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Le rapport Coopération pour le développement de l’OCDE souligne le rôle essentiel des données pour atteindre les objectifs de développement

 

Jean Lebel

Présidente, CRDI

« L’atteinte des ODD repose sur une croissance économique profitable pour tous fondée sur l’autonomisation des femmes, l’égalité des sexes et des mesures ambitieuses en ce qui concerne les changements climatiques. Nous avons la responsabilité, pour le bien des générations futures, non seulement d’atteindre les ODD, mais de le faire de manière à ce que personne ne soit exclu. » Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Alors que les pays et les acteurs du développement s’assurent que personne n’est exclu, l’appel visant à combler la fracture des données est devenu le principal enjeu du Programme 2030. Les données et les statistiques sont essentielles pour éclairer les décisions relatives aux politiques, et l’adoption des objectifs de développement durable (ODD) a contribué à renforcer l’importance des données fiables, opportunes et de grande qualité. Pourtant, le manque continu de données de base et les faibles systèmes statistiques demeurent un problème dans les pays en développement. Près des deux tiers des 232 indicateurs des ODD qui ont été adoptés par la Commission de statistique des Nations Unies n’ont aucune base statistique appropriée, et il n’existe souvent aucune méthodologie de mesure convenue pour un tiers d’entre eux.

Afin que l’élaboration et l’amélioration des statistiques soient mises à l’avant-plan du programme de développement, l’OCDE a travaillé en étroite collaboration avec PARIS21 pour produire le rapport Coopération pour le développement 2017 dont le thème est « Données et développement ». Chaque année, le rapport phare aborde un défi important pour la communauté de développement international, et il fournit des conseils et des recommandations pratiques. Cette 55e édition du rapport Coopération pour le développement fournit une analyse exhaustive des contraintes liées aux données auxquelles les pays en développement sont confrontés de nos jours, ainsi que des options stratégiques visant à compiler de meilleures statistiques pour le développement durable.

Il existe une inquiétante fracture des données...

Aujourd’hui, une fracture mondiale des données persiste dans les pays en développement. Cette fracture est caractérisée par la rareté des données de base sur les personnes et la planète, ainsi que les mesures d’incitation et les capacités insuffisantes pour combler ces lacunes.

Les données fiables pour le développement sont insuffisantes

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Rapport sur la coopération pour le développement de l'OCDE 2017 infographie
Rapport sur la coopération pour le développement de l'OCDE 2017

…mais de nouvelles possibilités émergent grâce à la révolution des données.

Parallèlement, nous observons une augmentation des nouvelles sources de données et des nouveaux types de données qui sont produites par les technologies numériques. En juin, le Canada organisera l’événement « Big Data Toronto ». Il s’agit d’une conférence et d’une exposition qui porteront sur les cas pratiques et techniques liés aux données massives, tels que l’analyse prédictive, la gouvernance des données, le respect de la vie privée et la cybersécurité. Les données massives se sont avérées un moteur du secteur des affaires novateur du Canada, mais leur utilisation dans les pays en développement ne fait que commencer. Toutefois, tout comme M-Pesa, une application bancaire mobile créée au Kenya en 2007, a permis au continent africain de surmonter les difficultés d’inclusion financière, une révolution des données alimentée par la téléphonie mobile pourrait aider les pays en développement à combler les lacunes en matière de données.

Les pays en développement ont une occasion incroyable de tirer profit de la puissance des données massives pour transformer différentes opérations du gouvernement. Les médias sociaux, les enregistrements de téléphonie mobile, les détecteurs, le moissonnage Web et l’imagerie satellite constituent quelques-unes des nouvelles sources d’information qui offrent la possibilité de recueillir de meilleures données. Au Sri Lanka et en Côte d’Ivoire, les gouvernements utilisent les enregistrements de téléphonie mobile pour éclairer les problèmes en matière de planification urbaine, assurer le suivi des maladies, et même entreprendre une délimitation des zones de pauvreté par des moyens rentables. Au Bangladesh, en Haïti, au Kenya, au Nigeria, et en Tanzanie, les gouvernements commencent à utiliser l’information géospatiale pour comprendre les phénomènes socio-économiques, y compris les résultats en matière d’éducation (p. ex., l’alphabétisation et la numératie) et l’accès à des contraceptifs. En Égypte, des données sont recueillies grâce à l’impartition à grande échelle pour mieux comprendre et combattre le harcèlement sexuel et la violence.

Le programme canadien « Données ouvertes pour le développement »

Le Canada déploie des efforts importants pour améliorer le programme de données dans sa politique de développement. D’abord, au moyen de sa Politique d’aide internationale féministe, le Canada améliore les capacités institutionnelles au sein du secteur public et établit une solide base de données pour soutenir les actions en faveur de l’égalité des sexes dans les pays que le Canada appuie. Aujourd’hui, l’intégration des statistiques sexospécifiques dans les plans statistiques nationaux, ainsi que l’amélioration de la communication et de l’utilisation des données sexospécifiques, demeurent un problème dans plusieurs pays. Deuxièmement, on peut remarquer les efforts déployés par le Canada pour améliorer les statistiques dans les pays en développement grâce à des partenariats avec des fournisseurs privés de données. Le Canada favorise l’amélioration des systèmes d’enregistrement des naissances en Tanzanie, dans la République démocratique du Congo, au Soudan, en Éthiopie et au Mali, où le besoin d’améliorer l’enregistrement des faits d’état civil est essentiel. En Tanzanie, seulement 13 % des nouvelles naissances sont enregistrées. Ce travail s’est concrétisé par un nouveau Centre d’excellence sur les systèmes d’enregistrement et de statistiques de l’état civil, lequel est hébergé par le CRDI et appuyé par Affaires mondiales Canada. Cette plateforme de connaissances mondiale s’efforce de faciliter l’accès à l’information et à l’expertise, notamment aux normes, aux outils, aux données de recherche et aux bonnes pratiques à l’échelle mondiale. Elle a pour objectif d’aider les pays à développer, à renforcer et à élargir leurs systèmes nationaux d’enregistrement des actes et des statistiques de l’état civil. Enfin, ces programmes permettront aux gouvernements de recueillir de meilleures données pour élaborer les politiques en matière de petite enfance et de mieux répartir les dépenses liées à l’éducation et à la santé.

Troisièmement, la promotion d’une gouvernance inclusive et de la reddition des comptes constitue un autre secteur dans lequel le programme de développement du Canada chevauche le programme des données à l’échelle mondiale. Sur le plan des données, cela nécessite une collaboration avec les gouvernements et les acteurs de la société civile pour améliorer la participation des citoyens (en matière d’utilisation et de production des données) ainsi que la reddition de comptes. Pour réaliser ces programmes, le Canada offre le programme Données ouvertes pour le développement (DOD). Établi en 2015, le DOD est une initiative financée par plusieurs bailleurs de fonds, dont le CRDI, la Banque mondiale, Affaires mondiales Canada et le Department for International Development du Royaume-Uni, qui mise sur un réseau mondial de partenaires pour utiliser des données ouvertes afin d’accroître la reddition de comptes, la transparence et l’innovation locale, et d’améliorer la prestation des services publics clés comme l’éducation et la santé.

Mesures concrètes pour remédier à la fracture des données

Le rapport Coopération pour le développement fait état de six mesures clés relatives aux données pour tirer le meilleur parti de la puissance des données pour le développement durable. Chaque mesure nécessitera un solide leadership politique dans les pays en développement, afin d’assurer que les nombreuses données permettront le développement. Cela comprend la promotion du bien-fondé des données pour le développement, tout en s’assurant que les statistiques sont produites selon des normes de qualité élevée, ainsi qu’en protégeant la vie privée et la confidentialité.

Six mesures concrètes relatives aux données pour remédier à la fracture des données

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Rapport sur la coopération pour le développement de l'OCDE 2017 infographie
Rapport sur la coopération pour le développement de l'OCDE 2017

Mesure 1 Adapter les législations, réglementations et normes sur les statistiques à l’évolution des besoins en matière de données.

Afin d’élaborer des écosystèmes de données inclusives, les cadres juridiques et institutionnels doivent être adaptés aux objectifs. Le nombre croissant d’acteurs et d’institutions participant à la production de données souligne la nécessité d’élaborer des normes juridiques et de qualité qui sont claires. On propose des mesures immédiates dans ce sens : élaborer et mettre à jour des lois statistiques et des lois statistiques ouvertes; autoriser les bureaux de statistiques nationaux à adopter de nouveaux modes de collecte de données, de nouvelles formes de partenariats, et de nouvelles méthodes de diffusion des données.

Mesure 2 Améliorer la quantité et la qualité du financement consacré aux données.

L’investissement dans les systèmes statistiques doit être une priorité pour les pays en développement ainsi que leurs partenaires de la coopération au développement. Pour ce faire, il faudra augmenter le financement, puis le stabiliser, afin que les systèmes statistiques nationaux puissent répondre à la demande croissante en données. De plus, il faudra élaborer des mécanismes novateurs permettant la mobilisation des ressources nationales aux fins des statistiques, des partenariats public-privé, et de la philanthropie des données.

Mesure 3 Renforcer les capacités statistiques et la culture des données au moyen de nouvelles approches.

Il faudra élaborer et mettre à l’essai de nouvelles approches plus exhaustives à l’égard du développement des capacités en matière de statistiques. Ces méthodes doivent aller au‑delà du simple renforcement des capacités de collecte des données. En prenant en considération trois éléments distincts - les personnes, les organisations et l’environnement habilitant - les bureaux de statistiques nationaux devraient utiliser le nouveau développement des capacités 4.0 en guise de nouvelle pratique exemplaire. Pour ce faire, il sera nécessaire de mettre l’accent sur les compétences générales, y compris le leadership, la gestion du changement, la réflexion stratégique et la sensibilisation, et de prendre en considération le point de vue de l’utilisateur.

Mesure 4 Accroître l’efficacité et les répercussions au moyen de « pactes sur les données » ou d’autres approches coordonnées, menées par les pays.

Les pays en développement devraient mieux harmoniser les mesures incitatives pour la production de données aux fins de l’élaboration des politiques nationales et de la surveillance mondiale, et ce, grâce à des partenariats inclusifs et mutuellement responsables entre les utilisateurs et les producteurs de données. L’établissement de pactes sur les données pour coordonner et harmoniser l’investissement dans les données et le soutien pour les systèmes statistiques constitue une approche prometteuse. À cet égard, il sera essentiel d’harmoniser les mesures incitatives pour la production de données aux fins des stratégies nationales.

Mesure 5 Investir dans les données sur les résultats gérées par les pays et les utiliser pour suivre les progrès accomplis au regard des ODD.

Les acteurs externes doivent appuyer les écosystèmes de données et les stratégies menés par les pays. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir une vision claire et de faire preuve d’un pragmatisme pour aborder les cadres axés sur les résultats. De plus, cela signifie qu’il faut s’assurer que les résultats des efforts indépendants en matière de collecte de données sont accessibles aux acteurs du développement afin d’éviter tout chevauchement inutile.

Mesure 6 Produire et utiliser de meilleures données pour aider à comprendre l’état global du financement des ODD.

L’amélioration des données sur le financement du développement est nécessaire pour obtenir un portrait plus complet du financement et permettre aux pays en développement de mieux planifier et de mieux budgétiser leurs stratégies nationales de développement.

Tout le monde doit contribuer à améliorer les statistiques pour le développement durable - les pays en développement ne peuvent pas y arriver seuls. En effet, ils ont besoin d’un soutien politique et financier pour produire les statistiques et les outils analytiques qui démontreront la façon d’atteindre les objectifs nationaux et mondiaux convenus. Pour ce faire, les fournisseurs de coopération pour le développement tels que le Canada doivent continuer à fournir un soutien financier et technique qui est efficace et constant, afin de garantir des améliorations durables sur le plan de la fourniture de statistiques de qualité.

La version originale anglaise de cet billet a été publié sur le blogue PARIS21 le 7 février, 2018.

Jean Lebel est le président du CRDI. Johannes Jütting est le directeur de PARIS21.

Références

OCDE (2017), Rapport Coopération pour le développement 2017 : Données et développement, Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/fr/cad/cooperation-pour-le-developpement-rapport-20747748.htm.

OCDE et OMC (2017), Panorama de l’aide pour le commerce 2017 : Promouvoir le commerce, l’inclusion et la connectivité pour un développement durable, Organisation mondiale de la Santé, Genève/Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd-ilibrary.org/fr/development/panorama-de-l-aide-pour-le-commerce-2017_aid_glance-2017-fr.

PARIS21 (2017), « Lignes directrices sur les stratégies nationales de développement de la statistique », OCDE, Paris, http://nsdsguidelines.paris21.org/fr.