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Orienter les politiques de santé des mères et des enfants par la recherche

 

 

    La Dr Queen Dube, chef des services de santé au ministère de la Santé du Malawi, affirme que « l'Afrique ne manque pas de politiques. Le défi est de savoir comment nous mettons en œuvre les politiques. » Et cela, dit-elle, nécessite des preuves. En tant que décideur, Dr Dube a été cochercheur principal sur un projet Innovation pour la santé des mères et des enfants d'Afrique (ISMEA) qui visait à intégrer un ensemble d'interventions pour réduire la mortalité néonatale au Malawi.  

    Comme la Dr Dube, chacun des 28 projets de recherche de l'ISMEA comprenait un cochercheur principal décideur. Le fait qu'ils soient au niveau du district, de la région ou du pays dépendait de la couverture de l'intervention du projet. Ils ont tous travaillé en étroite collaboration avec les autres membres de leurs équipes respectives pour façonner la recherche. Ils ont également joué un rôle important dans la mise en œuvre des projets et dans l'application des connaissances pour l'intégration des données probantes dans les politiques et les pratiques. 

    Burkina Faso : suivi de la mise en œuvre des politiques 

    En avril 2016, le Burkina Faso est devenu le premier pays africain à adopter une politique nationale visant à assurer la prestation de soins de santé universels et gratuits aux femmes enceintes, aux nouvelles mères et aux enfants de moins de cinq ans. Cette mesure a été suivie en 2018 par l'adoption d'un programme d'assurance maladie universelle et d'une politique visant à inclure la planification familiale dans l'ensemble des services de soins de santé gratuits. L'équipe de recherche de l'ISMEA a entrepris de fournir au ministère de la Santé des analyses pour l'aider à surveiller l'incidence de ces politiques sur l'équité, la qualité et le coût. Le secrétaire technique du ministère chargé des soins de santé universels était membre de l'équipe de recherche. 

    Pendant trois ans, l'équipe multidisciplinaire a travaillé dans les communautés de huit districts sanitaires, évaluant la mise en œuvre des politiques de soins de santé gratuits et de planification familiale et leur incidence sur la population, en particulier dans les zones rurales. Les questions de genre et d'inclusion ont été analysées en ce qui concerne les services fournis, la qualité des soins et les décisions des femmes sur des questions telles que la planification familiale. 

    L'équipe a constaté que la politique de gratuité des soins de santé avait efficacement été mise en œuvre et que la plupart des indicateurs de santé des mères et des enfants s'étaient améliorés. Par exemple, davantage de femmes ont accouché avec une accoucheuse qualifiée, atteignant 85 % en 2017, et il y a eu moins de fausses couches et de décès néonatals. Les visites des moins de cinq ans dans les établissements de santé ont doublé entre 2015 et 2018. L'introduction de méthodes contraceptives gratuites a offert aux femmes des choix élargis pour espacer leurs enfants et planifier leur famille. 

    Mais si la gratuité des soins a permis aux femmes vulnérables d'accéder plus facilement aux soins, l'équipe a constaté que cela ne suffisait pas à surmonter les obstacles sexospécifiques bien ancrés : les femmes ont toujours besoin de l'autorisation de leur partenaire masculin pour se faire soigner. Les faits montrent que les décideurs doivent élaborer des politiques non sanitaires qui s'attaquent aux défis posés par des normes sociales, culturelles et de genre plus larges afin de promouvoir l'autonomisation et le pouvoir de décision des femmes.  

    Éthiopie et Mozambique : les données sur les causes de décès permettent de mettre en place des programmes visant à sauver des vies 

    En Éthiopie, environ 220 000 enfants et femmes en âge de procréer meurent chaque année. Dans la plupart des cas, la cause du décès n'est pas documentée en raison de la faiblesse du système d'enregistrement et de statistiques de l'état civil (système ESEC). Il est donc difficile pour le gouvernement de l'Éthiopie d'effectuer une planification sanitaire efficace et d'allouer les ressources et services nécessaires, tant au niveau national qu'infranational du système de santé. 

    Afin de soutenir les efforts de l'Éthiopie pour renforcer le système ESEC et améliorer la santé des mères et des enfants, une équipe de recherche de l'ISMEA a effectué un examen systématique des données sur les causes de décès de 1990 à 2016 et a généré un catalogue national en libre accès de la mortalité maternelle, néonatale, infantile et des enfants de moins de cinq ans. Cet examen – les toutes premières données représentatives de l'Éthiopie sur les causes de décès des mères, des nouveau-nés, des nourrissons et des enfants de moins de cinq ans – a permis à l'équipe de déterminer les principales causes de décès dans ces groupes de population.  

    Résumées dans un article et présentées au ministre fédéral de la Santé et au Conseil consultatif national, ces données ont alimenté la décision du ministère de faire de la réduction des hémorragies maternelles post-partum une priorité nationale. L'équipe de recherche a également discuté avec les décideurs de l'utilisation du misoprostol – recommandé par l'Organisation mondiale de la Santé pour prévenir les hémorragies post-partum – et d'autres procédures. En conséquence, le ministère de la Santé teste actuellement le misoprostol dans certaines régions du pays. 

    Le projet a également mis à l'essai un système de haute qualité et à faible coût de collecte et de suivi des données sur les causes de décès, adapté aux contextes à faibles ressources, ainsi qu'une plateforme électronique simple et innovante permettant de réduire le coût des enquêtes sur les causes de décès, tout en augmentant leur qualité et leur faisabilité. La plateforme a été personnalisée pour saisir l'information dans les établissements de santé, ainsi que par l'intermédiaire d'autopsies verbales – des récits de décès recueillis lors d'entretiens avec les membres du ménage de la personne décédée. En conséquence, les autopsies verbales sont désormais largement acceptées et utilisées comme partie intégrante de la base de données nationale éthiopienne sur les causes de décès.  

    Au Mozambique, la même équipe s'est appuyée sur les recherches qu'elle a menées en Éthiopie pour améliorer le signalement des causes de décès chez les enfants, les mères et les adultes en général dans les établissements de santé. Les premières étapes ont été de comprendre comment les décès étaient enregistrés et certifiés médicalement, comment les formulaires d'enregistrement passaient des établissements aux bureaux d'état civil, et quelles difficultés les cliniciens rencontraient dans ces processus.  

    En collaboration avec les ministères de la Santé et de la Justice, l'équipe a ensuite élaboré un processus national simplifié de notification, de certification et d'enregistrement qui fournit l'information nécessaire aux deux ministères. L'équipe a également élaboré un cours personnalisé sur la certification électronique des décès médicaux en appliquant les normes internationales de certification des causes de décès pour le personnel du ministère de la Santé, les leaders en santé et les médecins. Obtenir l'adhésion tout en s'assurant que le cours est aligné sur les besoins du ministère était essentiel pour la durabilité du cours. 

    Ce nouveau processus national universel ainsi que la disponibilité de professionnels de la santé formés pour appliquer les normes internationales et signaler les causes de décès fourniront aux décideurs du Mozambique les données solides dont ils ont besoin pour déterminer les causes de décès et décider des priorités et des politiques de soins de santé pour y remédier.  

    Les résultats de la recherche contribuent au changement  

    Ceux-ci et d'autres projets de l'ISMEA montrent comment la collaboration entre les chercheurs et les décideurs peut contribuer au changement. La recherche ne permet pas, en soi, de sauver des vies, mais elle contribue à montrer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il est essentiel de combler les lacunes dans les connaissances pour améliorer les résultats, que ce soit en fournissant des preuves de l'efficacité (ou de l'absence d'efficacité) d'une politique, comme au Burkina Faso, ou en repérant les lacunes dans l'information dont les décideurs ont besoin pour mettre en œuvre des programmes qui traitent des causes de décès, comme il a été démontré en Éthiopie et au Mozambique. 

    Ces projets ne sont que trois exemples de la manière dont la collaboration entre les chercheurs et les décideurs au sein des 19 équipes de recherche de l'ISMEA a permis d'améliorer l'accès aux soins de santé, les services de soins de santé des mères et des enfants et la formation du personnel de santé. L'essentiel est de produire des preuves et d'appliquer ces connaissances aux services, aux programmes et aux politiques au niveau des communautés, des établissements de santé, des systèmes de santé et des politiques. 

     En savoir plus 

    Faits saillants

    • Les projets de l'ISMEA montrent comment la collaboration entre les chercheurs et les décideurs peut contribuer au changement. 

    • Il est essentiel de combler les lacunes dans les connaissances pour améliorer les résultats en matière de santé.