux initiatives nationales en favorisant les échanges entre les pays et, dans certains cas, en stimulant la coopération en recherche. La collaboration entre les bureaux régionaux de l'OMS s'accroît, mais doit être développée davantage. Les activités concertées commanditées parles organismes commerciaux et économiques régionaux tels que l'ANASE ont apporté certains avantages au secteur de la santé et, indirectement, à la recherche en santé dans les pays participants.
Cependant, les organismes régionaux ont mis du temps à mettre leurs ressources à profit pour favoriser la coopération en recherche touchant les nouveaux problèmes de santé et de développement. Le réseau de surveillance des maladies infectieuses (Surveillance of Infectious Diseases), créé récemment et auquel participent les pays du bassin du Mékong, est un exemple encourageant d'une telle coopération. Son établissement a été rendu possible grâce à une aide partielle de la Fondation Rockefeller. La coopération régionale en matière de recherche serait utile pour résoudre des problèmes tels que les suivants :
— Les disparités en matière de santé résultant de la privatisation des services de santé et de l'assurance-santé qui procède elle-même de la libéralisation du commerce;
— L'incidence de la migration sur le transfert des risques de maladie, en regard notamment des épidémies de maladies infectieuses comme le sida et les zoonoses (p. ex., la propagation du virus Nippah ou de celui responsable de la grippe du poulet);
— L'augmentation des coûts de santé occasionnés par des maladies chroniques et sociales, telles que la toxicomanie et les maladies transmissibles sexuellement, les accidents et la maladie mentale;
— Les effets de facteurs environnementaux mondiaux sur la santé humaine dans la région, tels que la dégradation des terres, l'utilisation persistante de polluants organiques et l'engorgement continu des routes.
Les réseaux et organismes régionaux de recherche en santé peuvent également aider les pays à s'attaquer aux aspects les plus difficiles du renforcement de leur système de recherche en santé. Parmi les formes d'aide possibles, on retrouve les suivantes :
— Convaincre les décideurs (du gouvernement et du secteur privé) que le financement de la recherche en santé peut être un. investissement socioéconomique judicieux plutôt qu'un poste budgétaire marginal (les pays de la région ont besoin de stratégies plus solides pour établir des liens entre les services nationaux de santé, et notamment les politiques sanitaires, et les systèmes nationaux de recherche en santé);
— Élargir la base des intervenants du processus de recherche en santé afin d'inclure les citoyens et les organisations non gouvernementales (ONG). La recherche en santé peut donner aux citoyens le pouvoir de faire des choix judicieux et, partant, de participer aux processus d'élaboration des politiques. Les citoyens et les ONG peuvent à leur tour demander des comptes aux gouvernements et aux organismes de recherche en santé et servir de mécanisme de contrôle de gestion, encourageant les bailleurs de fonds internationaux à se concentrer sur les priorités des pays.
L'expérience récente d'un réseau de recherche en santé en Asie, l'Asian Forum for Health Research, permet de dégager des enseignements utiles et importants. Un certain nombre de chefs de file régionaux de recherche en santé jugeaient nécessaire que les groupes de recherche en santé se préparent à la conférence d'octobre 2000. Un groupe de planification spécial s'est réuni en septembre 1999. Il comprenait des représentants de plusieurs réseaux et organismes de recherche en santé, des bureaux régionaux de l'OMS et de différents pays. Le groupe a décidé d'utiliser une stratégie participative novatrice en trois étapes dans le but d'obtenir la participation d'un large éventail d'intervenants : dialogue préalable au forum, forum de trois jours et suivi au forum préparatoire à la conférence d'octobre 2000. Trois cents personnes de partout en Asie ont pris part à un dialogue électronique de cinq mois préalable à la conférence qui avait pour but de favoriser l'échange de renseignements et de déterminer les enjeux de recherche propres à la région asiatique qui devaient être abordés lors du forum.
Une centaine de personnes se sont rencontrées dans le cadre du forum de trois jours tenu à Manille en février 2000. Cette réunion comportait certaines innovations, notamment une table ronde, une analyse en équipes des priorités régionales en matière de recherche, un marché (comprenant une tribune libre) et un centre de soutien technologique. Le forum a donné lieu à l'ébauche d'une déclaration asiatique. Cette synthèse a repris les principales idées et recommandations des équipes de travail pour présentation à la conférence de Bangkok (Sitthi-amorn, 20001). Après la réunion de Manille, les participants ont poursuivi le dialogue et continué à échanger des renseignements par l'entremise d'un site Web. Les organisateurs ont convenu d'étendre le réseau en encourageant chacun des 300 participants initiaux à inviter d'autres personnes de leurs institutions et pays.
Les participants au forum asiatique et les planificateurs ont réfléchi aux leçons tirées de ce processus, notamment les suivantes :
— En mettant l'accent sur une question précise, en l'occurrence la nécessité de préparer l'intervention asiatique en vue de la conférence à venir, il a été possible de susciter l'intérêt, l'énergie et l'engagement de nombreux groupes nationaux et régionaux de recherche en santé;
— La communication électronique a constitué un moyen satisfaisant et efficace de permettre la participation de 300 personnes de différentes régions d'Asie;
1 C. Sitthi-amorn, Report of the Asian Forum for Health Research, Manille, les Philippines, 17-19 février 2000. Internet : http://161.200.33.29.
— Une petite équipe de coordination, soutenue par une équipe d'experts techniques, a déployé des efforts considérables pour faciliter le dialogue électronique, planifier et gérer les activités du forum et assurer la planification du suivi.
Aux fins de la présente section, les Antilles désignent les Antilles anglophones, composées de 18 pays et territoires où l'anglais est la première langue2, et cinq îles des Antilles néerlandaises3. Elles sont situées dans un archipel qui s'étend sur 3 500 km entre le Belize et le Guyana. Ces pays diffèrent beaucoup quant à divers facteurs : taille, population, ressources, capacités, religions, cultures et groupes ethniques. La population des Antilles anglophones s'élève à environ six millions d'habitants et celle des Antilles néerlandaises à quelque 200 000.
Au milieu des années 1970, la crise économique mondiale menaçait de faire disparaître les gains réalisés en santé dans la région. L'infrastructure se détériorait, les fournitures s'épuisaient et beaucoup de travailleurs de la santé émigraient vers des pays à revenu élevé. Il était peu probable que la stratégie d'autosuffisance nationale corrigerait le déclin et ramènerait les améliorations des conditions sanitaires à leur niveau d'avant la crise.
En 1986, le CMRH a adopté six priorités dans le domaine de la santé dans le cadre de l'initiative Caribbean Cooperation in Health (CCH): protection de l'environnement et contrôle des vecteurs, formation et perfectionnement des ressources humaines, maladies chroniques non transmissibles et accidents, renforcement des systèmes de santé, aliments et nutrition, santé maternelle et infantile et activité démographique. En 1988, le CMRH ajoutait le sida à sa liste. Une évaluation menée entre 1992 et 1994 a conclu que cette initiative avait été bénéfique pour les pays des Antilles.
En 1996, le CMRH demandait que soit redéfinie la CCH pour la période 1997-2001. Après une consultation régionale en 1997 auprès
2 L'Antigua-et-Baruda, l'Anguilla, les Bahamas, la Barbade, le Belize, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, la Dominique, la Grenade, le Guyana, la Jamaïque, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Trinité-et-Tobago, Turks et Caicos.
3 Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache et Saint-Martin.
de personnes provenant de toute une gamme de disciplines, il a choisi huit priorités, recommandé des stratégies de mise en œuvre et déterminé les secteurs où des interventions conjointes seraient souhaitables. Les nouvelles priorités étaient les suivantes : développement des systèmes de santé, formation et perfectionnement des ressources humaines, santé des familles, aliments et nutrition, maladies chroniques non transmissibles, maladies transmissibles, santé mentale et santé environnementale.
Les gouvernements des pays anglophones de la région soutiennent l'organisme régional CHRC qui, jusqu'en 1997, s'appelait le Commonwealth Caribbean Medical Research Council. Depuis 45 ans, l'une de ses principales responsabilités est de promouvoir la recherche en santé. Ses activités comprennent :
— Promouvoir et soutenir l'établissement de la RNES en aidant les pays à définir des priorités nationales en matière de santé et à créer des comités nationaux de RNES (jusqu'à maintenant, quatre pays comptent un tel comité : la Barbade, Curaçao, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago);
— Organiser des assemblées scientifiques annuelles, et notamment un symposium annuel;
— Administrer un programme de subventions globales;
— Renforcer les capacités de recherche grâce à un programme d'ateliers de formation en recherche.
L'OPS compte un représentant dans presque tous les pays des Antilles et a également un bureau à la Barbade pour la coordination du programme des Antilles; le bureau compte du personnel qui s'occupe spécifiquement de questions telles que les maladies chroniques non transmissibles et la santé maternelle et infantile. Un des organismes régionaux de santé et de recherche en santé les plus importants des Antilles, l'OPS a joué un rôle de premier plan dans la production du CCH I et du CCH II, et publié plusieurs documents dont Health Status of the Caribbean. L'OPS facilite la recherche en santé en mobilisant les ressources, en tenant des réunions et des ateliers et en organisant des activités de coopération technique. Elle travaille pour les gouvernements nationaux, et par leur entremise, et elle collabore avec d'autres organismes régionaux à l'amélioration de la santé.
On retrouve aux Antilles six écoles de médecine, dont trois affiliées à la University of the West Indies, qui font de la recherche à différents degrés. La région compte neuf institutions de recherche en santé, qui se concentrent sur différents sujets allant de la nutrition humaine aux maladies chroniques non transmissibles en passant par la santé environnementale. Le CHRC et l'OPS soutiennent, facilitent et coordonnent également la recherche dans la région.
Les sujets des documents présentés aux assemblées scientifiques annuelles reflètent la teneur de la recherche en santé dans la région. Des analyses de ces documents ont été effectuées en 1995 et 2000. L'étude de 1995 a révélé une augmentation graduelle de la recherche sur les services de santé, qui faisait l'objet de 40 p. 100 de tous les documents en 1994 (en plus de deux décennies) et une baisse des études en laboratoire, qui étaient passées à environ 20 p. 100 (Walrond, 1995). Les études cliniques sont demeurées à peu près au même niveau (25 p. 100) tout comme la recherche épidémiologique et la recherche sur la santé publique (10 p. 100 et 15 p. 100). L'étude menée en 2000 avait pour objet de déterminer la mesure dans laquelle les activités de recherche correspondaient aux huit priorités de la région en matière de santé (Picou, 2000). Environ la moitié des documents publiés avant 1984 portaient sur les priorités concernant les services de santé; depuis, cette proportion est passée à 60 p. 100.
On peut dégager certaines indications quant à l'état du système de recherche en santé grâce aux études récentes menées en Jamaïque et à Trinité-et-Tobago. Ces études révèlent que les principales caractéristiques du système de recherche en santé dans les Antilles sont les suivantes :
— Les chercheurs dirigent et financent une part importante de la recherche;
— Les universités et les institutions de recherche en santé effectuent la majeure partie de la recherche;
— Moins de la moitié de la recherche terminée est publiée dans des revues approuvées par des pairs;
— Les gouvernements commandent ou mènent une petite partie seulement de la recherche;
— Les chercheurs perçoivent des contraintes telles que :
— manque de financement, de temps, de matériel et d'installations,
— problèmes de collecte et d'analyse des données,
— manque de personnel de soutien;
— Le financement de la recherche provient de différentes sources : ressources personnelles des chercheurs; subventions d'universités; CHRC; sociétés pharmaceutiques; secteurs public et privé dans les régions; organismes internationaux (moins de 10 p. 100 provient des gouvernements).
En résumé, il n'existe pas aux Antilles de culture de la recherche comme en témoigne le faible niveau de soutien et de financement gouvernemental. Les chercheurs estiment qu'ils manquent de temps, que les installations sont inadéquates et que l'infrastructure est déficiente. Le nombre de postes de chercheurs à plein temps dans les universités et les institutions et au gouvernement serait beaucoup trop bas. L'administration et la gestion de la recherche sont inefficaces. Seulement un peu plus de la moitié de la recherche actuelle porte sur les priorités régionales en matière de santé. À quelques exceptions près, la recherche effectuée jusqu'à maintenant a surtout été descriptive, épidémiologique et clinique. La communauté de la recherche communique mal avec les utilisateurs de la recherche (les planificateurs, les décideurs et le grand public). Un plus large éventail d'intervenants devraient participer au processus de recherche, notamment le secteur privé, les ONG, les syndicats, les coopératives de crédit, les groupes religieux et les médias. L'inclusion de ces groupes à titre de partenaires faciliterait l'utilisation de la recherche.
La liste qui suit énumère quelques-uns des effets positifs et négatifs des organismes régionaux sur la recherche en santé dans la région :
— Les chercheurs disposent d'un forum (assemblée scientifique annuelle) dans le cadre duquel ils peuvent présenter leur travail et obtenir les commentaires de leurs pairs et du réseau;
— Un programme de subventions en recherche aide les jeunes chercheurs à débuter leur carrière;
— Des ateliers de formation de base et avancée en recherche et en technologie sont offerts;
— Les organismes organisent des ateliers sur les problèmes de santé communs, ce qui a donné lieu à la publication de directives cliniques pour gérer des affections telles que l'asthme, le diabète sucré et l'hypertension;
— L'établissement de liens et de partenariats avec des chercheurs d'autres pays et des organismes subventionnaires est facilité;
— La défense de la recherche en santé se fait au niveau national;
— Des conseils peuvent être obtenus sur tous les aspects de la recherche.
— Certaines personnes estiment que le CHRC favorise la recherche ésotérique;
— Certains croient que le CHRC fait concurrence aux groupes nationaux pour l'obtention de fonds de recherche;
— Un certain nombre de chercheurs sont devenus hostiles parce que leurs documents n'ont pas été acceptés pour présentation à l'assemblée scientifique annuelle;
— Certains fonctionnaires du ministère de la Santé croient qu'ils ont trop de travail pour aider à développer les initiatives régionales de recherche en santé.
Beaucoup d'attention est accordée, à juste titre, à l'établissement des priorités en matière de santé. Pourtant, peu de pays des Antilles ont établi des priorités en matière de recherche en santé ou un programme national de recherche en santé. Même si le CCH II ne comprenait pas de programme régional de recherche en santé correspondant aux huit priorités sanitaires, les médecins chefs des Antilles considèrent que la création d'un tel programme est une priorité pour la région. En fait, les Antilles ont entrepris un processus visant à établir le programme de recherche en santé de la région pour la prochaine décennie, selon les huit priorités sanitaires. Un processus de consultation est en cours.
De plus en plus, on a tendance aux Antilles à établir des partenariats internes et externes, ce qui devrait permettre de s'attaquer aux grandes priorités en matière de santé.
Plus de pays de la région des Antilles doivent établir de la RNES et utiliser ce mécanisme pour définir leurs priorités nationales en matière de recherche en santé. Le CHRC pourrait renforcer sa capacité de promouvoir et de soutenir la RNES dans un plus grand nombre de pays et poursuivre son programme de formation en recherche. La région devrait tenter d'obtenir plus de ressources pour planifier et mettre en œuvre des projets et des programmes de recherche en santé touchant les questions prioritaires. Comme on est en train de déterminer les priorités régionales en matière de recherche en santé, les Antilles auront l'occasion de renouveler leurs efforts pour faire en sorte que la recherche en santé contribue de façon marquée à la santé des personnes dans la région.
La recherche en santé est une tradition de longue date dans les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est et les Nouveaux États indépendants. Presque tous les pays de la région ont déjà eu ou ont encore des institutions scientifiques d'envergure et des scientifiques de renommée mondiale. De la Deuxième Guerre mondiale jusqu'à la fin des régimes à parti unique et d'économie planifiée, la recherche en santé dans les pays d'Europe de l'Est et en Union soviétique suivait le rythme des progrès scientifiques mondiaux, particulièrement dans certains secteurs de la biomédecine et de la recherche clinique.
La situation des sciences socio-sanitaires était totalement différente. Pendant longtemps, les sciences comportementales étaient une branche marginalisée de la recherche en santé. En outre, en raison du système politico-économique et de ses conséquences sur les soins de santé, certains secteurs de la recherche sur les systèmes de santé et l'économie de la santé étaient sous-développés, voire totalement négligés.
Les changements socioéconomiques survenus à la fin des années 1980 et au début des années 1990 comportaient de nouveaux défis pour la recherche en santé. La plupart des pays de la région ont opté pour un régime politique pluraliste multipartite, et tous ont commencé à jeter les bases d'une économie de marché. Cette transition s'est produite sur une période remarquablement courte au cours de la dernière décennie. Au début de cette transition, une crise économique majeure a provoqué une chute considérable du produit intérieur brut de ces pays et une baisse de leur capacité financière. Pour faire face à la situation, les pays de toute la région ont décidé d'imposer d'importantes mesures monétaires restrictives, ce qui s'est évidemment répercuté sur le financement de la recherche; ainsi il devint impossible de maintenir les capacités de recherche.
Cette époque a également été le témoin de bouleversements sociaux et de la restructuration des sociétés, accompagnés de chômage massif, d'augmentation de la pauvreté et de changements dans les normes et les modèles sociaux. Ces tendances ont donné lieu à de nouveaux risques pour la santé. L'espérance de vie a diminué dans de nombreux pays, parfois de façon spectaculaire, comme en Fédération de Russie. La réforme des systèmes de santé et l'établissement de nouvelles méthodes de financement ont soulevé de nouvelles questions pour les chercheurs en systèmes de santé.
En résumé, la transition socioéconomique de la dernière décennie a considérablement réduit le financement de la recherche en santé et posé de nouveaux défis pour les chercheurs dans les domaines des sciences du comportement relié à la santé et de la recherche en systèmes de santé.
Depuis 10 ans, l'état de la recherche en santé des pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est et des Nouveaux Etats indépendants reflète les bouleversements socioéconomiques qui ont balayé la région. Ces pays ont tenté de maintenir leur capacité de recherche en dépit de la crise économique et des déséquilibres budgétaires. Néanmoins, la plupart des structures nationales de recherche sont demeurées intactes tout comme les mécanismes de financement et les systèmes de carrières. Cependant, à cause d'un sous-financement persistant, l'infrastructure de recherche s'est affaiblie et le personnel de recherche était sous-payé, ce qui s'est traduit pas un exode des cerveaux vers les pays de l'Ouest et la perte de jeunes chercheurs.
La mondialisation, la participation accrue et le leadership en recherche des autres pays ainsi que les progrès techniques rapides ont tous contribué à marginaliser encore davantage bon nombre des institutions ou des équipes de recherche de la région à un moment où d'importantes difficultés financières minaient les systèmes de recherche en santé. Certaines institutions sont parvenues à relever ces défis, mais en général, l'apport des centres de recherche de la région à la recherche mondiale a perdu de son importance.
Les anciennes structures régionales se sont désintégrées; c'est ainsi qu'a pris fin la coopération entre les instituts ressortissant au Conseil d'assistance économique mutuelle et à des accords bilatéraux et multilatéraux connexes. Cela s'est produit parallèlement au relâchement ou à la rupture des relations commerciales, industrielles et culturelles. L'éclatement de l'Union soviétique et la montée des républiques indépendantes ont provoqué la désintégration des réseaux universitaires dans les anciennes républiques soviétiques.
Par ailleurs, les chercheurs se sont concentrés sur l'établissement de relations avec leurs homologues des pays industrialisés. Cette tendance, qui variait d'un pays à l'autre, était la plus marquée dans les pays qui souhaitaient se joindre à l'Union européenne (pays d'Europe centrale, pays baltes et quelques pays d'Europe de l'Est). Cette réorientation de la recherche en santé vers l'établissement d'une nouvelle collaboration et la désintégration simultanée des structures régionales ont provoqué une baisse de la coopération régionale en recherche en santé.
La plupart des institutions de recherche en santé ont survécu à la première décennie de transition socioéconomique, qui aura probablement été la plus difficile. Pour y parvenir, elles ont misé sur différents facteurs : bassin solide et concurrentiel de ressources humaines et d'autres ressources non matérielles, traditions de recherche, institutions scientifiques et système de carrières universitaires-scientifiques.
La recherche en santé est concentrée dans les universités et d'autres maisons d'enseignement publiques. Le rôle du secteur privé et des organismes sans but lucratif est négligeable, sauf dans les pays qui ont privatisé leur industrie pharmaceutique, mesure qui favorise la recherche pharmaceutique.
Un système concurrentiel d'affectation des ressources, fondé sur le mérite, est en place dans la majorité des pays. Même si la plupart ont établi des priorités en matière de recherche en santé, le financement ne correspond pas toujours aux priorités énoncées;il arrive parfois que celles-ci ne bénéficient que d'une petite partie des fonds disponibles. En outre, la pertinence des priorités énoncées pour les problèmes de santé de la population est douteuse, tout comme la qualité du processus d'établissement des priorités. Les lacunes de ce processus sont en partie attribuables aux anciens régimes antidémocratiques (y compris le régime communiste et les anciens régimes autocratiques et antidémocratiques de la plupart des pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est et des Nouveaux États indépendants). Ces traditions expliquent le manque de participation des différents intervenants, y compris les collectivités, dans l'établissement des priorités et le peu d'importance accordée aux déterminants socioculturels de la santé (p. ex., les inégalités, l'appartenance à une minorité ethnique).
Un autre secteur faible est la gestion déficiente de la recherche que l'on constate dans toute la région, c'est-à-dire une affectation inefficace des ressources et l'incapacité de les utiliser de manière efficiente. Dans les anciennes économies planifiées, il n'y avait aucune tradition de gestion en recherche; le flux des ressources était contrôlé par les administrations bureaucratiques. Ainsi, la baisse marquée du financement s'est accompagnée de lacunes dans la gestion de la recherche nationale et locale, et cette situation a perduré au cours des dix dernières années.
Les partenariats internationaux établis dans les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est et les Nouveaux États indépendants prennent surtout la forme de coopération bilatérale entre institutions et chercheurs. Il s'agit de partenariats thématiques qui mettent l'accent sur des sujets de recherche en santé restreints et ont recours à la structure des organismes professionnels. Bien que les universités et les maisons d'enseignement concluent certains partenariats, la plupart sont lancés par des particuliers et font intervenir des projets et des ateliers conjoints.
Il existe quelques bons exemples de coopération infrarégionale, souvent lancée par des organismes internationaux. Dans d'autres cas, la collaboration transcende les limites de la région. Citons à titre d'exemple le programme finno-balte de surveillance sanitaire des adultes qui témoigne d'une collaboration entre pays scandinaves et baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie). À l'origine, il s'agissait d'une collaboration entre des partenaires finlandais et lituaniens; plus tard, les deux autres pays baltes se sont joints à ce projet. En outre, les trois pays baltes entretiennent de bonnes relations avec les organismes scientifiques des pays scandinaves, comprenant des contacts réguliers entre les universités et les équipes de recherche, surtout dans le domaine de la santé publique. Le Bureau régional pour l'Europe de l'OMS a lancé le Central Asian Research Information Network (CARIN), qui favorise l'échange de renseignements sur les sujets de recherche, les projets et les résultats entre les cinq anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale.
Pendant la phase préalable à l'accession à l'Union européenne, les instituts de recherche des pays d'Europe centrale peuvent participer à ses programmes de financement de projets de recherche. Selon l'entente qu'il a conclue avec l'Union européenne, un pays peut demander des fonds de recherche de concert avec des instituts européens partenaires. L'encouragement de ce genre de coopération témoigne de l'intention des communautés de recherche de ces pays de réorienter leurs partenariats internationaux, même si les conditions socioéconomiques des pays d'Europe centrale sont très différentes de celles des pays de l'Union européenne.
Cependant, dans l'ensemble, la région est loin d'exploiter pleinement ses possibilités de partenariat en sciences et en recherche, et les relations actuelles ne constituent qu'une fraction de celles qui existaient il y a dix ans.
La coopération régionale ajouterait beaucoup de valeur à la recherche en santé dans les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est et les Nouveaux États indépendants. Le fondement des partenariats régionaux peut être un réseau de sociétés professionnelles de différentes disciplines. L'approche la plus appropriée à la coopération régionale serait de suivre la structure des sous-régions (p. ex., Europe centrale, Europe de l'Est et Russie, Asie centrale). D'entrée de jeu, il conviendrait d'établir un centre d'information régional où seraient regroupés les projets et les conclusions de recherche.
En outre, selon plusieurs experts de la recherche en santé, les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est et les Nouveaux États indépendants ont sans aucun doute besoin d'une formation en recherche en santé qui serait offerte à l'échelle de la région dans des centres d'excellence locaux, ce qui pourrait servir de fondement aux nouvelles institutions. Au coeur de la coopération régionale se trouve la question de la pérennité de ces institutions, puisque la raison la plus courante de mettre fin à une initiative de collaboration est le manque de financement.
Des organismes internationaux comme l'OMS et le COHRED peuvent contribuer à bâtir ces structures en fournissant l'expertise de base et la méthodologie nécessaires à un réseautage efficace, à l'élaboration de partenariats et à d'autres aspects du renforcement des systèmes nationaux et régionaux de recherche en santé.
Le Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'OMS est responsable de 23 pays, riches d'une remarquable diversité culturelle, politique et socioéconomique. Cette région se caractérise par d'anciennes civilisations qui ont des traditions culturelles fermement enracinées, ce qui complique et ralentit les changements sociaux systémiques. Plusieurs pays sont également aux prises avec des conflits internes de longue date. Les populations nationales varient entre 600 000 habitants à Bahrein et 139 millions d'habitants au Pakistan. Plus de 90 p. 100 des gens de la région vivent dans des pays à faible revenu ou à revenu moyen.
Malgré le sous-financement des systèmes de santé dans bien des pays de la région, l'accès aux services de santé locaux et aux programmes d'immunisation s'est amélioré. Le profil des conditions sanitaires reflète la situation économique, les maladies transmissibles, dont celles pouvant être prévenues par un vaccin, étant prévalentes dans les pays les plus pauvres. La plupart des nouveaux cas de tuberculose sont apparus dans neuf pays. Le paludisme sévit dans six pays. L'épidémie de sida se répand, bien que lentement, et l'incidence des maladies non transmissibles, y compris des lésions intentionnelles et non intentionnelles, augmente rapidement.
La très grande diversité des pays de la région se retrouve également dans son profil de recherche en santé. La plupart des pays considèrent maintenant la recherche comme une fonction essentielle du système de santé, mais ils l'appliquent rarement à la formulation ou à la révision des politiques et des programmes de santé. La demande de recherche chez les planificateurs et gestionnaires en santé est très faible. Ce sont les chercheurs et les universitaires qui établissent les priorités de recherche, habituellement lors de consultations et d'ateliers; dans quelques cas, ils utilisent les résultats d'enquêtes statistiques sur la santé. Les pays de la région n'ont pas tenté d'élargir la base d'intervenants ou d'établir un forum national pour discuter de questions touchant la recherche en santé. La coordination de la recherche en santé dans les pays est lacunaire et inefficace, puisque ceux-ci n'ont ni les systèmes appropriés de gestion en recherche ni les mécanismes transparents nécessaires à l'examen et au suivi des propositions de recherche.
Peu de pays de la région jouissent d'une culture de recherche bien établie permettant d'intégrer la formation en recherche à l'enseignement universitaire. Des lacunes sont présentes à toutes les étapes du processus de recherche : définition des problèmes, collecte et analyse des données, rédaction des rapports et diffusion des renseignements. À l'exception des cours et des ateliers de formation à court terme, les pays de la région ne prennent aucune mesure systématique ou soutenue pour renforcer les capacités de recherche de leurs différents intervenants. Cette faiblesse témoigne également de l'incapacité des chercheurs d'exploiter les sources externes de financement et de participer de façon dynamique aux débats régionaux et mondiaux sur l'avenir de la recherche en santé.
Les pays de la région sont membres de différents forums politiques et économiques, notamment le Conseil de coopération du Golfe, la Ligue des États arabes, les Ministres de la Santé des pays arabes, l'Organisation des pays islamiques et l'Organisation de coopération économique. Cependant, ils n'ont pas de forum ni de structure régionale pour la recherche en santé, hormis les activités que le Bureau régional de l'OMS a établi et finance. La région compte peu de réseaux fonctionnels de recherche en santé et, par conséquent, il y a peu de collaboration en recherche entre les pays.
En 1976, le Bureau régional de l'OMS a établi le Comité consultatif de la Recherche en Santé (CCRS) ainsi qu'un système d'octroi des subventions au titre de la recherche et de la formation en recherche. Depuis le début des années 1980, les directeurs des organismes de recherche médicale ou de groupes semblables se rencontrent régulièrement pour échanger des renseignements et promouvoir la recherche touchant les questions prioritaires. Le Bureau régional de l'OMS finance, par l'entremise de ses budgets internationaux et nationaux, différentes activités nationales de formation en méthodologie, en gestion de recherche et en rédaction de rapports.
En 1986, motivé par la stratégie de recherche en santé proposée par le CCRS mondial, le CCRS de la Méditerranée orientale a mis sur pied un groupe de travail régional pour aider les pays à établir des politiques et des stratégies nationales de recherche en santé. Ce groupe de travail a visité 11 pays pendant une période de neuf ans. À la suite de cette initiative, des cadres supérieurs en santé ont été mis au courant des politiques et des programmes de recherche en santé de l'OMS. Les visites sur place ont également permis de regrouper des chercheurs et des gestionnaires de santé pour qu'ils discutent des besoins nationaux en matière de recherche en santé.
Pour renforcer les capacités nationales de recherche locale sur les maladies tropicales, le Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'OMS et le TDR ont lancé conjointement une petite initiative de subventions en 1992. Jusqu'à maintenant, ils ont fait sept demandes de propositions, et ont financé 78 des 353 propositions reçues. Les enquêteurs de certains pays ont également profité d'un soutien technique et financier versé dans le cadre des programmes spéciaux de l'OMS pour la recherche et la formation en maladies tropicales et en santé génésique. Le COHRED a participé aux initiatives de quelques pays seulement.
En juin 2000, la région a organisé une consultation en prévision de la conférence internationale de Bangkok. Des représentants de 10 pays ont pris part à cet événement, ainsi que des représentants du Bureau régional de l'OMS et quelques observateurs extérieurs. Les participants ont établi les orientations stratégiques de la recherche en santé pour la prochaine décennie et présenté des recommandations spécifiques, certaines destinées aux pays et d'autres aux organismes de soutien régionaux et mondiaux.
Un solide consensus s'est dégagé concernant plusieurs orientations stratégiques, notamment l'importance des forums multipartites de recherche en santé et l'établissement des priorités, non seulement à l'échelle nationale, mais également au niveau infranational et dans les districts. Les participants ont pressé l'OMS de jouer un rôle plus actif et plus dynamique dans la défense de l'utilisation de la recherche en santé pour le développement sanitaire et la réduction des iniquités en santé. Ils ont également recommandé que le Bureau régional pilote l'établissement d'un forum régional sur la recherche en santé, et reconnu que la direction continue de la recherche en santé dans la région devra peut-être être assurée par d'autres partenaires. Le forum régional servirait de mécanisme de réseautage (notamment pour faire le pont entre les pays de la région et ceux du Nord), contribuerait à établir les problèmes régionaux communs et à coordonner les recherches régionales pour s'y attaquer, et servirait de plateforme pour transmettre les préoccupations nationales aux différents organismes de recherche internationaux.
Dans les années 1990, l'Amérique latine s'est efforcée surtout de se relever de la crise financière de la décennie précédente. Les profils de la situation des S-T dans bien des pays d'Amérique latine témoignent de cette relance :
— Les investissements en R-D ont augmenté substantiellement, de 57 p. 100 entre 1990 et 1996. De ce montant, plus de
4 Cette section est adaptée d'un document technique de l'OPS intitulé Science for Health, par Alberto Pellegrini Filho, coordonnateur, Research Coordination Program, Division of Health and Human Development, OPS, Washington, DC., États-Unis.
80 p. 100 a été affecté à un petit nombre de pays, notamment l'Argentine, le Brésil, le Chili et le Mexique. Les gouvernements ont assumé plus de 70 p. 100 de ces investissements et les universités en ont été les principaux bénéficiaires. Les investissements par habitant en R-D en Argentine et au Chili ont été de 33,6 $US et 31,4 $US respectivement, comparativement à 25 $US pour le Brésil et 9,7 $US pour le Mexique (CONICYT, 1998).
— Le nombre de chercheurs équivalents plein temps en Amérique latine a augmenté pour s'établir à 125 000. Deux pays représentaient plus des deux tiers de ce nombre : le Brésil (50 000) et l'Argentine (28 500). La région comptait 0,75 chercheur par millier d'habitants (en regard de 3,25 en Espagne, 5,51 au Canada et 7,37 aux Ètats-Unis).
— En 1996, les publications des scientifiques d'Amérique latine représentaient 2,09 p. 100 de toutes les publications enregistrées à l'Institute for Scientific Information, par rapport à 1 p. 100 dans les années 1970 et à 1,5 p. 100 dans les années 1980. Plus de 60 p. 100 de ces publications étaient l'œuvre de scientifiques d'Argentine, du Brésil, du Chili et du Mexique. En 1997, le nombre de publications par 100 000 habitants était de 10,5 au Mexique et au Chili, de 9,5 en Argentine et de 3,5 au Brésil (CONICYT, 1998).
Deux facteurs principaux caractérisent la situation sanitaire générale en Amérique latine. Premièrement, la région connaît des changements démographiques et épidémiologiques rapides marqués par une baisse des taux de fécondité, une baisse des taux de mortalité et le vieillissement de la population. Deuxièmement, on y retrouve également d'importantes iniquités en santé, comme en témoignent les profils de morbidité et de mortalité, et l'accès aux soins de santé. Certaines de ces iniquités procèdent de la fragmentation des services de santé, qui défavorise les pauvres. Les personnes pauvres dépensent près de 6 p. 100 du revenu de leur ménage pour les soins de santé (comparativement à une moyenne de 2,4 p. 100 pour l'ensemble des pays en développement); en Colombie, cette proportion est de 12 p. 100 et en Équateur, elle est de 17 p. 100.
La communauté de la recherche en santé d'Amérique latine a tenté de différentes façons de remédier à cette situation. Par exemple, reconnaissant les nombreux déterminants de la santé, elle vient de proposer un nouveau paradigme de la recherche en santé qui comprend les éléments suivants :
— Transdisciplinarité — établir des liens entre les disciplines tout en s'attaquant aux problèmes de recherche importants;
— Complexité — faire en sorte que la recherche en santé aborde les grands modèles conceptuels et évite les abstractions simplistes;
— Multiplicité — rejeter la pensée « monolithique » et chercher des solutions novatrices aux problèmes importants;
— Praxis — traduire les conclusions de la recherche en pratique clinique, en mesures de santé publique et en politiques qui comprennent des interventions ayant des effets importants.
La mesure dans laquelle la communauté de la recherche en santé en Amérique latine est capable de relever ces défis a été analysée. Le nombre de scientifiques en santé et leur répartition correspondent au profil des scientifiques en R-D en S-T. Seulement 2,7 p. 100 des publications de scientifiques d'Amérique latine traitent de questions touchant la santé publique. Une analyse de tous les articles publiés par les épidémiologistes d'Amérique latine (dont 60 p. 100 proviennent du Brésil) révèle que 83 p. 100 traitaient de maladies infectieuses, 4 p. 100 de maladies chroniques non transmissibles et 13 p. 100 d'autres sujets. Ce profil reflète le modèle qui existait avant la transition, non le modèle d'affections qui sévissent actuellement dans la région.
Plusieurs initiatives sont en cours pour réorganiser la recherche en santé au service du développement, notamment l'établissement de priorités, le financement, et la diffusion et l'utilisation des conclusions de recherches.
La question de l'établissement des priorités a été mise en relief dans une publication importante, Priorities in Collective Health Research in Latin America (GEOPS, 1998). Une équipe de spécialistes a rédigé une série de documents à partir d'analyses prospectives. Cette initiative a été encouragée par le Centre de recherches pour le développement international, l'OPS et le COHRED. Le Study Group on Economics, Organization and Social Policies, dont le siège est en Uruguay, a coordonné l'ensemble de l'initiative. Celle-ci a donné lieu à un important ensemble de lignes directrices devant permettre d'établir le programme actuel et futur de la recherche en santé publique en Amérique latine.
Le soutien financier en Amérique latine a tendance à augmenter, particulièrement celui qui provient des banques de développement et du secteur privé. D'importantes multinationales pharmaceutiques, par exemple, soutiennent les essais cliniques de nouveaux médicaments. Cependant, les gens ont des préoccupations d'ordre éthique concernant l'utilisation de groupes vulnérables comme cobayes; ces groupes sont à risque parce qu'à long terme, ils ne pourront se procurer les médicaments. La Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement financent plusieurs projets de réforme du secteur de la santé dans de nombreux pays de la région, et chaque prêt comprend des fonds pour les études opérationnelles. Il est nécessaire d'évaluer les effets des ces augmentations, notamment en ce qui concerne l'utilisation des conclusions des recherches et le développement de capacités de recherche durables, et le système d'évaluation de la qualité des propositions de recherche devrait être plus rigoureux. La qualité devrait englober la pertinence et l'importance en plus du mérite scientifique. Cette définition élargie de qualité nécessiterait un contrôle par les pairs (pour le mérite scientifique) ainsi que des examens supplémentaires auxquels participeraient des représentants de groupes d'intervenants autres que les chercheurs, tels que les décideurs et d'autres utilisateurs de la recherche.
Pendant un certain temps, il existait un écart important entre la production des renseignements d'une part, et leur diffusion et leur utilisation d'autre part. Pour renforcer le processus de diffusion, le Latin American and Caribbean Centre of Information in Health Sciences de l'OPS a créé une base de données des documents latino-américains portant sur la recherche en santé. En outre, plusieurs revues sur la santé d'Amérique latine sont maintenant accessibles par voie électronique. L'OPS a créé la Virtual Health Library (bibliothèque virtuelle en santé; VHL) sur Internet. Comme différents utilisateurs peuvent accéder à ce service, il favorise un accès plus équitable à des renseignements utiles sur la santé. On examine également des moyens de fournir des renseignements scientifiques à différents groupes de décideurs, puisque chacun a besoin de données spécifiques, ce qui pose des défis particuliers pour ce qui est de la diffusion et de l'utilisation des renseignements.
Dans la plupart des pays d'Amérique latine, la principale institution de recherche est la Comisión Nacional de Investigación Cientifica y Tecnológica (commission nationale de recherche scientifique et technologique; CONICYT) de chaque pays. L'UNESCO et l'Organisation des États américains ont contribué à la création de ces commissions dans les années 1960 et 1970. Pendant les années 1980, beaucoup de pays ont établi des unités de recherche au sein de leurs ministères de la Santé, souvent avec l'aide de l'OPS. Ces unités représentaient un point de convergence à l'intérieur du réseau des CONICYT. Cependant, pour la majeure partie, elles présentent des lacunes et ont peu d'influence sur les politiques nationales de recherche en santé.
Les institutions qui font le plus de recherche en santé sont les universités et les organismes publics de S-T en santé. En partie à cause d'une planification moins centralisée, ces institutions, qui ont gagné récemment en visibilité, semblent des acteurs privilégiés qui participent à la définition des politiques et des plans de S-T. Ils ont un double défi à relever : demeurer au fait des progrès en S-T d'une part, et s'attaquer efficacement aux problèmes des sociétés nationales et, d'un même coup, maintenir leur légitimité sociale, d'autre part.
Par l'entremise de son programme de subventions à la recherche, l'OPS tente de répondre aux besoins des pays à faible revenu de la région en matière de recherche en santé. Sa stratégie de base consiste à favoriser les réseaux et les partenariats entre les institutions de recherche relativement à des thèmes et à des projets spécifiques. Voici d'ailleurs quelques exemples de projets :
— Iniquités touchant l'état de santé, l'accès et les dépenses : utilisation de données secondaires pour façonner les politiques (pays participants : la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Nicaragua et le Pérou);
— Concours de recherche ayant pour thème l'équité d'accès aux soins de santé selon le sexe dans la réforme des systèmes de santé et de sécurité sociale (des projets ont été approuvés dans six pays : la Barbade, le Brésil, la Colombie, le Chili, l'Équateur et le Pérou);
— Subvention à la CONICYT du Costa Rica et du Guatemala visant à renforcer leur capacité de recherche en santé publique;
— Subvention au Latin American Biological Network pour soutenir la recherche sur les maladies infectieuses et promouvoir la collaboration entre les laboratoires ayant différents niveaux d'infrastructure scientifique.
Voici quelques observations, fondées surtout sur l'expérience de l'OPS, quant au rôle des mécanismes régionaux de soutien et de renforcement des systèmes nationaux de recherche en santé au service du développement équitable.
— Le réseautage d'institutions de recherche a permis de partager les ressources et de diminuer les écarts entre les pays pour ce qui est des capacités de recherche. Ces réseaux ont progressé dans le contexte de projets spécifiques de recherche et de programmes de formation fondés sur la collaboration, dont certains portaient explicitement sur les iniquités en santé.
— Le soutien à l'élaboration de critères, de normes et de mécanismes visant une utilisation plus économique des ressources a donné lieu à l'adoption de systèmes nationaux d'évaluation, par les pairs et d'autres intervenants, des propositions de recherche en fonction du mérite scientifique, de la pertinence et de l'éthique. Le modèle de financement des conseils de recherche évolue lentement : les projets de recherche qui n'intéressaient que les chercheurs (recherche biomédicale et clinique surtout) cèdent la place à ceux qui répondent aux besoins des décideurs. Le défi que la plupart des pays auront encore à relever sera d'intégrer un éventail plus large de critères (y compris la pertinence pour les politiques) dans les procédures de sélection des projets.
— En faisant explicitement la promotion des politiques de recherche qui tiennent compte du contexte local et comportent un élément de résolution des problèmes, les pays de la région ont pu regrouper les producteurs et les utilisateurs de la recherche à toutes les étapes du processus de recherche, de l'identification des problèmes à la diffusion et à la mise en œuvre des résultats.
— Les nouvelles technologies de l'information et des communications constituent une plateforme efficace pour soutenir les politiques et les programmes de recherche décentralisée, participative et orientée vers les problèmes (la VHL de l'OPS illustre bien ce propos.)
Compte tenu que le présent ouvrage porte sur les systèmes nationaux de recherche en santé, quelles observations pouvons-nous faire concernant ces six perspectives régionales? Comment les organismes et les réseaux régionaux contribuent-ils aux efforts nationaux? Quelles sont les aspects qui pourraient faire l'objet d'un examen plus approfondi? Voici les trois grandes conclusions du présent chapitre :
— Prise en compte des besoins des pays — La diversité des pays, même lorsqu'ils font partie d'une même région, voire d'une même sous-région, est frappante. Nous devons nous rappeler que la république de Sierra Leone et la république de Maurice sont dans la même région, tout comme le Bangladesh et Singapour, l'Argentine et Haïti. Ces pays très différents n'attendent pas les mêmes choses des organismes régionaux. Ainsi, la notion de spécificité, omniprésente dans le présent ouvrage, s'applique également au rôle des organismes régionaux. En d'autres termes, ce sont les besoins des pays membres qui doivent orienter les programmes des organismes régionaux (si l'on suppose que leur objectif est de répondre aux besoins des pays participants).
— Valeur ajoutée des organismes régionaux — Étant donné le principe selon lequel les entités régionales ne doivent pas prendre en charge ce qui incombe aux pays, quel est alors l'apport spécifique des organismes et réseaux régionaux à la recherche en santé au service du développement? Encore une fois, la description des différentes structures régionales est utile, puisqu'elle démontre un large éventail d'objectifs. Les réseaux et organismes régionaux les plus fructueux et les plus soutenus sont ceux qui répondent à des besoins spécifiques et s'adaptent aux circonstances. Par exemple, les chercheurs en santé des Antilles habitent des îles peu peuplées; ils ont besoin d'efficacité : un seul organisme, en l'occurrence le CHRC, assure la liaison et fournit les services qu'il serait irréaliste d'attendre des îles-États. Presque tous les organismes régionaux décrits ont pour mandat de faciliter l'échange de renseignements entre les pays, d'améliorer l'efficience par le partage des ressources et de l'expertise, de fournir un soutien technique et financier et de défendre les besoins des pays qui font partie de la région dans les forums mondiaux.
— Forums régionaux de recherche en santé — Plusieurs régions réclament un forum régional de recherche en santé (notamment l'Afrique et la Méditerranée orientale). En fait, les Antilles tiennent un tel forum depuis de nombreuses années. Comme il en a été question, les chefs de file régionaux de la recherche en santé en Asie ont créé récemment l'Asian Forum for Health Research devant servir de consortium informel des équipes nationales et des organismes régionaux.
En plus de remplir certaines des fonctions décrites précédemment, un forum régional de recherche en santé peut servir à deux autres fins proactives. Premièrement, il peut faciliter la création de coalitions de recherche-action en santé qui s'occupent de problèmes régionaux nécessitant une intervention intersectorielle, par exemple, les risques pour la santé de la migration et l'incidence du trafic de drogue et d'armes sur la santé. Deuxièmement, un forum régional de recherche en santé peut servir de point de départ à un dialogue concernant les effets des tendances mondiales sur les systèmes nationaux de santé et de sécurité sociale. Il est alors plus facile de prendre connaissance au niveau régional des préoccupations des pays concernant la mondialisation, du moins au départ. Le fait qu'il y ait plus d'acteurs internationaux (notamment les sociétés transnationales) qu'il y a dix ans et l'érosion réelle ou perçue de la souveraineté nationale illustrent bien cette question. On pourrait également citer en exemple l'incidence des programmes d'ajustement structurel sur la santé et l'éducation à la fin des années 1980 et au début des années 1990, particulièrement en Afrique. La recherche à ce sujet a retenu l'attention, en partie grâce à la collaboration régionale entre pays.
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Il y a maintenant 10 ans que la Commission sur la recherche en santé au service du développement publiait son rapport de 1990. La recherche nationale essentielle en santé (RNES) demeure une stratégie dynamique pour parvenir à une meilleure équité en santé et donner un rôle plus important à la recherche dans le développement. Implantée dans une poignée de pays en 1993, elle s'est répandue dans près de 60 pays.
Vers le milieu de 1996, le conseil d'administration du Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED) a commandé une évaluation provisoire de la stratégie de RNES et de l'efficacité des activités du COHRED visant à favoriser la RNES (COHRED, 1996). Le rapport de l'équipe d'évaluation externe a souligné la nécessité de recueillir et de diffuser l'expérience de différents pays relativement à un ensemble de « compétences en RNES » ou de « technologies de RNES ». L'équipe a également recommandé d'intensifier les travaux visant à déterminer les indicateurs de réussite de la RNES ainsi qu'une approche plus globale au renforcement des capacités qui ferait intervenir tous les intervenants. En réponse à ces recommandations, le conseil du COHRED a créé plusieurs équipes spéciales et groupes de travail comprenant des membres du conseil du COHRED, des chefs de file régionaux et nationaux de la recherche et d'autres collègues. Ces équipes et groupes ont été chargés de déterminer les connaissances et habiletés nécessaires pour chaque compétence, d'élaborer des outils pour aider les planificateurs de RNES dans différents pays et de répondre aux besoins des groupes nationaux de RNES en matière de renforcement de capacités.
Un examen interne mené en 1999 a permis d'aiguiser l'identité institutionnelle du COHRED. L'objectif du COHRED est triple : accorder la priorité aux pays, promouvoir l'équité en santé et établir des liens entre la recherche, les politiques et les interventions. L'une des principales tâches consiste maintenant à sensibiliser les pays et la communauté internationale de recherche-développement (R-D) en santé à ces objectifs.
Le COHRED continue de fournir du soutien technique aux pays qui font de la RNES, de collaborer avec les chefs de file nationaux de la recherche afin de promouvoir la recherche en santé orientée vers le développement, d'établir des priorités de recherche, de renforcer les mécanismes de recherche et de favoriser le développement de la capacité de faire de la recherche et d'en utiliser les résultats. Il facilite l'interaction des chefs de file de la recherche en santé au sein des pays et entre ceux-ci. Les pays, quant à eux, partagent l'expérience acquise dans la création d'un milieu de recherche visant à améliorer la santé et l'équité. Par le biais de publications écrites et électroniques, de tribunes et d'initiatives conjointes, le COHRED permet aux chercheurs, aux travailleurs de la santé, aux ministères de la santé, aux organismes communautaires et à d'autres intervenants de partager leur expérience. Les initiatives régionales et nationales du COHRED ont donc pour but d'intensifier l'échange d'idées et de renseignements.
Dans le cadre des préparatifs en vue de la conférence internationale d'octobre 2000, d'anciens membres et des membres actuels du conseil ont passé en revue les activités du COHRED et l'apport qu'il pourrait contribuer dans l'avenir. Le rôle du COHRED de favoriser la RNES a été élargi; ses objectifs ont été refondus et sa stratégie de recherche renforcée.
Pour aider les pays à améliorer leurs compétences en RNES, le COHRED a fourni des outils et organisé des tribunes et de la formation en leadership; il a ainsi établi une communauté d'apprentissage dans laquelle les collègues s'encouragent et se soutiennent mutuellement. Il a établi des partenariats avec d'autres organismes de recherche en santé, comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS) (siège et bureaux régionaux), l'International Clinical Epidemiology Network (INCLEN), le Forum mondial pour la recherche en santé (Global Forum for Health Research, GFHR) et l'Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé, et il a contribué à créer des réseaux et à établir des liens entre les pays et les bailleurs de fonds. Le COHRED cherche maintenant à intensifier ces efforts et à former des coalitions avec l'éventail d'intervenants le plus large possible.
Le COHRED a interrogé récemment des chefs de file nationaux de la recherche; selon eux, la RNES devrait apporter des changements simultanés à tous les niveaux, mais conserver son approche nationale. Ces chefs de file ont formulé quatre recommandations, que nous étudions en profondeur dans le présent chapitre : résoudre les problèmes locaux au moyen de solutions locales, renforcer le leadership national, accroître la coopération régionale et négocier un nouveau partenariat avec les bailleurs de fonds.
La RNES s'est répandue comme une traînée de poudre en Afrique car c'est le genre de chose que l'on attendait depuis bien longtemps. Nous réclamons l'équité et le consensus, nous voulons établir des priorités en vue de partager nos maigres ressources et nous voulons collaborer et réseauter. La RNES est la philosophie que nous attendions.
— Dr Mohamed Said Abdullah, National Health Research and Development Centre, Kenya
Dix ans après le rapport de 1990 de la Commission, la RNES demeure une stratégie pertinente et dynamique pour veiller à ce que les pays tirent vraiment profit de leurs investissements dans la recherche en santé. Elle vise à assurer une meilleure équité en santé et à faire de la recherche une partie intégrante du développement. Limitée à une poignée de pays à ses débuts en 1993, la RNES s'est répandue dans le monde entier. Grâce au travail de facilitateur du COHRED, près de 60 pays mettent actuellement en œuvre la stratégie de RNES (voir encadré 8.1). Certains de ces pays en sont encore à l'étape préliminaire, mais bien d'autres sont en bonne voie de mettre la RNES en pratique. En outre, un certain nombre d'autres pays, programmes et réseaux ont appliqué certains des principes fondamentaux de la RNES sans pour autant se rallier explicitement à la stratégie (par exemple, le Programme international pour la Politique de Santé [PIPS], le Social Science and Medicine Africa Network et Health Systems Research). Des pays de cinq régions (l'Afrique, l'Asie, les Antilles, l'Europe de l'Est-l'Asie centrale, l'Amérique latine) ont réuni leurs ressources techniques et humaines pour créer un processus de réseautage en RNES au niveau régional et, dans certains cas, infrarégional (par exemple, le réseau infrarégional de RNES des pays francophones d'Afrique).
Encadré 8.1 : |
L'expansion mondiale de la RNES Pays participant au processus de RNES : Afrique Afrique du Sud Bénin Burkina Faso Burundi Cameroun Côte d'Ivoire Égypte Éthiopie Ghana Guinée Kenya Malawi Mali Maurice Mozambique Nigeria Ouganda Sénégal Seychelles Soudan Swaziland Tanzanie Zambie Zimbabwe Asie Bangladesh Cambodge Chine Inde Indonésie Iran Malaisie Myanmar Népal Oman Pakistan Philippines République démocratique populaire lao Thaïlande Viêtnam Antilles Curaçao Barbade Jamaïque Trinité-et-Tobago Europe de I'Est-Asie centrale Hongrie Kazakhstan Kirghizistan Lituanie Ouzbékistan Tadjikistan Turkménistan Amérique latine Argentine Brésil Chili Colombie Cuba Mexique Nicaragua Venezuela |
Certes, l'essor de la RNES et du COHRED a connu quelques ratés. Les chapitres précédents décrivent les leçons tirées de ces réussites et échecs. Le présent chapitre reprend l'histoire du COHRED relatée au chapitre 1. Il revient sur l'appui que le COHRED a accordé à la RNES et présente le point de vue des collègues du COHRED, et notamment des chefs de file nationaux de la recherche, en ce qui concerne les défis actuels et ceux que le COHRED et la RNES auront à relever.
Au moment de sa fondation en 1993, le COHRED avait avant tout pour rôle de promouvoir la RNES et de fournir de l'aide technique concernant les sept composantes stratégiques de la RNES (TFHRD, 1991): promotion et défense, mécanisme de RNES, établissement des priorités, renforcement des capacités, réseautage, financement et évaluation. Au cours des années suivantes, grâce à l'aide technique et, parfois, financière du COHRED, un certain nombre de pays ont entrepris ou élargi des activités relatives à une ou plusieurs de ces composantes. Vers le milieu de 1996, le conseil du COHRED a décidé qu'il était important d'examiner la RNES; il a donc commandé une évaluation provisoire de la stratégie et de l'efficacité du COHRED. Une équipe d'évaluation externe composée de quatre personnes a examiné une foule de documents pertinents et a interrogé des représentants communautaires, des représentants des bailleurs de fonds, des organismes et les dirigeants de réseaux de recherche. L'équipe a également fait des visites sur place dans sept pays, et un membre de l'équipe a participé à des réunions de réseautage de RNES en Afrique et en Asie.
Le rapport de l'équipe d'évaluation, intitulé The Next Step : An Interim Assessment of RNES and COHRED (COHRED, 1996), a été déposé lors d'une réunion du conseil du COHRED en octobre 1996. Ce rapport soulignait notamment la nécessité de créer un ensemble d'outils, ou de méthodes, pour promouvoir et mettre en œuvre la RNES. Lorsque la RNES a été lancée pour la première fois et que le Groupe de travail sur la recherche en santé pour le développement a établi les sept composantes de la stratégie, ce groupe a tenu pour acquis que ces composantes seraient jugées nécessaires et seraient mises en œuvre. C'est en effet ce qui s'est produit; des groupes nationaux de RNES ont mis en œuvre les sept composantes stratégiques, avec un succès mitigé. L'équipe d'évaluation provisoire, cependant, a attiré l'attention sur la nécessité de recueillir et de partager l'expérience nationale en matière de compétences en RNES, et elle a recommandé de le faire par l'application systématique d'une base de connaissances et d'habiletés (COHRED, 1996). Ces compétences (également appelées « technologies de RNES ») comprenaient les sept composantes stratégiques initiales, plus deux nouvelles : la participation des collectivités et l'utilisation de la recherche aux fins des politiques et des interventions (voir figure 8.1). L'équipe a également suggéré que la définition, l'élaboration et l'utilisation de ces technologies représentent le créneau exclusif du COHRED, sa contribution à l'initiative mondiale en matière de santé et de développement (COHRED, 1996).
Bien que le COHRED ait réalisé des progrès en vue de définir des indicateurs de succès de la RNES, il lui reste du pain sur la planche avant de pouvoir passer de la description des processus à l'analyse des incidences et du rendement. En outre, l'équipe a souligné que dans bien des cas, les activités de renforcement des capacités étaient
Recherche nationale essentielle en santé Objectifs Accorder la priorité aux pays Promouvoir l'équité en santé Établir des liens entre la recherche, les politiques et les interventions Compétences Promotion et défense Élaboration d'un mécanisme novateur Établissement de priorités Renforcement des capacités Mobilisation de la recherche Utilisation de la recherche aux fins des interventions et des politiques Participation des collectivités Formation de réseaux et de coalitions Évaluation |
Figure 8.1 Objectifs et compétences de la RNES.
axées avant tout sur les chercheurs. Il a recommandé une approche plus complète au renforcement des capacités de RNES afin d'inclure tous les intervenants : décideurs, collectivités, représentants des ONG, bailleurs de fonds, médias, professionnels de la santé et secteur privé. (Un sommaire des recommandations formulées dans le rapport d'évaluation provisoire figure dans l'encadré 8.2.)
Après un débat soutenu, le conseil du COHRED a eu tôt fait de mettre en oeuvre l'esprit et la lettre de ces observations et suggestions en créant plusieurs équipes spéciales et groupes de travail. L'équipe spéciale sur les compétences en RNES (composée de quatre groupes de travail) a été créée en vue d'examiner l'établissement de priorités, l'utilisation de la recherche aux fins des politiques et des interventions, la promotion, la défense et le mécanisme de RNES ainsi que la participation des collectivités. Le COHRED a établi deux autres équipes spéciales, l'une sur les flux de ressources et l'autre sur l'évaluation et les indicateurs critiques de réussite. Un an plus tard, à son assemblée annuelle de 1997, le conseil a créé un comité consultatif sur le renforcement des capacités de recherche en santé, reconnaissant ainsi que cette question intervient dans de nombreux aspects du processus de RNES.
Les principaux groupes, comprenant des membres du conseil du COHRED, des chefs de file nationaux et régionaux de la recherche et d'autres collègues, ont pris en charge l'identification des connaissances et habiletés nécessaires pour chaque compétence, l'élaboration d'ensembles d'outils pour aider les planificateurs de RNES de
Encadré 8.2 |
Recommandations du rapport d'évaluation provisoire 1. Produit : formation en technologie de RNES — Créer une initiative spéciale visant à obtenir de l'expertise concernant les compétences relevant de la « technologie de RNES », préparer des stratégies et des documents (« ensembles d'outils ») et donner de la formation aux groupes nationaux de RNES. 2. Partenariats : établissement de coalitions à des fins précises — Créer des « équipes régionales de mentorat en RNES » pour aider les pays à établir des coalitions, particulièrement au début du processus de RNES, où il importe d'évaluer le contexte politique. Dans la mesure du possible, ces équipes de mentorat devraient comprendre des représentants des trois principaux partenaires : les chercheurs, les décideurs et les collectivités. Dans certains cas, un représentant des bailleurs de fonds pourrait également s'y greffer. — Constituer une équipe spéciale qui examinera comment établir des liens entre les initiatives nationales et mondiales de recherche. Cette équipe devrait être formée par le COHRED et comprendre des représentants de l'Organisation mondiale de la santé et d'autres organismes des Nations Unies, ainsi que de la Banque mondiale. Elle aurait pour objectif d'élaborer des projets et programmes exemplaires de collaboration au niveau national. 3. Ressources humaines : programme complet de renforcement des capacités de recherche — Élargir la portée de la formation en recherche pour qu'elle transcende la communauté des chercheurs; le COHRED devrait relever les pays qui ont déjà élargi la formation en recherche en vue de renforcer et de promouvoir cette approche. — Entreprendre une ou plusieurs études de cas nationales sur cette question; ces études devraient être non seulement analytiques et descriptives, mais également proposer et mettre en œuvre des solutions pour faire en sorte que l'expertise existante en recherche soit exploitée dans le cadre du processus de RNES. — Lancer des initiatives spéciales avec des institutions et réseaux appropriés afin d'inclure les notions et compétences en RNES dans les programmes de formation des professionnels de la santé. Ces initiatives devraient permettre aux étudiants de participer directement à tous les aspects du plan de RNES. 4. Rendement : renforcer le COHRED — Le conseil du COHRED devrait s'orienter de façon plus résolue vers les problèmes à résoudre. Il pourrait y parvenir en constituant de petites équipes spéciales chargées de questions pertinentes. En outre, il pourrait améliorer son efficacité en créant un petit comité exécutif dont chaque membre aurait une responsabilité particulière, ou en réduisant sa taille. — Le secrétariat du COHRED devrait être renforcé afin de lui permettre de prendre en charge un plus grand nombre de projets d'analyse. Ainsi, un administrateur pourrait être posté au bureau de Genève, ou des professionnels pourraient être embauchés à temps partiel au niveau régional. Source : COHRED (1996). |
divers pays et donner de la formation aux groupes nationaux de RNES. (Les objectifs précis d'un certain nombre de groupes de travail et équipes spéciales du COHRED figurent dans l'encadré 8.3.) Ces groupes en sont à différentes étapes d'avancement. Plusieurs ont commencé à publier divers documents, notamment des manuels, des guides d'évaluation, des documents de réflexion, des dépliants et des rapports d'information (voir encadré 8.4) (disponibles par l'entremise du secrétariat du COHRED). D'autres ont connu moins de succès. Ainsi, le groupe de travail sur les flux de ressources a avorté; le COHRED a décidé d'entreprendre plutôt plusieurs études internationales dont les résultats ont été communiqués au groupe central sur les flux de ressources du GFHR. L'équipe spéciale sur les indicateurs critiques du COHRED a élaboré un instrument d'enquête pour permettre aux pays d'évaluer leurs progrès en matière de RNES. Cependant, cet instrument s'est révélé trop difficile à utiliser, et les travaux de l'équipe spéciale se sont enlisés.
En février 1999, un groupe spécial composé d'associés du COHRED s'est joint au coordonnateur du COHRED et au président du conseil d'administration à Genève pour mener un examen interne informel du rôle et du rendement du COHRED. Ce groupe a réfléchi sur les « nouvelles réalités » de la communauté mondiale et du secteur international de la recherche en santé (voir chapitre 9), ainsi que sur les défis qu'elles posent pour le COHRED. Parmi ces nouvelles réalités, on relève l'importance croissante de la gestion des connaissances et l'utilisation novatrice des technologies de communication, l'émergence de plusieurs nouveaux organismes internationaux de recherche en santé et l'inquiétude récente selon laquelle les programmes mondiaux et nationaux de recherche en santé s'intéressent de plus en plus aux réformes axées sur l'efficacité au détriment de l'équité.
Une analyse des forces, faiblesses, possibilités et menaces a permis de mieux circonscrire l'identité institutionnelle du COHRED et sa contribution aux objectifs des nombreux autres organismes et initiatives internationaux de recherche en santé comme l'OMS, le GFHR et les Scientists for Health Research and Development. Le COHRED a défini son créneau en fonction de trois grands objectifs :
— accorder la priorité aux pays;
— promouvoir l'équité en santé;
— établir des liens entre la recherche, les politiques et les interventions.
Ces objectifs sont au coeur de la stratégie de communication nouvelle et revitalisée du COHRED, qui fait appel aux toutes dernières technologies de communication. Le COHRED a également constitué une bibliothèque électronique et publié un certain nombre de documents de promotion sur papier et par voie électronique, comme The ENHR Handbook (COHRED, 2000c). La bibliothèque électronique permet maintenant au secrétariat du COHRED de répondre plus rapidement et efficacement aux demandes de renseignements précis ou personnalisés. À l'avenir, elle permettra l'accès direct à ces documents par l'entremise du site Web du COHRED (http://www.cohred.ch) ou sur cédérom.
Un document de fond publié récemment par le COHRED, Health Research : Powerful Advocate for Health and Development Based on Equity (COHRED, 2000e), décrit en profondeur chacun des objectifs, y compris des moyens de les atteindre et les risques qu'ils posent. Le reste de la présente section propose une brève description des objectifs qui s'inspire de ce document de fond.
Un pays, quel que soit son niveau de pauvreté, doit affecter ses ressources limitées à des recherches pertinentes pour sa population.
— Professeur Raphael Owor, faculté de médecine,
Makerere University, Ouganda
Chaque pays éprouve toujours des difficultés particulières qu'il faut résoudre efficacement, et pour y parvenir, on ne peut emprunter le programme de recherche d'autres pays.
— Dr Izzy Gerstenbluth, département d'épidémiologie et de recherche, Service de médecine et de santé publique, Curaçao
La meilleure raison d'accorder la priorité aux pays réside dans les progrès remarquables réalisés là où ce principe a été appliqué. L'intérêt national a piloté la R-D dans des pays industrialisés comme le Japon, les États-Unis et les pays d'Europe occidentale, avec des résultats spectaculaires. Évidemment, pour les pays en développement, dont les ressources sont limitées, il est très difficile d'investir dans la R-D. Cependant, il reste que les initiatives nationales de recherche axées directement sur des problèmes de santé précis sont les plus fructueuses.
Les tendances actuelles de la mondialisation et l'aggravation des inégalités rendent cette approche encore plus cruciale, surtout dans les pays les plus pauvres et marginalisés. Bien que les technologies actuelles permettent de diffuser rapidement le savoir dans le monde entier, il reste que ce sont les pays industrialisés qui en profitent le plus; on ne peut donc pas parler de « mondialisation du savoir ». La privatisation de la recherche, la protection accrue des droits de propriété intellectuelle et le fossé grandissant entre les pays au plan de l'accès aux technologies de communication nuisent aux intérêts des pauvres dans les pays en développement. Ces pays tentent de tirer profit de l'« économie mondiale », mais ils doivent le faire sans négliger les préoccupations de leur population.
La recherche nationale dans les pays en développement comporte au moins quatre objectifs. Le premier consiste à recourir plus efficacement aux connaissances, aux technologies et aux interventions en matière de santé. Dans certains cas, il s'agirait d'adapter ces connaissances et technologies à la conjoncture locale, ou encore de rendre les interventions actuelles plus efficaces. Le deuxième objectif consiste à simplifier et à rendre plus abordables les interventions actuelles qui sont efficaces, mais coûteuses. Pour ce faire, il faudra dans bien des cas collaborer avec des chercheurs d'autres pays où la population éprouve des problèmes de santé semblables. Le troisième objectif est de participer à des recherches visant à découvrir de nouveaux moyens de composer avec des problèmes prioritaires. Dans certains cas, les pays en développement participeront directement aux recherches, ou encore, ils favoriseront la recherche axée sur leurs priorités sans y participer nécessairement. Par exemple, ils pourraient faire appel à des investisseurs et organismes internationaux, ainsi qu'à des chercheurs des pays industrialisés. Le quatrième objectif consiste à se protéger contre la désinformation et l'exploitation; par exemple, les fabricants et distributeurs de produits pharmaceutiques et sanitaires des pays industrialisés diffusent souvent des renseignements tendancieux et offrent des incitatifs pour commercialiser leurs produits. L'industrie du tabac recourt à des techniques semblables, en donnant des indications trompeuses sur les cigarettes à filtre.
La santé doit être considérée comme une partie intégrante du développement économique. La répartition équitable des ressources en santé deviendrait alors un objectif des grands mouvements politiques.
— Dr Michael Phillips, Centre de recherche en épidémiologie clinique, hôpital Hui Long Guan, Beijing, Chine
Il revient à chaque pays d'accorder la priorité à l'équité.
— Dr Lye Munn Sann, Institute of Medical Research, Malaisie
Laissée aux forces du marché et à la simple curiosité, la recherche en santé a tendance à être axée sur les priorités et les problèmes de santé des riches. Au lieu de combler le fossé entre les riches et les pauvres, elle contribue au contraire à élargir les disparités. Or, la recherche en santé devrait viser à éliminer ces disparités, se fondant sur le principe selon lequel chaque personne est importante et a le droit d'exploiter tout son potentiel.
En outre, la santé pour tous favorise le développement national. En n'investissant pas assez dans la santé des pauvres, les pays nuisent à leur croissance économique et à leur développement social. Le fardeau de la maladie, qui est le plus lourd dans les pays les plus pauvres, entrave à la fois la croissance économique et le développement humain, et limite la compétitivité internationale. Il y a maintenant des indications selon lesquelles les stratégies axées sur l'équité contribuent directement à la croissance économique.
Favoriser l'équité améliore également l'efficacité. C'est en améliorant l'état de santé des personnes les plus exposées à la maladie que les pays parviendront à la réduction la plus importante du fardeau de la maladie. Ces personnes sont presque toujours les pauvres et les membres d'autres groupes défavorisés.
Contrairement à l'état de santé dans les pays riches, dont une amélioration importante nécessiterait des percées technologiques considérables, la santé d'une partie de la population pauvre pourrait être améliorée de beaucoup grâce à des investissements plutôt modestes dans l'application des connaissances actuelles. Les mesures qui visent à réduire le fardeau de la maladie au moyen des technologies actuelles reposent surtout sur une meilleure efficacité technique, une répartition plus judicieuse des ressources et une plus grande efficacité des coûts.
En appliquant des connaissances locales adaptées, il est possible de tirer beaucoup plus d'avantages des interventions nouvelles ou existantes. Dans bon nombre de pays d'Afrique, par exemple, la population recourt souvent à la médecine traditionnelle de même qu'au système de santé à l'occidentale. Cependant, les pratiques des guérisseurs traditionnels suscitent de plus en plus d'inquiétudes, car elles comportent parfois pour eux et pour leurs patients le risque de contracter le VIH et le sida. Ainsi, il arrive que les guérisseurs utilisent le même rasoir pour scarifier plusieurs patients, qu'ils fassent des morsures et prennent ainsi du sang de leurs patients dans la bouche ou qu'ils frottent des herbes médicinales sur des plaies ouvertes sans s'être lavé les mains. Des études ethnographiques ont souligné l'importance du contexte sociopolitique et culturel dans les pratiques de guérison ainsi que de la compréhension du sida par les indigènes, en vue d'élaborer des interventions éducatives sur le VIH et le sida qui soient adaptées à la culture et qui fassent collaborer les guérisseurs traditionnels dans le but d'identifier les pratiques thérapeutiques à risque et de trouver des solutions (Willms et coll., 1996).
En Indonésie, la recherche est une chose sérieuse, que les décideurs ne jugent pas nécessairement importante parce qu'ils s'en remettent à leur propre jugement. En outre, l'atmosphère n'est pas vraiment propice à la recherche, que l'on trouve notamment coûteuse.
— Dr Agus Suwandono, Health Services Research and Development Centre, National Institute of Health Research for Development, Ministry of Health, Indonésie
Le défi consiste à axer la recherche sur la demande et à sensibiliser les chercheurs aux besoins et priorités d'intérêt national.
— Dr Lye Munn Sann, Institute of Medical Research, Malaisie
Le secteur privé est motivé par le profit et par la volonté d'obtenir le meilleur rendement possible sur l'investissement. C'est peut-être pourquoi il parvient plus efficacement que le secteur public à redéfinir les processus d'innovation et à remplacer les démarches statiques et progressives en approches plus dynamiques et interactives. Les priorités du secteur privé s'écartent à bien des égards de celles du secteur public, notamment quand on tient compte du rôle du secteur public de protéger et de promouvoir la recherche fondamentale dans le monde. Néanmoins, les chercheurs qui travaillent à la promotion de la santé peuvent apprendre beaucoup de l'expérience du développement technologique.
Une faible demande de recherche peut aboutir à des inefficacités. Par exemple, la recherche ne répond pas aux besoins des utilisateurs éventuels, ou certains domaines de recherche sont complètement négligés. Cette situation comporte plusieurs conséquences :
— Les chercheurs des pays en développement aux prises avec une grave pénurie de ressources seront encore plus défavorisés s'ils n'exploitent pas ces ressources le plus efficacement possible (bon nombre de ces chercheurs ont été formés dans des pays industrialisés, où les programmes mettent l'accent sur les méthodologies de recherche plutôt que sur la planification et la gestion);
— Les chercheurs et les coordonnateurs nationaux de la recherche peuvent s'adresser à des groupes d'utilisateurs pour stimuler la demande de recherche et ainsi améliorer l'efficacité du processus de recherche;
— Bien qu'il y ait une demande pour la tenue de recherches visant à améliorer la santé des pauvres (du moins, de la part des pauvres), cette demande passe inaperçue dans le marché de la recherche. Il en résulte des investissements insuffisants dans la recherche visant les pauvres.
Pour lutter concrètement contre ces inefficacités, on pourrait promouvoir la recherche effectuée par les pauvres et établir des liens entre la recherche et les interventions en vue d'améliorer la santé des pauvres (voir le chapitre 4 sur la recherche participative et l'habilitation).
Cette seconde solution peut également améliorer la qualité de la recherche, les connaissances étant mises à l'épreuve par leur application à des problèmes concrets. Il s'agit là d'un important argument à employer auprès de la communauté universitaire, qui est moins sensible aux arguments sur l'efficacité dont nous avons parlé plus haut.
À l'heure actuelle, le principal rôle du COHRED consiste à faire part de ses trois objectifs aux pays en développement et à la communauté internationale de R-D en santé. Le COHRED continue également de fournir du soutien technique aux pays qui mettent en œuvre la RNES. Il collabore avec les chefs de file nationaux de la recherche en vue de promouvoir la recherche en santé comme outil de développement, d'établir des priorités de recherche et de renforcer les mécanismes de soutien de la recherche et les capacités des chercheurs et des utilisateurs. Plus précisément, il facilite l'interaction des chefs de file de la recherche en santé aux plans national et international. Ainsi, il aide les pays à partager leurs expériences et connaissances afin de créer un milieu de recherche stimulant, résolument tourné vers l'amélioration de la santé et de l'équité. En outre, le COHRED représente une tribune dynamique pour l'échange d'expériences en matière de RNES. Par ses publications imprimées et électroniques, ses forums et des initiatives conjointes, le COHRED permet aux chercheurs, aux travailleurs de la santé, aux ministères de la santé, aux organismes communautaires et à d'autres intervenants d'échanger leurs expériences et leurs connaissances. Les initiatives régionales et nationales du COHRED visent à intensifier au maximum l'échange de renseignements et d'idées.
Un peu plus d'un an après la création du COHRED, la première réunion africaine de réseautage sur la RNES a été organisée à Mombassa, au Kenya (mai 1994). Les participants (plus de 30 personnes provenant de sept pays africains) ont reconnu l'importance de partager l'expérience de leur pays en matière de RNES et recommandé fortement que pareilles réunions soient tenues régulièrement. Depuis, le réseau régional organise une réunion tous les ans dans différentes villes africaines (Accra, Arusha, Harare, Kampala). Le professeur Raphael Owor d'Ouganda a été le premier coordonnateur régional du réseau; il a été remplacé en 1999 par le Dr Steve Chandiwana du Zimbabwe. D'autres réunions ont été tenues en parallèle, notamment la quatrième réunion africaine sur la RNES à Arusha, qui a eu lieu à l'occasion d'une conférence spéciale sur la politique de santé en Afrique (commanditée conjointement par le PIPS) et la World Conference of Public Health Associations. Une réunion conjointe de la RNES, de l'African Clinical Epidemiology Network et de la Public Health School Without Walls a eu lieu à Kampala en octobre 1996. Un réseau infrarégional de pays francophones existe depuis plusieurs années, et est dirigé par un coordonnateur francophone. Le réseau régional a établi des rapports avec d'autres organismes régionaux de recherche en santé d'Afrique, à la suite d'une réunion sur le « réseautage des réseaux » tenue en janvier 1996, à l'occasion d'une réunion mondiale de l'INCLEN tenue à Victoria Falls.
L'équipe africaine de mentorat en RNES gère le programme et les activités du réseau. Elle est composée du coordonnateur régional et des membres africains du conseil d'administration du COHRED. Elle s'occupe de diverses tâches, notamment fournir des conseils et du soutien à certains pays, communiquer avec le secrétariat et le conseil du COHRED et des organismes régionaux (comme le Bureau régional pour l'Afrique de l'OMS) et planifier la réunion de réseautage annuelle sur la RNES. En prévision de la conférence d'octobre 2000 à Bangkok, l'équipe de mentorat a tenu des consultations intensives pour s'assurer que l'Afrique aura une représentation forte et claire à la conférence.
Des représentants des pays asiatiques participant à la stratégie de RNES ont tenu des réunions : la première a eu lieu en Thaïlande en 1995. Elle a été suivie par des réunions aux Philippines (1996), au Viêtnam (1997) et dans la République démocratique populaire lao (1998). Le réseau asiatique de RNES a créé des équipes spéciales régionales et des équipes de projet, notamment des groupes de travail sur les flux de ressources et une étude régionale sur l'équité. Son secrétariat change tous les deux ans. Le Bangladesh a été le premier hôte du réseau, suivi par les Philippines puis par la Thaïlande. Un certain nombre d'activités nationales sont axées sur la coopération régionale, notamment les ateliers d'établissement de priorités tenus en Indonésie, dans la République démocratique populaire lao, au Népal et au Viêtnam, et un atelier de formation sur la gestion de la recherche et le réseautage en Thaïlande.
Au cours de la dernière année, le réseau asiatique de RNES a effectué un examen approfondi de l'état de la recherche en santé pour le développement en Asie en prévision de la conférence de Bangkok. Il a tenté d'élargir sa sphère d'influence en obtenant la participation du plus grand nombre possible de groupes asiatiques œuvrant dans la recherche en santé. Pour ce faire, il a fait un usage novateur des technologies de l'information et des communications au cours des mois qui ont précédé l'Asian Forum on Health Research, qui a eu lieu à Manille en février 2000.
Le Commonwealth Caribbean Medical Research Council (CCMRC) (maintenant le Caribbean Health Research Council [CHRC]) a beaucoup contribué à l'implantation et au développement de la RNES dans les Antilles (plus précisément, les 18 pays anglophones et les Antilles néerlandaises). À l'atelier conjoint CCMRC-COHRED tenu en novembre 1995 en Jamaïque, des équipes de cinq pays ont discuté de l'élaboration de priorités aux fins de la recherche en santé et ont préparé des plans nationaux de RNES. Quatre de ces cinq pays ont présenté des rapports d'étape à une réunion du CCMRC tenue à Trinité en avril 1996.
En tant qu'organisme régional de réseautage en RNES, le CCMRC a également créé un poste de scientifique en RNES. De septembre 1995 à mai 1998, ce scientifique a contribué à des processus de préparation et d'établissement de priorités concernant les propositions de recherche et a organisé des ateliers sur les compétences en recherche.
Pendant une consultation régionale en 1997, l'initiative Caribbean Cooperation in Health (CCH) a établi huit priorités régionales en matière de recherche en santé, ainsi que des stratégies de mise en œuvre et des interventions conjointes. Le CCMRC est devenu le CHRC et a commencé à établir un programme régional de recherche axé sur ces huit priorités. Jusqu'à maintenant, quatre pays de la région ont constitué des comités de RNES : la Barbade, Curaçao, la Jamaïque et Trinité-et- Tobago.
L'Europe de l'Est a lancé son processus d'établissement de réseau sous la direction du Dr Peter Makara. En juin 1996, un atelier a été organisé conjointement par l'Institut hongrois de promotion de la santé, le COHRED et l'International Forum for Social Sciences in Health. Cet atelier a été suivi, en novembre 1997, du Workshop on Inequity and Health : From Research to Policies. Les participants ont discuté du renforcement des capacités des pays de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale ainsi que des pays baltes de mener des recherches et de mettre en œuvre des politiques et des interventions pour faire face aux inégalités régionales, qui comprennent la pauvreté, l'exclusion sociale, le chômage, la migration, le problème des sans-abri, les questions touchant les minorités et d'autres aspects importants touchant les personnes défavorisées sur le plan socio-économique.
En 1999, la déclaration de Bishkek a élargi le réseau régional pour englober les républiques d'Asie centrale et du Kazakhstan (RACK). Un atelier a été organisé, avec des représentants des RACK, des chercheurs et des membres du forum sur la santé maternelle et infantile des RACK. De nombreux organismes et bailleurs de fonds internationaux ont participé à cet atelier, y compris le COHRED, le Bureau régional pour l'Europe de l'OMS, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, les Centre for Disease Control et la Banque mondiale. Les participants se sont engagés à adopter la RNES.
Récemment, le réseau a également entrepris une consultation régionale en vue d'élaborer son programme de recherche en santé pour les dix prochaines années et se préparer à la conférence de Bangkok.
En novembre 1999, la région de l'Amérique latine a lancé un processus de consultation en prévision de la conférence de Bangkok. Comme pour les consultations qui ont eu lieu dans les autres régions, ces consultations ont fait intervenir des représentants d'un certain nombre de réseaux (le Latin American and Caribbean Women's Network, l'INCLEN et le Health Systems and Services Research Network in the Southern Cone), plusieurs organismes gouvernementaux (ministères de la Santé et conseils scientifiques et technologiques) et certaines universités. Ce processus de consultation a abouti à une réunion de synthèse tenue à Buenos Aires, en juin 2000, où les participants ont proposé de constituer un lien plus permanent (c'est-à-dire un réseau de réseaux). On espère que l'élan créé par le processus de consultation se maintiendra et incitera les pays participants à renforcer leurs systèmes de recherche en santé en les orientant clairement vers l'équité, la justice sociale et l'égalité des hommes et des femmes.
Parallèlement aux nombreux préparatifs en vue de la conférence d'octobre 2000, le COHRED a continué de faire le point sur ses activités des dernières années et à définir la contribution qu'il pourrait faire à l'avenir. D'anciens membres et des membres actuels du conseil du COHRED ont participé à ce processus, qui a permis d'éclaircir les tâches et rôles futurs de l'organisme.
Le COHRED a élargi son rôle à l'appui de la RNES. Il continue d'en faire la promotion, mais en s'appuyant sur une nouvelle série d'objectifs précis et sur une stratégie de communication renforcée. Aux groupes nationaux qui lui demandaient du soutien pour améliorer leurs compétences en RNES, le COHRED a fourni des ensembles d'outils, organisé des forums permettant aux pays d'échanger leurs expériences et offert de la formation en leadership. Ce faisant, il est devenu une communauté d'apprentissage, un regroupement au sein duquel les collègues s'encouragent et se soutiennent mutuellement en vue d'atteindre les objectifs du COHRED : accorder la priorité aux pays, promouvoir l'équité en santé et établir des liens entre la recherche, les politiques et les interventions. Au cours de la prochaine décennie, le COHRED compte favoriser la formation de coalitions et de partenariats. Jusqu'à présent, il a établi des partenariats avec des organismes aux buts semblables, comme l'OMS (siège et bureaux régionaux), l'INCLEN, le GFHR et l'Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé, et il a contribué à créer des réseaux et à établir des liens entre les pays et les organismes sub-ventionnaires. Le COHRED cherche maintenant à intensifier ces efforts et à former des coalitions avec l'éventail d'intervenants le plus large possible.
Le COHRED compte remplir chacun des quatre rôles susmentionnés au moyen des activités suivantes :
Comme promoteur
— Mettre au point sa stratégie de communication;
— Changer la perception qui veut que la RNES ne soit que pour les pays pauvres;
— Chercher à donner une « dimension nationale » à la recherche internationale;
— Souligner que la RNES n'est pas un autre programme vertical;
— Chasser le mythe voulant que le COHRED soit une banque mobile.
Comme créateur de coalitions
— Collaborer avec les pays pour déterminer comment les coalitions peuvent être des catalyseurs de changement;
— Bâtir des réseaux de recherche efficaces entre les pays en développement;
— Faire office d'intermédiaire auprès des bailleurs de fonds.
Comme communauté d'apprentissage
— Renforcer le leadership en matière de gestion et de promotion de la recherche;
— Identifier et préparer la prochaine génération de dirigeants du COHRED.
Comme regroupement
— Continuer de favoriser le développement de structures régionales de RNES;
— Établir des liens avec des partenaires mondiaux.
En outre, le COHRED cherchera à élaborer des indicateurs qualitatifs et quantitatifs de l'efficacité de la RNES et de son propre rendement. Il pourra ainsi, entre autres choses, établir une définition d'équité et lui donner une application concrète en décrivant des mesures et initiatives précises pour promouvoir et évaluer les tendances au plan de l'équité.
De juillet 1999 à mai 2000, le COHRED a recueilli le point de vue d'un certain nombre de chefs de file nationaux de la recherche concernant les orientations futures de la RNES et les principaux défis à relever dans ce domaine. Il a invité 19 chefs de file à participer à des entrevues approfondies. Tous ont accepté, et les éléments pertinents des entrevues ont été transcrits. Une analyse documentaire des rapports des quatre visites sur le terrain effectuées pendant les consultations en Afrique a permis de dégager certaines perspectives intéressantes.
Ainsi, les chefs de file nationaux de la recherche se sont entendus pour affirmer que la RNES doit viser à apporter des changements à la fois à l'échelon local (collectivités et districts) et aux niveaux régional, national et mondial, tout en gardant une orientation nationale. Plus précisément, les chefs de file de la recherche ont réclamé les mesures suivantes :
— résoudre les problèmes locaux au moyen de solutions locales;
— renforcer le leadership national;
— accroître la coopération régionale;
— négocier un nouveau partenariat avec les bailleurs de fonds.
Dans le reste du présent chapitre, nous donnons la parole aux chefs de file nationaux de la recherche en présentant des citations de ces personnes et des rapports sur les visites sur place, suivies d'un bref résumé des principaux arguments soulevés par les participants en regard des recommandations précédentes. (Une liste de ces personnes et des rapports sur les visites sur place figure à l'annexe 8.1.)
C'est au niveau des districts que les choses se passent vraiment. Nous avons besoin de chercheurs qui connaissent bien la collectivité et qui ont de l'expérience dans la recherche au niveau des districts. La recherche à l'échelon de la collectivité et du district permet de relever les inégalités, et les moyens de les rectifier peuvent même être trouvés au niveau local. Le système de recherche en santé n'est pas encore assez présent au niveau local pour permettre d'identifier les inégalités et de les corriger. Je crois que nous en sommes encore au niveau national, et que nous devons décentraliser la recherche pour parvenir à cet objectif.
— Professeur Raphael Owor, faculté de médecine,
Makerere University, Ouganda
Collaborer vraiment avec les trois intervenants, ce sera très difficile. Jusqu'à présent, la collectivité a été laissée pour compte. Les chercheurs n'ont pas l'habitude de considérer les collectivités comme de véritables intervenants. Quand on dit inviter la « collectivité », on invite les ONG, mais ces organisations ne représentent pas vraiment la collectivité. Les gens de la collectivité ne sont pas des spécialistes; il faut donc recourir à une démarche différente, fondée sur le partenariat et la compréhension. Pour collaborer vraiment avec eux, il nous faut des chercheurs dévoués, qui peuvent consacrer le temps nécessaire pour se familiariser avec la culture dans laquelle ils évoluent.
— Rapport de la visite sur place au Bénin
Le rôle des guérisseurs traditionnels dans la recherche n'est pas très clair, mais ce sont des intervenants très importants. Il faut valoriser et préciser leur apport possible à la RNES et à l'équité pour le développement.
— Rapport de la visite sur place au Bénin
L'établissement de priorités de recherche en santé devrait être axé sur une démarche ascendante plutôt que descendante. Les problèmes et besoins locaux (de la collectivité et du district) en matière de santé devraient piloter les programmes nationaux de recherche, et les politiques et programmes qui en résultent devraient être adaptés à la situation locale, en tenant compte du contexte social, culturel, économique et politique. Les membres de la collectivité doivent avoir vraiment leur mot à dire dans l'établissement des priorités de recherche en santé, et les chercheurs devraient les aider à trouver des solutions à leurs problèmes de santé. Les guérisseurs traditionnels, de même que les groupes de femmes et d'autres secteurs auparavant négligés de la société, devraient compterparmi les divers groupes d'intervenants et recevoir le même respect. C'est probablement au niveau local que l'on réalisera les améliorations les plus importantes au plan de l'équité.
Une démarche complète de renforcement du leadership national doit aller au-delà de la formation et reconnaître la nécessité de changer les attitudes, les valeurs et les motivations sur le plan de la recherche, de la santé et de l'équité. Faute de tels changements, il sera probablement impossible de faire adopter un programme politique favorable à l'équité, d'affecter plus de ressources à la recherche en santé, d'établir des liens entre la recherche et les interventions ou de renforcer les capacités de recherche.
Les politiques préferent résoudre les problèmes dont ils peuvent s'occuper dans l'immédiat plutôt qu'a long terme. Pendant leur mandat de quatre ans, ils doivent poser des gestes concrets qui pourront les distinguer auprès des électeurs. Que peuvent-ils accomplir pendant cette période? Il est plutôt rare qu'un politique soit disposé à regarder au-delà de sa propre carrière politique et de son mandat de quatre ans en affectant de l'argent à la recherche en santé, qui mettra du temps à donner des résultats.
— Dr Izzy Gerstenbluth, département d'épidémiologie et de recherche, Service de médecine et de santé publique, Curaçao
La recherche contribue beaucoup à relever les inégalités. Les aplanir nécessite également de la volonté politique. La recherche peut servir à formuler et à évaluer des propositions de politiques, mais il est vital d'adopter un programme politique favorable à l'équité. La volonté politique et, par contrecoup, la recherche, se concentrent sur l'amélioration de l'efficacité des systèmes de santé. On suppose que cette efficacité rapportera des économies qui pourront être redistribuées au bénéfice des pauvres; en outre, les décideurs aiment bien se pencher sur des problèmes qu'ils peuvent résoudre rapidement.
Les pays africains doivent accorder plus d'importance à la recherche et y affecter des ressources directement, et pas seulement pour entretenir les véhicules des directeurs d'instituts ou les immeubles. Il faut consacrer de l'argent à la recherche en tant que telle. Le financement de la recherche en santé doit être prévu dans le budget national, même si le budget provient surtout d'organismes internationaux plutôt que de l'assiette fiscale locale. Je leur dis, écoutez, si vous êtes prêts à supplier les autorités de bâtir un centre médical, pourquoi ne feriez-vous pas la même chose pour la recherche en santé? Je pense qu'on commence à partager mon avis. Cette année, le plan stratégique du ministère de la Santé prévoit de la recherche, ce qui ne s'était jamais produit auparavant.
— Professeur Raphael Owor, faculté de médecine, Makerere University, Ouganda
Même dans les pays très pauvres, les dirigeants doivent faire de la recherche une priorité et y affecter une partie de leur budget.
Les politiques étaient toujours improvisées et, plus souvent qu'autrement, fondées sur des considérations financières, ce qui nous inquiétait. Nous avons donc tenté de renverser cette tendance. Nous voulions que les politiques s'appuient sur la recherche, ou sur des faits, des renseignements concrets.
— Dr Izzy Gerstenbluth, département d'épidémiologie et de recherche, Service de médecine et de santé publique, Curaçao
Il a été difficile de changer l'attitude de la vieille garde des décideurs, de les sensibiliser au rôle vital que joue la recherche dans le développement national, et d'implanter une culture de la recherche. L'une de nos principales stratégies a été d'obtenir des principaux responsables qu'ils s'engagent à reconnaître et à appuyer la recherche comme facteur important du développement.
— Dr Lye Munn Sann, Institute of Medical Research, Malaisie
Les gouvernements doivent créer une culture favorable à la prise de décisions transparentes, responsables et fondées sur des faits. Pour établir un lien entre la recherche et les politiques, il nous faut également des directeurs de recherche qui peuvent communiquer avec les deux parties et comprendre les utilisations de la recherche dans l'élaboration des politiques et l'incidence de la recherche sur les politiques.
Nos chercheurs partiront à moins qu'on ne change d'attitude à leur égard, qu'on leur donne des encouragements et des possibilités de carrière.
— Dr Akhtar Ali Qureshi, Health Services Academy, Ministry of Health, Pakistan
Au Bénin, l'université est encore à ses balbutiements. La plupart des chercheurs béninois reçoivent leur formation à l'étranger et ne rentrent pas au pays. Les chercheurs ont une foule de tâches à remplir. L'exode des cerveaux est attribuable à des incitatifs insuffisants par rapport aux offres étrangères et à des conditions de travail peu intéressantes. Des chercheurs invités augmentent notre capacité locale de recherche, mais dans une très faible mesure. Ces chercheurs travaillent surtout dans les domaines de la santé communautaire, du financement des soins de santé et de la recherche clinique. Le renforcement des capacités se limite à l'achat de matériel. La plupart des chercheurs étrangers doivent se conformer aux priorités de leur institution (étrangère) d'attache.
— Rapport de la visite sur place au Bénin
Dans le journal, j'ai lu un article sur l'exode des cerveaux selon lequel les pays en développement ne devraient pas nécessairement envisager la situation d'un point de vue géographique, mais plutôt tenir une base de données de leurs ressources humaines à l'étranger, y compris le domaine de travail et la disponibilité comme consultant dans leur pays d'origine. Les pays pourraient consulter cette base de données au besoin, et ainsi, les chercheurs pourraient contribuer de l'étranger au développement de leur propre pays.
— Rapport de la visite sur place au Burundi
La communication pose d'énormes difficultés. Le seul moyen efficace de communiquer avec les districts, c'est par émetteur-récepteur. Par exemple, dans notre institut, qui est reconnu dans le monde entier, seul le directeur a accès à Internet et au courrier électronique.
— Dr Soumare Absatou N'iaye, Département de santé communautaire, Mali
Le renforcement de la capacité de recherche ne consiste pas uniquement à former plus de chercheurs, mais également à les conserver après leur formation. Il est encore très difficile de convaincre les chercheurs de demeurer dans les pays en développement. Les gouvernements nationaux doivent investir dans les chercheurs du domaine de la santé tout autant que dans les projets et programmes de recherche en santé. Les chercheurs, quant à eux, devraient être reconnus et suffisamment rémunérés. Comme solution temporaire à l'exode des cerveaux, les organismes nationaux de coordination de la recherche devraient tenter de ne plus voir les choses selon un point de vue géographique et de recruter leurs chercheurs qui vivent à l'étranger en vue de régler des problèmes de santé dans leur pays d'origine. L'insuffisance d'information représente un grave obstacle auxquels font face les chercheurs en santé des pays en développement. De même, le besoin de matériel, d'ordinateurs, de téléphones et d'électricité est criant.
Les pays doivent collaborer au niveau régional afin de se faire entendre à l'échelle mondiale, d'exposer leurs problèmes et de s'assurer qu'il y a plus d'équité dans la répartition des ressources destinées à la recherche en santé.
— Dr Akhtar Ali Qureshi, Health Services Academy, Ministry of Health, Pakistan
Il faut créer un réseau efficace où les pays africains pourraient partager les résultats de leur recherche et leurs expériences, et permettraient ainsi aux pays moins favorisés d'en profiter. Ce réseau permettrait également d'identifier et de reconnaître les experts africains. Les accords de coopération entre les pays d'Afrique devraient être renforcés et harmonisés afín que les bailleurs de fonds ne puissent opposer les pays les uns aux autres.
— Rapport de la visite sur place au Soudan
Les pays essaient d'obtenir des subventions auprès d'organismes nationaux, mais leurs efforts se révèlent souvent infructueux. J'aimerais que le COHRED organise une assemblée de bailleurs de fonds pour l'Afrique orientale ou occidentale. Nous devons convaincre les bailleurs de fonds de prendre connaissance des priorités nationales et d'affecter des ressources, disons pour une période de trois ans, à des domaines spécifiques dans des pays précis.
— Professeur Raphael Owor, faculté de médecine, Makerere University, Ouganda
Il est vrai que l'union fait la force, non seulement lorsqu'il s'agit d'obtenir du financement de bailleurs de fonds de l'étranger, mais également de partager son expertise en recherche. Ainsi, les représentants des pays d'Afrique reconnaissent la nécessité de bâtir des réseaux régionaux pour donner plus de poids aux préoccupations nationales sur la scène internationale. En outre, les pays plus démunis pourraient profiter de l'expérience des pays plus favorisés. Un programme régional de recherche éliminerait les doubles emplois et le gaspillage des ressources régionales, déjà limitées.
Les pays devrait cesser de demander la charité aux bailleurs de fonds et se rendre compte qu'ils ont le droit d'exiger l'équité mondiale en matière de recherche en santé.
— Rapport de la visite sur place au Soudan
Les Africains ne devraient plus considérer les ressources mondiales comme des dons de charité que le Nord leur offre pour effectuer quelques petites études ici et là. Les ressources mondiales sont en fait des ressources communes qui sont à la disposition des meilleurs scientifiques aptes à élaborer les meilleures propositions en vue de répondre aux questions les plus difficiles, au bénéfice du plus grand nombre.
— Dr Steve Chandiwana, Blair Research Institute, Ministry of Health and Child Welfare, Zimbabwe
Les bailleurs de fonds internationaux doivent établir des relations de confiance avec les pays.
— Dr Mohamed Said Abdullah, National Health Research and Development Centre, Kenya
Les bailleurs de fonds ne traitent pas tous les pays sur le même pied en ce qui concerne les frais généraux. Ainsi, ils accordent des frais de 30 p. 100 aux pays développés, mais de 5 à 10 p. 100 seulement aux pays en développement. Cette proportion devrait être uniformisée en fonction de critères internationaux de rendement.
— Rapport de la visite sur place au Soudan
La recherche est un bien mondial. Les pays en développement doivent donc cesser de considérer les bailleurs de fonds internationaux comme des organismes de bienfaisance. De même, il faut créer un nouveau mécanisme mondial de financement de la recherche et changer le mode de pensée des bailleurs de fonds afin que le financement soit versé directement aux chercheurs et institutions du Sud. À l'heure actuelle, il existe un mécanisme de recherche à deux niveaux; les scientifiques du Sud sont considérés comme des chercheurs de deuxième catégorie — des « chercheurs sur le terrain » ou des « scientifiques nationaux ». Les bailleurs de fonds font passer leur financement par des institutions du Nord, qui l'utilisent surtout pour financer leurs propres chercheurs, et non leurs partenaires du Sud.
En ce début de siècle, la RNES semble bien placée pour améliorer la santé pour tous, grâce à des recherches et à des initiatives de niveau national. Des paramètres plus clairs orienteront ce travail, qui devra accorder la priorité aux pays, viser l'équité en santé et établir des liens entre la recherche, les politiques et les interventions. Cependant, pour atteindre les objectifs de la RNES, des changements s'imposent, non seulement à l'échelon national, mais également dans les districts et les régions ainsi qu'au plan international. Quelques années après sa création, le COHRED a mieux défini son identité organisationnelle. Comme promoteur, créateur de coalitions, communauté d'apprentissage et regroupement, il continuera de répondre avec créativité et efficacité aux besoins et préoccupations exprimés par les pays.
Dr Mohamed Said Abdullah
National Health Research and Development Centre, Kenya
Prof. Gopal Prasad Acharya
Nepal Health Research Council, Népal
Dr Said Ameerberg
Mauritius Institute of Health, Maurice
Dr Boungnong Bhoupa
Conseil des sciences médicales
Ministère de la Santé, République démocratique populaire lao
Dr Steve Chandiwana
Blair Research Institute
Ministry of Health and Child Welfare, Zimbabwe
M. Abu Yusuf Choudhury
Programme for the Introduction and Adoption of Contraceptive Technology, Bangladesh
Dr Somsak Chunharas
National Institute of Health
Ministry of Public Health, Thaïlande
Prof. Pham Huy Dung
Centre de la recherche en sciences sociales pour la santé
Ministère de la Santé, Vietnam
Prof. E.M. Essien
Haematology Department
University of Ibadan, Nigeria
Dr Izzy Gerstenbluth
Département d'épidémiologie et de recherche
Service de médecine et de santé publique, Curaçao
Dr Samia Yousif Idris Habbani
Direction de la recherche
Ministère fédéral de la Santé, Soudan
Dr Soumare Absatou N'iaye
Département de santé communautaire, Mali
Prof. Raphael Owor
Faculté de médecine
Makerere University, Ouganda
Dr Michael Phillips
Centre de recherche en épidémiologie clinique
Hôpital Hui Long Guan, Beijing, Chine
Prof. Akhtar Ali Qureshi
Health Services Academy
Ministry of Health, Pakistan
Dr Bassiouni S. Salem Upgrading Primary Health Care Services
Ministry of Health and Population, Égypte
Dr Lye Munn Sann
Institute of Medical Research, Malaisie
Dr Agus Suwandono
Center for Health Systems Research and Development
Ministry of Health, Indonésie
Prof. Tissa Vitarana
Technology and Human Resources Development
Ministry of Science, Sri Lanka
Bénin
Burkina
Faso
Burundi
Soudan
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RÉSUMÉ
Ce dernier chapitre, qui résume les précédents, passe en revue les réalités nouvelles et déjà bien connues de la communauté mondiale de la recherche en santé au début du XXIe siècle.
— Disparités grandissantes — Certains progrès ont été réalisés dans les années 1990 en matière de développement humain, mais pour de nombreux pays et populations, les disparités sanitaires et socioéconomiques se sont aggravées. Dans plus de 80 pays, le revenu par personne a diminué depuis dix ans, et l'écart de revenu entre les quintiles les plus riches et les plus pauvres du monde continue de s'élargir, passant de 30 pour 1 en 1960 à 60 pour 1 en 1990 puis à 74 pour 1 en 1997. À quelques exceptions près, l'écart en matière de santé entre les pays s'élargit également, notamment dans trois régions : les pays africains les plus gravement touchés par l'épidémie de sida, les pays d'Europe de l'Est et d'Europe centrale où l'infrastructure s'est détériorée et où on constate une flambée de problèmes sociaux et comportementaux, et les pays ravagés par des conflits internes prolongés et dévastateurs. Dans l'ensemble, les disparités intérieures en matière de santé se sont également aggravées; ce phénomène ne se limite d'ailleurs pas aux pays en développement.
— Mondialisation — Certains aspects de la mondialisation remontent à bien longtemps, mais au cours des dix dernières années, ce phénomène s'est accéléré. Relevons notamment l'ouverture de nouveaux marchés, la création de nouveaux organismes (par exemple, l'Organisation mondiale du commerce [OMC]), de nouvelles règles et des outils de communication plus rapides. Dans certains cas, la mondialisation améliore la situation des pauvres (le « visage humain de la mondialisation »), mais en règle générale elle aggrave la pauvreté, les inégalités et l'insécurité. Par exemple, la mondialisation se répercute sur la santé en raison des agissements des sociétés transnationales, notamment en ce qui concerne la vente et le contrôle des produits pharmaceutiques ainsi que la commercialisation du tabac dans les pays à faible revenu.
— Pandémies persistantes — Plusieurs problèmes de santé graves qui affligent des millions de personnes dans le monde sont encore plus inquiétants qu'il y a dix ans, comme l'épidémie de maladies liées au tabac, qui aurait causé près de quatre millions de décès en 2000. Le sida-VIH-1 représente maintenant la première cause de décès attribuable à une maladie infectieuse; on s'attend à ce qu'elle entraîne la mort de 2,5 millions de personnes en 2000. Les accidents et les blessures infligées volontairement comptent pour 16 p. 100 des années de vie corrigées de l'incapacité (AVCi) et causent plus de six millions de décès par année. Le paludisme, quant à lui, continue de s'aggraver, particulièrement en Afrique.
— Savoir et nouvelles technologies de l'information et des communications — Depuis dix ans, le savoir est devenu un élément crucial du développement humain. De nombreux pays à revenu élevé se considèrent désormais comme des « sociétés axées sur le savoir », ce qui témoigne de l'incidence de l'explosion du savoir sur le développement économique et social. Les nouvelles technologies de l'information et des communications représentent une caractéristique fondamentale de cette tendance. Pourtant, les personnes les plus pauvres du monde, dont le nombre s'élève à plus de deux milliards, ne peuvent profiter de leurs avantages. Malgré des innovations prometteuses, comme les télécentres communautaires, il manque toujours les investissements considérables, la persévérance et la créativité nécessaires pour que les connaissances en matière de santé améliorent la vie des pauvres.
— Regard neuf sur la santé et le développement — De plus en plus, le milieu du développement considère la santé comme une partie intégrante du développement humain. Dans les années 1990, trois importantes constatations ont été faites :
— L'investissement dans la santé est essentiel à la productivité économique et au développement humain;
— Une meilleure équité favorise la croissance économique et le développement;
— L'application des connaissances est essentielle au développement mondial.
Même si l'on est de plus en plus conscient que la production et l'utilisation de savoir sont vitales pour la santé au service du développement, la plupart des pauvres du monde n'ont pas encore accès aux fruits de la recherche en santé. Le présent chapitre expose certains défis à relever au cours des dix prochaines années, et notamment les facteurs stratégiques suivants concernant la gestion de la recherche en santé dans les pays à faible revenu :
— Continuer à viser l'équité — Bien qu'il existe toujours des inégalités importantes et même croissantes, il est possible de faire quelque chose pour les réduire; il est donc essentiel de continuer à viser l'équité. Grâce à des stratégies, la recherche en santé peut accélérer les progrès vers cet objectif. Parmi ces stratégies, mentionnons les études épidémiologiques ciblées, des études analytiques visant à élucider les causes des inégalités en santé, des études coût-efficacité afin de déterminer les interventions les plus fructueuses pour les peuples pauvres et défavorisés et des études opérationnelles pratiques pour améliorer le recours aux interventions sanitaires courantes.
— Renforcer les systèmes nationaux de recherche en santé — Il est tout aussi justifié d'insister sur le renforcement des mécanismes nationaux de recherche en santé aujourd'hui qu'il y a dix ans, à l'époque où la Commission sur la recherche en santé au service du développement formulait des recommandations fermes et claires à cet égard. Bien des pays ont réalisé des progrès notables, et on dispose de stratégies et d'outils plus nombreux, mais il reste encore beaucoup à faire. Ainsi, il y a lieu d'établir des mécanismes régionaux et mondiaux de soutien axés sur les besoins et les réalités des pays à faible revenu.
— Renforcer les capacités des gestionnaires nationaux de la recherche en santé — Pour une recherche en santé orientée vers l'équité et fondée sur des priorités, il faut disposer de compétences approfondies en leadership. Les gestionnaires nationaux de la recherche en santé pourraient tirer profit de programmes plus systématiques et complets de renforcement des capacités. Le présent chapitre suggère des stratégies précises pour développer ces compétences, notamment celles qui sont nécessaires pour gérer le savoir, stimuler la demande de recherche, bâtir des coalitions et favoriser l'acquisition d'aptitudes au leadership au sein de la relève. Ces stratégies comprennent la diffusion de matériel didactique (de plus en plus par voie électronique) et leur utilisation dans des contextes pratiques, ainsi que des services de mentorat spécialisé et des événements particuliers.
— Localiser la recherche — Afin de créer une tendance qui va à l'encontre de la mondialisation, les chefs de file nationaux de la recherche en santé doivent se concentrer de plus en plus sur des systèmes locaux. La stratégie de décentralisation adoptée dans le cadre de la réforme du secteur de la santé illustre ce phénomène. Le présent chapitre contient plusieurs suggestions pour renforcer le rôle de la recherche dans le développement local de la santé, notamment en mettant l'accent sur le renforcement des capacités et la mise en œuvre de projets d'application des résultats de recherche dans un but d'équité.
— Bâtir des coalitions — Au cours des dix dernières années, les activités de recherche en santé pour le développement ont été trop souvent fragmentées, désordonnées, inégales et éphémères. Ce sont des facteurs humains, plutôt que des facteurs techniques ou conceptuels, qui ont causé cette situation. S'appuyant sur des expériences prometteuses et des études savantes sur le processus de création de coalitions, le présent chapitre formule plusieurs suggestions; il propose notamment que la priorité soit accordée désormais à la recherche et aux réseaux d'apprentissage nationaux et infranationaux axés sur des problèmes de santé précis et reliés de près à d'autres activités régionales et mondiales de recherche.
En conclusion, le présent chapitre propose une collaboration renouvelée, motivée par la justice et la solidarité, ainsi que des mesures soutenues et ciblées pour faire en sorte que la recherche en santé devienne un outil plus efficace en vue d'améliorer la santé de toute la population.
Une bonne partie du monde, peut-être plus de deux milliards de personnes, ne pourront profiter de la croissance mondiale à moins que la stratégie internationale ne soit transformée. Il faut réaliser un meilleur équilibre entre les encouragements à l'innovation et les intérêts des plus pauvres. Les dirigeants du monde ont l'occasion de réaliser une mondialisation qui sera au service de toute l'humanité. Ils se doivent de saisir cette occasion.
— Sachs (2000)
Ce défi a été lancé aux dirigeants mondiaux qui se sont réunis à l'Assemblée du millénaire des Nations Unies en septembre 2000. Un défi semblable attend la communauté mondiale de la recherche en santé et du développement, qui fait maintenant le point sur ses réalisations des dix dernières années et réfléchit sur son avenir.
Ce dernier chapitre s'ouvre sur un aperçu des importantes réalités (certaines étant nouvelles, d'autres moins) avec lesquelles doit composer la communauté mondiale de la recherche en santé au début du XXIe siècle, telles que décrites dans les chapitres précédents. Cet aperçu est suivi d'un résumé des grands défis que posent ces aspects de la conjoncture mondiale pour les personnes qui sont résolues à renforcer l'apport de la recherche en santé au bien-être de la population mondiale.
Le début du nouveau millénaire a suscité beaucoup d'analyses et de réflexions sur la condition humaine et les défis qui nous attendent. On les trouve dans les rapports annuels d'organismes mondiaux, des éditions spéciales de bulletins professionnels et bien d'autres sources. Ce n'est pas une tâche facile d'en extraire les faits et commentaires les plus pertinents aux fins du présent ouvrage. La liste suivante est donc inévitablement sélective; elle tente de présenter les aspects de la situation mondiale qui sont reliés le plus étroitement possible à l'objectif de la recherche en santé au service du développement équitable. Ces réalités nouvelles et actuelles sont les suivantes :
— disparités grandissantes;
— mondialisation;
— pandémies persistantes;
— savoir et nouvelles technologies de l'information et des communications;
— regard neuf sur la santé et le développement.
Dans le Rapport sur le développement humain 1999, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a fait un bilan du développement humain en présentant des faits pertinents pour la période s'échelonnant de 1990 à 1997 (PNUD, 1999). Ces renseignements ont trait à la santé, à l'éducation et à d'autres secteurs et sont divisés en deux catégories : progrès mondial et recul mondial. Ce bilan rappelle que les années 1990 ont connu des progrès mais aussi des revers.
Du côté des progrès, par exemple, l'espérance de vie à la naissance dépassait 70 ans dans 84 pays en 1997, par rapport à 55 pays en 1990. Parmi ces pays, le nombre de pays en développement est passé de 22 à 49. De 1990 à 1997, la proportion de la population qui a accès à de l'eau potable a presque doublé, passant de 40 à 72 p. 100. Pendant la même période, le taux d'alphabétisation des adultes est passé de 64 p. 100 à 76 p. 100. La production alimentaire par personne a grimpé de près de 25 p. 100. Le pourcentage de filles inscrites à l'école secondaire par rapport aux garçons a augmenté, passant de 36 à 61 p. 100. D'autres progrès importants ont également été réalisés au cours de cette décennie.
Cependant, force nous est de constater que d'après plusieurs sources récentes, les disparités se sont aggravées au cours des dix dernières années pour la plupart des pays en développement et un grand nombre de populations. Les disparités économiques sont particulièrement bien documentées, mais les disparités fondées sur le sexe, la race et la géographie se sont également accrues. Dans le Rapport sur le développement dans le monde, 1999-2000 : Le développement au seuil du XXIe siècle, la Banque mondiale se demande où en est le développement jusqu'à maintenant (Banque mondiale, 2000). Elle souligne que des gains ont été enregistrés dans certaines régions. Par exemple, en Asie du Sud, la proportion de la population gagnant moins d'un dollar américain par jour a diminué. Par contre, elle a augmenté ailleurs, notamment en Afrique et en Amérique latine. Si l'on se fonde sur le repère courant de 3 p. 100 ou plus pour le taux de croissance par personne pour parvenir à une réduction sensible de la pauvreté, on constate qu'entre 1995 et 1997, seulement 21 pays en développement présentaient un tel taux, 12 d'entre eux en Asie. Sur les 48 pays les moins avancés (PMA) seulement six répondaient à cette norme. Dans l'ensemble, plus de 80 pays ont un revenu par personne inférieur à ce qu'il était il y a dix ans. Le nombre total de personnes qui ont un revenu d'un dollar américain par jour ou moins continue d'augmenter, en partie à cause d'une hausse globale de la population. Ainsi, alors qu'elles étaient au nombre de 1,2 milliard en 1987, on en compte aujourd'hui 1,5 milliard. D'après les tendances actuelles, ce chiffre atteindra 1,9 milliard en 2015. Deux autres milliards de personnes survivent avec moins de deux dollars américains par jour. La Banque mondiale a fait une constatation inquiétante : les tendances donnent à penser que les gains réalisés seront de courte durée à moins que de nouvelles politiques et institutions ne soient mises en place (Banque mondiale, 2000). L'écart de revenu entre le cinquième des habitants du monde qui vivent dans les pays les plus riches et le cinquième qui habitent dans les pays les plus pauvres a continué d'augmenter dans les années 1990, passant de 30 pour 1 en 1960 à 60 pour 1 en 1990 puis à 74 pour 1 en 1997. Le rapport de 1999 du PNUD souligne à quel point cet écart est vaste en relatant un fait frappant : les avoirs des 200 personnes les plus riches du monde représentent une somme supérieure à l'ensemble du revenu de 41 p. 100 de la population mondiale, et les trois milliardaires les plus riches du monde ont une fortune supérieure au PNB [produit national brut] total de tous les PMA, qui totalisent une population de 600 millions d'habitants (PNUD, 1999).
Bien que l'état de santé se soit amélioré dans la plupart des pays au cours des dix dernières années, l'inverse semble se produire dans certains pays en développement. Par exemple, au Kenya, le taux de mortalité infantile est passé de 62 pour 1 000 naissances vivantes en 1993 à 74 pour 1 000 naissances vivantes en 1998. Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est passé de 96 pour 1 000 naissances vivantes à 112 pour 1 000 naissances vivantes au cours de la même période. La prévalence de la malnutrition chronique a également augmenté, passant de 32,1 p. 100 en 1987 à 34 p. 100 en 1998. La crise économique en Indonésie a également fait augmenter la proportion d'enfants souffrant de malnutrition.
En ce qui concerne les disparités nationales en matière de santé, il est important de chercher à faire une évaluation équilibrée. Dans certains pays, l'écart en matière de santé a réduit au cours des dix dernières années. Dans une annexe utile sur l'évaluation des progrès, le dernier rapport sur le développement humain illustre l'utilité de faire une évaluation selon différents angles (PNUD, 2000). Si l'on prend comme exemple la vaccination des nourrissons en Égypte, sous l'angle de la « moyenne nationale », seulement 67 p. 100 des nourrissons ont été vaccinés en 1992, par rapport à 93 p. 100 en 1998. Sous l'angle des « inégalités », on constate, à partir de données sur la distribution, que l'écart entre la première et la dernière région du classement au plan de la vaccination a réduit considérablement au cours de cette même période de six ans, passant de 31 p. 100 à 7 p. 100 (PNUD, 2000). Le PNUD a présenté des constatations semblables concernant le Guatemala, comparant les taux de mortalité entre 1995 et 1998-1999 pour les enfants de moins de cinq ans. L'écart a réduit entre différents groupes sociaux : géographiques (régionaux), urbains-ruraux et ethniques (PNUD, 2000). Cependant, dans bien des pays, y compris certains pays à revenu élevé, l'écart entre différents groupes de la population quant à l'état de santé a augmenté. Dans le Rapport sur la santé dans le monde de 1999, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fourni des données sur l'état de santé des pauvres par rapport aux non-pauvres vers 1990 (OMS, 1999). L'OMS avait l'intention de fournir régulièrement des données à jour sur les inégalités en matière de santé afin de faire des comparaisons d'une année à l'autre. Autre signe de l'importance accordée à ce sujet, le premier numéro de 2000 du Bulletin de l'Organisation mondiale de la santé avait pour thème les inégalités en matière de santé (Feachem, 2000), et proposait plusieurs analyses nationales, régionales et mondiales des disparités en santé.
L'écart en matière de santé augmente également entre les pays. Ces dernières années, il est devenu évident que dans bien des pays, l'état de santé se détériore. Ces pays se divisent en trois groupes :
— Dans plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne, des indicateurs laissent croire que les gains déjà réalisés sont en voie d'être perdus, surtout en raison de l'épidémie de sida. Dans neuf pays d'Afrique, des études prévoient que d'ici 2010, l'espérance de vie baissera de 17 ans, pour retomber à son niveau des années 1960. Dans dix ans, au Botswana, où 36 p. 100 de la population adulte est maintenant porteuse du VIH, l'espérance de vie à la naissance sera de 29 ans. En Namibie et au Zimbabwe, elle sera de 33 ans, et en Afrique du Sud, de 35 ans (OMS, 1999).
— Les chercheurs attribuent les reculs essuyés dans certaines anciennes républiques socialistes d'Europe de l'Est et d'Europe centrale à la désintégration de l'infrastructure sanitaire et sociale, ainsi qu'à un ensemble complexe de facteurs sociaux et comportementaux.
— Le troisième groupe se compose de pays où la guerre s'est répercutée sur la santé de la population. En Iraq, l'état de santé, surtout des enfants, continue de se détériorer, notamment à cause des sanctions imposées par les Nations Unies. Des conflits civils prolongés dans des pays tels l'Afghanistan, l'Angola, la Sierra Leone et le Soudan ont eu des conséquences dévastatrices pour la santé et le bien-être de la population.
On a beaucoup écrit sur le phénomène de la mondialisation, particulièrement au cours des dernières années. Certains aspects de ce phénomène sont connus depuis des décennies, et même des siècles, mais on soutient parfois que d'autres sont nouveaux. Le Rapport sur le développement humain 1999 contient une liste de « nouveautés » en matière de mondialisation (PNUD, 1999). Cette liste comprend les nouveaux marchés, les nouveaux acteurs (l'OMC, par exemple), les nouvelles règles et normes, et les moyens de communications plus rapides et moins coûteux. Dans l'ensemble, le rapport tente de tracer un portrait équilibré de ce phénomène (le « visage humain de la mondialisation »), en soutenant que les sociétés peuvent tirer profit à la fois de la libéralisation du flux des capitaux et du commerce ainsi que de la libre circulation d'idées et d'information (grâce aux nouvelles technologies). Cependant, il reconnaît également que la mondialisation se répercute de façon négative sur les groupes défavorisés et pose de nouvelles menaces à plusieurs facettes de la sécurité humaine, c'est-à-dire la sécurité financière, professionnelle, personnelle, culturelle et environnementale. La concurrence mondiale exerce des pressions sur le temps, les ressources et les incitatifs affectés à l'aspect « social » du développement humain, qui est essentiel à l'unité sociale et à la stabilité des collectivités. De plus, cette concurrence est défavorable aux pays en développement, qui sont moins en mesure de la soutenir et de s'y adapter. Il en résulte une détérioration encore plus grave des conditions sociales et économiques. Les technologies de l'information et des communications suscitent une polarisation, dont Sachs traite dans un récent essai intitulé A New Map of the World (Sachs, 2000). La libre circulation de l'information génère également des coûts que certains particuliers ou pays ne peuvent se permettre. L'Assemblée générale des Nations Unies a tenu des débats soutenus sur tous les aspects de la mondialisation à une session extraordinaire à Genève en juin 2000. Voici le compte rendu qu'un auteur en a fait :
La session a conclu que la pauvreté, les inégalités et l'insécurité ont augmenté depuis les débuts de la mondialisation, qu'il est temps de considérer comme une doctrine économique qui se targue de favoriser le progrès et le développement dans l'ensemble de la société internationale, mais qui a échoué.
— Pfaff, 2000
L'incidence de la mondialisation sur la santé et les politiques connexes soulève d'importantes questions (Lee, 1998; Bettcher et coll., 2000). Certains s'inquiètent du rôle des sociétés transnationales dans le contrôle et la vente de produits pharmaceutiques et la commercialisation du tabac dans les pays en développement. L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) est particulièrement controversé, car il impose une norme internationale (applicable par l'entremise de l'OMC) qui protège les droits de propriété intellectuelle des inventeurs et établit des liens entre ces droits et le commerce. On peut toutefois se demander si les droits sociaux sont suffisamment protégés. Par exemple, de nombreux pays en développement ont adopté des lois qui font en sorte que les produits pharmaceutiques ne peuvent faire l'objet d'un brevet de produit (uniquement d'un brevet de procédé). La protection des brevets que prévoit l'ADPIC limite les conditions dans lesquelles les entreprises des pays à faible revenu peuvent produire des versions moins coûteuses de médicaments importants (PNUD, 2000). L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce expose également les institutions des pays en développement à un environnement plus hostile dans lequel ils ne peuvent soutenir la concurrence.
Une pandémie est un problème de santé qui cause plus d'un million de décès par année. La présente section ne décrit pas les pandémies actuelles en détail; d'autres rapports utiles l'ont déjà fait (OMS, 1999). Elle reprend plutôt quelques exemples pour rappeler aux lecteurs qu'il subsiste toujours des pandémies qui, dans certains cas, sont beaucoup plus graves qu'il y a dix ans, et que la plupart d'entre elles s'attaquent surtout aux pauvres. À cet égard, le bilan décennal du milieu mondial de la santé (y compris le secteur de la recherche en santé) n'est pas très reluisant :
— Maladies liées au tabagisme — La mortalité et la morbidité liées au tabagisme ne cessent d'augmenter. Il y a dix ans, on comptait moins de trois millions de décès par année; aujourd'hui, ce chiffre est de quatre millions. Le nombre de décès dus au tabagisme grimpera à dix millions par année à la fin des années 2020, et 70 p. 100 seront enregistrés dans les pays en développement (OMS, 1999). Il est urgent de soutenir la lutte contre le tabac au moyen d'études adaptées à la situation locale afin de sensibiliser les gouvernements, les professionnels de la santé et les consommateurs aux risques du tabagisme.
— VIH-sida — En 1990, le VIH-1 a été la cause d'environ 300 000 pertes de vie; de nos jours, il représente la première cause de décès attribuable à une maladie infectieuse et entraînera la mort d'environ 2,5 millions de personnes en 2000. Cette pandémie illustre l'écart mondial dans l'équité en santé : 95 p. 100 des 34 millions de personnes séropositives du monde vivent dans les pays en développement, mais ces pays ne reçoivent que 12 p. 100 de l'argent consacré au sida dans le monde. On a récemment suggéré comme priorités de recherche dans les pays en développement des essais randomisés d'interventions comportementales visant à prévenir les infections, et des études visant à déterminer s'il serait rentable d'améliorer l'accessibilité des médicaments pour traiter les infections opportunistes (Ainsworth et Waranya, 2000).
— Traumatismes — Les traumatismes comptent pour 16 p. 100 des AVCI (par rapport à 7 p. 100 pour le VIH-sida, la tuberculose et les problèmes de grossesse réunis). Près de six millions de personnes ont péri en raison de traumatismes en 1998, et plus d'un million d'entre elles dans des accidents de la route. Plus de deux millions ont succombé à des blessures intentionnelles; dans près de la moitié des cas, ces blessures ont été autoinfligées. Les homicides, la violence et la guerre comptent pour le reste. Des études menées récemment commencent à révéler toute l'ampleur du fardeau mondial de la maladie supporté par les femmes en raison de la violence (Yusuf et coll., 2000). Les décès causés par la guerre ont plus que doublé en 1998 par rapport à 1990. En plus des pertes de vie, toutes ces situations occasionnent des coûts. Ainsi, la Carnegie Commission on Preventing Deadly Conflicts a estimé que les sept principaux conflits armés des années 1990 (excluant le Kosovo) ont coûté à la communauté internationale 200 milliards de dollars américains, alors que pendant la même période, l'aide au développement a diminué progressivement (PNUD, 2000). Les chercheurs ont également étudié les effets de la guerre sur la santé (Bush, 2000; Spiegel et Salama, 2000), mais il reste encore beaucoup de recherche à faire à ce sujet.
— Paludisme — Le paludisme est un autre problème qui a alourdi le fardeau mondial de la maladie depuis dix ans. Cette maladie a fait plus de 1,1 million de morts en 1998, par rapport à moins d'un million en 1990. Elle s'attaque aux personnes vulnérables, particulièrement aux enfants et aux pauvres, qui comptent pour 90 p. 100 des cas en Afrique subsaharienne. L'incidence économique du paludisme en Afrique est considérable; on estime que la perte de productivité attribuable aux décès prématurés et à la maladie pourrait dépasser 1 p. 100 du produit national brut. La communauté de la recherche en santé est aux prises avec d'énormes difficultés, mais il est encourageant de constater une collaboration et un financement accrus pour faire reculer cette maladie par la recherche et l'intervention.
D'autres problèmes de santé s'ajoutent à cette liste. Pour certains, le fardeau mondial de la maladie est plus lourd qu'il y a dix ans : la tuberculose et la mortalité maternelle, par exemple. Cependant, les tendances concernant les décès et l'invalidité montrent que des progrès ont été réalisés dans certains cas, notamment en ce qui concerne les maladies d'origine hydrique et les maladies respiratoires. Dans leur ensemble, les troubles de santé mentale représentent une proportion croissante du fardeau de la maladie; en 1998, ils comptaient pour environ 10 p. 100 des AVCI dans les pays à faible revenu et à revenu moyen (Ustun, 2000).
Les économies ne reposent pas uniquement sur l'accumulation de biens matériels et de compétences humaines, mais également sur l'information, l'apprentissage et l'adaptation. Comme le savoir compte, il est essentiel de comprendre comment les gens et les sociétés l'acquièrent et l'utilisent, ou négligent parfois de le faire, afin d'améliorer les conditions de vie, particulièrement celles des pauvres.
— Banque mondiale (1999)
Cet extrait du Rapport sur le développement mondial 1998-1999 (Banque mondiale, 1999) illustre l'attention accrue que l'on porte au savoir en tant qu'élément central du développement humain. Certains affirment même que le savoir peut être assimilé au développement. Le rapport de la Banque mondiale se concentre sur deux types de savoir, qui comporte chacun un ensemble distinct de défis. Les défis concernant les « savoirs technologiques » (par exemple, dans le secteur de la santé ou de l'agriculture) consistent à réduire les inégalités en matière de développement social par l'acquisition, l'assimilation et la transmission de toutes les formes de savoir. Une autre forme de savoir, l'« information socioéconomique », a trait à la qualité d'un produit ou du travail effectué par une personne ou une institution. Les problèmes d'information peuvent pénaliser les pauvres, notamment lorsque les institutions ne comprennent pas les problèmes auxquels les pauvres font face. Pour résoudre ces problèmes, il faut prendre le temps de connaître les besoins et préoccupations des pauvres pour que ces derniers soient moins isolés et aient un meilleur accès à certaines institutions et ressources.
Le débat sur l'évolution de l'« économie du savoir » a son équivalent dans le secteur de la santé. D'après un auteur (Suwanwela, 2000), la création du savoir (c'est-à-dire la recherche) est le produit de trois éléments :
— la planification et la gestion de la recherche en santé ainsi que l'élaboration de politiques connexes;
— le renforcement des capacités de recherche en santé;
— des programmes collectifs de recherche en santé (faisant intervenir les secteurs public et privé).
Le savoir ainsi créé passe ensuite par d'autres étapes :
— « optimisation » (validation et méta-analyse);
— diffusion;
— utilisation (pour élaborer des politiques, étayer des pratiques, habiliter la population et former les travailleurs de la santé).
Le débat sur l'utilisation optimale du savoir porte en partie sur la notion d'habilitation; on se demande comment intégrer le savoir « scientifique » et les connaissances indigènes de sociétés diverses. Une méthode qui permet de combler le fossé entre le savoir et l'action dans le domaine de la santé est la « recherche translationnelle » (voir encadré 9.1).
L'« explosion de l'information » est alimentée par un essor remarquable dans l'accessibilité et l'utilisation des technologies de l'information et des communications, que le rapport de 1990 de la Commission passe sous silence. Ce phénomène est bien connu, et est d'ailleurs symbolisé sur la page couverture du Rapport sur le développement humain 1999, qui illustre la répartition des internautes dans le monde au milieu de 1998 (PNUD, 1999). À l'époque, 88 p. 100 des internautes vivaient dans les pays industrialisés (qui composent 15 p. 100 de la population mondiale). Par contre, l'Asie du Sud, qui représente 20 p. 100 de la population mondiale, comptait moins de 1 p. 100 des internautes. La télédensité est un autre indice utilisé couramment; une télédensité de 1 représente un téléphone pour 100 personnes. Or, un quart des pays du monde ne jouissent même pas de cet accès de base aux télécommunications. En 1998, la télédensité de la Suède était de près de 70 (téléphones pour 100 personnes). La technologie de l'information suscite donc une autre forme de polarisation mondiale et contribue à élargir les disparités.
Les technologies de l'information et des communications peuvent-elles contribuer au développement humain durable au lieu d'y faire obstacle? Cette question a motivé une étude de la Commission de la science et de la technique au service du développement des Nations Unies.
Le rapport de cette étude est maintenant disponible comme ouvrage de référence (Mansell et Wehn, 1998). Sa principale constatation est que les technologies de l'information et des communications peuvent contribuer de façon marquante au développement durable, mais non sans risques majeurs (Mansell et Wehn, 1998). Le rapport soutient également que les pays en développement devraient investir dans leurs capacités technologiques et sociales (c'est-à-dire dans leur capacité d'utiliser les technologies). On peut s'attendre à ce que les investissements dans l'amélioration des capacités d'utilisation se révèlent plus rentables.
Les gestionnaires de la recherche en santé des pays en développement savent souvent très bien que les technologies de l'information et des communications peuvent faciliter la recherche-développement en santé. Bon nombre ont constaté leurs avantages pendant leur formation dans les pays industrialisés ou lors d'échanges internationaux. Des dirigeants d'institutions nationales de recherche en santé pensent que ces technologies pourraient servir d'intermédiaires entre le savoir
Encadré 9.1 |
La recherche translationnelle : pour combler le fossé entre le savoir et l'action Jusqu'à maintenant, les initiatives visant à combler l'écart entre le savoir, les politiques et les interventions se sont essentiellement limitées à la formation universitaire et au soutien accordé aux chercheurs cliniques et universitaires en santé, une démarche qui suppose l'utilisation directe des données de recherche par les praticiens, décideurs et responsables des programmes. Cette démarche reconnaît la nécessité de la coopération interdisciplinaire et de la diffusion de données, mais elle ne tient pas compte de la complexité et de la dynamique de la création du savoir, notamment les aspects intersectoriels, intercontextuels et interculturels ainsi que les processus participatifs, qui contribuent à la conversion des données. Elle néglige également les données et le savoir-faire fondés sur l'expérience qu'ont acquis les entreprises, les collectivités, les gouvernements et les organisations non gouvernementales. Selon le Dr Dennis Willms (Université McMaster, Hamilton, Ontario, Canada), il faut tenir compte non seulement des résultats de la recherche universitaire ou scientifique traditionnelle, mais également du savoir expérientiel, intuitif, spirituel, pratique et spécialisé. Une telle définition faciliterait la participation d'intervenants multiples à un processus collectif de dialogue et de négociation en vue d'établir un cadre commun de compréhension et de résolution des problèmes de santé prioritaires. Ce processus participatif est un élément déterminant de ce que l'auteur appelle la « recherche translationnelle » (translational research). La recherche translationnelle consiste à obtenir systématiquement auprès d'un large éventail d'intervenants des données objectives et expérientielles et à s'y référer. Les nombreux acteurs se livrent à un processus structuré de réflexion et d'intervention. Des forums structurés permettent d'échanger les indications recueillies sur les déterminants des problèmes de santé et les données établies à leur sujet, de déterminer un cadre commun d'expression de ces indications et données, et de négocier des solutions conjointes. Désignés par Willms sous le nom d'« événements conceptuels », ces forums accordent autant de temps et d'importance aux perspectives divergentes. Ils peuvent donner lieu à la conception, à la diffusion et à l'évaluation d'interventions sanitaires équitables, durables, convaincantes et adaptées à la réalité culturelle. Source : Adapté d'une entrevue avec le Dr Willms. |
mondial et les besoins d'information des groupes de recherche, des décideurs et du grand public dans les pays en développement. Cependant, une foule de contraintes font obstacle à cet objectif, notamment un financement insuffisant, une infrastructure chancelante, l'exode des cerveaux et des activités de recherche réduites. Il faudra faire preuve de créativité, dans le cadre de partenariats internationaux, pour réduire les coûts d'interaction de la gestion du savoir. Des stratégies à cet égard pourraient comprendre le renforcement des capacités du personnel de soutien, le libre accès à des bulletins internationaux par voie électronique et la possibilité pour les gestionnaires de recherche d'acquérir des compétences en technologies de l'information et des communications. Horton (2000) a fait récemment des observations utiles sur le rôle des chercheurs, des rédacteurs et des éditeurs. On peut compléter ces mesures concrètes en créant des coalitions novatrices et en facilitant l'apprentissage local (comme il est suggéré au chapitre 4).
Copenhague plus cinq, une session extraordinaire des Nations Unies, a eu lieu à Genève en juin 2000, cinq ans après le Sommet mondial pour le développement social tenu en 1995. Le document présenté par l'OMS à cette réunion de suivi soutient que la santé contribue au développement et en est également le résultat :
« Si la santé est un atout et la maladie un handicap pour les pauvres, la protection et la promotion de la santé doivent être an cœur du processus global de I'éradication de la pauvreté et du développement humain. En tant que telles, elles doivent figurer au nombre des objectifs des politiques de développement de tous les secteurs — économique, environnemental et social. »
— OMS (2000a)
Ce document formule trois propositions comme parties intégrantes du plan de suivi de Copenhague plus cinq :
— Renforcer la politique mondiale en faveur du développement social;
— Intégrer des dimensions sanitaires dans les politiques sociales et économiques;
— Élaborer des systèmes de santé capables de répondre aux besoins des populations pauvres et vulnérables.
Ces propositions témoignent d'une confiance accrue chez les planificateurs de la santé qui, avec le milieu du développement, tentent de déterminer l'importance de la santé dans le développement humain. Elles ont donné naissance à l'idée de « développement piloté par la santé », qui veut que l'amélioration de la santé et la croissance économique se renforcent mutuellement, dans un sens comme dans l'autre (Bloom et Canning, 2000). Amartya Sen, économiste lauréat du prix Nobel, propose une analyse plus précise (Sen, 1999b).
Reconnaissant que la bonne santé est essentielle au bon développement, il soutient que les pays à faible revenu devraient recourir à des procédés pilotés par le soutien et axés stratégiquement sur l'amélioration des soins de santé, de l'éducation et d'autres programmes sociaux (Sen, 1999b). La Commission Macroéconomie et Santé de l'OMS, créée en janvier 2000, étudie en profondeur les liens entre la santé et la croissance économique. L'une des six questions au programme de la Commission est « la rentabilité des incitations à la recherche et au développement de médicaments et de vaccins dirigés contre les maladies qui touchent principalement les pauvres » (OMS, 2000b).
Les investissements dans la recherche et les interventions concernant les aspects sociocomportementaux de la promotion de la santé et de la prévention revêtent également de l'importance. Grâce à une meilleure compréhension des facteurs de risque et de leur interaction, il est maintenant possible d'assurer la prévention primaire et secondaire de beaucoup plus de maladies qu'auparavant. Les technologies curatives ont progressé, et deviennent de plus en plus perfectionnées et coûteuses. La demande croissante de soins spécialisés s'ajoute à la liste des difficultés avec lesquelles sont aux prises les systèmes de santé. Le secteur public ne peut plus être le seul fournisseur de soins préventifs ou curatifs ni le seul responsable de la promotion de la santé. Lorsqu'ils sont soumis aux lois du marché, les modes de financement des soins de santé et les investissements du secteur privé dans le système de santé doivent faire l'objet de mécanismes appropriés de réglementation et de protection des consommateurs. L'éducation et les médias jouent un rôle important dans le nouveau système de santé. Dans bien des cas, les ressources limitées dont disposent les particuliers ou les pays sont orientées vers les éléments les moins productifs et les moins rentables du système de santé, et le développement de la santé dans son ensemble en souffre. Il est donc urgent de mener des études sur les aspects économiques et gestionnaires des systèmes de santé.
L'auteur du chapitre 3, David Harrison, élargit cet argument en envisageant la recherche en santé dans le contexte de trois constatations importantes faites dans les années 1990 :
— L'investissement dans la santé est essentiel à la productivité économique et au développement humain;
— Une plus grande équité favorise la croissance économique et le développement humain;
— L'application du savoir est essentielle au développement mondial.
Ainsi la recherche (la production du savoir) n'est pas seulement un outil stratégique pour améliorer la santé, mais également « le moteur de tout le développement » (Harrison, chapitre 3 du présent volume). La figure A3.1 propose des correspondances préliminaires entre la recherche en santé et le développement. Malgré ces fondements théoriques, il reste toutefois que les forces de la mondialisation, accompagnées de motivations scientifiques restreintes, ont fait en sorte que les ressources humaines et financières affectées à la production du savoir servent de moins en moins à répondre aux besoins des pauvres des pays à faible revenu.
Nous avons décrit plus haut des raisons valables pour lesquelles la recherche en santé pourrait représenter un « élément essentiel d'un développement équitable », comme le suggère le titre du rapport de 1990 de la Commission. Dans le milieu du développement, on considère de plus en plus la production et l'utilisation du savoir comme des éléments essentiels de la santé dans les pays en développement. Pourtant, la plupart des pauvres du monde n'ont encore tiré aucun avantage des fruits de la recherche en santé. Le présent chapitre énumère cinq défis à relever au cours des dix prochaines années. Ces objectifs procèdent des chapitres précédents, et nous les reprenons pour en souligner l'importance :
— Continuer à viser l'équité;
— Renforcer les systèmes nationaux de recherche en santé;
— Renforcer les capacités des gestionnaires nationaux de la recherche en santé;
— Localiser la recherche;
— Bâtir des coalitions.
Pour chaque objectif, nous étudions certains aspects stratégiques touchant les systèmes nationaux de recherche en santé qui intéresseront les dirigeants nationaux et les personnes responsables des mécanismes de soutien régionaux et mondiaux.
Dans un numéro spécial du Bulletin de l'Organisation mondiale de la santé sur les inégalités en matière de santé, une iniquité est décrite comme est une inégalité injuste et rectifiable (Feachem, 2000). Comme nous l'avons dit, il reste des iniquités importantes et croissantes. Cependant, il est possible de faire quelque chose. D'abord et avant tout, il importe de continuer à viser l'équité, et de faire en sorte que la recherche en santé soit orientée plus efficacement vers cet objectif.
Voici pourquoi il y a lieu de viser l'équité (COHRED, 2000e) :
— Parmi les déterminants de l'état de santé, on ne devrait pas retrouver la situation socioéconomique ou toute autre distinction sociale, comme le sexe, l'origine ethnique, l'âge ou la région;
— Les stratégies de développement axées sur l'équité contribuent directement à la croissance économique et au développement humain;
— Il est plus efficace d'orienter les investissements en santé vers les personnes qui supportent le fardeau de maladie le plus lourd (généralement les pauvres et les groupes marginalisés);
— Des investissements relativement modestes dans l'application du savoir existant peuvent améliorer considérablement la santé des groupes défavorisés (la recherche pratique opérationnelle [résolution de problèmes] peut rendre plus efficace le recours à des interventions existantes et abordables en matière de santé).
Au niveau national, une recherche en santé ciblée stratégiquement peut accélérer les progrès vers l'équité. Des études épidémiologiques peuvent déceler des iniquités dans l'état de santé; des études analytiques peuvent élucider les iniquités existantes, et des études coût-efficacité peuvent déterminer les interventions qui sont les plus efficaces auprès des pauvres et des groupes marginalisés. Les progrès peuvent être évalués au moyen d'outils de surveillance choisis et utilisés avec soin. Ces stratégies de recherche orientées vers l'équité, entre autres, sont particulièrement adaptées au niveau infranational (collectivité).
La recherche en santé ne peut plus être considérée comme la chasse gardée des chercheurs. Il faut la démythifier et la mettre à la portée des autres intervenants. Pendant trop longtemps, on a accordé moins d'importance à la demande qu'à l'offre de recherche en santé. La capacité des utilisateurs de recherche doit être renforcée afin de leur permettre de prendre une part plus active à l'application des résultats de recherche aux problèmes de santé. Les décideurs peuvent faire preuve de responsabilité et fonder leurs décisions sur des résultats en participant plus activement au processus de recherche. De même, la recherche peut venir en aide aux décideurs relativement à l'évaluation technologique, aux choix opérationnels et à l'évaluation. Lorsqu'ils participent à la recherche, les particuliers et collectivités apprennent à poser des questions pertinentes et à évaluer des choix de réponses. En faisant de la recherche en santé eux-mêmes, les pays en développement apprennent à prendre en charge la planification de la santé et la prestation des soins.
Plusieurs pays en développement ont suivi l'exemple des pays à revenu élevé en tirant des avantages économiques et sociaux d'investissements dans la production de savoir ou dans l'adaptation du savoir existant à des fins nationales (Banque mondiale, 1999). Les raisons qu'invoquait la Commission dans son rapport de 1990 pour justifier l'accent sur la recherche nationale en santé demeurent valables de nos jours. Cependant, les progrès ont été lents et fragmentés. Les chefs de file de la recherche dans les pays à faible revenu s'entendent pour dire que la stratégie d'ensemble est bien fondée, mais qu'il reste beaucoup à faire (voir chapitre 8). Plusieurs chapitres du présent ouvrage formulent des suggestions précises pour renforcer les systèmes nationaux de recherche en santé, notamment :
— Investir plus efficacement les ressources dont on dispose (chapitre 3);
— Améliorer la participation des collectivités (chapitre 4);
— Établir des liens plus étroits entre la recherche et l'élaboration de politiques (chapitre 5);
— Inclure dans les stratégies de renforcement des capacités des réseaux nationaux (forums) en plus de se concentrer sur les particuliers et les organismes (chapitre 6).
Il importe également de comprendre les liens dynamiques entre les différents niveaux : mondial, régional, national et infranational. Par exemple, les organismes de recherche en santé devraient, en règle générale, aligner leur programme et leurs activités sur les orientations et besoins nationaux en matière de recherche, comme l'explique le chapitre 7. Le même principe s'applique aux institutions et organismes internationaux. Il reste beaucoup à apprendre sur l'établissement d'interactions efficaces et fructueuses parmi les différents niveaux.
De nombreux pays sont parvenus à établir un système de recherche en santé mieux coordonné et orienté vers des priorités, mais d'importants obstacles subsistent. L'un d'entre eux est la difficulté de passer de l'établissement de priorités nationales de recherche en santé à la mise en œuvre de programmes de recherche et aux investissements. Des travaux récents menés en Tanzanie proposent des idées, outils et stratégies pour affecter des ressources limitées afin de répondre aux besoins des pays de façon équitable et efficace (Harrison, 2000). Un autre obstacle courant réside dans l'absence de coordination des intrants (aide technique et financement) de plusieurs organismes subventionnaires orientés vers un même pays. Il y aurait peut-être lieu de créer des rapports plus étroits et des coalitions entre les chefs de file de la recherche en santé et des partenaires externes, comme le Conseil de la recherche médicale au service du développement (COHRED) ou un organisme bilatéral.
Au quotidien, l'innovation et le changement reposent en définitive sur la détermination des gens à faire bouger les choses, seuls ou en équipes. Comme le présent ouvrage propose une perspective nationale, nous croyons que les gestionnaires de la recherche doivent contribuer à orienter la recherche nationale en santé pour qu'elle vise l'équité et soit fondée sur des priorités. Ces gestionnaires doivent souvent assumer des tâches importantes de direction et de gestion, selon leur ancienneté ou leur solide expérience scientifique, mais ils ne sont pas nécessairement prêts à prendre en charge l'éventail élargi de tâches qui les attendent. Évidemment, bon nombre d'entre eux acquièrent les compétences nécessaires sur le tas. Dans le présent chapitre, nous recommandons d'envisager le renforcement des capacités des gestionnaires nationaux de la recherche en santé selon une approche plus délibérée et systématique.
La définition de « gestionnaire national de la recherche en santé » peut être assez large pour inclure les dirigeants des institutions qui produisent la recherche et des institutions qui l'utilisent. Dans le premier groupe, on relève des organismes nationaux, des forums, des réseaux et d'autres centres nationaux de recherche en santé. Le rôle des établissements universitaires consiste à la fois à produire et à utiliser la recherche, et notamment à former les professionnels de la santé qui feront de la recherche et s'en serviront dans l'avenir. Les institutions qui utilisent la recherche comprennent les organismes gouvernementaux (par exemple, les services des politiques et de la planification des ministères), les principaux programmes de mise en oeuvre ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG) nationales. Les ONG jouent un rôle croissant dans le processus de développement aux niveaux national et mondial (Fowler, 1997). Certaines se livrent à la fois à la production et à l'utilisation de recherche. Pour améliorer la gestion de la recherche en santé, les pays ont besoin de certaines compétences, qui ont été identifiées comme compétences en recherche nationale essentielle en santé (RNES): promotion et défense, établissement d'un mécanisme de coordination, établissement des priorités, renforcement des capacités, mobilisation de ressources, réseautage et évaluation.
Le chapitre 6 propose quelques compétences particulières que devraient posséder les gestionnaires nationaux de la recherche en santé (en plus des qualités nécessaires pour diriger tout organisme). Ces compétences particulières sont les suivantes :
— Gestion du savoir — comprendre l'économie du savoir et faciliter l'accès au savoir mondial pour résoudre des problèmes locaux;
— Création d'une demande — collaborer avec des groupes d'utilisateurs pour intensifier le recours aux résultats de recherche dans l'élaboration des politiques et les interventions;
— Mise sur pied de coalitions — faire appel à des compétences spécialisées pour favoriser la formation d'équipes ainsi que la création et la gestion de réseaux;
— Développement du leadership — se familiariser avec les études menées sur le leadership et en appliquer les résultats, notamment par la planification systématique de la relève et le mentorat de jeunes collègues.
Certains organismes offrent déjà des cours et des ateliers sur la gestion de la santé et le leadership. Les lectures proposées dans ces cours portent sur le rôle de la gestion de la recherche en santé (CRDI et OMS, 1992). Cependant, on peut faire plus pour répondre aux besoins précis des gestionnaires nationaux de la recherche en santé :
— Rassembler les documents disponibles et les rendre accessibles par l'entremise de « bibliothèques électroniques » (ainsi que dans les bibliothèques traditionnelles), peut-être sous forme de modules d'apprentissage, p. ex., une variété d'outils d'évaluation et de conception, des recueils d'études de cas et de pratiques optimales, des critiques de livres et des bibliographies annotées.
— Utiliser ces documents de concert avec des programmes systématiques d'apprentissage par la pratique. Il serait souhaitable d'établir des liens étroits entre l'acquisition de nouvelles compétences et des tâches et problèmes concrets. Les gestionnaires peuvent acquérir de nouvelles connaissances et compétences au travail, dans la mesure où ils suivent un plan systématique, où ils disposent du temps nécessaire de même que de documents pertinents et d'un mentorat spécialisé. Il est particulièrement utile d'intégrer cette étude dans des stratégies d'évaluation du rendement et d'amélioration de la qualité.
— Organiser des événements précis (ateliers, séminaires, cours) comme compléments à un programme d'apprentissage axé sur la pratique.
Deux groupes autres que les gestionnaires de la recherche devraient faire l'objet d'une attention particulière. Le premier est constitué des « nouveaux leaders », c'est-à-dire de jeunes collègues qui ont terminé leur formation et ont entrepris une carrière prometteuse. Ils ont des besoins particuliers et certains obstacles à franchir, notamment parvenir à un équilibre entre leurs aspirations professionnelles et leurs obligations familiales et intérêts personnels. Ils ont également besoin d'orientation et de mentorat concernant leur planification de carrière et leur perfectionnement professionnel. Le second groupe se compose des étudiants : les milliers de futurs professionnels de la santé, dynamiques, motivés et intelligents, qui fréquentent l'université, le collège et les programmes de formation pour diplômés. Ils formeront la prochaine génération de leaders dans tous les aspects de la recherche : production, utilisation et gestion. On pourrait faire beaucoup plus pour assurer la participation des étudiants à différents aspects de la recherche; de nombreux établissements de formation ont déjà pris des dispositions à cet égard.
Les pays en développement devraient envisager de créer des programmes de renforcement des capacités pour répondre aux besoins des gestionnaires de recherche. Ces programmes pourraient comprendre une composante destinée aux nouveaux leaders. Les organes régionaux et organismes mondiaux pourraient créer des fonds et affecter des ressources pour faciliter cet aspect du développement national des capacités.
Le Rapport sur le développement mondial 1999-2000 discute du contexte du développement pendant les premières années du XXIe siècle (Banque mondiale, 2000). Cet exposé s'articule autour de deux traits marquants de ce contexte : la mondialisation et la localisation. Ces réalités de notre monde en évolution, avec leurs points forts et leurs faiblesses, ont une incidence importante sur la recherche en santé axée sur l'équité. Nous avons abordé plus haut la question de la mondialisation; nous sommes d'avis que la localisation pourrait permettre de traduire la recherche en interventions, si l'on peut surmonter certaines difficultés. La localisation, entre autres qualités, permet la participation accrue de la collectivité à la planification et à la gouvernance locale; en outre, les initiatives locales sont parfois mieux adaptées aux besoins (des pauvres et des groupes marginalisés, par exemple) et aux possibilités qui peuvent se présenter, comme en témoigne la tendance à la décentralisation dans le cadre de la réforme du secteur de la santé. Cependant, à moins de renforcer les capacités et les ressources locales, la décentralisation peut se révéler difficile et infructueuse.
Les interventions locales sont courantes dans le domaine du développement de la santé; mentionnons notamment le projet Villessanté et les soins primaires axés sur la communauté. La plupart des ONG du domaine de la santé privilégient les activités communautaires, et depuis de nombreuses années, l'OMS préconise la création de circonscriptions sanitaires. Beaucoup d'expérience a donc été acquise.
Comment rehausser le rôle de la recherche dans le développement local de la santé? Encore une fois, on peut s'inspirer d'expériences marquantes, dont certaines sont décrites au chapitre 6. Le projet Matlab du Bangladesh est un exemple bien connu de ce concept (Aziz et Moseley, 1997). Le site d'étude de Navrongo dans le nord du Ghana en est un autre (Binka et coll., 1995). Grâce à une surveillance systématique et soutenue des données démographiques et sanitaires, de nombreux projets d'études sur le terrain ont contribué de façon considérable à la réforme du secteur de la santé (Tollman et Zwi, 2000). Plusieurs de ces projets entrepris dans des pays à revenu faible ou moyen ont été réunis récemment pour former l'International Network for Demographic Evaluation of Populations and Their Health. Une initiative africaine du COHRED étudie l'application de la stratégie de RNES au développement des districts (COHRED, 1998). Le University Partnerships Project (projet de partenariats universitaires, initiative du Centre de recherches pour le développement international) se penche sur le rôle des établissements universitaires en tant que partenaires des collectivités et des administrations locales dans la tenue d'études sur la santé adaptées au contexte local. Ce projet prévoit la participation active des étudiants (CRDI, 1991).
Le défi consiste à intensifier considérablement les partenariats locaux au sein desquels tous les aspects de la recherche deviennent partie intégrante des activités locales de développement de la santé. Il y a lieu également de s'attarder aux districts qui, dans de nombreux pays, revêtent de plus en plus d'importance en tant qu'entités géopolitiques. Voici certains éléments de la recherche en santé axée sur les districts :
— Travailler à l'intérieur d'un cadre de développement élargi (conforme à la notion de santé comme partie intégrante du développement) — Dans bien des cas, il s'agira de collaborer directement et de façon intersectorielle avec des équipes de développement dans les districts. Bon nombre de pays publient désormais des rapports nationaux sur le développement humain, qui contiennent des analyses et des renseignements utiles sur le développement des districts (PNUD, 1999).
— Prévoir une composante solide de renforcement des capacités pour tous les éléments du processus de recherche, comme l'identification des problèmes, l'établissement des priorités et l'utilisation des résultats de recherche. Cette composante peut être intégrée dans un processus permanent de résolution de problèmes et de développement des districts (TEHIP News, 1999).
— Accorder la priorité aux projets d'interventions fondées sur les résultats de recherche et axées sur l'équité, comprenant la participation directe des groupes pauvres et marginalisés.
Les personnes responsables des mécanismes de coordination de la recherche nationale en santé devraient s'efforcer d'utiliser les ressources nationales dans ce domaine aux fins du développement des districts. Elles pourraient, par exemple, créer un répertoire d'organismes (intérieurs et étrangers) qui mènent des projets dans chaque district. Certains pays ont également mis sur pied des programmes de formation à l'intention des gestionnaires de santé des districts dans des domaines tels que la gestion de l'information, la planification fondée sur les résultats et d'autres sujets pertinents.
À mon avis, nous constatons l'avènement d'une nouvelle structure mondiale de gouvernance qui est beaucoup plus souple, dans laquelle les gouvernements et les partenaires de la société civile, le secteur privé et d'autres intervenants forment des coalitions fonctionnelles sans égard aux frontières et aux idéologies politiques pour faire avancer les politiques gouvernementales en vue de répondre aux aspirations des citoyens du monde.
— PNUD (1999)
Ce mot de Mark Malloch Brown a paru dans l'avant-propos du Rapport sur le développement humain 1999, peu après sa nomination comme coordonnateur du PNUD. Dans la dernière partie du présent chapitre, nous soutenons qu'il est nécessaire de bâtir des coalitions et de les maintenir.
Pourquoi insister sur les coalitions? Lorsque nous avons évalué les initiatives des dix dernières années, nous avons constaté que bon nombre d'entre elles avaient fait l'objet de sérieuses critiques pour leur manque de cohésion et de coordination ainsi que leur caractère éphémère. Ce problème se manifeste à tous les niveaux. Les problèmes de cohésion et de coordination sont complexes, mais la plupart des observateurs s'entendent pour dire qu'il sont avant tout humains, et non d'ordre technique ou conceptuel. Il est plus facile pour les personnes et organismes de défendre leur chasse gardée que de partager leurs ressources, ainsi que de maintenir le statu quo plutôt que d'opérer des changements. Or, le monde évolue rapidement, et bon nombre des problèmes que l'on constatait il y a dix ans se sont aggravés et ont pris de l'ampleur.
Il faut toutefois souligner des exemples encourageants de création de coalitions à différents niveaux :
— Copenhague plus cinq a convié tous les organismes pertinents des Nations Unies, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international à faire un examen critique des progrès réalisés en vue d'atteindre les objectifs mondiaux de développement social.
— Ces dernières années, on constate un nombre accru de partenariats entre les secteurs public et privé dans le secteur de la santé (Buse et Walt [2000a, 2000b] ont décrit et analysé ces initiatives récemment).
— Le COHRED est un organe au niveau mondial qui répond aux besoins des pays intéressés à lutter contre les iniquités au moyen de la recherche en santé. Conscient de la nécessité de disposer de méthodologies et d'outils appropriés pour la gestion de la recherche en santé aux niveaux national et infranational, le COHRED a recueilli les expériences de divers pays.
— Au niveau régional également, de nombreux réseaux et accords de collaboration liés à la recherche en santé ont vu le jour, comme l'Alliance pour la recherche sur les politiques et les systèmes de santé. Cette alliance a réuni récemment six réseaux d'Afrique et d'Asie intéressés à la recherche sur les systèmes de santé et les politiques (OMS, 2000c).
— Au niveau national, plusieurs réseaux ou forums nationaux de recherche en santé ont été créés récemment (certains sont décrits au chapitre 6).
À mesure que l'on acquiert de l'expérience dans les coalitions, des études savantes sont menées sur les divers types de collaboration et les déterminants de leur efficacité. S'appuyant sur des analyses des coûts et avantages des organes participants, certaines de ces études distinguent diverses formes de collaboration, comme les réseaux, les alliances, les consortiums, les coalitions et les accords de coordination (Fowler, 1997). D'autres proposent des typologies de partenariats (Kickbush et Quick, 1998). Le dernier rapport sur le développement mondial décrit des institutions à des fins précises (terme plus large qu'organisation), terme qui reflète l'importance des politiques et procédés dans le nouveau paradigme du développement (Banque mondiale, 2000).
La coopération entre les membres de la coalition est essentielle pour assurer un partenariat plus efficace à plusieurs niveaux. Ainsi :
— Un forum où des intervenants aux missions, objectifs et modes de fonctionnement divers pourraient échanger favoriserait une meilleure compréhension et l'harmonisation des activités, au profit de tous;
— Les intervenants qui partagent les mêmes intérêts pourraient collaborer et lancer certaines initiatives.
C'est lorsque tous les intervenants se considéreront comme des partenaires égaux et feront preuve de respect mutuel que la coopération sera susceptible de se produire. Il faut éviter d'imposer ses opinions avec arrogance, et s'efforcer de résoudre les différends. La coordination des efforts devrait être axée sur l'efficacité et un but commun, et il y a lieu d'établir un code de conduite et des normes de déontologie pour la coopération internationale. Enfin, il faut toujours viser l'équité.
L'analyse détaillée des coalitions et de leurs variantes échappe à la portée du présent document. Notre intention consiste plutôt à décrire le défi auxquel nous faisons face, celui de faire beaucoup mieux qu'auparavant concernant l'échange de renseignements sur des objectifs communs, la coordination des efforts (pour éviter les doubles emplois coûteux) et la création d'initiatives conjointes (coalitions, partenariats) au profit de tous les partenaires.
Voici des conseils destinés aux équipes nationales de leadership :
— Identifier la création de coalitions comme une « compétence » précise, qui peut être décrite en profondeur, apprise et évaluée;
— Créer des coalitions locales (nationales et infranationales) en matière de santé et de développement orientées vers l'équité, avec la recherche comme partie intégrante;
— Faire plus de recherche systématique sur les déterminants des coalitions efficaces et diffuser les résultats de cette recherche.
En définitive, il revient aux personnes qui sont associées de près ou de loin au domaine de la recherche en santé de s'adapter aux réalités et de relever les défis décrits dans le présent chapitre. Nos actes sont guidés par nos valeurs fondamentales; celles du présent ouvrage sont l'équité et la justice, la conviction que chaque personne est importante et devrait avoir la chance d'exploiter tout son potentiel. Le présent ouvrage souligne également que pour réaliser notre objectif, il faudra faire preuve de solidarité et de coopération. Cet objectif est clair : améliorer la santé de toute la population avec pour outil essentiel la recherche en santé. Il faut agir sans tarder car nous avons beaucoup de pain sur la planche, et d'immenses défis nous attendent. Il est temps de renouveler nos efforts concertés en vue de les relever.
Le Dr Somsak Chunharas a obtenu son diplôme de la faculté de médecine, Ramathibodi Hospital, Mahidol University, en 1997. Il est également titulaire d'une maîtrise en santé publique, développement et planification du Royal Tropical Institute d'Amsterdam (1983), et d'un certificat en financement des soins de santé dans les pays en développement de Boston University (1988). Il est actuellement directeur du Bureau of Health Policy and Planning du ministère de la Santé publique en Thaïlande. Ses domaines d'intérêt sont la gestion hospitalière dans les communautés rurales de la Thaïlande, l'analyse stratégique aux fins des services de santé et de la formation des ressources humaines, l'élaboration de systèmes d'information, la gestion de la recherche et les affaires internationales en santé. Auparavant, le Dr Chunharas a été vice-président de la Rural Doctor Association, secrétaire général du Thai Medical Council, vice-président du National Epidemiology Board of Thailand et membre du comité médical de la Fondation King Ananthamahidol. Le Dr Chunharas est président du groupe de travail sur l'utilisation de la recherche aux fins des politiques et des interventions du Conseil de la recherche en santé pour le développement et coordonnateur de l'Asia-Pacific Network on Health Systems and Policy Research.
Le Dr Tessa Tan-Torres Edejer est interniste et spécialiste des maladies infectieuses, diplômée de la University of the Philippines à Manille. Elle a suivi sa formation en épidémiologie clinique et en économie clinique par l'entremise de l'INCLEN. Ses domaines d'intérêt en recherche comprennent la tuberculose, la qualité des soins et les évaluations économiques. À Manille, elle a collaboré étroitement au programme de recherche nationale essentielle en santé du service de santé ainsi qu'avec la Tuklas-Lunas Foundation, une organisation non gouvernementale qui soutient la recherche nationale essentielle en santé aux Philippines. À l'heure actuelle, elle est médecin hygiéniste et scientifique dans le groupe Données et information pour les recherches de l'Organisation mondiale de la santé à Genève.
David Harrison (MBChB, MSc [médecine], MPP) est actuellement le directeur des programmes nationaux de Lovelife, programme national de prévention du sida en Afrique du Sud. Il a été le directeur général fondateur du Health Systems Trust (HST), organisation non gouvernementale qui soutient la réforme du secteur de la santé en Afrique du Sud et a ensuite dirigé l'Initiative for Sub-District Support (ISDS) (qui vise à améliorer la prestation des services en mettant l'accent sur la qualité des soins de santé au palier local). Il est président du groupe de travail du Conseil de recherche en santé pour le développement chargé de la promotion, de la défense et des mécanismes de RNES par pays.
Le Dr Javid Hashmi, médecin pakistanais, est fellow du Royal College of Physicians (Édimbourg). Avant de se joindre à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1979, il a été clinicien et chercheur au Pakistan, et notamment directeur du Pakistan Medical Research Council. À l'OMS, il a été successivement conseiller régional de la promotion et du développement de la recherche et directeur de la protection et de la promotion de la santé au Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'OMS, puis chef du renforcement des capacités de recherche au Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales, PNUD et OMS, et représentant de l'OMS en Iran.
Nancy Johnson (MA), spécialiste en santé et en sciences sociales, conseillère sur les aspects qualitatifs de la conception des recherches, la collecte et l'analyse des données ainsi que sur l'élaboration de manuscrits sur la santé et les sciences sociales. Ses projets de recherche précédents ont touché à un éventail de sujets, notamment la conception d'interventions éducatives sur le sida adaptées à la réalité culturelle du Zimbabwe; des programmes communautaires de santé destinés aux immigrantes d'Amérique latine et à leurs enfants à Hamilton, Canada; le processus décisionnel touchant le traitement du cancer du sein axé sur la patiente; l'interruption du maintien des fonctions vitales dans les centres de soins intensifs. Mme Johnson est également co-directrice de la publication Nurtured by Knowledge : Learning to Do Participatory Action-Rsearch (CRDI, 1997).
Le Dr Koos est diplômé de l'Université de médecine Semmelweis à Budapest. Il est actuellement consultant dans le domaine des soins de santé primaires et du développement.
Le Dr Peter Makara est un spécialiste en sciences sociales de Hongrie où il travaille en promotion de la santé et en éducation sanitaire. Il s'est employé à faire la promotion de la recherche nationale essentielle en santé en Hongrie et en Europe de l'Est et est devenu membre du conseil d'administration du COHRED en 1999. Il vient de se joindre au Centre européen pour la politique sanitaire de l'Organisation mondiale de la santé à Copenhague, au Danemark.
Le Dr Mechbal est conseiller régional pour la recherche et la coordination des politiques au Bureau régional de la Méditerranée orientale de l'Organisation mondiale de la santé, situé à Alexandrie, en Égypte.
Le Dr Mutuma Mugambi (MD, PhD) est professeur et vice-chancelier de la Kenya Methodist University. Il est directeur sortant de la recherche médicale au Kenya et a été conseiller auprès d'un certain nombre d'organismes de recherche internationaux et régionaux. Récemment, le Dr Mugambi a dirigé la consultation africaine visant à préparer la conférence sur la recherche en santé pour le développement à Bangkok.
Victor Neufeld, médecin, éducateur et consultant international, habite à Hamilton, Canada, où il est professeur emèrite en médecine et épidémiologie à l'Université McMaster. Pendant plus de 25 ans, il a occupé différents postes de direction universitaire, dont celui de directeur du Centre for International Health. Il a conseillé une multitude d'institutions et d'organismes internationaux concernant le renforcement des capacités aux fins de la réforme du système de santé et particulièrement le développement du leadership.
Yvo Nuyens (PhD) est le coordonnateur du Conseil de la recherche en santé pour le développement. Auparavant, il a été président du département de sociologie et président de l'Institut de recherche sociologique à l'Université de Louvain en Belgique, et directeur de programme pour le Health Systems Research and Development, au quartier général de l'Organisation mondiale de la santé à Genève en Suisse. Il a publié un certain nombre de livres et d'articles sur Tinter-face entre la recherche en santé et le processus décisionnel ainsi que sur les perspectives socioculturelles sur la santé et la médecine.
Alberto Pellegrini Filho (MD, PhD) est actuellement coordonnateur du programme de recherche, Division of Health and Human Development, Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et Bureau régional des Amériques de l'Organisation mondiale de la santé. Le Dr Pellegrini justifie d'une expérience scientifique en neurosciences; depuis qu'il s'est joint à l'OPS en 1986, il étudie la situation de la recherche en santé et les politiques connexes en Amérique latine et dans les Antilles, et publie des documents sur la question.
Le Dr David Picou est le directeur de la recherche au Caribbean Health Research Council, organisme régional qui conseille 18 gouvernements des Antilles sur toutes les questions touchant la recherche en santé. Il est le coordonnateur de la recherche nationale essentielle en santé (RNES) dans les Antilles et est associé au Conseil de la recherche en santé pour le développement depuis plusieurs années. Il a été professeur de médecine expérimentale et directeur de la Tropical Metabolism Research Unit de la Jamaïque, où il a travaillé pendant plus de 20 ans sur la malnutrition chez les enfants. Ses intérêts comprennent la promotion de la RNES, le renforcement des capacités de recherche et l'éthique de la recherche en santé.
Chitr Sitthi-amorn (MD, PhD) est le président élu de l'International Epidemiology Association et doyen fondateur du collège de santé publique de Chulalongkorn University à Bangkok. Il justifie d'antécédents très variés, ayant été neuroscientifique, puis clinicien, épidémiologiste, épidémiologiste clinique et doyen fondateur du collège de santé publique à la plus vieille université de Thaïlande. À titre de coordonnateur de la recherche nationale essentielle en santé pour l'Asie, il recourt à la fois aux rencontres en personne et au dialogue électronique pour donner une voix à l'Asie concernant la recherche en santé au service du développement. Il est un ancien membre du conseil de l'INCLEN et a collaboré avec des collègues de partout dans le monde en vue d'établir les priorités pour les changements aux programmes d'études, l'élaboration de politiques et le renforcement des capacités en médecine et en santé publique.
Le Dr Charas Suwanwela est professeur emèrite de médecine et ancien président de Chulalongkorn University à Bangkok.. À l'heure actuelle, il est président du conseil du COHRED, et membre du conseil des politiques du Thailand Research Promotion Fund et du comité de l'enseignement supérieur du ministère des Affaires universitaires de la Thaïlande. Il est un ancien membre de l'assemblée législative nationale et du sénat de la Thaïlande. Il a reçu le prix pour réalisations extraordinaires décerné par la National Cultural Commission of Thailand et le prix du citoyen exceptionnel remis par la Prem Tinasulanond Foundation of Thailand.
Susan Reynolds Whyte (PhD) est professeure à l'institut d'anthropologie de l'Université de Copenhague. Pendant de nombreuses années, elle a effectué des études ethnographiques au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. En plus de publier des articles et des chapitres de livres sur la problématique homme-femme, le développement et la santé, elle a co-édité un ouvrage sur les produits pharmaceutiques dans les pays en développement et un autre sur les handicaps et la culture. Son ouvrage, intitulé Questioning Misfortune (Cambridge University Press, 1997), traite de la gestion de la maladie et de la mort dans l'est de l'Ouganda. Elle s'intéresse beaucoup à l'anthropologie appliquée. Membre du conseil du COHRED, elle collabore également à l'Enhancement of Research Capacity Program, financé par Danish International Development Assistance.
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