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Par: Osée Kamga

La diversité et la complexité du secteur agricole - en raison des nombreux climats, paysages, lois et intervenants que l’on y retrouve - peuvent constituer des obstacles aux discussions mondiales. Ainsi, le sujet est depuis longtemps sous-représenté dans le cadre des négociations mondiales sur le climat menées en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

L’Accord de Paris de 2015 sur le changement climatique a redynamisé la discussion sur l’agriculture en lien avec les changements climatiques en reconnaissant « comme priorité fondamentale la nécessité de sauvegarder la sécurité alimentaire et de mettre fin à la faim et aux vulnérabilités particulières des systèmes de production alimentaire aux effets néfastes du changement climatique ». L’accent croissant mis sur les questions agricoles dans le cadre du processus de la CCNUCC est le résultat des contributions scientifiques et techniques soutenues qui ont été fournies tout au long des négociations par des groupes comme AGNES, une organisation appuyée par le CRDI.

Contribution d’AGNES aux négociations sur le climat et à la mise en oeuvre des politiques

Le groupe AGNES a été créé en 2015 pour fournir aux négociateurs africains sur le climat une expertise scientifique et des renseignements fondés sur des données probantes. De plus, il vise à faciliter l’échange d’idées entre les experts et les négociateurs dans un contexte international. Dans ce contexte, les données scientifiques constituent un outil important qu’utilise AGNES pour éclairer la position africaine commune et unifiée sur les questions liées aux changements climatiques.

Depuis sa création, AGNES a aidé le Groupe africain de négociateurs (GAN) à élaborer et à défendre sa position au moyen de données scientifiques probantes sur les questions sexospécifiques et agricoles. Le GAN est un groupe d’experts en leadership provenant de tous les États membres africains qui représentent le continent dans le cadre des négociations internationales. Il est essentiel que l’Afrique participe à ces discussions et à ces négociations, car le continent dépend grandement de l’agriculture pour l’emploi, la nourriture et les exportations. Par conséquent, il faudra atténuer les conséquences des changements climatiques, comme l’aggravation de l’insécurité alimentaire, la rareté de l’eau, la diminution du rendement des récoltes et la réduction de la productivité du bétail.

Jusqu’à présent, AGNES a joué un rôle important en fournissant des données probantes empiriques pour éclairer les négociations sur les questions liées à l’agriculture et aux sexospécificités. Par exemple, il a aidé les négociateurs africains (en vertu de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique) à préparer leur présentation technique à l’intention de la CCNUCC, laquelle portait sur plusieurs sujets comme l’élaboration de systèmes d’alerte rapide et de plans d’intervention d’urgence en lien avec les phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que les évaluations des vulnérabilités et des risques liés aux systèmes agricoles à partir de différents scénarios de changements climatiques, y compris, mais sans s’y limiter, les ravageurs et les maladies.

Par ailleurs, le Groupe des négociateurs-experts africains (AGNES) a joué un rôle essentiel au cours des négociations lors de la 23e Conférence des parties (CdP23), qui a eu lieu en novembre 2017 à Bonn, en Allemagne. Leur travail a mené à l’adoption de deux initiatives :

  • Le plan de promotion de la parité des sexes, qui reconnaît les effets particuliers des changements climatiques sur les femmes, prévoyait une politique sexospécifique dans tous les aspects de l’adaptation aux changements climatiques ainsi que des activités d’atténuation – la première jamais adoptée dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

  • La plateforme Koronivia joint work on agriculture, pour laquelle on a décidé de demander à l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique ainsi qu’à l’Organe subsidiaire de mise en oeuvre d’aborder conjointement les questions liées à l’agriculture à l’aide d’ateliers, de réunions d’experts et d’autres méthodes. De plus, on a également décidé de demander à ces organes subsidiaires d’établir un lien efficace entre les politiques, la science et la mise en oeuvre.

Un partenariat stratégique

L’une des priorités du CRDI est d’appuyer des solutions qui aident les personnes et les communautés vulnérables à s’adapter aux effets des changements climatiques. Le CRDI aide AGNES à élaborer des stratégies qui aident les pays africains à mettre en oeuvre les contributions déterminées au niveau national, lesquelles établissent les objectifs de la politique sur le climat et définissent les conditions de mise en oeuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. Ce partenariat avec AGNES permet aux scientifiques africains de participer aux discussions internationales sur les changements climatiques. Ils apportent ainsi une précieuse contribution visant à élaborer une position africaine unifiée et fondée sur des données probantes qui éclairera les résultats de la CCNUCC ainsi que les politiques régionales et nationales. De plus, ce partenariat reconnaît que les changements climatiques constituent un problème mondial qui ne pourra pas être réglé efficacement sans une contribution importante des pays du Sud.

En 2019, le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) s’est engagé à renforcer la participation des pays d’Afrique francophone aux négociations sur les changements climatiques et à la mise en oeuvre de l’Accord de Paris. Le Centre soutient des réunions préparatoires du sous-groupe francophone d’AGNES et commande des recherches à des scientifiques francophones pour s’assurer que des considérations régionales précises contribuent à l’élaboration de positions de négociation communes.

Le CRDI investit dans le leadership des femmes dans la lutte contre les changements climatiques en aidant à former des négociatrices francophones d’Afrique afin qu’elles acquièrent les compétences dont elles ont besoin pour influencer les discussions internationales sur le climat. Le Centre s’est associé à Environnement et changements climatiques Canada, au ministère des Affaires étrangères et européennes de la France et à l’Institut de la Francophonie pour le développement durable pour organiser un deuxième atelier dans le cadre du Partenariat franco-canadien pour le climat et l’environnement. L’atelier de 2019 qui a eu lieu à Kigali, au Rwanda, a accueilli 27 négociateurs africains sur les changements climatiques qui ont reçu une formation spécialisée pour renforcer leurs compétences afin d’influencer les discussions internationales sur le climat lors de la CdP25 à Madrid, en Espagne.

Stratégie à long terme d’AGNES

En 2016, le groupe AGNES a commencé à travailler à l’élaboration d’une stratégie à long terme afin d’institutionnaliser ses activités dans les cinq sous-régions de l’Afrique. Depuis ce temps, le groupe a obtenu l’appui de plusieurs organisations internationales. AGNES devrait étendre son expertise au-delà de la sexospécificité et de l’agriculture, c’est-à-dire dans des domaines comme l’adaptation, les finances, le développement et le transfert technologiques, ainsi que les évaluations mondiales. Pour faciliter ces transformations, le CRDI fournira un soutien jusqu’en 2023.

AGNES continuera d’aider le GAN à élaborer une position africaine unifiée et fondée sur des données probantes pour les négociations mondiales, ainsi qu’à soutenir l’UA/NEPAD, les communautés économiques régionales et les États membres de l’Union africaine afin de préparer et de mettre en oeuvre, à l’échelle régionale et nationale, des politiques sur l’agriculture et la sexospécificité qui sont adaptées aux conditions climatiques et fondées sur des données probantes. Actuellement, le principal objectif d’AGNES est d’appuyer les gouvernements africains afin de créer un environnement favorable et des outils pour la mise en oeuvre efficace des contributions déterminées au niveau national, ainsi que pour le renforcement de la capacité des pays africains à accéder à un financement pour la lutte contre les changements climatiques provenant de sources variées, telles que le Fonds vert pour le climat.

« L’engagement stratégique des scientifiques soutenus par le CRDI a permis d’accroître leur influence et leur leadership, ainsi que la reconnaissance des négociateurs africains » fait remarquer Edith Ofwona Adera, spécialiste de programme principal au programme Changements climatiques du CRDI. Le groupe travaille avec des institutions politiques et de recherche de l’Afrique, telles que l’African Centre for Technology Studies et le Forum pour la recherche agricole en Afrique, afin d’assurer l’élaboration de politiques infranationales et nationales visant à relever les défis que posent les changements climatiques pour le continent. Grâce à un soutien croissant et à une expertise accrue, AGNES continuera de jouer un rôle de soutien essentiel pour surmonter ces difficultés, à mesure que les décideurs africains navigueront dans le monde complexe de la diplomatie des changements climatiques.

Image en haut : Sven Torfinn / CRDI