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L’enregistrement des naissances représente le fondement de la progression de l’égalité entre les sexes et des droits des enfants

 

Irina Dincu

Spécialiste de programme principal(e), CRDI

Deirdre Appel

Gestionnaire de programme

Shaida Badiee

Managing Director

De nombreuses personnes tiennent leur certificat de naissance pour acquis. Il constitue une certitude bureaucratique ordinaire dans la vie de nombreuses personnes, bien rangé dans un tiroir ou dans un classeur jusqu’à ce qu’il soit requis pour obtenir un permis de conduire ou un passeport ou enregistrer un mariage ou un divorce. Les titulaires de ce document reconnaissent rarement sa vraie valeur – un droit fondamental de la personne à avoir un nom, un document qui établit les relations et les liens familiaux et un outil important pour la protection sociale.

Dans les pays en développement, l’absence d’un certificat de naissance se voit et se ressent puissamment. La naissance d’environ 230 millions d’enfants de moins de cinq ans - 35 % du total à l’échelle mondiale - n’est pas enregistrée. Sans un certificat de naissance, les personnes sont facilement privées de leurs droits.

L’enregistrement des naissances : fondement de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation

L’enregistrement des naissances - l’enregistrement officiel de la naissance d’un enfant par un organisme gouvernemental - est l’un des événements les plus importants de la vie d’un enfant. Il est essentiel pour accéder à un éventail de services sociaux, en plus de fournir une identité légale permettant aux personnes de faire valoir leur droit de vote, de présenter une demande de bourse d’études ou d’hériter de biens, pour ne nommer que quelques avantages. Ensemble, ces droits et l’accès aux services constituent la base de l’autonomisation des femmes sur le plan économique et politique.

Un système d’enregistrement des naissances qui fonctionne bien aide également les gouvernements à planifier, à établir leur budget et à surveiller leur population de manière précise. L’enregistrement des naissances permet aux gouvernements de planifier la prestation des services de santé, y compris les soins pré et post natals, et de concevoir des programmes sociaux et pédagogiques adaptés aux besoins des mères et de leurs enfants.

On parle de plus en plus de l’efficacité des systèmes d’enregistrement des faits d’état civil et de l’établissement des statistiques de l’état civil (ESEC) comme enjeu de développement. Les objectifs de développement durable (ODD) exigent 67 indicateurs tirés des systèmes d’ESEC, mais on oublie souvent la dimension sexospécifique de l’enregistrement des naissances.

L’état de la mère a une incidence sur le taux d’enregistrement des naissances

 

La richesse et l’éducation de la mère ont une incidence sur la probabilité que cette dernière enregistre la naissance de ses enfants des deux sexes. Son milieu de vie (urbain ou rural), sa caste, sa religion et son âge ont également une incidence sur la probabilité de l’enregistrement. Certaines populations vulnérables comme les migrants, les populations autochtones et les réfugiés sont particulièrement susceptibles de ne pas enregistrer la naissance de leurs enfants, exposant ainsi les enfants à l’exploitation et à la violation de leurs droits. Parmi les autres obstacles figurent le manque de connaissances au sujet de la manière d’enregistrer les naissances, le coût de l’enregistrement et la difficulté de se rendre dans un bureau d’enregistrement. Ces obstacles empêchent les gouvernements d’obtenir des données au sujet de populations les plus pauvres et les plus difficiles à atteindre - soit les personnes ayant le plus besoin de services.

Les biais inavoués à l’égard de la sexospéficité posent également des défis pour les femmes qui souhaitent enregistrer la naissance de leurs enfants. Les lois et les coutumes peuvent exiger la signature du père ou d’un représentant masculin ou un certificat de mariage pour enregistrer la naissance d’un enfant. Par exemple, au Népal, au Nicaragua et au Bhoutan, les enfants ne peuvent pas être enregistrés de façon permanente sans le nom du père ou du grand-père. Selon une étude, la stigmatisation sociale peut également avoir une incidence sur l’enregistrement, car les femmes hésitent à demander un certificat de naissance si elles ne connaissent pas le nom du père.

Une naissance non enregistrée peut empêcher une mère d’obtenir des services essentiels pour son enfant, comme la vaccination et l’immunisation gratuites ou subventionnées, le traitement dans un établissement de santé ou auprès d’un fournisseur du gouvernement et l’inscription à l’école. 

Utiliser l’enregistrement des naissances pour combattre les mariages d’enfants précoces et forcés

Un certificat de naissance peut également servir d’outil pour prévenir les mariages d’enfants. S’il est impossible de prouver l’âge d’une fille lorsqu’elle est sur le point de se marier, comment peut-on appliquer les lois établissant l’âge minimal du mariage. Par exemple, l’initiative Girls Not Brides de Plan International consigne l’histoire de Rubi, une jeune fille du Bangladesh qui a utilisé sa certification de naissance pour éviter un mariage arrangé à l’âge de 15 ans. Jumelé à l’application convenable de la loi, l’enregistrement des naissances peut aider à combattre l’épidémie de mariages d’enfants qui touche une fille sur trois dans les pays en développement.

Progrès en vue de l’enregistrement universel des naissances

De 2000 à 2010, la moyenne mondiale de l’enregistrement des naissances est passée de 58 % à 65 %. L’Inde, le Mali, le Népal, l’Ouganda et le Vietnam ont accompli d’importants progrès. Les réussites découlent en partie des travaux de l’UNICEF, de l’OMS, de la CESNUAP, de la CENUA et d’autres organismes gouvernementaux qui se sont concentrés sur l’amélioration des systèmes d’ESEC dans le cadre de leurs programmes de développement national et international.

Toutefois, si on souhaite doter toutes les personnes à l’échelle mondiale d’une identité légale, y compris l’enregistrement des naissances, d’ici 2030 (ODD cible 16.9), il reste beaucoup à faire. Voici quatre domaines importants d’action nationale :

  • évaluer et supprimer les obstacles à l’enregistrement;
  • promouvoir l’importance de systèmes robustes d’ESEC et mener des recherches connexes;
  • surveiller la couverture et l’accès aux données sur l’enregistrement des naissances;
  • intégrer l’ESEC aux plans, au renforcement des capacités et aux efforts de mobilisation des ressources liés aux systèmes statistiques nationaux.

En rendant l’invisible visible - par l’intermédiaire de l’identité légale et des droits ainsi que des données qui tiennent compte des populations les plus vulnérables - nous pouvons contribuer à l’atteinte de l’égalité entre les sexes.

Irina Dincu est la spécialiste de programme principale du Centre d’excellence pour le registre et les statistiques d’état civil du CRDI.

Shaida Badiee est directrice générale à Open Data Watch.

Deirdre Appel est une chercheuse à Open Data Watch.