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En faire plus avec la recherche africaine en sciences sociales

 
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Flaubert Mbiekop

Spécialiste de programme principal, CRFS

Les solutions rapides et voyantes en développement international semblent être au goût du jour. Il est gratifiant, et souvent utile, de compter le nombre de femmes, d’hommes et de jeunes qui s’inscrivent à une formation, qui reçoivent un vaccin ou qui sèment un nouveau type de semence. Les projets d’infrastructure sont concrets et visibles. Toutefois, dans le contexte de l’impatience croissante pour que les programmes de développement démontrent un impact à l’échelle du rapport qualité-prix, il est important de réfléchir au rôle et à la position de la recherche pour le développement en sciences sociales.

Ce type de recherche est habituellement plus long et ses répercussions sur la vie des gens sont généralement plus difficiles à démontrer. Comment établir hors de tout doute raisonnable le nombre de femmes vulnérables dont la vie s’est améliorée après que des résultats de recherche ont entraîné une nouvelle loi, disons, sur la violence familiale ? Comment prouver que la nouvelle loi a réellement été influencée par la recherche précise que vous avez appuyée ?

Pour compliquer davantage la situation, l’impact des investissements en sciences sociales dépend de la capacité des gens à utiliser et à mettre en oeuvre l’innovation ou la preuve générée. Soyons clairs : il ne s’agit pas simplement de communiquer les résultats aux décideurs et aux praticiens ou de s’assurer de les mobiliser pendant tout le cycle de vie d’un projet de recherche.

Alors que la désinformation est devenue une réalité quotidienne, la capacité de discerner les données erronées des données probantes appuyées par un travail analytique rigoureux devient essentielle. Vraisemblablement, l’utilisateur final n’a pas besoin de comprendre les méthodes de recherche pointues ni leurs nuances techniques. Cependant, se familiariser avec les bases et la logique des techniques de science sociale les plus courantes peut certainement aider à déterminer quelles données sont fiables et utilisables.

Atteindre les objectifs mondiaux

 

Selon des estimations récentes du Groupe de la Banque mondiale, si la tendance se maintient, les deux tiers aux trois quarts des populations les plus pauvres du monde vivront en Afrique d’ici 2030. Pour ces populations en particulier, un nombre important d’objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies ne seront pas atteints.

Bien que de nombreux facteurs puissent ralentir les progrès des ODD, plusieurs citent l’utilisation et l’intégration limitées des résultats de recherche comme un aspect important du problème. Il est généralement admis que la recherche produit continuellement des connaissances importantes et pertinentes, mais que ces données ne sont pas utilisées à leur plein potentiel pour concevoir et mettre en oeuvre de meilleures politiques, ainsi que des interventions qui pourraient éventuellement améliorer les conditions de vie.

Capacité à intégrer des solutions avancées par la recherche

Plusieurs programmes récents se sont penchés sur la capacité d’adoption et d’intégration en Afrique pour boucler la boucle de la recherche, allant de la conception et intégration de la recherche à la production des résultats escomptés sur le terrain. Ceux-ci comprennent l’appel de propositions de la Fondation Hewlett aux institutions africaines de recherche sur les politiques pour accroître l’utilisation des données probantes par le gouvernement et le programme Building Capacity to Use Research Evidence (BCURE) du Department for International Development du Royaume-Uni. Selon l’évaluation finale du programme BCURE en janvier 2018, « l’utilisation de données probantes est essentiellement politique. Elle est souvent limitée dans les pays à revenu faible et intermédiaire par des institutions autoritaires, politisées et fragmentées qui sont entravées par des contraintes financières, la faible expérience technique ou politique des fonctionnaires et le degré élevé de corruption. » [Traduction]

Une leçon importante du projet pilote BCURE, comprenant le Kenya, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, c’est que toute tentative de renforcer la capacité d’utilisation des données probantes devrait promouvoir l’adoption officielle de nouveaux processus, outils, ou pratiques et assurer qu’elle est appuyée et dotée en ressources par des cadres supérieurs pour que les changements de comportement soient durables.

Question centrale pour le CRDI

L’utilisation des résultats de recherche est au coeur de notre travail au CRDI et nous faisons continuellement l’essai de nouvelles idées pour améliorer les conditions de vie des gens.

Par l’intermédiaire de notre réseau d’organisations bénéficiaires de l’Initiative Think tank, nous avons appuyé la formation de centaines de parlementaires, de fonctionnaires analystes, de journalistes et de représentants d’organisations de la société civile. Nous avons également contribué au débat sur les répercussions de la recherche en examinant l’influence de la recherche sur les politiques publiques et le concept de la mise à l’échelle de la science. Ce modèle, qui aide les innovateurs sociaux à surmonter des situations complexes afin d’avoir une incidence positive par la recherche et l’innovation, explore l’idée de la coordination inclusive entre « les personnes qui rendent la mise à l’échelle possible et celles qui sont touchées par les innovations ».

Le contexte et la réalité en constante évolution des pays en développement nécessitent ultimement des approches proactives et continuellement novatrices pour la recherche au service du développement en sciences sociales. Notamment, dans le cas de l’Afrique subsaharienne, une approche systémique qui tient compte de l’économie politique locale et de la capacité d’absorption des données probantes semble réellement prometteuse.

Flaubert Mbiekop est spécialiste de programme principal à l’Initiative Think tank administrée par le CRDI.